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21 janvier 2005 5 21 /01 /janvier /2005 19:56

06 - Les veilles du Grand Soir, la montée des frustrations de la « fin de l'Histoire »
Télécharger le fichier : 06-Les veilles du Grand Soir.pdf


• M : Avec la chute du mur et du communisme en 1989, nous avons assisté à une véritable hécatombe idéologique ! Tiers-mondisme, socialisme, planification, union de la Gauche, contre-culture, Utopie, autogestion et autres logiques, rien ne survécu ! Le réalisme de crise avait tout emporté sur son passage déferlant, la fascination technologique tout éclipsée et la conversion aux Droits de l’humain tout réfutée ! C’est alors que les Peuples, abasourdis par un pan entier de l’humanité qui s’écroulait après 70 ans de mauvais et fourbes services, se tournèrent vers de nouvelles causes et modes : l’argent, l’entreprise, le réalisme, le commerce extérieur, la croissance, la nouvelle charité et le bon cœur coluchien, la Révolution médiatique, le Top 50 et le rock maître du monde musical ! Une « délicieuse » plongée dans la société individualiste de masse, divisée mais prospère, matérialiste mais mondialiste, prosaïque mais distrayante. Ce fut même une Libération, tant les docteurs de la foi nous avaient lavé la tête de certitudes !

• E : Peut-être, mais à peine nous sortions d’un monde bipolaire relativement stable dans ses forces opposées qui s’annulaient presque, que nous sommes rentrés dans un nouveau monde de violence avec la guerre du Golfe de 1991 !

• M : C’est clair que ce fut une grosse claque, d’autant plus que les Occidentaux avaient magouillé depuis des décennies avec Saddam Hussein pour lui vendre des quantités massives d’armes de destructions (surtout les US, et la France qui lui vendait la moitié de sa production d’armes). Pour ces vendeurs de mort, la guerre du Golfe a été une gigantesque opération de marketing funéraire !

• E : La preuve, les VRP des missiles utilisaient les images filmées des bombardements pour montrer l’efficacité de leurs systèmes de repérage. On était censés assister à une vraie guerre propre, avec ses frappes chirurgicales, mais comme d’hab, sous les bombes on retrouvait toujours les mêmes, les civils qui n’ont rien demandé à personne ! La guerre terminée en vitesse (tellement vite qu’ils ont oublié de renverser Saddam, ou plutôt ils l’ont laissé en place pour qu’il se rachète, en mettant la main au puit de pétrole), tout le monde clamait haut et fort qu’il n’y aurait plus jamais ça, que les complexes militaro-industriels contrôleraient les ventes d’armes (comme si un vendeur allait se donner la peine de vérifier qui achète quoi : la seule morale qui compte à leurs yeux c’est celle d’un S vert barré deux fois). Mais ils n’ont même pas attendu la fin des opérations pour réenclencher la prospection intensive, cette guerre commerciale tout aussi impitoyable que les combats qui étaient tout juste sur le point de cesser ! Les alliés d’hier s’opposaient alors de manière plus féroce, entre les Etats-Unis d’un côté, face aux restes du monde (notamment déjà Chinois) et notamment d’une Europe trop divisée pour ne pas en faire les frais.

• M : Tu m’étonnes, c’était l’époque pas si révolue où il y avait les atlantistes attentistes des nouvelles orientations américaines pour définir une Europe alignée forte, et les continentaux qui concevaient l’Europe comme un agrégat de nations plus individualistes que communautaires !

• E : Oui, mais ça c’était l’air du temps ! Je me rappelle justement qu’avec la nouvelle donne de la mondialisation et de l’internationalisation des échanges, on assistait à la montée des affrontements communautaires, de l’identité nationale ou ethnique. La Chine, les Indes, le Brésil, tous ces pays qui vivaient en autarcie voulaient eux aussi « profiter » du boom économique d’après communisme.

• M : La preuve en est qu’on parlait d’explosion démographique, ce qui sous-entendait bien que l’humanité éclatait, se décomposait, voire mourrait à petit feu de congestion, de surnombre. Vu que tout le monde voulait rattraper son retard en développant ses propres tissus économiques, il n’était plus aussi facile pour les humains de vivre simplement ensemble, comme du temps où les blancs occidentaux étaient tout puissants et faisaient la pluie et le beau temps en imposant leurs conditions.

• E : Du coup, tous les pauvres affluaient vers les villes pour trouver du travail dans leur pays en développement, ce qui faisait grossir les rangs des mégalopoles. Ce qui est bizarre, car ces méga-métropoles sont les lieux où l’on se réfugie le plus volontiers, et où, en même temps, il est le plus terrifiant de vivre !

• M : C’est clair que c’est une illustration démesurément dilatée et caricaturée de l’incapacité des humains à vivre ensemble dans de tels agencements tentaculaires. Surtout quand on sait que l’humain est un monstre hybride, qui tient autant de l’animal politique/social que du loup pour l’humain, avec cette fâcheuse tendance à détruire la société qu’avec les autres il a construite, même si il n’est rien sans elle. En cela, la réponse démographique était loin d’être suffisante à cette grande question du siècle à venir !

• E : Faut dire aussi qu’on était en plein dans un processus d’uniformisation de la planète, de désenchantement mondial, marqué par le triomphe arrogant de la rationalité marchande, de l’économie de marché, et celui plus fragile, de la république de type occidentale.

• M : C’est sûr que partout les traditions anciennes étaient défiées par cette occidentalisation (et surtout américanisation, vu leur impérialisme dont l’Europe divisée faisait aussi les frais) brutale ou diffuse, mais qui était le plus souvent perçue comme une agression !

• E : C’est évident que face à ça, en réaction autant qu’en opposition radicale avec cette logique d’uniformisation, allaient se manifester avec une prodigieuse vigueur des Résistances
« différentialistes » : résurgences des nations à l’Est, revendications identitaires dans le tiers-monde, progrès du fondamentalisme religieux.

