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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 23:58

Dieu est mort, vive la Laïcité

Télécharger le fichier : 03 - Les crépuscules des dogmes


Le coup de grâce final (ou de disgrâce plutôt dans ce cas) fut donné à dieu par Nietzsche (Allemagne, 1844-1900). Le principe de sa philosophie est l’enthousiasme de la vie et sa morale une critique des idées chrétiennes de pitié et de résignation. Pour Nietzsche, la « morale d’esclaves » chrétienne place l’humain dans un état d’infériorité, et en fait une vertu ; cette morale doit céder sa place à la « morale des maîtres » (Par delà le bien et le mal, 1886). En déclarant « dieu est mort » dans « Ainsi parlait Zarathoustra » (1883), il considère la religion comme un alibi devant la faiblesse humaine et le malheur. Il fustige la morale ascétique des églises et rejette dieu que l’humain a inventé pour se contraindre à la résignation. Mais dieu étant mort, l’humain aliéné se libère du fardeau de la transcendance divine et de ses exigences morales et métaphysiques. Nietzsche constate cependant que l’humain, qui a tué dieu, n’en a pas tiré toutes les conséquences en se contentant de transformer le christianisme en humanisme ou en se tournant vers un athéisme religieux.
Son œuvre est une lutte pour la sauvegarde de l’humain devant le danger de la faiblesse et du nihilisme de la culture occidentale, produit par le christianisme qui détruit la vie en voulant la sauver. L’effort permanent pour surmonter le pessimisme doit transformer l’humain en « surhumain », être exceptionnel, Libre de toute servitude, qui saura assumer sa finitude. Après sa mort, ses propos, notamment dans « La Volonté de puissance », seront déformés par sa sœur, qui voudra y faire apparaître, à tort (Nietzsche se déclarait anti-antisémite), des prémices aux idées du national-socialisme, nazisme qui prendra le pouvoir à peine 30 ans après la mort de Nietzsche, suite à la honte infligée aux vaincus de la 1ère guerre mondiale par les vainqueurs.

En fait, Nietzsche puis Freud et consort, permirent aux humains d’envisager dieu autrement que comme avait pu l’enseigner à certain le catéchisme. Grâce à de nombreux intellectuels de cette acabit, les humains comprirent enfin que ce n’est pas dieu qui avait créé l’humain à son image (parce que sinon, voilà la dramatique personnalité de dieu), mais bien l’inverse. Ce que nous appelions dieu depuis la préhistoire (quelles que soient ses formes), n’était en fait que la résultante de la Conscience Collective, plus ou moins matinée de préceptes et obligations propres aux religieux. Les humains avaient créés de toute pièce dieu pour donner des explications « logiques » (en fonction des connaissances des époques) sur nos origines, nos buts et notre devenir. Ce concept permis aussi, et surtout, de définir les grandes orientations et règles de vie propres à toute société humaine. Ainsi, dieu n’était ni bon ni mauvais, mais humain. C’est pourquoi, même des dieux « civilisés » tels que Yahweh-dieu-Allah (le même avec différents noms), étaient particulièrement cruels ou s’en fichaient de nous, pauvres humains abandonnés à notre triste sort. Du coup, il était même plus facile pour les croyants de vivre en ce bas monde, car ils n’avaient plus à considérer que le grand Satan avait gagné la bataille (voire la guerre après la mort de Jésus ou Mahomet) contre les prophètes de dieu et qu’il nous avait définitivement laissé tomber comme des merdes. De fait, pour que l’apocalypse se réalise (jugement dernier des humains, avec avènement de la Jérusalem céleste sur Terre et son corollaire de nouveau Paradis : autrement dit le Grand Soir), il fallait que nous ne comptions que sur nous-mêmes. Processus lancé par la séparation de l’église et de l’état (pour avoir les mains libres de tout dogme) puis par la prise en charge directe des affaires sociales (d’où l’application de la Responsabilité Individuelle et Collective) par la chute de la gouvernance.

