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20 juillet 2009 1 20 /07 /juillet /2009 09:52

L'âge des chefferies dans un monde globalisé
Télécharger le fichier : 09-Les aubes des dogmes et leurs Contestations.pdf


De manière significative, en Palestine et Mésopotamie, on observe du -VIè au -IVè millénaire une modification des rapports sociaux et l’émergence d’une classe de chefs locaux. Les sociétés néolithiques étant des sociétés de production, le contrôle des ressources fut une préoccupation quotidienne.
Pour désigner ces sociétés plus complexes que de simples communautés villageoises, le terme de chefferie est approprié : le pouvoir de décision est désormais assumé par quelques individus, sous l’égide d’un chef, dont les liens avec la société qu’il gouverne sont souvent instables. Le statut de chef ne se transmet pas nécessairement aux héritiers naturels et les chefferies peuvent être provisoires. Pour dire les choses autrement, la gestion du corps social, plus centralisée, passe par des intermédiaires, pour la seule raison que la population est plus large.
Dans ces régions privilégiées (en terme de ressources, de tous genres) se constitue alors le milieu économique et social au sein duquel apparaîtront, de manière assez soudaine à la fin du -IVè millénaire (vers -3 000), les agglomérations urbaines.
Chaque région d’Orient a marché de son propre pas et selon son rythme. On n’est pas passé d’un seul coup et partout en même temps du stade du village, plus ou moins autarcique (en vase « clos ») et plutôt Egalitaire, à celui de la chefferie.

Le mouton domestique est présent, à Ramad (Syrie), dès -6 500. Deux siècles plus tard, il a atteint le sud de la Jordanie. Vers -4 500, grâce à lui, le peuplement a gagné les zones semi-arides jusqu’alors peu habitées. Bénéficiant d’une mobilité supérieure, des pasteurs, en liaison avec des villageois plus stables (tels que ceux d’Ain Ghazal ou Basta), sont en mesure d’exploiter des zones semi-désertiques. Dans le Levant méridional cohabitent désormais des sédentaires vivant en village et des pasteurs habitant sous la tente. La Genèse fait de Jacob et d’Esaü des jumeaux, reflétant la symbiose de ces deux activités, rivales mais complémentaires.

De -4 500 à -3 500 se développe la culture plus élaborée de Ghassoul. Ces habitants de Palestine savent tirer parti d’un milieu géographique difficile, même si la région devait être plutôt marécageuse, avec une moyenne de précipitation plus élevée qu’aujourd’hui. Ils y cultivent du blé, de l’orge, des dattes, des oignons, des lentilles. L’olivier n’a jamais poussé sous ce climat et donc les olives qu’ils consommaient devaient venir d’ailleurs. En revanche, le cochon (domestiqué tout comme la chèvre et le mouton, puis le bœuf) est un habitant naturel des zones marécageuses. Partout, des barattes en terre cuite prouvent qu’on sait exploiter les ressources laitières (de brebis ou de chèvre).
Les villages ghassouliens sont plus grands que ceux des époques précédentes : la plupart dépassent 8 ha (Ghassoul 20 ha), à comparer aux 2 ha en moyenne des sites du Néolithique récent du Néguev.
Les habitats diffèrent selon les régions : sur le plateau du Golan, les maisons rectangulaires à une seule pièce, sont construites en blocs de lave et disposées en longues rangées ; à Ghassoul, elles sont serrées les unes contre les autres et mesurent en moyenne 3,5 à 12 m ; dans la vallée du Jourdain il existe une ferme ghassoulienne avec maison et cour clôturée.

Quelques sépultures ghassouliennes sont enfouies sous le sol des maisons ou à proximité des habitats. Le cimetière de Shiqmim (plus grand village ghassouliens du Néguev sud, avec 9,5 ha de superficie), constitué de coffres en pierre ou d’installations circulaires de deux ou trois mètres de diamètre, occupe 8 ha. A Ghassoul, un champ de dolmens et de coffres de pierre voisin est contemporain. Sur la côte, on déposait dans des chambres creusées dans la roche tendre des ossuaires de terre cuite ou de pierre, en forme de petits coffres fermés (certains sont en forme de maison ou d’animal). Ces « boîtes à ossements » sont des inhumations secondaires (après que les corps aient été donné en pâture aux vautours ou autres êtres psychopompes : littéralement « guides des âmes », ils sont les conducteurs des âmes des morts – guide ou passeur –, les guidant dans la nuit de la mort ; beaucoup de croyances et de religions possèdent des esprits, des déités, des démons ou des anges qui ont la tâche d’escorter les âmes récemment décédées, en somme de laisser les vivants tranquilles en allant vers l’autre monde ; ils sont souvent associés avec des animaux tels que les chevaux, les corbeaux, les chiens, les chouettes, les moineaux ou encore les dauphins).

Dès la fin du -Vè millénaire, à En Gedi, sur la rive occidentale de la mer Morte, il existe un enclos (couvrant 600 m2) isolé, sans lien avec le moindre habitat : il comprend un vestibule d’entrée, une petite pièce rectangulaire et une grande pièce barlongue de 5 x 20, m réunis par un mur commun. Aux deux extrémités de la grande pièce, des bassins contenaient des cendres et des ossements brûlés ainsi que des tessons et fragments de coupes sur pied, une installation circulaire de 3 m de diamètre occupe le centre de l’espace.
Cet aménagement éloigné de tout village ne peut être qu’un temple ou lieu de pèlerinage, desservant la zone qui l’entoure, en même temps que lieu de rassemblement des tribus de la région.
La Palestine est divisée en entités contrôlant chacune un territoire. Le long des torrents du Néguev septentrional, sur soixante-dix sites chalcolithiques, une trentaine sont des villages à maisons rectangulaires (certains sont vastes – plus de 8 ha –, d’autres ne sont que de petits hameaux de 0,2 à 5 ha). Les lieux de culte éparpillés ça et là prennent alors tout leur sens. En Gedi, Ghassoul, Gilat sont les centres d’entités régionales, et les nécropoles la marque de l’occupation d’un territoire par des populations pastorales, qui le parcourent sans s’y attarder.

La Palestine ghassoulienne voit fleurir des objets dépourvus de caractère utilitaire : figurines de pierre ou d’ivoire (d’hippopotame), vases anthropomorphe et zoomorphes, galets coloriés, ou « supports à offrande » en basalte. Il existe ainsi des ateliers de taille du silex spécialisés, les uns dans la fabrication de micro-perçoirs (pour artisans de bijoux et statues), d’autres dans celle de grattoirs ou de lames de faucille.
On a vu dans la métallurgie naissante (assez répandue en Palestine) une réponse à une demande d’objets plus symboliques qu’usuels, destinés à souligner les différences plutôt qu’à faire partie de la panoplie de chacun. La compétence technique requise (le cuivre fond à 1083 °C) témoigne d’un savoir-faire que peu maîtrisent. Le travail du cuivre n’est pas une activité domestique banale, contrairement à la fabrication de poterie. Il faut se procurer du minerai, le transformer en métal, couler et produire des objets dont le « coût », par conséquent, en fait des objets rares destinés à un usage hors du commun. Ainsi, les sites ghassouliens de la région de Beersheba sont à 150 km des gisements de cuivre les plus proches, et d’autres trouvailles, de par leur qualité exceptionnelle, ont peut-être mérité un minerai provenant du lointain Caucase. Certains ont-ils été fabriqués sur place par des artisans métallurgistes itinérants ou sont-ils importés ?
Il faut d’ailleurs noter qu’Arslan Tepe (au bord de l’Euphrate) devient la métropole du cuivre : dans la résidence du chef local furent trouvés des sceaux en argile servant de « bulletins de livraisons » pour les métaux vendus, attestant ainsi la première forme de transaction purement commerciale.
Le cuivre n’est pas seul en cause : dans la grotte de Nahal Qanah, dans les collines de Samarie occidentale, des sépultures à ossuaire ghassouliennes renfermaient huit anneaux d’or (entre 88 et 165 g chacun, étant des lingots plutôt que des bracelets), les plus anciens objets en or retrouvés au Levant. Coulé et martelé, l’or peut venir de Nubie ou du désert oriental de Haute Egypte (du sud).
Faut-il voir dans cette métallurgie si élaborée l’indicateur d’une transformation sociale profonde ? Entre -4 500 et -3 500, les sociétés néolithiques palestiniennes évoluent-elles en chefferies regroupant une élite, disposant des symboles de son pouvoir, et la population qui l’entretient ?
Toujours est-il que le cuivre, produit en plus grande quantité, est conditionné en lingots et sert alors aussi de monnaie : à dos d’âne, commence alors véritablement le commerce (non plus pour des notions d’échanges sociaux, mais uniquement pour l’enrichissement matériel au sens strict) vers l’Egypte, Gaza ou le désert de Néguev. Ceci permet de répandre la connaissance de la métallurgie.

Le Chalcolithique palestinien témoigne d’une organisation économique et sociale particulière.
Les villages produisent des céréales, parfois à l’aide de systèmes de micro-barrages destinés à retenir l’humidité, voire de vastes systèmes de citernes et de canaux (comme à Jawa, dans le Désert Noir de Jordanie). On y élève également des moutons, chèvres, porcs et bœufs. La chasse (aux gazelles et aux cervidés) a perdu de son importance.
La taille des troupeaux augmente vite, pour les besoins d’obtenir des produits « secondaires » ou dérivés que les animaux fournissent à condition de rester vivants (le lait et la force de travail).
Ces observations confirment la mise en place d’un pastoralisme spécialisé, complémentaire de la production agricole. Les troupeaux de petit bétail parcourent la steppe pendant l’époque de la croissance des récoltes. Les pasteurs peuvent ainsi exploiter des zones semi-désertiques et en tirer des moyens de subsistance, à condition d’être assez souples pour suivre les troupeaux. L’élevage des chèvres et des moutons sur une grande échelle est une adaptation récente, la naissance d’un nouveau mode de vie adapté à ces zones climatiques et appelé à un grand avenir dans la région.
Un système socio-économique cohérent se met en place durant le Chalcolithique palestinien, premier chapitre de la longue histoire d’une collaboration indispensable mais souvent mouvementée entre les sociétés agricoles sédentaires et les sociétés pastorales nomades.