• M : Pareil pour les pays développés d’ailleurs ! Eux aussi assistaient à des dérives communautaristes, aux replis ethniques, aux revendications régionalistes, religieuses ou tribales, qui témoignaient de la peur du vide habitant les républiques ! Il faut dire que, même si l’identité culturelle ne s’oppose ni aux valeurs universelles ni aux contacts cosmopolites, elle vient de la déculturation qu’on subit à l’intérieur même de la société : la culture se meurt lorsque la vie se trouve partagée entre une semaine de travail où seule compte l’efficacité, et des heures de loisirs pendant lesquelles on se repose et on consomme de la distraction futile ! La culture se meurt aussi lorsque la vie des individus se trouve, par la force des mutations sociales, coupée des traditions, et qu’elle tourne le dos à une école dont la finalité est devenue obscure. Pour nos parents c’était encore simple : plus tu bosses à l’école, mieux tu réussiras dans la vie ; des concepts qui ont clairement changé avec la compétition à outrance. A présent, il fallait être plus fort que l’autre et lui marcher dessus si il y avait des possibilités d’ascension sociale à prendre ! Cet égarement n’était pas définitif, mais il allait durer longtemps !

• E : Très juste, mais il faut expliquer aussi pourquoi les gens étaient aussi perdus : les intellectuels et autres têtes pensantes mettaient la même ardeur suspecte à nier l’universel qu’ils mettaient, il y a encore peu, à l’affirmer (tout dépend d’où ces valeurs venaient, si c’était l’Europe alors c’était « bon », si ça venait d’Amériques ou d’ailleurs alors c’était « caca »).

• M : C’est sûr qu’on était privé des idéologies qui passaient pour indispensables à notre santé intellectuelle et surtout morale ! On était exposés, sans défense, à tous les démons qui nous menaçaient : xénophobie, chauvinisme (spécialité bien française), intégrisme, fondamentalisme. Notre ennemi, alors que le communisme avait disparu, était devenu l’Autre, tous les autres ! C’est pour ça que Le Pen faisait trembler le monde politique avec sa perspective de forte poussée aux régionales de 1992. Surtout qu’en plus, jamais les Français n’avaient eu si peu envie de voter (énorme doute, pesant sur les capacités de la politique à changer le monde, qui démobilise les Citoyens) alors que jamais la situation n’avait autant réclamé qu’il le fasse, car s’abstenir, c’est voter le borgne facho !

• E : Il savait y faire, sachant mobiliser les foules non pas avec des idées mais avec des mythes : il surfait sur la frustration de la petite bourgeoisie (si volatile, tantôt pro-Révolution – aucune ne peut durablement se faire sans cette classe, tantôt ultra-réac) ainsi que sur les réactions contre le métissage et la babélisation de nos sociétés (qui avaient pourtant cessées d’être blanches comme neige il y a bien longtemps déjà).

• M : D’autant plus que l’Europe cherchait à se redéfinir en lançant le traité de Maastricht, qui allait donner plus de pouvoirs à la Communauté européenne qu’aux états ! Au moment où trop d’ensembles se disloquaient, sa construction, déjà lente, ne devait ni s’arrêter ni être retardée. L’Europe portait en elle le germe de la Paix, de la Fraternité, de la « prospérité » pour les Peuples, même si le traité de Maastricht comportait lui plus d’aspects purement économiques que sociaux (comme la construction européenne depuis le traité de Rome en 1957 : l’économie d’abord, le social on verra ça après ; et ça durait depuis 50 ans).

• E : Là aussi, on a vu tous les nationalismes de bas étages refaire surface ! Surtout la France pour qui c’était une Révolution de lâcher un peu de son pouvoir ; elle qui avait toujours été ultra centralisée, avait concédé un peu de Libertés aux régions en décentralisant un peu avec Gaston Deferre en 1982, maintenant elle devait remettre une plus grosse partie de ses prérogatives dans des mains étrangères (vieille peur du complot international datant de 1789).

• M : Pour autant, les mains françaises n’étaient pas plus propres et le premier ministre Bérégovoy marchait la tête basse ! Il avait contracté un prêt sans intérêts (même si il n’y a rien d’illégal à cela) d’un million de francs à Roger Patrice Pelat, encore un pote peu fréquentable mais très fréquenté de Mitterrand. Il avait tardé à rendre la somme et les médias se sont déchaînés sur lui, livré en pâture à cette meute de chien. En réalité, il payait le prix fort (suicide avec l’arme de son garde du corps) du système de l’argent gris, adopté et amplifié par les élites (notamment socialistes) des années 80, concept ni tout à fait légitime ni tout à fait condamnable. Alors que les juges voulaient clarifier tout cela, les élites avaient cru que leur situation au sommet du pouvoir et du prestige médiatique les protégerait de tout. Mais la lumière des projecteurs avait longtemps brouillé les regards des curieux, à présent elle les aiguisait !

• E : Je me souviens, c’est à ce moment-là que Chirac a joué sa dernière carte (après trois tentatives présidentielles ratées, il devait se ménager et assurer pour 1995) ! Il se présentait comme Monsieur Propre (on ne connaissait pas encore les nombreuses affaires de sa mairie de Paris) et a réussi à tout rafler : la majorité à l’assemblée nationale, la tête de son parti (le RPR) à savoir le nettement plus puissant de la droite, et le poste de premier ministre.

• M : Qu’il déclina ! Il avait déjà été plusieurs fois premier ministre, et il savait que c’était loin d’être une partie de plaisir ! Il préféra envoyer au casse-pipe son camarade de trente ans, Balladur. Il ne restait plus à Chirac qu’à attendre patiemment les prochaines élections présidentielles, dans 2 ans !

• E : Combien ???

• M : Deux ans !!!

• E : Putain, 2 ans à regarder tous ses potes bosser et lui attendre tranquillement que les bulletins de vote viennent à lui, vu que Balladur avait été clair : il ne se présenterait jamais à une élection présidentielle !