En cette fin de XIXè siècle, époque du progrès comme source de bonheur, la France, fille aînée de l’église (car l’ayant protégée depuis Clovis et Charlemagne), brise définitivement un tabou absolu et combattu de longue date : celui de la séparation de l’église et de l’état, de la différenciation du pouvoir temporel (politique : autorité sur les corps des serfs, détenue par le roi ou le gouvernement) sur le pouvoir spirituel (religieux : autorité sur les âmes, détenue par le pape). Depuis la Révolution Française de 1789, l’église était déjà bien mise à mal par les nouveaux concepts philosophique et « sociaux » : soit les prêtres se soumettaient au nouveau pouvoir du Peuple et adaptaient leurs prêches, soit ils seraient pourchassés. Le 12 juillet 1790, l’Assemblée Constituante vota la Constitution civile du clergé : cela institua une église nationale (privée de ses biens) avec des évêques et des prêtres élus par les fidèles, rémunérés par l’état et tenus de prêter un serment de fidélité « à la nation, à la loi, au roi». Ce régime avait été condamné par le Saint-Siège de sorte que s’opposaient depuis lors en France le clergé assermenté ou constitutionnel et le clergé insermenté ou réfractaire, fidèle à Rome.

Dès 1800, Napoléon Bonaparte, Premier Consul, manifesta le désir d’un rapprochement. Il en avait besoin pour consolider son régime. A la différence des Révolutionnaires qui avaient tenté d’exclure les religions de la sphère publique, lui voulut mettre l’église catholique, encore très influente, à son service. C’était le but de son Concordat de 1802 : il apporta au Premier Consul le soutien des catholiques et de certains monarchistes, tout en mettant fin aux guerres civiles et religieuses qui avaient divisé les Français tout au long de la Révolution.
Il fallut cependant attendre jusqu’en 1905 pour voir enfin entérinée la séparation de l’église et de l’état (loi Aristide Briant), après plusieurs lois Révolutionnaires en ce sens (1790 puis par la Commune de Paris en 1871). Cette loi sera avant tout l’achèvement d’un affrontement violent qui aura duré 115 ans et qui aura opposé deux visions de la France : la France catholique royaliste et la France républicaine et laïque. Pour information, en l’an 2000, il n’y avait que deux pays véritablement laïcs dans leur Constitution : la France et la Turquie (laïcité votée en 1928 sous l’impulsion de Mustafa Kemal, dit Atatürk ; il copia/adapta nombres d’institutions et pensées européennes, en rupture avec l’empire ottoman, « l’homme malade de l’Europe »).
L’alliance du sabre et du goupillon avait vécue !

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 23:56

L'humain remis à sa place : un animal comme les autres, qui a évolué comme les autres

Télécharger le fichier : 03 - Les crépuscules des dogmes


Après s’être attaqué aux dogmes de la physique, les scientifiques s’attèlent à comprendre les origines de l’Humanité et des (autres) animaux : ils cherchent à expliquer la Nature et ainsi, définir la place de l’humain.

Longtemps la question fut réglée par la bible. Dieu avait créé l’Univers en 6 jours, et consacré le dernier (il devait être fatigué le pauvre vieux barbu, c’est pour cela qu’il ne nous aurait pas complètement réussi) à façonner un être humain. Mais avec les voyages lointains, les découvertes de plantes et d’animaux se multiplient. Les catalogues naturalistes s’allongent. On y trouve, pêle-mêle, des données observées et des éléments de légendes. Au XVIIIè siècle, le suédois Charles Von Linné décide de mettre de l’ordre dans ce fatras, en inventant la systématique, cette classification des êtres vivants en classe, ordres, genres et espèces (nulle part n’apparaît le terme de race, terme plus politique que scientifique). En premier, il place les humains – qu’il baptise Homo Sapiens (qui sait) – dans l’ordre des primates, à côté des grands singes supérieurs – qu’il nomme Homo Sylvestris (de la forêt) – à cause de leurs ressemblances corporelles. C’est le premier pas vers la reconnaissance d’une parenté entre l’humain et les autres singes, voire les animaux en règle générale.