L’organisation sociale s’achemine donc vers un niveau plus complexe durant le Néolithique : une élite dirigeante restreinte se dégage. On y voit l’apparition d’une société déjà hiérarchisée, même de façon embryonnaire, qui encadre et structure les populations. Shiqmim est un des plus grands villages de l’époque en Palestine occidentale : ses 9,5 ha rassemblent des grands bâtiments et de petites maisons. Les maisons les plus complexes, à plusieurs pièces, sont dans la partie haute du village et les plus petites, à une seule pièce, sont à la périphérie.
De cette complexité témoigne aussi la diversité des échanges qui irriguent ces sociétés : la période chalcolithique (-4 500 à -3 500) est une transition entre les sociétés à peu près autarcique du Néolithique et les sociétés urbaines du Bronze ancien.
Les outils de silex, les objets d’ivoire et de basalte, les produits métallurgiques, circulent dorénavant sur de vastes distances. Des objets en basalte, statuettes ou récipients, sont taillés dans une matière première qui n’est pas répandue à profusion. Les gisements se trouvent sur le plateau du Golan, dans le Désert Noir de Jordanie, en Galilée ou dans le Néguev. La matière première de certains objets ne se trouve qu’à 300 km. La matière et probablement aussi les produits finis circulent (donc forcément aussi les idées, voire les personnes – qui partent s’installer dans d’autres groupes, plus ou moins lointains et affiliés). L’importance du commerce à longue distance n’est pas une innovation, mais le développement et la transformation de systèmes préexistants, sous l’effet d’un contrôle de plus en plus affirmé par les élites locales qui émergent alors, sont des marqueurs importants de nouveaux fonctionnements sociaux et économiques.

Les petites unités sociales sont désormais en rapport les unes avec les autres au sein de chefferie complexes. La métallurgie du cuivre ne pouvait se développer au sein d’un ou deux villages vivant en autarcie : il faut se procurer du minerai, le transformer, fabriquer des objets et les mettre en circulation. Le métier de métallurgiste est sans doute le plus ancien artisanat spécialisé.
Des chefs sont capables de prendre des décisions concernant autant un groupe de plus en plus vaste que les réseaux d’échanges nécessaires. Les objets métalliques, nullement indispensables à la vie quotidienne, sont d’ordre symbolique et ne sont nécessaires qu’à une élite. Le commun des mortels, paysans ou éleveurs, n’en a que faire. Le chef et ses dépendants, en revanche, peuvent se distinguer à l’aide de ces « sceptres », « masse d’arme » (masse lourde accrochée au bout d’un bâton plus ou moins long, cette arme voisine du gourdin, fut l’une des premières armes utilisées par l’humanité) ou « couronnes ».
Le chef engendre l’existence du spécialiste : l’un est le corollaire nécessaire de l’autre. Comment, en effet, se distinguerait-on des autres avec des objets fabriqués dans un matériau que tout le monde peut se procurer ?

L’enracinement religieux de la reproduction des rapports sociaux ne concerne pas seulement les sociétés les plus simples, relativement peu différenciées. Il est encore plus fortement impliqué dans l’émergence de hiérarchies d’ordres ou de classes sociales. Différents degrés de stratification ont été observés, allant vers une séparation croissante des fonctions politico-religieuses. Le clan le plus noble tire sa position de la divinisation de son ancêtre, et son chef dispose du contrôle de l’attribution des terres à l’ensemble des groupes composant la société. Il est aussi celui qui accomplit les rituels d’ouverture et de fermeture des activités productives. Pour autant, les nobles ne sont pas exemptés du travail agricole (enfin quelque fois ne le sont pas).
En fait, l’exercice de ces fonctions religieuses et politiques est apparu au cours de l’Histoire et dans de nombreuses sociétés comme une tâche bien plus importante que les diverses activités productrices des conditions matérielles de l’existence sociale des humains, l’agriculture, la pêche, la chasse, etc. Le « travail avec les dieux » des chefs et des prêtres ne devait-il pas apporter à tous prospérité et protection contre les malheurs ? Les gens du commun qui n’étaient ni des prêtres ni des puissants se vivaient comme endettés de façon irréversible vis-à-vis de ceux qui leur procuraient les bienfaits des dieux et les gouvernaient. La dette était telle que ce qu’ils donnaient (leur travail, leurs biens, leur vie même, dons qui nous apparaissent aujourd’hui comme des « corvées », des « tributs » – mais plutôt sous la forme de cadeaux que d’impôts –, bref des « exactions ») à ceux qui les gouvernaient ne pouvait jamais être à leurs yeux l’équivalent de ce qu’ils avaient reçu et continueraient de recevoir s’ils restaient à leur place et remplissaient leurs obligations. La naissance des classes et des castes fut un processus sociologique et historique qui a impliqué à la fois le consentement et la résistance de ceux auxquels la formation de ces groupes sociaux dominants faisait peu à peu perdre leurs anciens statuts et repoussait vers le bas de la société et de l’ordre cosmique. La violence y a joué un rôle, mais le consentement à la servitude volontaire encore plus.


Entre -10 000 et -4 000/-3 500 (période d’aridification), des alternances climatiques ont permis aux humains et aux troupeaux de vivre dans ce qui est aujourd’hui le désert du Sahara oriental. Des sites, par centaines, s’échelonnent des déserts soudanais jusqu’à l’oasis de Siwa, révélant un univers nomade, pastoral, animé d’allées et venues entre les lacs et la vallée.
Mieux que ça : toute une civilisation du Sahara existe, englobant le Maghreb, le Tchad, le Mali, la Libye, le Niger (zone plus grande que l’Europe). Des Noirs montent du Sud qui s’assèche vers le Sahara central pluvieux. Des Mésopotamiens et des Palestiniens descendent avec leurs chèvres et moutons vers le Sahara en passant par l’Egypte. Vers -8 000, on assiste au premier métissage ethnique entre les Noirs locaux du Sud-Ouest et les « Bronzés » émigrés de Mésopotamie et de Méditerranée. Les groupes se composent de 4 à 5 familles (total de 40 personnes), avec 3 vaches et 10 chèvres, qui vivent dans des huttes. La vie est gérée par des règles sociales et des coutumes culturelles mais la société est Egalitaire, se répartissant équitablement les pâturages et l’eau.
Il n’y a pas de jugement sur le rang ou l’ethnie : c’est une société de compassion et d’amour avec une notion de vie après la mort.
Courant du -Vè millénaire (vers -4 600), des gravures présentent un humain avec un masque de chien et un arc. 1 000 ans avant Anubis à tête de chacal, dieu égyptien de l’embaumement des morts et gardien/dieu des défunts, des « prêtres » officient avec un masque des rituels de renaissances, de vie future. Qui plus est, ces tribus avaient déjà développé la technique de la momification, 2 000 ans avant les Egyptiens. Il existe aussi en Algérie et en Libye des nécropoles de bovidés (importantes dans l’Egypte ancienne).
Ces pratiques religio-mythiques avec sacrifice rituel de bœufs sont répandues dans tout le Maghreb et sur tout le pourtour méditerranéen avec le monde de la tauromachie. La vache est le symbole de la puissance et de la vie, elle fait le lien avec les dieux, et représentera plus tard la déesse égyptienne Hathor. Celle-ci est la déesse des festivités et de l’Amour, mais aussi la déesse du ciel. En sa qualité de divinité funéraire elle accueillait dans l’au-delà les défunts auxquels elle prodiguait des boissons et de la nourriture. Hathor est certainement une des divinités les plus anciennes de l’Égypte, car sa représentation est marquée sur la palette du roi Narmer. Son nom signifie « Demeure du dieu Horus », ce qui fit d’elle l’épouse du dieu-faucon. Durant toutes les époques les pharaons craignirent et respectèrent la déesse et se mirent sous sa protection. Elle est considérée comme leur nourrice et représente la reine. Elle est aussi la reine des pays étrangers : Dame de Nubie, Reine de Libye, Épouse de Syrie et Grande de Palestine.
Dans le Messak libyen, on pratiquait un culte du bétail avec sacrifice de bovins en rapport avec ce rite (cercle d’offrande aux dieux), ainsi que la crémation des morts. On plaçait la patte, qui bougeait encore, d’une vache dans la bouche du défunt pour favoriser sa réincarnation.
On allumait ensuite un feu sacré pour le début du rite, accompagné de prières pour la pluie, en sacrifiant des biens précieux pour satisfaire les dieux (bovins et poteries).

Peu à peu, les humains ont dû apprendre à vivre, puis à survivre dans des conditions de plus en plus arides, s’adaptant à la désorganisation des réseaux hydrographiques et à la baisse de la nappe phréatique. Jusqu’au jour où la vie n’a plus été possible : les humains ont alors gagné des rivages plus cléments, laissant aux seules caravanes le soin de suivre les points d’eau subsistants dans cet univers devenu minéral.
La vallée du Nil a alors constitué une zone précieuse de refuge, bénéficiant non seulement d’un apport nouveau de population, mais aussi de traditions qui ont joué leur rôle dans la constitution de communautés nouvelles : c’est à ce moment que naît le Prédynastique.