• M : C’est là aussi où on voit pour la première fois sous les spot-lights Sarkozy l’ambitieux. Le jeune député-maire de Neuilly accède à ses premières responsabilités gouvernementales en 1993, lorsque Edouard Balladur le propulse ministre du budget.

• E : Et il le sortait d’où, cette petite crotte ?

• M : Ce fils d'un immigré hongrois n'a pas vingt ans quand il assiste à son premier meeting politique, celui de Jacques Chaban-Delmas, candidat gaulliste à l'élection présidentielle de 1974. Il vient ensuite gonfler les rangs du RPR (le parti créé par Jacques Chirac en 1976). Il y est rapidement repéré, en particulier par Charles Pasqua, qui sera témoin à son premier mariage, et Achille Peretti, le maire de Neuilly, qui le fait entrer au conseil municipal. En 1983, Achille Peretti meurt. Pour sa succession, Nicolas Sarkozy décide alors de faire campagne pour son propre compte et – première trahison – de doubler l'héritier désigné, son ami Charles Pasqua. En quelques jours, il convainc les conseillers municipaux de voter pour lui et remporte la mairie de Neuilly. Maire de cette commune huppée, il y fait la connaissance de grands patrons comme Martin Bouygues, dont le groupe possède TF1 ou Bernard Arnaud, patron de LVMH. Il y rencontre aussi le présentateur de télévision Jacques Martin, et surtout la femme de celui-ci, Cécilia. Nicolas Sarkozy tombe éperdument amoureux de cette jeune femme qu'il épousera en 1996.

• E : D’accord, je vois déjà nettement mieux le genre du futur jeune loup avec les dents qui raillent le parquet ! Et ça a donné quoi avec Balla-mou ?

• M : Justement non, il était plus coriace que ce qu’il paraissait ! Il me semble que le « début de l’Histoire » avec le capitalisme triomphant s’est véritablement envenimé en France avec la décision de Balladur de désynchroniser les retraites du privé et du public.

• E : Je vois le genre, encore diviser pour mieux régner ! Tout ça pour mieux faire passer la pilule du travailler plus pour le même prix !!!

• M : Exactement ! Alors qu’auparavant les deux secteurs avaient la retraite après 37,5 annuités, cette loi a obligé les travailleurs du privé à accumuler 40 annuités, avec un calcul des pensions sur la base des 25 meilleures années au lieu des 10 et une revalorisation des pensions en fonction de l’évolution des prix et non plus des salaires.

• E : Et alors ?

• M : Du coup les salariés du privé subissaient une perte de 20% sur leur pension. Surtout, là où c’était démago et anti-sociale, c’est que depuis les Trente Glorieuses la productivité n’avait cessé d’augmenter par la mécanisation des procédés, tout autant que par les licenciements dus aux délocalisations. Résultat : les entreprises dégageaient plus de marge, les salaires ayant peu évolué, et tous ces bénéfices supplémentaires allaient engraisser la part du capital plutôt que celle du travail. Il ne fallait donc pas s’étonner que les assurances retraites soient déficitaires.

• E : D’accord, en fait on a crée artificiellement un trou dans les caisses en n’augmentant ni les salaires (donc les cotisations) ni les prélèvements (alors que les entreprises faisaient plus de bénéfices) et l’état a dit que c’était aux employés de payer tout ceci en travaillant plus.

• M : Eh oui ! L’état n’a jamais été aux côtés des producteurs/ouvriers, mais toujours des investisseurs/capitalistes. Et quand l’état avec Juppé a voulu faire raquer ses propres employés, qui défendaient leurs sœurs et frères du privé en démystifiant le déclin programmé des assurances de retraite (alors qu’elles avaient été mises en place au sortir de la seconde guerre mondiale, là où le pays était ruiné et dévasté), la pilule est restée en travers de la gorge. Bien sûr, ces fonctionnaires défendaient leurs avantages (et non privilèges, qui sont réservés à une élite), mais ils Luttaient aussi pour que tout le monde revienne à avant la loi de Balladur et qu’on pose enfin les vraies questions de la répartition des richesses pour financer les systèmes.

• E : Ils avaient bien compris que leur employeur, puissant mais radin comme ce n’est pas permis et loin de donner le bon exemple, voulait les enfler comme il l’avait fait avec ceux du privé. Ces derniers aussi avaient compris à ce moment-là qu’ils n’étaient décidemment que de la chair à biftons, mais ils ne pouvaient que difficilement faire la grève ou manifester leur mécontentement car en cette période de chômage il était inopportun de jouer son emploi « sur un coup de gueule ».

• M : C’est que (comme toujours) l’état jouait sur la corde très sensible des différences entre public et privé, entre ceux que l’on disait être des privilégiés (alors qu’avoir l’état comme employeur c’est le pire des moindres maux) et ceux qui trimaient pour
« engraisser » les autres. Les gouvernements ont toujours misé sur les antagonismes de situation, entre les salariés et les fonctionnaires, les villes et les campagnes, les régions riches et pauvres. Les syndicats avaient bougé bien sûr, mais avec un taux de syndicalisation le plus bas d’Europe, ils ne pouvaient pas vraiment faire bouger les choses. Ils se sont rattrapés en 1995 avec Juppé, quelques mois après l’élection de Chirac.

• E : Justement, comment il a fait pour être élu celui-là ? C’est quand même l’un des plus gros escrocs que la classe politique ait connus !