Jusqu’au XIXè siècle, en accord avec l’épisode du Déluge dans la bible, la théorie courante sur l’extinction des espèces avait pour nom Catastrophisme, selon laquelle les espèces s’éteignaient à cause de catastrophes (brusques changements environnementaux), suivies par la formation de nouvelles espèces ex nihilo (sorties de rien). Les espèces éteintes étaient retrouvées sous la forme de fossiles. Les espèces nouvelles étaient considérées comme immuables.
Le premier à jeter un pavé dans la mare du Catastrophisme, fut Charles Lyell (Angleterre, 1797-1875) qui démontra que la Terre avait subi des évolutions lentes et non des changements radicaux (évolution environnementale).
Par la suite, le second coup assené contre les phénomènes spontanés, fut donné par Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) qui observa que toute nouvelle génération héritait des caractéristiques de ses ancêtres (il n’y avait donc pas de génération spontanée, comme on le cru également pour les bactéries). Il suggéra que les caractéristiques et les organes étaient améliorés par un usage répété et au contraire étaient amoindries ou supprimés par la non-utilisation chez chaque individu, qui transmettait ces améliorations et suppressions directement à ses descendants (hérédité génétique : évolution biologique).
C’est ensuite que Charles Darwin (Angleterre, 1809-1882), en voyage sur les îles Galapagos et surpris par certaines ressemblances entre des fossiles très anciens d’animaux pétrifiés et les bêtes bien vivantes qu’il aperçoit dans la forêt, formule ses pensées sur les modifications et le développement des espèces dans son Carnet sur la Transmutation des Espèces, en accord avec les Principes de Géologie de Charles Lyell. Il lit l’Essai sur le Principe de Peuplement de Thomas Malthus, lequel prédisait que la taille d’une population était limitée par la quantité de nourriture disponible, ce qui le fait réfléchir au problème de lutte pour la survie.
En 1859, Darwin établit dans son De l’origine des espèces que tous les individus d’une population sont différents l’un de l’autre. Certains d’entre eux sont mieux adaptés à leur environnement que les autres et ont de ce fait de meilleures chances de survivre et de se reproduire. Ces caractéristiques avantageuses sont héritées par les générations suivantes, et avec le temps deviennent dominantes dans la population. Ce processus progressif et continu résulte en l’évolution des espèces. Il osa démontrer, à la fin de sa vie dans le livre Filiation de l’humain, une parenté entre le singe et l’humain. Cela provoque un énorme scandale et toute la « bonne » société voulut l’abattre.

La religion ne pouvait décemment laisser passer une théorie affirmant que l’humain descendait du singe et non de l’argile, alors que dieu était censé avoir créé l’humain à son image. Darwin fut accusé de dénier l’existence de dieu en redéfinissant l’humain comme le résultat d’un processus naturel plutôt que comme la création de la volonté divine. Darwin, pourtant fils de pasteur, avait alors déjà cessé de croire à l’existence d’un dieu bienveillant lorsqu’il avait découvert le mécanisme de reproduction de la guêpe, dont les larves se développent en dévorant leur proie de l’intérieur en respectant scrupuleusement les organes vitaux !
Cependant, une découverte allait lui donner raison et ouvrir les yeux des plus sceptiques. Au mois d'août 1856, dans le cadre de l'exploitation d'une carrière, des ouvriers vidèrent une petite cavité de la vallée Neandertal (qui signifie « vallée de l'homme nouveau »), la grotte de Feldhofer. Ils y découvrirent des ossements et un fragment de crâne. Certains amateurs se rendirent compte qu'il s'agissait d'ossements anciens mais surtout incroyablement primitifs, correspondant à un homme nouveau, d'une « conformation naturelle jusqu'ici inconnue ». L'Homme de Neandertal est effectivement le premier humain fossile distinct d'Homo sapiens qui ait été découvert (même si non : un crâne d'enfant avait déjà été mis au jour à Engis en Belgique en 1830 – crâne de jeune individu sur lequel les traits caractéristiques des Néandertaliens étaient moins évidents –, puis un crâne d'adulte avait été trouvé à Gibraltar en 1848, mais sans doute était-il trop tôt, comme le prouvent d'ailleurs les difficultés pour faire admettre que les os recueillis à Neandertal correspondaient bien à un homme fossile). L'idée même qu'une espèce d'humain distincte de la nôtre ait existé par le passé (et ait disparu) fut d'ailleurs particulièrement difficile à admettre.
Malgré des différences importantes avec les os d’humains modernes, on estimait que les ossements dataient d'une période antérieure aux Celtes et aux Germains, et étaient ceux d'un individu appartenant à l'une des races sauvages du nord-ouest de l'Europe dont parlent les auteurs latins. Tous les chercheurs n'acceptent pas cette interprétation : pour certains, les os ont appartenu à un genre différent du nôtre, sans doute plus proche du singe, pour d'autres ils renvoient à un individu pathologique ou frappé d'idiotisme. Certains évoquent même un cosaque ayant déserté les armées russes en 1814.
Mais peu à peu les découvertes vont se multiplier, d'abord celles d'Homo sapiens fossiles associés à des vestiges lithiques et à des animaux disparus (dont l'Homme de Cro-Magnon en 1868, accompagné de mammouths), puis d'autres Homo neanderthalensis, encore en place dans les sédiments, complets et présentant les mêmes spécificités anatomiques : parmi les plus spectaculaires, il faut citer les deux squelettes de la Grotte de Spy en 1886 puis la sépulture de l'Homme de la Chapelle-aux-Saints en 1908. Elles contribuèrent à faire définitivement accepter l'existence d'une nouvelle espèce d'humain par la communauté scientifique.