Alors que le Néolithique du désert s’épanouit dans les oasis du Sahara oriental entre le -IXè et le -VIIè millénaire (de manière contemporaine avec les autres grands centres néolithiques), avec des groupes humains vivant sous un climat assez humide, utilisant déjà la céramique et ayant déjà domestiqué le bœuf africain, les premiers indices de sédentarisation dans la vallée du Nil ne sont attestés qu’au milieu du -VIIè millénaire, dans la région de Khartoum (Soudan), et les premières traces d’un Néolithique accompli ne remontent qu’au -VIè millénaire, accusant par là un retard de plusieurs millénaires sur l’apparition d’une économie de production au Levant.
C’est dans la région du Fayoum, près du lac Qaroun (à 80 km au sud du Caire), seul grand lac d’eau douce en Egypte, qu’apparaissent les plus anciens vestiges de la vallée du Nil. Des populations de chasseurs-collecteurs fréquentaient alors cette oasis verdoyante, depuis au moins le -VIIIè millénaire. Elles y pratiquaient la pêche, avec notamment des harpons fabriqués à partir de mâchoires de poissons-chats, et pour une part moins importante de leur économie, la chasse aux grands mammifères (gazelles, cerfs, hippopotames, etc.) et la collecte.
Ces populations n’avaient pas encore domestiqué les plantes ou les animaux, comme le faisaient déjà, quelques centaines de kilomètres plus au sud-ouest, les groupes fréquentant à la même époque la région de Nabta Playa dans l’actuel désert occidental. Ce site, qui occupe une dépression située en plein désert de Nubie (partie orientale du Sahara), se trouvait sur l’ancienne piste caravanière qui reliait Abou Simbel à Kir Kiseiba et au-delà.
Vers -9 000, les moussons d’été en provenance d’Afrique centrale arrosèrent la Haute Egypte et des lacs temporaires se formèrent. La dépression de Nabta Playa, d’une superficie voisine de 70 km², est l’un d’eux, situé aujourd’hui dans le désert occidental (à 100 km à l’ouest d’Abou Simbel). En son sein furent découverts des restes de gazelles, de lièvres, de chacals, de petits mammifères, de bovins, datant de -8 000. Ce sont là les traces d’une occupation saisonnière par les bergers et leurs troupeaux. Cette ancienne peuplade noire d’origine nubienne, descendit d’abord le Nil pour s’en éloigner ensuite, colonisant des sites sahariens beaucoup moins arides qu’aujourd’hui.

A El-Barga, localisé en Nubie à la hauteur de la 3è cataracte, le caractère archaïque de la céramique indique qu’il s’agissait d’une occupation antérieure au Néolithique, relevant d’un horizon correspondant au Mésolithique de Khartoum, globalement situé entre les -VIIIè et -VIè millénaires. Selon un schéma connu en d’autres endroits de la vallée du Nil, les occupations holocènes les plus anciennes se répartissent du côté du désert, tandis que les établissements plus tardifs ont tendance à se concentrer plus près du cours actuel du Nil. Cette situation peut être mise en relation avec les fluctuations climatiques, qui sont passé d’un maximum d’humidité vers -9 000 à une aridité croissante à partir de -4 000. Aux époques les plus humides, le fleuve devait former une sorte de delta intérieur, avec plusieurs bras s’étendant sur toute la largeur de la plaine alluviale et créant de vastes îles, probablement accessibles lors de la saison sèche. Au Mésolithique et au début du Néolithique, la plaine alluviale devait être trop inondée pour être d’un accès facile. Les populations s’étaient donc installées légèrement en retrait, à proximité d’un plan d’eau alimenté par les rivières se formant à la saison des pluies.
Aux périodes arides, le cours du Nil devait correspondre à son état actuel, laissant à sec une grande partie de la plaine alluviale. Le site d’El-Barga représente ainsi un jalon important pour la compréhension du Mésolithique et du début du Néolithique dans la vallée du Nil.

Sur les sites mésolithiques du Soudan central (aux environs de Khartoum), les structures d’habitat sont quasi inexistantes. Il faut se tourner du côté du désert occidental égyptien, à Nabta Playa, pour trouver des établissements comparables à celui d’El-Barga, à savoir une série de fonds de cabane creusés plus ou moins profondément dans le sol. Organisées en deux rangées parallèles, ces structures abritaient des foyers et étaient entourées de fosses de stockage et de puits. La reconstitution de deux d’entre elles évoque des huttes, dont la toiture de forme conique est composée de branchages recouverts de peaux. Elles contenaient un mobilier très abondant : céramique, matériel de mouture, objets en silex, restes de faune, coquillages, perles en coquille d’autruche, ainsi que deux armatures en os et un pendentif en nacre.
Les sépultures que l’on peut attribuer sans conteste au Mésolithique sont au nombre de onze.
La plupart des squelettes d’adultes présentent une robustesse et une taille impressionnantes. Ces caractéristiques contrastent avec celles des individus du cimetière néolithique, dont la morphologie est généralement plus gracile et la taille plus réduite.

Sur l’ensemble des sépultures, seul un individu était accompagné d’une offrande ; il s’agit d’un homme auprès duquel était déposé un bivalve. Les tombes du Mésolithique signalées au Soudan central sont, elles aussi, parfois accompagnées d’un bivalve, mais cette pratique n’est pas fréquente et il est exceptionnel que d’autres types d’objets se retrouvent dans les sépultures. Dans la vallée du Nil, le rituel qui consiste à placer régulièrement auprès du mort des offrandes ou des objets lui ayant appartenu se développe à une époque plus récente.
Alors qu’au Mésolithique les populations avaient un mode de vie sédentaire adapté à l’exploitation des ressources du Nil, au Néolithique, le développement du pastoralisme va conduire les groupes à une mobilité plus grande. Les habitats mésolithiques livrent beaucoup d’objets, tandis que les sites néolithiques présentent généralement de très faibles densités de mobilier. Dans le domaine funéraire, la situation est complètement inversée. Les tombes mésolithiques sont rares et dispersées dans l’habitat (les onze tombes d’El-Barga représentent un nombre maximal), alors que les sépultures néolithiques sont groupées en véritables cimetières qui comptent souvent plus d’une centaine d’individus.
Dans ce contexte, le cimetière d’El-Barga, utilisé sur une période de cinq siècles, entre -6 000 et -5 500, se démarque nettement de ce que l’on connaît à la période précédente. Non seulement du mobilier est régulièrement déposé dans les tombes, mais en plus la nécropole réunit un nombre élevé d’inhumations. Certes, ces indices ne suffisent pas à conclure sur le statut économique du groupe, mais ils témoignent de changements importants de la société, dont les mécanismes sont liés au début de la domestication.

Vers -7 000, de petites communautés s’installent à Nabta Playa, comme en attestent les vestiges d’un village constitué de dix-huit habitations, de puits larges et profonds, de lieux de culte abritant les ossements de nombreux bovins. Les similitudes entre les poteries nubiennes de Nabta Playa et celles soudanaises de Khartoum (poterie rouge à bord noir décorée en ondulés) traduisent l’arrivée au Sahara d’humains vivant de l’exploitation des cours d’eau et provenant du moyen Nil.
En plein désert, la pêche n’est évidemment pas possible ; la perte de cette ressource traditionnelle que constituait la pêche (et accessoirement la chasse au gibier d’eau) a du favoriser, sinon susciter l’appropriation d’espèces alimentaires les plus facilement accessibles.

Vers -5 000, des alignements mégalithiques et des cercles de pierres furent érigés, orientés en direction des points cardinaux ou solsticiaux - en d’autres termes, en direction des positions de lever ou de coucher du Soleil le jour de l’équinoxe de printemps ou d’automne, le jour du solstice d’été ou d’hiver, ainsi qu’ils marquent le passage du soleil en son zénith (qui arrive tous les ans, trois semaines avant et après le solstice, marquant ainsi le début des moussons d’été.
Qui plus est, ces pierres indiquaient le levé de l’étoile Sirius (étoile la plus brillante du ciel après le soleil), de la ceinture d’Orion, et Duhbe, ainsi que les alignements nord-sud et est-ouest pouvaient aider les Nabtiens à s’orienter et à suivre les mouvements stellaires.
Le Soleil se rapproche de Sirius, jusqu’à entrer en conjonction avec elle début juillet. À partir de ce jour, Sirius est invisible à tout observateur terrestre durant quelques dizaines de jours, jusqu’à ce qu’elle effectue son lever héliaque, c’est-à-dire sa réapparition dans les lueurs de l’aube. Durant la période prédynastique, ce lever héliaque coïncidait avec le début de la crue du Nil observée à Thèbes vers le 20-25 juin, donc au solstice d’été dans notre hémisphère. La réapparition simultanée de l’étoile la plus brillante et de l’eau avait une signification hautement symbolique. C’est également la période la plus chaude de l’année, d’où le nom de canicule (dérivé de canicula) donné par les romains, et que nous utilisons pour définir une période de grande chaleur.
Il s’agit là des toutes premières traces d’astronomie observationnelle, qui sans doute s’inscrivaient dans un contexte cérémonial, voire funéraire. L’ensemble de ces informations suggère en tout cas le développement précoce de sociétés néolithiques complexes. Des sociétés nomades qui, à compter de la fin du -IVè millénaire, date à laquelle le climat redevint hyperaride (-3 200), participeront à l’éclosion de la civilisation égyptienne.