• M : Il y en a eu d’autres, mais c’est vrai que lui avec sa place de maire de Paris durant presque 30 ans, il s’en était mis plein le compte en banque et la panse (frais de bouche énormes, de quoi nourrir plusieurs restos du cœur pendant plusieurs saisons). Alors que quelques mois avant l’élection plus personne ne voulait de Chirac, ni dans le pays, ni dans le parti qu’il avait créé de toute pièce, le premier ministre décide de le défier dans la course à l'élection présidentielle de 1995, et Nicolas Sarkozy se lance à ses côtés, trahissant Chirac son maître spirituel, car il s'imaginait déjà premier ministre (comme Edouard se voyait déjà, trop, président). Chirac a été élu sur le fil, contre son « vieille ami de trente ans » Edouard et son infidèle lèche-bottes Sarko (qui est passé à l’ennemi au goitre en voyant que son mentor menteur n’arriverait jamais à être président, car on dit jamais trois échecs sans quatre), parce qu’il pouvait être un président sympa (et surtout parce que Balladur venait de se frotter et de se faire piquer par la jeunesse, opposée au SMIC Jeune du CIP) ! Mangez des pommes et réduisons la fracture sociale, c’est quand même plus « enthousiasmant » (même si ça n’a rien à voir avec un programme politique, d’autant plus qu’il avait deux ans pour se préparer) qu’un premier ministre pince sans rire (« je vous demande de vous arrêter », lors de la soirée électorale, devant ses militants qui manifestaient leur soutien) ou qu’un premier secrétaire du PS Jospin tout mou, sous tutelle du monarque Mitterrand pendant 14 ans au pouvoir et maître du PS depuis son coup de parti au congrès d’Epinay sur Seine en 1971. De toute façon, la gauche était morte avec le second mandat de Mitterrand, où il avait réagi de manière maladroite ou cynique aux scandales politico-financiers (affaire Urba), s’était rallié au culte de l’argent (normal, entre roi on se comprend) et voulait plaire, malgré les avertissements, au Wall Street Journal. La gauche était désarçonnée et abattue alors que la figure mitterrandienne du guide mystérieux et indispensable s’effaçait avec son créateur.

• E : Ah ça, c’est sûr qu’en face, le coup de la réduction de la fracture sociale, c’était un sacré bon coup de communicant (De Villepin, le poète pouet) ! Même si Chirac a tout foutu en l’air (il ne sait jamais se préserver sur la durée, mais il sait très bien rattraper son coup) en reprenant les essais nucléaires à Mururoa (alors que tout le monde avait arrêté ce genre de connerie) 10 ans après que la France ait coulé le Rainbow Warrior de Greenpeace (faisant un mort, « bravo » pour l’éthique, l’efficacité et la discrétion des services secrets) et en pleine commémorations du cinquantenaire de l’attaque nucléaire sur Hiroshima (et n’oublions pas l’autre grande oubliée de la dévastation atomique américaine : Nagasaki).

• M : C’est sûr que ce n’était pas malin du tout.

• E : Tout comme il allait faire sauter Juppé en allant à contresens de ses « engagements » pour réduire le gouffre de classe (la fracture sociale n’étant que la partie émergée de l’iceberg politico-économico-sociétal). Quatre mois après sa nomination, Juppé annonça un plan de réforme de la Sécurité sociale et d'alignement de l'ensemble des régimes particuliers (fonctionnaires, régimes spéciaux) sur le régime général des retraites. Les cheminots se mirent en grève et leur mouvement fut rejoint par les employés des transports publics urbains, d'EDF, de La Poste, de France Télécom, par les enseignants et des salariés du privé. Le pays était quasi immobilisé pendant un mois. Comme d’hab Chirac a toujours les mots mais jamais de vraies propositions (sans même parler de solutions) pour résoudre ces maux récurrents !

• M : D’autant plus qu’il est mal entouré ! En 1997, croyant pouvoir donner un second souffle au premier ministre, sur lequel se cristallise le mécontentement, et renforcer sa majorité jusqu’aux élections présidentielles de 2002 (sur les « bons » conseils de De Villepin, fidèle parmi les fidèles), il dissout l’assemblée nationale et se prend une énorme claque électorale. Après une campagne éclaire, la gauche plurielle, emmenée par Lionel Jospin, remporte les élections et rafle un grand nombre de sièges et Chirac, pour la première fois président, n’aura eu pleinement le pouvoir que deux années (même si dès le départ ça partait en couille avec le ton intransigeant de Juppé et son balai dans le cul).

• E : Bien joué les « stratèges », ça vous apprendra à jouer avec la Démocratie à des fins bassement politiciennes ! Ce qui n’était pas plus mal pour nous car Jospin était supposé avoir eu le temps de préparer un programme un peu plus motivé, même si il ne pensait pas pour autant revenir aussi vite et en fut donc surpris au milieu de son brouillon politique. Pour trouver de vraies idées, la solution la plus simple pour lui était de constituer une gauche plurielle, avec des verts et des rouges.

• M : Et c’est vrai qu’ils ont montré qu’ils pouvaient encore faire la différence avec les partis de droite, en mettant en place les 35 heures (alors que les Français n’avaient rien demandé, mais pour une bonne nouvelle, c’était une bonne nouvelle). Il est vrai pour autant aussi que les 35 heures ont été faites n’importe comment, et que si on avait voulu les faire mort-nées on n’aurait pas fait autrement. Plutôt que de créer des emplois (quand on ne veut pas sortir l’argent pour les financer, rien ne se fait), ça a soit forcé les gens à bosser plus pour faire le même travail en moins de temps (donc ça crée du stress), soit ça a fait fermer les bureaux plus tôt (surtout chez les fonctionnaires, mais aussi dans les banques) ce qui était d’autant plus énervant pour les Français que les horaires d’ouverture devaient rester les mêmes et que la loi devait favoriser l’emploi de gens en plus pour assurer la continuité de services.

• E : Ils ont quand même crée aussi les emplois-jeunes, même si c’était une solution transitoire qui devait durer car le travail ne se finance pas d’un coup de baguette magique. Du travail ce n’était pas ce qu’il manquait, mais il n’y avait pas l’argent pour le financer !