Alors que son œuvre précisait bien que les fossiles et les animaux étaient de la même origine et appartenaient aux mêmes familles mais que le temps les avait fait différents selon les pressions de l’environnement, certaines interprétations hors contexte de la théorie de Darwin, ni voulues ni prévues par celui-ci, ont eu des effets dérivés graves. Deux se sont révélées socialement catastrophiques : le darwinisme social a interprété des phrases de Darwin exprimant une probabilité (« les organismes plus adaptés doivent éliminer à long terme les moins adaptés ») comme des impératifs catégoriques, c’est l’eugénisme.
Mais plus grave, la doctrine du nazisme provenait aussi d’un darwinisme mal compris, et peut-être également du traumatisme psychologique provoqué par cette théorie dans beaucoup d’esprits (si de nombreuses lignées étaient condamnées à ne pas survivre, certains préféraient que leur lignée ne soit pas de celles-là). Ainsi, dans le contexte d’un catholicisme (du déisme en général) à bout de souffle et d’une crise politico-économique, les nazis s’appuieront sur la haine viscérale des chrétiens envers les juifs (jugés être déicides pour avoir participé, du moins passivement, à la mort de Jésus, juif lui même). Pour renforcer la chrétienté agonisante (en assurant les bons chrétiens de leur origine « pure »), fortement ébranlée par l’origine primate de l’humain, elle utilisa les théories de Darwin qu’elle ne pouvait combattre, en les retournant contre les ennemis de Rome. La théorie de l’évolution servit malheureusement à « justifier » le concept de races (alors qu’il n’y a qu’une race, c’est la race humaine – Homo Sapiens–, avec différentes ethnies / sous-espèces), qui fut la base de l’extermination des juifs. Les « forts » (« les chrétiens ») pour survivre, pouvaient éliminer les « faibles » (toutes minorités ethniques, culturelles, sexuelles, …) car de toute façon, l’évolution, la Nature, le ferait. Et le pape Pie XII donna en plus son aval (qui ne dit mot consent), laissant faire un massacre à l’échelle industrielle (Hitler aurait dit pour justifier son crime contre l’Humanité que personne n’avait réagi ni ne se souvenait du génocide arménien, alors que dès 301 l’Arménie devint le premier pays où le christianisme fut religion d’état, donc pour sûr que le pape n’allait pas lever le petit doigt pour les juifs « tueurs de prophète »).
Les nazis exterminèrent également les Gitans (censés être les descendants de Caïn, le frère meurtrier d’Abel), car ils furent maudits à vagabonder sur la Terre et à être un peuple d’artistes (« ils vivent sous des tentes, sont pasteurs et jouent de la harpe et de l’orgue » selon la bible).
Darwin, finalement, tombe bien a propos : sa théorie permet d’expliquer le concept de « race maudite », celle des enfants de Cham. La Genèse nous explique que Noé commença à cultiver la terre, et planta de la vigne. Un jour il but du vin, s’enivra, et se découvrit. Il était nu, au milieu de sa tente. Cham, père de Canaan, vit la nudité de son père, et il le raconta à ses deux frères. Alors Sem et Japhet prirent le manteau, le mirent sur leurs épaules, marchèrent à reculons, et couvrirent la nudité de leur père; comme leur visage était détourné, ils ne virent point la nudité de leur père. Lorsque Noé se réveilla de son vin, il apprit ce que lui avait fait son fils cadet Cham. Il bénit Sem et Japhet tout en maudissant Canaan (allez savoir pourquoi c’est le fils qui prend pour son père, ce dieu est cruel par nature) : « Que tu sois l’esclave des esclaves de tes frères! ». Cham est à l’origine des Chamites qui sont considérés par la tradition juive comme les ancêtres des Noirs (au sens Africains). Il eut pour fils Koush (Nubie au sud de l’Égypte), Misraïm (Égypte : même origine en arabe, autre langue sémitique, où Égypte se dit « Misr »), Pout (Pount situé sur la rive occidentale de la mer Rouge à la hauteur de l’Érythrée actuelle : Ethiopiens, anciennes tribus d’Arabie du Sud, Yéménites) et Canaan (Canaanites de Palestine et du Liban).
Alors que l’esclavage tendait à être aboli (tout d’abord en 1794, puis remis par Napoléon en 1802, définitivement aboli en 1848 en France, grâce à Victor Schœlcher, Alsace), la religion catholique (majoritaire dans les pays colonisateurs) utilisa Darwin pour justifier l’envoi de missionnaires évangélisateurs en Afrique et surtout continuer l’esclavage (les Chamites étant une « race maudite » destinée à être des serfs).