Au carrefour de la vallée du Nil, du désert saharien et du Proche-Orient, le Néolithique du Fayoum participe d’une fusion de plusieurs univers : les ovicapridés (chèvres et moutons) domestiques évoquent un courant de néolithisation venu du Proche-Orient, alors que l’industrie lithique (avec ses pointes de flèches à base concave et l’utilisation des œufs d’autruche pour la confection de petits objets) rappelle les traditions du Néolithique du désert.

La première installation connue dans le delta du Nil se situe sur la lisière du désert libyque, à l’ouest du Nil, dans une zone périphérique protégée des crues (Mérimdé Beni-Salâmé, à 45 km au nord-ouest du Caire). La plus ancienne phase d’occupation remonte entre -5 000 et
-4 700 et montre un établissement limité pratiquant l’agriculture et l’élevage, avec une forte influence proche-orientale.
Une réelle implantation apparaît entre -4 700 et -4 100 : fosses et foyers sont beaucoup plus nombreux et marquent une nouvelle stratégie d’occupation du sol. Le campement saisonnier de la première phase laisse la place à une occupation plus dense, avec des structures consacrant une part plus importante au stockage de la production agricole. En rupture avec le niveau précédent, la céramique se démarque des productions antérieures par sa technique et la variété de ses formes (mais sans décor).
Il existe également des petites statuettes de bovidés et des figurines anthropomorphes (parmi lesquelles un petit visage humain modelé dans l’argile, constituant la plus ancienne représentation humaine de l’Egypte).
Ces niveaux supérieurs de Mérimdé sont représentatifs d’une culture proche de celle du Néolithique du Fayoum, avec une importance de plus en plus grande accordée au stockage qui indique la part croissante des espèces végétales cultivées et l’enracinement progressif d’une population d’agriculteurs et de pasteurs.
Les défunts étaient enterrés dans des secteurs abandonnés de l’habitat, avec pour seul mobilier d’accompagnement quelques poteries ou un simple coquillage. Ce faible investissement en matière funéraire est resté jusqu’à la fin de la période prédynastique l’une des principales caractéristiques des habitants de Basse-Egypte.

A la pointe du delta égyptien, à 3 km au sud du Caire, la localité d’el-Omari abritait une des premières cultures néolithiques de la vallée du Nil. Sur la bordure d’une terrasse formée de graviers et de sable, au pied d’un massif calcaire, les installations domestiques comprennent plus de 200 structures en fosse, rondes, ovales ou complètement irrégulières.
Des coquillages marins et des fragments de galène (minerai de plomb le plus abondant, également utilisé en tant que teinture noire ; les gisements de galène contiennent souvent des quantités notables d’argent comme impuretés, et, de ce fait, ont longtemps constitué une source importante de ce métal) reflètent des contacts avec la mer Rouge et le Sinaï. Si les habitants d’el-Omari partagent avec ceux du Fayoum et de Mérimdé la pratique d’une économie de production (élevage, agriculture, stockage), encore à un stade peu avancé, ils s’en différencient toutefois par l’absence de la belle poterie lissée ou de l’inventivité plastique des artisans de Mérimdé, et l’intégration très forte à l’environnement local, encore sous-tendue par l’existence de traditions épipaléolithiques autochtones.

Alors que dans le nord de l’Egypte se développent ces foyers néolithiques aux influences levantines, le sud de l’Egypte connaît, entre -4 500 et -3 800 un complexe culturel uniforme qui annonce déjà les structures socio-symboliques du Prédynastique.
La région de Badari, en Moyenne-Egypte, offre un précurseur néolithique, témoignant au -Vè millénaire (vers -4 300) des balbutiements de l’éclosion symbolique et culturelle du Nagadien (dont on remarque dans les traits culturels et techniques des inspirations nubiennes). Cette culture badarienne se distingue par l’opulence de ses sépultures et des objets qui accompagnent les morts (notamment de petits objets en cuivre). Leur univers funéraire déploie dans les offrandes une richesse symbolique et artistique inouïe. Cela traduit des diversités sociales au sein d’une société basée sur des établissements encore très mobiles, avec une agriculture encore balbutiante, même si il existe une certaine importance accordée au stockage.

Le mobilier funéraire prédynastique, dès l’époque badarienne, est remarquable par sa diversité. Les communautés badariennes inaugurent le formidable processus d’accélération sociale et culturelle qui marque alors la vallée du Nil. La production lithique rappelle l’industrie du Fayoum, autant que la céramique (de facture soignée et bien polie, rouge à noire) se rapproche des exemplaires d’el-Omari et de Mérimdé (même si leur facture n’est en rien comparable à la qualité esthétique des réalisations badariennes).
En-dehors de la céramique, élément le plus commun et de grande qualité, le matériel funéraire le plus répandu correspond aux éléments de parures et aux palettes à fard, c’est-à-dire aux biens luxueux directement liés au prestige des individus.
Ces palettes et le fard ont une grande importance à l’aube de l’histoire pharaonique et un énorme impact dans la mise en place du nouveau pouvoir central. En complément d’une meilleure compréhension du processus de création de l’état, ces objets permettent d’appréhender l’organisation sociale des communautés prédynastiques, mais surtout d’entrevoir la pensée symbolique de ces humains du -IVè millénaire.
Il existe trois catégories d’offrandes : les offrandes à caractère purement funéraire, les objets de communication entretenant un lien entre le monde des vivants et le monde des morts (expression du deuil) et les objets appartenant au défunt (objets personnels et identitaires, qui sont le plus souvent des marqueurs sociaux).
Le matériel cosmétique nous renseigne sur les fondements de la culture prédynastique et l’identité des défunts (identité individuelle mais avant tout sociale) et sur les gestes qui relèvent de rites protecteurs et qui font appel à la religiosité des vivants.

La peinture conçue comme un masque permet ainsi à l’individu de se transformer et d’incarner un personnage qui se rapproche du monde surnaturel, en faisant appel à la pratique de la magie, autant que cette dernière est considérée avoir des vertus médicinales.
Pour l’Egyptien, la maladie nie l’ordre constitué et le pharaon organisera très tôt les moyens de lutte, dès les premières dynasties (vers -3 000). Il s’entourera de médecins compétents et différents remèdes pouvant remonter à la lointaine Préhistoire comme d’autres, plus récents, que crée la réflexion médicale.
A l’ancien empire (-3 000 à -2 000), le médecin ordinaire ne soignera que les affections que l’on sait traiter avec des remèdes éprouvés. Les grandes calamités (épidémies et épizooties), certains traitements dangereux (chirurgie), seront l’apanage d’une classe de praticiens particuliers, les prêtres de Sekhmet (déesse guerrière personnifiant les ravages du soleil, elle est l’instrument de la vengeance de Rê contre l’Insurrection des humains, son corps brûlant et ses flèches incandescentes détruisant les ennemis du roi ; elle est représentée par une femme à tête de lionne portant le disque solaire ; de sa bouche de lionne sortent les vents du désert), à la fois médecins et magiciens.

Ainsi, la décoration corporelle à l’aide de fard (à la malachite, donnant une couleur verdâtre) opère différemment sur le corps masculin et féminin : sur les hommes, la marque corporelle met en avant le prestige et le pouvoir, alors que sur les femmes on exhibe la capacité à donner la vie à travers des thèmes comme l’eau et la fertilité. La peinture corporelle féminine offre donc une plus grande possibilité de création et devait être liée aux manifestations publiques à caractère magique.
En effet, la femme jouait un rôle dans ces cérémonies où la danse était une des composantes essentielles.

La magie, que ces pratiques sous-entendent, devait être effective non pas seulement dans le domaine funéraire, mais dans la vie quotidienne, parce qu’elle était essentiellement liée au système de subsistance de la communauté (récoltes, crues, chasse, pêche), et les personnes dépositaires de cette fonction relative à l’intercession entre les humains et les forces cosmiques, étaient investies d’un grand pouvoir, non pas (déjà) politique mais spirituel. Cette fonction pouvait incomber aussi bien aux hommes qu’aux femmes (leur rôle, à elle, étant loin d’être négligeable).
La magie et le pouvoir sont renforcés par la fabrication même de la peinture, l’acte de broyer étant ritualisé par la présence constante d’un support spécifique (la palette).
La palette est un marqueur social, définissant l’activité spécifique de son détenteur, et par ce biais son pouvoir au sein de la société.
La forme de celle-ci renvoie bien évidemment à des notions qui entrent dans un discours faisant corps avec la pensée symbolique des prédynastiques.
Ainsi, la palette et les pigments entretiennent un rapport étroit avec l’univers magico-spirituel. Les personnes dépositaires de l’outil et des minerais étaient investies d’un grand pouvoir, plus spirituel que politique.


Alors que l’Egypte émerge tout doucement (en tant que zone secondaire, sous influence levantine), sur la route des élites et de l’urbanité, la Palestine a été rapidement dépassée par la Mésopotamie : le Levant et l’Anatolie restèrent prisonniers d’une certaine compartimentation qui empêcha l’émergence d’unités sociales d’envergure. En Mésopotamie, une évolution continue cumula régulièrement les acquis et ce n’est pas un hasard si, de manière assez subite apparurent, à la fin du -IVè millénaire, les premières agglomérations méritant le nom de ville.
Entre les montagnes de Turquie et d’Iran, la Mésopotamie est composée au nord d’un plateau ondulé, la Djezireh, à travers lequel le Tigre et l’Euphrate issus des montagnes anatoliennes ont creusé leurs vallées, au sud d’une plaine alluviale où ces fleuves achèvent leur cours avant de se jeter dans le Golfe, à l’ouest s’étend le désert syro-arabique.
Steppes et déserts occupent la majeure partie du territoire. Mais, contrairement aux pays qui l’entourent, les vallées disposent en abondance de terre et d’eau. On peut pratiquer une agriculture sèche dans le nord, mais les villageois du centre et du sud, en zone aride (la plaine alluviale ne connaît que des pluies irrégulières et trop rares), doivent recourir à l’irrigation malgré le fait que l’érosion et la salinisation des sols soient des obstacles redoutables. Les terres cultivables ne sont que d’étroites bandes de part et d’autre des cours d’eau principaux, et les sols ne sont guère fertiles.
Cependant, les populations mésopotamiennes se convertirent rapidement au nouveau mode de vie. Dès le -VIIIè millénaire, des agriculteurs produisent des céréales en Djezireh, et au -VIIè millénaire ils élèvent des animaux domestiques. En basse Mésopotamie à la même époque (sinon plus tôt), des villages naquirent, ce qui signifie que leurs habitants maîtrisaient des techniques d’irrigation embryonnaires.