• M : Oui enfin, l’argent était là mais on ne voulait pas rogner sur ses marges sous la pression des actionnaires et l’état devait calmer ses dépenses pour ne pas accentuer encore plus le poids de la dette publique (alors que les élites vivaient dans le faste républicain qui coûte la peau du cul) ! La preuve en est que nombres d’entreprises, à l’approche de la promulgation de la loi sur les 35 heures, ont vite tenté de négocier des accords. L’objectif était de mieux contrôler les temps de travail de chacun (donc leur productivité/rentabilité) et d’inciter les salariés à prendre des jours de repos plutôt que de leur payer des heures supplémentaires.

• E : Ce qui était tout bénéf pour les entreprises, car les employés faisaient une pause bien méritée, et cela ne coûtait rien à part du temps (qui est de l’argent, mais qu’on ne perçoit pas pareil quand on doit mettre la main à la poche).

• M : Surtout que la pression venait bien sûr de l’inspection du travail et des syndicats, mais aussi et surtout des employés : pourquoi se casser le cul au boulot si on n’est pas à l’abri des plans sociaux, et quand même des fonctions/responsabilités élevées ne donnent plus de protection ? Tous ces employés qui ont joué le jeu de la productivité/rentabilité pour « sauvegarder » leurs emplois (surtout les marges des entreprises), s’étaient défoncés au boulot (au propre comme au figuré, les drogues servant à tenir le coup), tout ça pour des semaines surchargées et des salaires au forfait qui ne tenaient pas compte des heures supplémentaires ! Même les cadres n’en pouvaient plus et accueillaient les bras ouverts cette nouvelle loi d’Emancipation Sociale.

• M : Pour sûr, le capitalisme triomphant se comportait décidemment comme le dernier des mohicans des systèmes économiques (et politiques). Se sachant (plutôt croyant) intouchable à présent que le communisme était mort et enterré de part ses tragédies du passé, il laissait libre court à ses plus bas instincts : le règne de la finance absolue avait sonné ! Désormais c’était aux employés de supporter les risques qu’encourent les entreprises et les patrons.

• E : Pfff, ouais. Ces financiers s’introduisaient par effraction capitalistique ou boursière avec la calculatrice entre les dents, souvent sous couvert de partenariat mais plus clairement comme prise de pouvoir ou d’influence par l’argent. Eux, les humains ils s’en foutaient, tout ce qu’ils voyaient c’était la rentabilité à court terme.

• M : Et oui, c’est bien triste mais ils ne percevaient les femmes et les hommes que comme des salaires à cost-killeriser, pas comme des énergies et créateurs de valeurs, synonymes de richesse. Du coup, au moindre problème d’insuffisance de bénéfices, c’était les employés qui payaient le prix fort plutôt que de se poser les vrais problèmes d’organisation ou d’opportunité de telle ou telle action ou orientation stratégique. Dans le même registre d’abstraction (géographique cette fois), le capitalisme victorieux n’avait pas attendu pour se délocaliser en masse.

• E : C’est sûr que c’est vraiment avec la chute du Mur et la montée en puissance de l’ouverture des marchés des anciens pays communistes ou socialisants, que l’on a vu nombres d’entreprises partir vers un nouvel esclavagisme économique dans des pays où la main d’œuvre était presque gratuite et corvéable à merci !

• M : Justement, un bon exemple en est l’Argentine ! Alors que ce pays était plutôt prospère, comparé aux autres d’Amérique Latine, il fut frappé de plein fouet par les soubresauts économiques. En 1995, après la crise de la tequila, le Mexique dévalua sa monnaie, et le même phénomène se produisit au Brésil en 1998. Cela eut pour conséquence de baisser les prix des produits de ces deux pays permettant aux exportateurs mexicains et brésiliens de gagner des parts de marché au détriment des entreprises argentines. Ce qui eut des conséquences désastreuses pour les secteurs économiques argentins orientés vers l'exportation. De plus, certaines entreprises argentines et certains groupes multinationaux délocalisèrent leur production au Brésil, ce qui poussa encore le taux de chômage vers le haut. En outre, la vague de privatisation du début des années 90 mena à une situation où des pans entiers de l'économie de l'Argentine étaient détenus par des investisseurs étrangers. Ceci exposait le pays à la spéculation et à la fuite des capitaux, phénomène qui contribua de manière significative à la crise bancaire en 2001.

• E : Argent roi, quand tu nous tiens … par les couilles !

• M : C’est bien pour ça que la conférence de Seattle de 1999 a due plier devant la mobilisation des altermondialistes, et c’était une première !

• E : Je me rappelle de ça, ça m’avait toute retourné. Faut dire que, comme d’hab, les médias (et une partie de ceux de Gauche) balançaient des leçons condescendantes à ces Révoltés, mais quand le vent à tourné en faveur des petites gens, tout le monde a salué ce tournant décisif depuis la chute du mur.

• M : Beaucoup qualifiaient cette mobilisation de mauvais combat (car bien sûr la mondialisation n’est pas mauvaise en soi, au contraire, mais c’est ce qu’on en fait qui peut être nuisible pour les Peuples, souvent davantage les plus défavorisés), comme si le fait de ne pas accepter le monde tel qu’il était désignait des suspects. Comme si vouloir le changer valait condamnation.

• E : C’est en parti parce qu’avant ils s’appelaient mouvement antimondialisation, alors qu’ils étaient sûrement plus mondialisés que leurs adversaires, fonctionnant en réseau à l’échelle planétaire, réunissant toutes les tribus et nations, demandant des échanges équitables et exigeant l’application mondiale d’une philosophie des Droits de l’humain radicalisée !

• M : Il y avait même José Bové là-bas, histoire de défendre ses fromages de Roquefort, que les Ricains voulaient boycottés pour protester contre l’interdiction des importations de viande bovine élevée aux hormones.

• E : En fait, c’était vraiment une communion des problématiques nationales, dans le cadre d’une « terre-patrie » (ou village planétaire) qui nourrissait l’espoir d’une nouvelle mondialisation, celle de la civilisation, de la culture, de la Citoyenneté, bref celle des humains plutôt que celle du travail mort, das Kapital. Un monde nouveau pointait son nez grâce aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication.