Dans le contexte de Darwin et de contestation scientifique de fin de XIXè siècle, d’autres découvertes (archéologiques cette fois-ci) vinrent durablement ébranler une foi déjà vacillante. En 1872, suite aux fouilles de la bibliothèque de Ninive (Irak actuel), on découvrit des tablettes d’argile relatant l’épopée de Gilgamesh, faisant reculer les plus anciennes civilisations orientales de 2000 ans par rapport à ce qu’enseignaient les auteurs antiques. La beauté et la richesse symbolique du récit firent d'autant plus sensation lors de leur révélation devant la Société d'Archéologie Biblique de Londres, que d’autres textes relatant le déluge ressemblait beaucoup, mais en plus étoffé, à l’épisode de Noé dans la Bible.
De plus, on découvrit par la suite de nouvelles preuves que la bible n’était qu’une compilation remaniée et édulcorée vers le -VIè siècle (à des fins politiques et nationalistes) de nombreux textes antiques provenant des grandes civilisations de l’Orient.

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 23:53

La Grande Dépression de 1873 à 1896

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La Grande Dépression débute le vendredi 9 mai 1873 à Vienne où la Bourse s’effondre en réaction à la faillite du Kreditanstalt, krach qui affecte peu de temps ensuite la Bourse de New York. La période de crise rompt avec le développement relativement continu de l’activité économique depuis le début du XIXe siècle en remettant en cause les mécanismes du marché. Ceux ci étaient rendus possibles jusqu’alors par la multitude des structures de petites et moyennes tailles et l’absence d’organisation salariales. La naissance des syndicats et le développement des très grandes firmes ont compromis cet équilibre en rigidifiant les variables du marché : les prix et les salaires. Les grandes banques d’affaire venaient de connaître un développement sans antécédent, leur inexpérience contribuant à l’irrationalité financière et à l’apparition de bulles spéculatives à l’origine des krachs. Un premier black Friday le 11 mai 1866 avait déjà secoué la Bourse de Londres.
La crise affecte en particulier le secteur sidérurgique en Europe et les chemins de fer aux États-Unis, où plusieurs grandes compagnies comme la Northern Pacific font faillite. La crise se renforce ensuite au début des années 1880. La spéculation sur les chemins de fer en France et aux États-Unis provoque des krachs, respectivement en 1882 et 1884, entraînant de nouveau la disparition de certaines banques d’affaires. Enfin en 1890, une des plus célèbres banques britanniques, la Baring (qui ne disparaît pas pour autant), dépose le bilan du fait de mauvaises spéculations à l’étranger.