De -6 500 (juste après les débuts de la céramique) à -3 500 (avec l’apparition des premiers signes pictogrammes), les Mésopotamiens ornèrent leurs vases de motifs divers, la plupart du temps géométriques ou abstraits (décorés d’abord à l’aide de simples incisions ou de pastilles en reliefs, puis de motifs peints). Après des débuts très simples (lignes ou bandes ondulés), les thèmes se compliquèrent. Les vases des époques de Halaf, Samarra ou Obeid, sont ornés de motifs qui recouvrent toute la surface, exécutés avec une grande finesse (notamment des swastikas à Samarra vers -6 200, allez comprendre d’où ça sort !). Ces ornements ne sont pas de simples décors : ils sont plutôt un langage imagé, un système de communication symbolique (même si ils ne furent pas un moyen de transmettre un discours précis : on n’est pas passé du décor peint à l’écriture). Leur apparition sur les murs des maisons ou les parois des vases marque une étape supplémentaire vers l’émergence de sociétés plus complexes que celles des villages précéramiques.

A l’époque de Hassuna (vers -6 500, au cœur de la Djezireh), de petits villages regroupent chacun quelques familles autour de greniers Collectifs qui sont le cœur de l’habitat et le symbole de la communauté (ce fonctionnement de la société paysanne néolithique de Mésopotamie du Nord était déjà en gestation à Magzalia).
La culture de Samarra (de -6 200 à -5 700) est un prolongement temporel et spatial de celle d’Hassuna. Elle est caractérisée par une céramique peinte de grande qualité et surtout par l’apparition de nouvelles techniques, appelées à un avenir durable. Les Samarréens s’adaptèrent à un environnement plus aride à l’est et au sud de la région hassunienne grâce à la maîtrise de techniques d’irrigation. Les maçons utilisèrent pour la première fois la brique crue moulée qui permet d’uniformiser les techniques de construction. Jusqu’ici, on n’avait construit que des murs en pisé ou en briques façonnées à la main. Cette homogénéité du matériau de construction entraîna une rationalisation des constructions elles-mêmes : les maisons sont alors toujours identiques les unes aux autres, et construites selon un plan pré-établi. Maîtrisant la technique de la brique moulée standardisée, les Samarréens savent désormais construire de vastes bâtiments conçus à partir d’un système de mesure cohérent : cette innovation sera la clef de l’architecture mésopotamienne. Les constructions sont désormais pensées avant d’être érigées. La Mésopotamie est prête à devenir le pays de l’architecture de brique, celle des ziggurats et des grands bâtiments.

A l’Obeid 0 (de -6 900 à -6 400), une grande infrastructure de grenier (installation la plus importante des sociétés céréalières, construite au milieu du village, en hauteur, donc sur le point le plus sain) atteint 80 m2, ce qui dépasse les besoins de la conservation d’une production céréalière familiale et indique donc une gestion communautaire (mise en commun de toutes les récoltes, les mieux lotis aidant ceux qui ont eu moins de chance dans leur production).
A l’Obeid 1 (de -6 400 à -5 800), les greniers sont nettement plus petits (30 m2) : la conservation des récoltes est désormais plus collective. Il n’y a plus un grand grenier commun, mais plusieurs petits, familiaux. Chacun commence à gérer à titre familial son stock, tant pis pour ceux envers qui la terre a été ingrate, on trouvera toujours à s’arranger : ceux qui n’arriveront plus à payer leur dette morale (autant qu’alimentaire) deviendront esclaves, notion inséparable du pouvoir. En effet, l’esclavage (pas seulement pour fournir des ouvriers ou paysans, mais aussi des gardes du corps voire des administrateurs : on naît esclave ou on le devient, après avoir été capturé à la guerre, mais également à la suite de dettes insolvables) est une institution offrant un terrain favorable à l’émergence de l’état.
On entrevoit ainsi l’existence de petites communautés fragiles, pratiquant par nécessité l’irrigation, ce qui n’était pas le cas de celles du Nord. Dans ces sociétés Egalitaires, les familles se regroupent en de petits villages où aucune autorité contraignante ne semble disposer d’un pouvoir supérieur.

Pendant que la Mésopotamie du Sud évoluait ainsi, le nord du pays voyait les cultures hassunienne et samarréenne peu à peu remplacées par une autre, celle de Halaf (originaire de Syrie du Nord, vers -6 000). La céramique de cette culture se retrouve sur des régions très étendues : des rives de la Méditerranée aux piedmonts du Zagros, du lac de Van en Arménie jusqu’au lac de Tibériade. Dans les villages halafiens coexistent des constructions circulaires et rectangulaires. Ces édifices ronds, baptisés tholoi, sont des maisons et non des bâtiments spéciaux.

Vers -5 200, de nombreux scellements d’argile apparaissent (les plus anciens datent de dès la fin du -VIIè millénaire, à Halaf), scellant des conteneurs mobiles, paniers ou vases. On y reconnaît, gravés ou peints, des capridés, des motifs végétaux et géométriques, mais curieusement aucun sceau réaliste ne les accompagne. Pour autant, ils ne sont pas la trace d’une quelconque « administration », mais plutôt d’un marquage identifiant une famille ou un village de production (peut-être les premières Appellation d’Origine « Contrôlée » – plutôt Certifiée, par leurs producteurs eux-mêmes).
L’expansion démographique de la culture de Halaf (qui s’est étendue progressivement en Mésopotamie du Nord, au détriment des cultures de Hassuna et Samarra) est la conséquence de la nature même de cette société : elle a connu un lent essor démographique, les communautés essaimant au lieu de s’agrandir sur place, et leur essor c’est traduit par l’apparition, de proche en proche, de nouveaux villages qui se sont reproduits à l’identique. Ils colonisèrent petit à petit un vaste territoire, empreint d’une grande homogénéité culturelle, mais ne se structurèrent pas en sociétés plus complexes.

C’est pendant la seconde phase de l’époque d’Obeid (3 à 5 : -5 400 à -4 200) que la Mésopotamie a donné le signal d’une accélération des transformations. On constate alors, au Nord comme au Sud ainsi que dans le Khuzistan iranien voisin, en particulier sur le plan architectural, des transformations profondes de la société, en une étape capitale du long cheminement vers l’urbanisation. En Mésopotamie du Sud, Eridu a livré une architecture exceptionnelle : dès Eridu IX, un édifice de 130 m2 est érigé sur une plateforme. Eridu VII offre un bâtiment de 230 m2, toujours sur le même plan tripartite (dans le droit-fil des débuts de l’époque d’Obeid), puis un édifice identique encore plus grand lui succéda (Eridu VI : 280 m2). On en connaît de semblables à Uruk et Tell Uqair près de Babylone. Il ne s’agit pas de temple (en Mésopotamie du Centre et du Nord, les maisons privées sont construites selon le même plan), car ce n’est qu’au milieu du -IIIè millénaire que des bâtiments spécifiques seront consacrés à des divinités, en même temps qu’apparaîtront un clergé et des rituels clairement définis.
En Mésopotamie du Sud, où les habitations particulières sont en matériau léger (en nattes et en roseaux, comme à Ur et Obeid), les techniques de constructions en dur (brique ou pisé) sont réservées aux édifices importants (grandes salles de réception, maisons d’hôtes, et salles de réunion). Ces vastes édifices ornés de pilastres décoratifs, de plan régulier et toujours identique, munis de nombreuses portes ouvertes sur l’extérieur, accueillent les visiteurs de marque. Il s’agit ainsi de salles de réception, nécessaires au sein d’une société très patriarcale où les chefs de famille élargie jouaient un rôle éminent.

Dans une société obeidienne encore peu structurée, la construction de ces salles Collectives destinées au rassemblement des dépendants (chefs de familles alliées ou parentes), est le seul indice d’une inégalité et d’une hiérarchisation naissantes. Nous assistons alors à la mise en place de la pyramide sociale. Le travail-fête nécessaire à la construction de grands bâtiments est ainsi également une manière de mobiliser une main d’œuvre abondante, représentant une des variantes de l’économie des biens de prestige. Pour autant, d’autres sites restent à des formes de village céréalier assez proche des villages antérieurs.