• M : Oui, enfin Internet n’était pas tout récent non plus. Je l’ai vu arriver petit à petit dans nos ordinateurs. Ça faisait quand même déjà une trentaine d’années que les militaires US l’avaient développé pour assurer les télécommunications même en cas de destruction de plusieurs centrales téléphoniques. Ensuite c’est les scientifiques qui ont récupéré le bébé pour interconnecter les universités et partager de l’information. Même si jusqu’à Al Gore (vice-président américain en 1992), il faut dire que cet outil d’échange était lent, peu ergonomique et compliqué.

• E : C’est clair qu’il fallait être spécialiste. Et c’est vrai que, parce que Al Gore voulait souffler le savoir-faire technologique aux Nippons qui étaient menaçants en électronique, c’est les Américains qui ont vraiment lancé le super réseau de communication en fibres optiques et ouvert la voie aux autoroutes de l’information. Ensuite, c’est véritablement le protocole d’échange hypertexte d’informations World Wide Web (www : toile d’araignée large mondiale) et encore plus le premier navigateur Mosaïc (futur Navigator de Netscape dont d’écouleront Mozilla puis Firefox) qui ont simplifié l’accès et l’utilisation d’Internet. Le réseau des réseaux s’ouvrait à tous, dans le monde entier, pour un prix modique.

• M : C’est sûr que ce vaste réseau, ouvert à un large public dans le monde entier, ne promettait pas moins que de bousculer l’économie mondiale. Il allait chambouler les chaînes de valeurs définissant les coûts d’un produit ou service, les modèles économiques, les structures de distribution, les hiérarchies, s’affranchir des frontières et des droits de douane. Le village mondial convivial allait malheureusement aussi devenir un marché planétaire ultraconcurrentiel et sauvage, où les jeunes loups « barbares » allaient supplanter la vieille garde des
« empereurs » de l’ancienne économie.

• E : Oui, mais ça allait aussi éliminer les distributeurs intermédiaires qui ne faisaient pas grand-chose si ce n’est acheter en gros pour revendre au détail (comme les dealers), redonner le pouvoir de négociation aux consommateurs via les achats groupés, s’affranchir des majors dans le cadre des musiciens et des auditeurs.

• M : Plus encore, le net était Libre et Gratuit : il ouvrait la voie à des pans entiers de l’économie qui ne seraient plus marchandisables ! L’information et la presse devenaient gratuites et facilement consultables, la communication s’affranchissait des contraintes matérielles et pécuniaires par le biais de la dématérialisation (email sans timbre ni enveloppe, voix sur Ip).

• E : Yep, de même que la culture ! Même si le piratage en tant que tel ne peut pas être tolérable pour la survie des artistes et la pérennité de la création, il aura au moins permis au plus grand nombre de se culturer et de voir la vie autrement.

• M : Certes, mais par rapport à la légitimité du piratage, on disait déjà à l’époque de la cassette (vidéo et audio) qu’elle allait tuer le marché artistique. Le problème n’est pas la technologie, car lorsqu’elle permet de faire une chose (enregistrer et faire partager), les gens utilisent ces nouvelles possibilités. C’est aux industriels de s’adapter : il faut que les fabricants s’entendent avec les producteurs pour que cette mutation ne lèse personne, à commencer par les artistes. Dans le cas présent, les zicos voyaient plus de monde venir à leurs concerts car leur son tournait d’oreille à oreille (comme avec la radio mais à la puissance infinie), idem pour les films car on en entendait parler et on allait les voir au cinéma car c’est quand même autre chose que derrière son écran avec un court/moyen/long métrage « médiocrement » filmé en cachette.

• E : Oui, et ça posait la vraie question de la juste rémunération des créateurs, au dépend des spéculateurs de la vue et de l’ouïe qui lobotomisaient depuis trop longtemps nos sens avec leurs productions de dobes à prix exorbitant. Eux se faisaient des couilles en or au mépris des vrais créateurs de valeur à qui l’on jetait quelques maigres pourcents. C’était vraiment honteux de voir ces mégastructures s’engraisser sur le dos de si nombreux artistes à moitié crève la faim. Dorénavant les créateurs s’autoproduiraient à leur seul profit !

• M : Mais en politique, aussi nous avions du pas joli-joli ! Le 22 septembre 2000, Le Monde publiait la confession posthume de Jean-Claude Méry, promoteur et financier occulte du RPR. L'homme y décrit le trucage des marchés publics parisiens et le circuit de financement politique qu'il alimentait. Il accuse Jacques Chirac, à l’époque maire de Paris, d'avoir été au cœur du système. En 2001 et en 2002, le chef de l'état est à nouveau mis en cause dans l'affaire des HLM de Paris, pour des voyages effectués par lui et ses proches, et payés en liquide, et pour les « frais de bouche » considérables du couple Chirac à la mairie de Paris.

• E : En plus, ça tombait mal car on discutait justement à ce moment-là d’une loi sur le quinquennat. Afin, notamment, de réduire les risques de cohabitation, Valéry Giscard d'Estaing, soutenu par le premier ministre Jospin, proposa de porter de sept à cinq ans le mandat présidentiel. D'abord réticent (normal, puisqu’il n’avait réellement fait qu’un deuxennat, avec Juppé), le chef de l'état se rallia sans enthousiasme à cette réforme, adoptée par un référendum marqué par une abstention record (68,79 %). Il fallait s’y attendre, puisque pour une fois qu’on demandait son avis au Peuple, c’était pour une question qui était déjà quasi tranchée (sinon on ne fait pas de référendum, pas fous les gonzes).