La dépression économique durera jusqu’au milieu des années 1890 : 1893 ou 1896 selon les références. Cette longue stagnation - il ne s’agit pas ici d’une chute de la production comme dans les années 1930, mais d’un marasme économique - s’accompagne de crises plus brèves liées en partie aux détournements des banques vers les placements de court terme. Face à la crise, les grandes entreprises se concentrent afin de maintenir leurs profits, formant des cartels en Allemagne, des trusts aux États-Unis. Cette stratégie est fortement encouragée en Allemagne, pays connaissant une certaine prospérité et comblant son retard, dépassant la France et rattrapant le Royaume-Uni au plan industriel. Aux États-Unis la constitution de ces trusts sera combattue dès la fin de la crise par la législation du Sherman Anti-trust Act (1890).
À part la concentration, l’autre conséquence majeure de la crise est l’arrêt soudain de la première expérience de libéralisation des échanges internationaux. Depuis le traité de libre-échange de 1860 entre le Royaume-Uni et la France, les pays industrialisés d’Europe occidentale multipliaient les traités de libre-échange bilatéraux, tout en s’accordant la clause de la nation la plus favorisée (qui rendait finalement les traités multilatéraux). Pour protéger leurs entreprises dans un contexte de crise, les états relèvent leurs tarifs douaniers : les tarifs Méline en France calment les agriculteurs ; le tarif Mac Kinley élève les tarifs américains à 49% (57% en 1897). Seul le Royaume-Uni, terre promise du libéralisme, conserve unilatéralement le libre-échange. Pour trouver de nouveaux débouchés, les nations européennes se lancent dans une nouvelle vague de colonisation. Jules Ferry l’explique à la Chambre des députés, « la politique coloniale est fille de la politique industrielle ».

La crise de 1873-1896 s’inscrit par ailleurs dans le mouvement des cycles économiques longs décrits par Kondratiev et expliqués par Joseph Schumpeter en 1911 dans sa Théorie de l’évolution économique : des cycles courts de 6 à 11 ans, imbriqués dans des cycles plus longs de 20 à 25 ans, généralement marqués par deux phases, une phase de croissance puis de récession.
Les innovations de la précédente période de croissance, dans la métallurgie, les chemins de fer ou la chimie, ne suffisent plus à assurer les profits des entrepreneurs. Toutefois de nombreuses inventions sont porteuses d’espoir d’innovation pour une future période de croissance : électricité, automobile, pétrole, premiers essais de l’aviation.

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 23:51

La montée du Fédéralisme

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La candidature le 21 juin 1870 du prince allemand Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen au trône d'Espagne, vacant depuis la Révolution de septembre 1868 est l'élément déclencheur de la guerre. Le 6 juillet le duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères, annonce que la France s'oppose à cette candidature (pour que la France ne soit pas prise en étau à l’Est et au Sud). Le 12 juillet Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen retire sa candidature, ce qui est annoncé par son père le prince Antoine. Le 13 juillet, alors que la France lui demande, par l'intermédiaire de son ambassadeur Benedetti envoyé auprès de lui dans la ville d'eaux d'Ems, de garantir le retrait de Léopold, le roi Guillaume de Prusse, agacé, fait confirmer la renonciation du prince, en ajoutant qu'il « n'a plus rien d'autre à dire à l'ambassadeur ».
Cependant son télégramme (la dépêche d'Ems) relatant son entretien avec l'ambassadeur de France est réécrit par le premier ministre de Prusse Bismarck (même si Léopold s'est bien retiré), pour laisser croire à un congédiement humiliant de l'ambassadeur de manière à provoquer l'indignation des Français. Le premier ministre cherche en effet à abaisser une France arrogante, dont la position diplomatique est un obstacle pour souder les états allemands et ouvrir la voie à l'unité allemande (volonté prussienne de dominer toute l'Allemagne, qui n'était alors qu'une Fédération d'états quasi-Indépendants). Même s'il ne cherche pas forcément la guerre, le premier ministre Bismarck est bien informé des réalités de l'armée française, vieillissante et non préparée à une guerre européenne, démoralisée par le désastre de l'expédition au Mexique, soldats mal équipés, mauvais positionnement des dispositifs, aucun chef de valeur. Il sait en conséquence qu'une guerre pourrait servir les objectifs allemands de la Prusse.
La presse parisienne dénonce l'affront. La mobilisation, arrêtée secrètement le 13 juillet, est signée le 14. Le 15, elle est approuvée par le Corps législatif. Malgré les ultimes avertissements d'Adolphe Thiers, le Corps législatif français vote aussi les crédits de guerre.