Les cimetières de cette époque, à Ur et Eridu, sont des nécropoles et non plus des inhumations sous le sol des maisons comme depuis le début de la sédentarisation. Dans les tombes d’Ur et d’Eridu, assez semblables les unes aux autres, rien ne distingue les défunts entre eux, sinon l’âge et le sexe.
Loin de cet Egalitarisme apparent, la succession des grands bâtiments d’Eridu indique que des notables émergent et qu’une élite commence à se distinguer de la masse des villageois. L’organisation sociale repose désormais sur la prédominance d’un clan sur les autres. Un lignage familial commence à asseoir sa domination et les capacités de décision ont tendance à se concentrer entre quelques mains. Un grenier apparaît au milieu d’un habitat très dense, près d’une habitation plus vaste que les autres. Son propriétaire, un chef de lignage dominant, est le gérant du grenier attenant. On a encore affaire à des greniers publics d’une certaine façon, mais qui ne regroupent plus les réserves communautaires. Ce sont plutôt des installations qui sont mises au service d’un responsable pour lui permettre d’exercer ses fonctions, qu’il s’agisse de répondre à des exigences de représentation, d’organiser des fêtes, ou de venir en aide aux membres de son groupe qui sont dans le besoin. Dans tous les cas, ce n’est pas la gestion qui donne à ces gens du pouvoir, mais l’inverse, car la hiérarchie sociale est toujours fondée sur la parenté, même si elle devient dépendante d’une lignée dominante, « supérieure » aux autres.

Arrivés à ce stade, les Obeidiens firent preuve d’une capacité d’expansion remarquable. On trouve les traces de cette culture loin de la Mésopotamie, le long des côtes du Golfe, jusqu’aux Emirats Arabes Unis. En Mésopotamie du Nord, les sociétés halafiennes disparaissent progressivement en adoptant les modes de vie obeidiens (dès -5 000).


Même si la néolithisation de l’Iran fut moins précoce que celle du Levant, dans ce milieu steppique, la domestication des plantes et des animaux était achevée dès -7 000, et la technique de l’irrigation fit bientôt son apparition, à l’imitation de la Mésopotamie voisine.
Ainsi, des villages naquirent dans la plaine de Susiane. Vers la fin du -Vè millénaire, un village s’établit à Suse (Suse I, -4 200 à -3 700), sur les bords de la rivière du Chaour. En plus de lambeaux d’un habitat d’inspiration obeidienne, il existe un énorme massif de briques crues et de terre tassée : haute terrasse dont la face méridionale est longue de plus de 80 m, avec une façade de huit mètres ornées de grands « clous » de céramique enfoncés dans la maçonnerie. Cette terrasse monumentale représente, à cette époque, une entreprise unique. On ne peut la comparer qu’à celle entr’aperçue à Oueili en basse Mésopotamie, qui date d’une époque antérieure (Obeid 3, fin du -VIè millénaire) : près d’un millénaire plus tard, la haute terrasse de Suse I, par sa masse et son décor, est d’une autre ampleur. Dès -4 000, Suse, dans la mouvance iranienne, voit s’élever la plus ancienne des « hautes terrasses », ancêtre des ziggurats : la première date de l’époque proto-élamite, entre -3 100 et -2 600. Sur ce même horizon, l’architecture de Jiroft, avec ses vastes édifices et ses murs d’enceinte à redans (type de construction typique de l’art de l’Ancien empire égyptien destiné à réduire la poussée par arc-boutement entre deux contreforts ; le plus célèbre est celui autour du complexe funéraire de Djeser, mais on en trouve aussi autour des complexes funéraires royaux du Moyen empire), est comparable à celle du pays de Sumer ou du delta égyptien.
La ziggurat du plateau iranien est composée de 4 étages superposés placés sur une terrasse et décorée à son sommet d’une corne. Un édifice identique (mais ne comptant que trois étages) apparaît sur une plaque de chlorite à Tépé Yahya. Cette ziggurat de trois étages surmontée d’une paire de cornes est construite sur un massif décoré de pilastres, ces colonnes semi encastrées, et limité sur ses deux côtés d’un motif décoratif en zigzag. Or, de tels pilastres ont été exhumés, en grandeur réelle, au Pakistan, sur le site de Mundigak (on reconnaît également ces pilastres sur le « complexe cultuel » d’Altyn Tépé en Asie centrale).
Les cornes marquent le caractère divin de l’être qui les porte ou l’aspect sacré du monument qu’elles décorent. Sur toutes les constructions à étages représentées sur les vases, plaques de chlorite ou les reliefs, on distingue clairement une ou deux cornes.
D’ailleurs, la narration du sac de Suse par Assurbanipal est sans ambiguïté à ce sujet : « Je détruisis la ziggurat de Suse qui avait été faite de briques de lapis-lazuli ; je brisai ses cornes fondues de cuivre brillant ».
Enfin le caractère religieux de la ziggurat peut être précisé par certaines épithètes divines, en particulier celle du grand dieu de Suze, Insusunak, qui est dit « Seigneur de la mort dans le kukunnum ». Or, le Kukunnum est le temple haut de la ziggurat. En d’autres termes, c’est l’aspect funéraire du bâtiment qui apparaît dans cette expression. Il importe également de souligner que le mot ziggurat est vraisemblablement un terme d’origine élamite et non pas akkadienne. Ce mot signifie « élévation de l’humanité », manifestation architecturale de l’humanité désireuse de s’élever au-dessus de la terre.
Les différentes représentations de la ziggurat élamite datent de l’époque proto-élamite située généralement entre -3 100 et -2 600. Certains éléments de cette documentation semblent donc antérieurs à ceux découverts en Mésopotamie. Il sera donc désormais difficile de considérer l’Elam ou le Plateau iranien comme une « vaste zone irriguée d’influences mésopotamiennes ». Jiroft constitue un ensemble homogène qui indique, pour le moins, que les influences étaient réciproques !
Jiroft présente un style décoratif déjà rencontré, aussi bien en Mésopotamie que dans la vallée de l’Indus, mais jamais identifié. Une civilisation urbaine organisée a prospéré dans cette vallée longue de 400 km, à l’aube du -IIIè millénaire : des constructions monumentales, les premières ziggurats attestent d’une organisation étatique. On peut même y voir le mythique royaume d’Aratta, mentionné par quatre légendes sumériennes.
Le tournant du -IVè et -IIIè millénaire est une période cruciale pour les civilisations iraniennes. Plusieurs cultures brillantes naissent à cette époque : les proto-élamites, à Jiroft, dans le Kermân, dans l’Hindu-Kush, en Bactriane, jusqu’en Sogdiane. Ainsi va se constituer un monde constitué de régions entretenant d’intenses rapports d’échanges commerciaux comme culturels entre elles, et aussi avec les deux régions se trouvant à ses extrémités, la Mésopotamie sumérienne à l’ouest et l’Indus à l’est.
Jiroft est la ville principale de cette culture élamite dans le Kerman. Entourée sur trois côtés par des montagnes culminant à plus de 4 000 mètres, cette cuvette isolée située dans la province de Kerman, aux frontières du Pakistan et de l’Afghanistan, abrite à 600 mètres d’altitude des villes de plus de 120 ha, protégées par des murailles de brique.
La civilisation de Jiroft a été parfaitement intégrée dans les échanges inter-iraniens, bien aidée par sa position centrale. Les Elamites y exploitaient les ressources minières et minérales de la région et contribuèrent au courant d’échanges entre la Mésopotamie et la civilisation de l’Indus. L’Elam apparaît ainsi comme une civilisation originale, mais méconnue, ou se développa un étonnant art du bronze et de la céramique. Les premiers artistes consacrent leurs talents à l’architecture, la statuaire et la gravure des sceaux cylindriques aux motifs animaliers et réalistes.
Les Sumériens, alliés aux Susiens, installent des colonies jusqu’en Egypte prédynastique. Les dynasties archaïques du -IIIè millénaire étendent leur influence jusqu’à Mari, dans le Moyen-Euphrate. Sumer est gouverné par un roi dont dépendent plusieurs états indépendants tels Ur, Lagash, Uruk et Kish, dirigés par des princes.
A partir de Jiroft, une route vers l’ouest menait en Élam, et plus loin en Mésopotamie. A l’est, une autre route conduisait au Balûchistân et à la vallée de l’Indus. Vers le nord-est, on rejoignait la route du lapis-lazuli qui traverse le Seistan (Shahr-i Shokta), l’Hindu-Kush (Mundigak) puis la Bactriane (Shortughaï). Sans oublier au sud la proximité des côtes du Golfe Persique. Les habitants de la région vont ainsi pouvoir facilement exporter leurs productions. Les objets en cornaline vont ainsi connaître une très large diffusion, puisqu’on en retrouve dans tout l’Iran, dans l’aire bactro-margienne, dans la vallée de l’Indus, en Élam, en Mésopotamie, et même sur la côte sud du Golfe Persique, en Arabie (Tarut) et en Oman (Tell Abraq).
Au -IVè millénaire, l’Elam devient le véritable foyer de la civilisation en Iran. Les premiers états se développent alors autour d’Anshan, la capitale, et de Suse, la grande ville culturelle, favorisant les échanges commerciaux de l’or, la cornaline, la turquoise de Nishapur et le lapis-lazuli du Badakhshan (Afghanistan). Durant cette période, la région resta sous l’influence de Sumer pour ensuite être envahie par une culture nouvelle, qualifiée aujourd’hui de proto-élamite, et qui occupa toute la région montagneuse du Fars jusqu’à Kermân et même jusqu’au Sistan.
L’Elam, dont le nom signifie le « Pays haut », était une entité double, géographique et ethnique, avec deux capitales. Il comprenait d’une part, le plateau du Fars actuel avec la ville d’Anshan (ou Anzan), et une population montagnarde largement nomade, d’autre part, la plaine autour de Suse habitée par une population sémitique plus urbanisée, proche parente de celle de Mésopotamie dont elle reçut l’influence.