• M : Avec toutes ces affaires, on pouvait légitimement penser que la droite allait se prendre une énorme claque électorale aux municipales de mars 2001. Et bien non, même pas (faut dire que la gauche n’avait pas fait beaucoup mieux, avec l’affaire Elf qui mouillait Roland Dumas – du conseil constitutionnel, alors que la putain de la république, son escort-girl, pouvait faire sauter 10 fois les élites en place, de tout bord) ! La droite perd Paris et Lyon, mais elle garde Toulouse et gagne quarante villes de plus de 15 000 habitants. Pour la gauche plurielle, c'est une lourde défaite : Strasbourg, Avignon, Blois, Rouen, Orléans, Saint-Brieuc, Aix-en-Provence, Nîmes et Tarbes basculent à droite. Pourquoi ? Notamment parce que la gauche a parachuté ses élites parisiennes en province, mais aussi parce que le PS reconnaissait enfin ne plus être à proprement parler un parti de gauche, socialiste !

• E : Tu m’étonnes que le parti n’ait plus rien de réformiste (alors que c’était clair qu’il n’était pas du tout Révolutionnaire). Il faut dire que Jospin n’avait rien fait de spécial pour que toute la lumière soit faite sur les affaires frauduleuses liées à la mairie chiraquienne de Paris (normal, car que celui qui n’a jamais fauté, ou qui compte de telles personnes au sein de son propre parti, jette la première pierre). Du coup, en octobre 2001, la Cour de cassation rend un arrêt historique qui met Jacques Chirac à l'abri de toute poursuite judiciaire. La haute juridiction estimait que le chef de l'état « ne peut, pendant la durée de son mandat, être entendu comme témoin assisté ni être mis en examen, cité ou renvoyé pour une infraction quelconque devant une juridiction pénale de droit commun ».

• M : Chichi et JoJo se sont clairement entendu pour ne pas jeter de l’huile sur le feu, et éviter de faire resurgir (des deux côtés de l’hémicycle) les vieilles affaires de corruption liées au financement des partis, de tous les partis (sauf Le Pen, qui lui héritait directement des vieilles bourges restées bloquées aux « grandes heures » de Vichy, cf. son château offert à St Cloud). Pour en revenir à l’Internationale, le monde reçu un nouveau coup de semonce avec la mobilisation altermondialiste de Gênes, en 2001 en Italie, où il fut donné un coup d’arrêt au capitalisme triomphant en martelant la fin de son arrogance et de sa toute-puissance !
• E : C’est clair que ça pulsait bien là-bas ! Même si Berlusconi, comme d’autres à toutes les époques, tenta de dénigrer le mouvement en envoyant des policiers en civil pour casser et attiser les violences (écrasant par deux fois, un coup en avant, un en arrière, un jeune simplement muni d’un extincteur).

• M : Par contre, à la différence des mouvements du passé, il était impossible dans ce cas d’attribuer à Gênes des critères de classe. Les prolos étaient plus à chercher du côté des flics que du côté des Contestataires. Mais bon, les Révolutions occidentales ont toujours eu pour point de départ la bourgeoisie intellectuelle. Malheureusement, il y avait plus de bons mots d’ordre ou tout simplement des signes de reconnaissance, que des objectifs politiques clairement définis. La vraie question était de connaître la cohérence du mouvement et de son avenir ! Pour en revenir au pays, si la France déclinait (plus moralement qu’autre chose), c’est bien parce qu’elle restait le cul entre deux chaises : le système n’avait pas fondamentalement évolué depuis la fin de la seconde guerre mondiale, repoussant sans cesse les réformes d’ampleur à la St Glinglin, alors que le troisième millénaire et la chute du Mur exigeaient des positions fortes. Mais en proie à la crise de la représentativité, à l’archaïsme de l’état, au doute sur l’avenir européen, à l’arrogance de la finance, à la prolétarisation des employés (précarisation en CDD ou intérim, dédain du matériau humain), la France avançait à reculons vers l’abattoir de la « modernité ». Des réformes, voire des changements radicaux, oui évidemment, mais pas n’importe quoi/comment et à quel prix !


• E : Racontes moi alors ce qui a vraiment déclenché l'Insurrection Populaire !

• M : Le facteur déclencheur fut les élections présidentielles de 2007 ! C'était d'ores et déjà écrit que ce vote aurait de grandes implications, surtout après l'arnaque démocratique que nous avions eu à subir en 2002.

• E : Mais pourquoi ça a pété à ce moment-là ?

• M : Et pourquoi pas ? Une Révolution ne se prévoit pas, sinon ça s'appelle de la manipulation de masse ! Ici, c'était plutôt la goutte d'eau qui faisait déborder le vase, alors même que celui-ci avait été agrandi par le Peuple lui-même à plusieurs reprises en se disant, on serre les fesses aujourd'hui, ça ira mieux demain !

• E : Mais à présent vous aviez atteint le point de non retour !!!

• M : Exactement ! Chirac n'avait plus aucune crédibilité (escroc qui à la fin de son mandat en 2002 devait aller en taule, seul président ayant obtenu moins de 20% au premier tour d'une élection où il était candidat sortant, repêché sur un score digne d'un dictateur – 80% – face au péril de l'extrême droite) car malgré son élection cafouilleuse il se comportait en président-roi avec un programme de droite dure alors qu'il fut élu avec 40% des voix de gauche. Celle-ci était amorphe car déchirée depuis ce fameux 21 avril 2002 (où elle fut éliminée dès le 1er tour pour ne pas avoir fait mettre Chirac en accusation, Jospin s'étant arrangé avec lui pour préserver les intérêts de l'état dont il pensait reprendre les rennes) et toujours en ruine avec l'opposition entre les chefs pour le Oui à la Constitution et la base plutôt branchée Non (mais alors accusée par la direction du parti de prendre le risque de tuer l'espoir européen). Les Le Pen (père et fille) représentaient un danger « minime » (tout de même 20% de l'électorat) car le Front National était pris dans une spirale infernale de post-héritage des rennes du parti (Gollnisch le fidèle « intellectuel », balayé au profit de la fille du borgne). Le risque le plus sérieux était Sarkozy !!!

• E : A bon, pourquoi ? Même si je ne l'aime pas, il avait l'air de plaire aux gens.

• M : C'est bien ça le problème : il était ultra démago ! Il avait la fibre d'un Napoléon, d'un Mac-Mahon, d'un De Gaulle, (voire d'un Boulanger ou Poujade), tous ces hommes que la France rétrograde a appelée à son chevet (où qu'on lui a imposé de manière subtile) pour casser les Emancipations qui allaient trop loin, pour faire rentrer le pays dans l'ordre (celui d'avant la Révolution, l'ordre conservateur, celui des possédants et privilégiés). La preuve c'est que Sarko était plébiscité par les électeurs du Front National. Si la Révolution devait échouer, nous savions déjà que la contre-Révolution serait d'autant plus féroce avec les deux frères Sarko (Nicolas pour diriger la France politique et Guillaume, l'aîné second du Medef, pour presser la productivité de la France économique) ! Malheureusement, à gauche ce n'était pas beaucoup plus enthousiasmant !!! Le Peuple ne pouvait désormais plus que compter sur lui-même, sans attendre d'hypothétiques changements profonds avec l'élection présidentielle de 2007. Nous avions trop été déçus par cette campagne effrénée et tous ces discours promotionnels !

• E : C'est sûr que c'était pas forcément la panacée, mais il devait quand même y avoir de bons petits gars non ?

• M : Les gauchos de tous bords n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur une alternative crédible à la droite. L'extrême gauche se battait comme des chiffonniers pour savoir qui pourrait « capitaliser » sur les insatisfactions exprimées lors du Non à la Constitution européenne, chacun voyant midi à sa porte et s'estimant le vrai sauveur du Peuple. Au PS, tout le monde s'était tiré la bourre pour se positionner en vue du choix du candidat le mieux placé pour battre la droite en 2007. C'était un vrai concours de communication-marketing politique et de lobbying auprès des fédés. Seule émergeait de la mêlée Ségolène Royal, compagne du secrétaire général du parti, vite renvoyée dans ses foyers par des hommes politiques plus machistes que jamais (ils n'allaient quand même pas se laisser emmerder par une faible femme, même si des pays très misogynes s'étaient laissés tenter, séduits autant par les idées que par la personnalité de ces dames patronnesses). Comble de l'ironie pour le PS et la gauche en général, la seule personne véritablement capable de faire le poids contre Sarko lui repiquait ses orientations dures. Tous les deux prônaient déjà la rupture, l'une pour une société plus polissée mais ouverte, l'autre pour une population policée et renfermée sur elle-même contre les autres. Leur point commun était le retour à l'ordre et à la discipline : ça puait grave le travail, la famille et la patrie chers au maréchal. Heureusement que Bayrou (officiellement dans la majorité mais plutôt opposant de centre gauche-droit) était là pour jouer les troubles fêtes et placer le débat au-delà de l'image et de la quête d'opinions favorables pour se pencher sur le fond (un programme réaliste, en-dehors de la sempiternelle escalade verbale selon les sondages). Il se battait un peu plus pour des idées que pour des mots, mais il semblait plus être le réaliste que l'on entend d'une oreille distraite, face aux leaders qui savent charmer.

• E : Mais que c'est-il passé pour que vous soyez ainsi au pied du mur ?

• M : Le dimanche des élections, tout le monde vota en conscience pour éviter une nouvelle baisse de régime et faire en sorte de vraiment sortir de cette panade déclinante. Mais le pays était très divisé, non pas quant aux orientations à donner à la république, mais plutôt concernant LA personne capable de ces changements en profondeur si attendus et vantés depuis plus d'un an que la campagne était lancée ! Résultat des urnes au premier tour : Sarko, Ségo et le facho firent des scores égaux à 20%, le reste se composant surtout de nombreux votes blancs (ceux qui avaient choisi de ne pas choisir) ! Bref, la France était bloquée : elle ne savait que faire entre des programmes trop beaux pour être vrais (mais des paroles, toujours des paroles), des politiques aux dents qui rayaient les parquets républicains, ayant vendu pères et mères spirituels pour arriver à leurs fins, et l'épouvantail sorti des ténèbres de l'Histoire !

• E : La seule chose claire dans cette histoire était bien qu'aucun candidat n'avait l'unanimité des électeurs (tant mieux, sinon c'aurait été un plébiscite pour un sauveur, qui aurait vite tourné dictateur) ! Il paraissait délicat de donner le pouvoir à des gens qui se battaient autant, non pas pour convaincre avec leur idées/propositions, mais plutôt pour s'asseoir sur le trône d'une république en décrépitude, à l'article de la mort !

• M : Ouaip, mais du coup la solution était d'autant plus facile à prendre. Après ce week-end plutôt agité où tout le monde parlait de ces résultats en demi-teinte qui démotivaient pour aller au boulot lundi, le début de semaine vit justement la Contestation monter en force, avec l'organisation de débats improvisés devant la cantine, durant les pauses cafés et dans les transports. Au gré des débats Citoyens, les gens se sont rendus compte que pour changer vraiment les choses, nous devions prendre nous-mêmes les problèmes à bras le corps, être Responsable de notre destinée. Le mardi soir, après que certains s'étaient déjà mis en Grève et que Chirac fasse du catastrophisme de masse, il fut donc décidé de placarder partout dans les villes, les usines, les institutions, un avis de Démobilisation Générale !

• E : Et ça disait quoi ? Comment était envisagée la chose ?

• M : Ça, tu le verras demain, je commence à avoir la langue toute râpeuse à force de parler ! Si tu veux, on peut aller chez moi, se poser et discuter de choses plus légères en buvant un truc !

• E : Ouais, pourquoi pas, ça me va. C'est vrai qu'il commence à faire bien nuit, il doit se faire tard. En plus je suis debout depuis pas trop tôt ce matin, et j'ai un énorme coup de barre !

• M : Oui, enfin les champis jouent aussi là-dessus : après avoir eu une pêche d'enfer pendant 4 heures, ton corps se détend de nouveau et cet apaisement peut faire remonter la fatigue accumulée ! Allé viens, allons-y gaiement !

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