A la fin du -IVè millénaire, la civilisation proto-sumérienne de Mésopotamie traverse une crise (fin de la période d’Uruk, début de celle de Jemdat-Nasr). Si celle-ci a des effets tout compte fait assez peu importants en Mésopotamie même, mais elle aura des répercussions en Susiane, qui est abandonnée par les proto-sumériens. Toute la plaine susienne est alors abandonnée au nomadisme, et seule la ville de Suse reste une agglomération importante grâce aux échanges inter-iraniens subsistant. La ville tomba rapidement aux mains des proto-élamites, des nomades élamites descendus des monts du Zagros, à l’est. Ceux-ci vont créer une civilisation portant leur nom autour de la ville de Suse, qui allait transmettre à ceux-ci l’héritage sumérien. Mais cette cité n’allait pas être leur capitale, et allait rester une colonie. C’est en effet à cette époque qu’est fondée dans le Fars, à Tepe Malyan, la ville d’Anshan. Cette cité, beaucoup plus vaste que Suse, devenait ainsi la capitale politique de l’Elam, marquant la domination du Haut-Pays sur la Susiane, dont la ville principale restait cependant la capitale culturelle, très influencée par la Mésopotamie dont elle fait géographiquement partie, avec laquelle elle entretient des rapports commerciaux intenses en temps de Paix. L’équilibre entre les deux Elam se bâti à cette période.
Fort de leur autonomie, les Proto-élamites allaient imiter les Sumériens et installer des comptoirs dans les sites les plus importants de l’Iran méridional, et devenir des marchands efficaces, un lien entre l’Iran riche en bien que convoitait la puissante Mésopotamie, dépourvue de ressources naturelles importantes. Dans plusieurs sites iraniens furent retrouvés des tablettes en proto-élamite, témoignant de l’implantation et de la maîtrise du commerce par les Proto-élamites. L’écriture proto-élamite est de type pictographique, et ne franchira pas l’étape menant au système cunéiforme comme à Sumer. Comme les premières formes d’écritures, elle trouvera son application principalement dans le domaine commercial, comme le démontrent les nombreuses tablettes proto-élamites retrouvées sur les sites de l’Iran d’alors. On trouve donc des signes et des chiffres (avec un système qui avait pour base dix, et qui était donc décimal, à la différence du système sumérien, sexagésimal), servant à inventorier les marchandises, certains signes probablement des noms.
Les Proto-élamites jouent donc un rôle de premier plan dans un Iran qui voit à cette période l’émergence de cultures originales importantes. Avec la civilisation proto-élamite et celle de la vallée du Halid, la région de Jiroft et du Kermân deviennent un foyer culturel majeur, autour des grands sites de Tepe Yahya, de Kunar Sandal (près de la ville de Jiroft), et de Shahdad (on peut aussi mentionner les sites proches culturellement de la vallée du Bampur).
Ces trois derniers sites constituent une aire, foyer créateur d’une civilisation qui va influencer les régions voisines, en premier lieu, l’Élam, à partir de l’Anshan, puis ensuite vers la Susiane.

Au sud de la terrasse, un autre massif de maçonnerie était criblé de centaines de tombes (peut-être même deux mille), serrées et superposées les unes contre les autres. Ces tombes contenaient souvent une hache, ce qui représente une masse impressionnante de métal. A la même époque, le cuivre est absent des villages de basse Mésopotamie. Au contraire, Suse utilise le métal du plateau iranien où les premiers pas d’une métallurgie naissante sont indéniables (dès -4 500, on sait couler du métal dans un moule et il existe de nombreux ateliers de fonderie). La thésaurisation du métal des tombes (terme technique du monde financier décrivant une accumulation de « monnaie » pour en tirer un profit, et non par principe d’économie : préférence de la part d’agents économiques pour la liquidité, à des fins de spéculation) et l’érection de la terrasse font de Suse I plus qu’un village : quelques habitants sont plus égaux que d’autres.

Les cachets confirment cela : en Mésopotamie du Sud, l’absence de scellements est surprenante, alors que l’Iran (comme la Mésopotamie du Nord) a développé leur usage.
Les cachets sont destinés à être imprimés sur argile et ne sont pas seulement des « amulettes » ou des parures. Ces scellements servaient à identifier des contenants de grains (lieux clos, sacs, jarres) dont l’usage était ainsi différé, tout en étant « protégé » car la propriété clairement signifiée. Ces scellements sont une protection symbolique car on peut les briser facilement. Ils ne sont pas destinés à interdire les vols, mais attestent l’existence d’une gestion et d’un contrôle dans le temps.

Sur ces cachets et sur les scellements qu’ils ont imprimés, on observe une figure appelée le « Maître des animaux » (silhouette humaine dont la tête est sommée de cornes de capridés, le corps ocellé – avec des taches rondes, comme sur le pelage, le plumage, de certains animaux – et les mains pourvues de trois doigts).
Cet homme, protégé par des parures (ou bracelets, colliers, bandeaux), maîtrise des serpents ou renverse des panthères ; un lion se bat contre de longs serpents qui cherchent à l’étouffer dans leurs anneaux, mais il n’offre en revanche qu’une résistance assez molle au personnage paré qui le soulève de terre et le renversent d’un doigt indifférent. Quoi de plus naturel, puisqu’il s’agit du « Maître des animaux ».
Est-ce un génie maîtrisant le monde, une divinité, un chef, ou même la préfiguration des « rois-prêtres » ?
A une époque qui précède celle de l’apparition des villes et de l’écriture, ce personnage se distingue des autres. Certaines de ses parures ou de ses attitudes le relient au monde animal. On peut le mettre en rapport avec l’apparition d’une hiérarchie dans le cadre d’actes qui ne relèvent pas de la sphère quotidienne. De plus, son affrontement au monde sauvage sur certains cachets suggère qu’il s’agit de la représentativité d’une autorité supra-humaine. La question de la nature de ce personnage renvoie à celle de l’existence d’une hiérarchie spirituelle, ou d’une représentation anthropomorphique d’une entité supranaturelle (ancêtre héroïque, esprit voire dieu).
Quel qu’il soit, ce « Maître des animaux » a une longue descendance iconographique.

Des changements profonds se produisent donc dans le Khuzistan. Est-ce en relation avec la maîtrise des techniques métallurgique ? (alors que, vers -7 200 non loin de Damas, on fabriquait déjà des perles à base de cuivre natif – non chauffé, juste malaxé comme de la pâte à
modeler –, ces raretés n’avaient pas inauguré une ère technique nouvelle et n’avaient pas modifié la structures des sociétés de l’époque).
Toujours est-il que l’iconographie témoigne de conceptions nouvelles. Là aussi, une élite apparaît au sein des villageois, faisant converger vers elle les produits issus des techniques de la métallurgie naissante : elle inscrit sa marque dans le paysage en réalisant des monuments exécutés sous son contrôle, elle élabore une iconographie raisonnée qu’elle saura mettre à son service.

Il existait un lien culturel étroit entre le sud de l’Iran central (Jiroft) et la culture élamite florissante dans le sud-ouest de l’Iran, et plus particulièrement à Suse, dans le Khuzestan. Jiroft (sud-est de l’Iran) est un gros centre de production artisanale du -IVè millénaire, notamment de vases en chlorite. Qui est l’humain de Jiroft ? D’abord un fabuleux artiste. Il vit dans un monde foisonnant, sous des palmiers géants, produisant des vases incrustés de cornaline (sophistication inouïe pour l’époque). S’il fut un Eden, « berceau sémite de la civilisation », abreuvé par un fleuve qui se divise en quatre bras, nommés Pishôn, Guihôn, Hiddeqel et Phrat (ce dernier désignant probablement l’Euphrate), il a peut-être jailli là. Le jardin est d’ailleurs planté à l’Orient d’Éden (edinu, « steppe » en akkadien, ou edin, « plaine » en sumérien), mais non en Éden, qui serait donc le territoire où se situe le jardin, non le jardin lui-même.

La large diffusion, à partir du -IIIè millénaire, des objets du type de Jiroft est étonnante : des Emirats Unis du sud à l’Ouzbékistan au nord et de Mari à l’ouest à l’Indus dans l’est.
Le matériel de Jiroft, la reconnaissance faite de la présence sur les rives du Halil Roud d’un peuplement dense avec des sites grands et petits, la richesse des vestiges, témoignent d’une civilisation complexe.
Cette culture constituait un centre indépendant dans un schéma dynamique d’interaction sur de longues distances, impliquant des mouvements de personnes et de biens par voies terrestres et maritimes à la fois : c’était l’âge des échanges !
Parallèlement à cette concentration des populations, se sont développés les échanges à longue distance de produits rares ou prestigieux.
Jiroft et sa province se trouvent sur la route du lapis-lazuli d’Afghanistan vers le détroit d’Ormuz puis, par voie maritime, vers les côtes du golfe Persique et de la péninsule arabique jusque vers la haute Egypte où le lapis-lazuli apparaît dès le -IVè millénaire. Une autre voie, terrestre, s’ouvre du Kerman vers le Fars, la Susiane et la vallée de la Diyala. Sur cette route, Suse enregistre clairement, dès -3 100, un retour vers l’ouest de l’influence iranienne. Vers l’est, les échanges se développent vers la Bactriane et l’Asie centrale, vers le Baluchistan oriental et la vallée de l’Indus.

Dans le Baluchistan de la fin du -Vè millénaire, une réelle homogénéité existe. Une expansion vaste paraît de même nature que celle de la céramique d’Obeid, en Mésopotamie, de l’autre côté des plateaux irano-afghans. Il existe une vraie similitude des situations sociales : dans le Baluchistan comme en Mésopotamie, et à peu près à la même époque, les cultures villageoises sont prêtes à parcourir de nouvelles étapes.
A Mehrgarh III (-4 500 à -3 800), la dimension du village augmente considérablement (près de 70 ha, avec des maisons, des zones d’ateliers spécialisés – fabrication en abondance de perles et pendentifs lapis-lazuli, cornaline, turquoise et en stéatite noires, à l’aide de petits forets de pierre –, de vastes structures de stockage en briques crues).
A la fin de cette phase, la vallée de l’Indus est colonisée : les premiers villages apparaissent sur les rives du fleuve, un peu avant -3 500. Dès lors, la symbiose entre les sites du piedmont du Baluchistan et ceux de la grande vallée demeureront une constante, expliquant en partie la naissance de la civilisation de l’Indus, dès le milieu du -IIIè millénaire.

Pour un Mésopotamien du -IVè millénaire, le monde s’étend alors de la vallée du Nil, de la Méditerranée et de la mer Noire, à la Caspienne, à la vallée de l’Indus (le bœuf à bosse, ou zébu, est originaire de l’Inde, mais on le rencontre jusque dans la vallée du Jourdain dès le -Vè millénaire) et à la mer d’Oman.
Dès la fin du -Vè millénaire, il existe des déplacements de métallurgistes originaires du plateau anatolien (Turquie), exportant leur production vers le Levant. Au début du -IVè millénaire on constate l’existence d’échanges à longues distances : le lapis-lazuli d’Afghanistan gagne la Haute-Egypte par le sud de l’Iran, le détroit d’Ormuz et la voie maritime ; l’or et l’ivoire du Soudan parviennent au Levant en échange du cuivre anatolien.
S’est créée ainsi une unité géographique, une communauté de fait et un sens nouveau du monde.
Il découle de cet élargissement une intelligence beaucoup plus Collective (avec la circulation des biens, les connaissances et savoir-faire se propagent), une rationalité plus grande, une logique plus ferme, qui vont contribuer à transformer l’agrégat de représentations mentales qui caractérisait la conscience mythique en une architecture de concepts clairs.
Un sens agrandi de l’universalité entraîne une rationalité plus grande, une capacité neuve à connaître, analyser, à classer, à formuler des concepts clairs et élevés.
S’y ajoute, déterminante, la pression sociale dans les régions où des groupes humains ont été poussés à se rassembler par la détérioration des conditions climatiques qui affecte l’hémisphère nord au lendemain de l’optimum climatique à partir du -Vè millénaire.

La distinction s’approfondit entre individuel et collectif, comme le montre l’apparition de seaux, témoignage du développement de la propriété individuelle. La spécialisation artisanale qui s’accentue (auparavant, « tout le monde » devait savoir « tout faire » – dans son domaine social et par rapport à son sexe –, pour qu’au cas où l’un mourait, les autres ne perdent pas le savoir et savoir-faire), conduit à une stratification des sociétés et à leur hiérarchisation.
La société villageoise de l’Obeid final a engendré des chefs locaux, des patriarches qui doivent leur pouvoir au fait qu’ils sont les aînés.
Dans ces sociétés céréalières, ils tendent à centraliser une partie de la production agricole avant de la redistribuer (notamment auprès des familles et clans d’autres villages, alliés). Au fur et à mesure que les groupes sociaux s’agrandissent, la pyramide sociale se développe et le pouvoir de contrôle se concentre entre les mains de quelques individus. La société mésopotamienne est en route vers les bouleversements de la fin du -IVè millénaire qui vont déboucher sur l’urbanisation.

Pour visualiser le processus d’urbanisation, prenons l’exemple du site de Gawra, près de Mossoul (Nord-Ouest de l’Irak), le début des futures cités. Après une désertion, la réoccupation du site (Gawra XI, vers -3 800) est marquée par l’érection d’une forteresse au milieu d’un espace vide. Cette construction ronde est constituée d’un gros mur circulaire de près de 20 m de diamètre. A l’intérieur, dix-sept pièces (rectangulaires ou triangulaires) se partagent l’espace. Au centre, une salle rectangulaire plus grande que les autres est divisée en son milieu par un gros mur de soutien. A l’étage se trouvait l’habitation proprement dite, le rez-de-chaussée étant consacré au stockage. Quelques maisons vinrent ensuite entourer cette forteresse, constituant peu à peu un village. Avec le temps, la forteresse finit par disparaître. Après une nouvelle d’abandon, un village se reconstitue. De petites maisons se groupent de manière assez distante autour d’un bâtiment plus vaste, de plan tripartite, où l’on trouva des scellements. Cette résidence se dresse au milieu du village. C’est l’habitation d’un responsable, un chef de lignage, mais c’est aussi l’endroit où celui-ci reçoit, comme on dirait aujourd’hui, ses administrés. Sa maison est associée à une petite place, dans un tissu très dense, et surtout à un grenier.
A Gawra VIII (vers -3 200), de vastes édifices (dotés d’un proche d’entrée qui leur confère un aspect monumental, en faisant de grandes résidences) se groupent au centre du tell (colline artificielle, formée par l’amoncellement des vestiges des occupations précédentes, rasées). Entre eux, une construction rectangulaire faite de petits espaces carrés contigus, forme le grenier. Des ruelles rectilignes ordonnent le tissu bâti. Durant cette phase, certains grands édifices sont abandonnés, d’autres les remplacent. Les petites maisons se multiplient, mais de grands ensembles, délimités par des murs très longs et très épais, apparaissent. Les gens qui possèdent le pouvoir de décision prennent conscience qu’ils forment un groupe à part, une élite. Le sommet du site n’est plus qu’une acropole où se massent des résidences somptuaires, à côté d’une agglomération qui s’étend en contrebas. La maison du chef se distingue entre autres par son décor. Parce qu’il exerce des responsabilités particulières, le chef est très sollicité, et sa famille en pâtit. Pour remédier au problème et exercer tranquillement ses responsabilités, il en vient à se faire construire un bâtiment spécifique, une salle d’audience, tandis qu’un grenier est implanté non loin. Au bout d’un certain temps, une nouvelle salle d’audience est bâtie, associée à une suite de cours, jouxtant le grenier. Dans le même mouvement, le chef rebâtit sa maison mais, parce que celle-ci est désormais déchargée des contraintes de représentation, elle redevient banale. On trouve dès lors, dans un périmètre restreint, une habitation, une salle d’audience, un grenier, c’est-à-dire tous les éléments qui, mieux intégrés, conduiront au palais.
Au terme de cette évolution, la situation aura changé du tout au tout. A Gawra IX, au début du -IVè millénaire (vers -3 700), les résidences des chefs étaient encore insérées au sein du village ; à Gawra VIII, à la fin du même millénaire (vers -3 200), les grandes résidences sont regroupées sur l’acropole (le sommet du tell), l’habitant commun, plus modeste, étant rejeté en contrebas, à la périphérie.
Il n’y a pas d’image plus claire pour montrer la constitution progressive d’une élite hautaine qui cherche à se démarquer du commun, du bas (c’est le cas de le dire) Peuple !
Les rites funéraires confirment cette interprétation. A Gawra XI, les inhumations sont regroupées en un cimetière. Les corps, déposés dans un coffre, sont accompagnés de mobilier funéraire. A Gawra VIII, la situation est différente. Les corps d’une vingtaine d’adultes sont disposés dans de grands caveaux construits en briques, accompagnés d’un mobilier funéraire subitement fort riche : quelques objets en or ou en argent, en électrum (alliage naturel de trois parts d’or pour une part d’argent, très prisé pendant l’Antiquité, notamment extrait du fleuve Pactole), en lapis-lazuli, en turquoise. Ces matières précieuses sont travaillées avec soin pour constituer des perles, des pendentifs, des rosettes. Les perles de lapis-lazuli (une tombe en a livré plus de 450) sont la plus ancienne attestation en Mésopotamie de cette pierre semi-précieuse bleu foncé dont la source la plus proche est la région du Badakhshan, dans le nord de l’Afghanistan oriental, à plus de 2 000 km de Gawra. Les matériaux exotiques soulignent le statut social élevé des défunts qu’ils accompagnent.
Ce sont les tombes des habitants des grandes résidences qui occupent le sommet du tell, non les tombes banales de la population ordinaire. Comme l’organisation de l’espace et l’architecture, les tombes de Gawra VIII sont le reflet d’une société dont la hiérarchie est désormais de plus en visible. Il n’est donc pas étonnant de constater la présence nouvelle d’objets de métal, si rare jusqu’ici au nord comme au sud. Les haches plates en cuivre apparaissent occasionnellement dès Gawra XII-XI, mais les riches tombes de Gawra VIII renferment de nombreux objets de métal précieux (dont une minuscule tête de loup, petit chef-d’œuvre métallurgique). Une aristocratie est née ! La pratique des scellements, apparue à la fin de l’époque d’Obeid à Gawra XIII et XII (vers -4 000), témoigne que certaines personnes disposent d’une capacité de contrôle et de décision. Ces sceaux/marqueurs ne sont pas là pour le commerce ou les échanges entre des agglomérations voisines (leurs motifs, assez banals, sont reproduits à de nombreux exemplaires et ne pourraient identifier un propriétaire), car de nombreux scellements ont aussi été trouvés (en plus des grandes résidences des notables) dans les maisons ordinaires (les petites gens devaient déjà essayer de se comporter comme les grands).
Il s’agit en réalité de pratiques destinées à interdire ou différer la consommation d’un produit, par des procédés admis de tous (d’autant plus « facilement » que l’on reste ici dans le cadre de quelques familles élargies, où tout le monde se connaît et est lié plus ou moins directement). Ce sont des pratiques de la vie quotidienne, décidées pour gérer les stocks de la communauté, beaucoup plus que d’une gestion économique compliquée (anachronique à la fin du -IVè millénaire).

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