Mal préparés, très inférieurs en nombre et très mal commandés, les Français sont sévèrement battus dans plusieurs batailles, où ils font cependant quelque fois preuve de panache, le plus souvent héroïque, notamment lors de la bataille de Reichshoffen.

Dès le lendemain de la défaite de Forbach, une grande agitation se manifeste à Marseille. 40000 personnes ayant à leur tête Gaston Crémieux, Naquet et quelques autres manifestent devant la préfecture. L'arrestation d'Alfred Naquet provoque une recrudescence de colère et aussitôt se forme un Comité central d'action Révolutionnaire : la foule occupe bientôt la mairie et les membres du Comité sont portés au pouvoir sous les acclamations populaires. Ce Comité, comprenant surtout des membres de l'Internationale (en l'absence de Bastelica, la section marseillaise reçut très vraisemblablement les ordres directs de Bakounine) et quelques républicains radicaux, et présidé par Gaston Crémieux, se trouve ainsi à la tête d'un pouvoir Révolutionnaire issu du Peuple. Malheureusement, ses délibérations sont de courte durée, car une escouade de policiers, dispersant la foule aussi prompte à s'enthousiasmer qu'à devenir d'une passivité extrême, bloque les Insurgés dans la mairie et capture les membres du Comité. Les prisonniers, au nombre d'une trentaine environ, sont enfermés au Fort Saint-Jean et entassés dans un cachot puant. Le 10 août, sur ordre de l'impératrice régente, l'état de siège est proclamé et le 27 ils sont jugés.

Le 2 septembre, à la bataille de Sedan, l'empereur français Napoléon III est fait prisonnier avec 100 000 soldats. Cela entraîne deux jours plus tard une Révolution sans violence à Paris : les socialistes d'Auguste Blanqui tentèrent d'organiser une Insurrection, mais l'opposition parlementaire, surtout républicaine, menée par Léon Gambetta parvint à mettre en place un gouvernement provisoire, dit de la Défense Nationale. Ils proclamèrent la république le 4 septembre, au balcon de l'Hôtel de Ville de Paris. Le 28 septembre, le leader Anarchiste russe Bakounine, vient de Genève pour soulever la ville de Lyon, en proclamant l'abolition de l'état. Il échoua, mais les principes furent plus tard donnés en exemple par la Commune de Paris.

Le 7 octobre Gambetta quitta Paris en ballon pour tenter de réorganiser la défense à partir de la province (les départements du Midi de la France et du Sud-Est, crée la « Ligue du Midi pour la défense de la République »). En effet, avec Paris assiégé à partir du 18 septembre (après la bataille de Sedan, la IIe armée prussienne du Kronprinz de Prusse, entreprend le siège de Paris – qu’ils ne sont pas en mesure d’attaquer de front–, avec 2 armées allemandes, représentant 400 000 soldats prussiens, les troupes du maréchal Von Molke commencent d'importants travaux de terrassement et de fortification pour empêcher toute sortie des assiégés, ils occupent les hauteurs autour de la capitale et y installent leur artillerie, jusqu'au 28 janvier 1871), c'est toute la France qui était bloquée du fait de son organisation en étoile.
Le 27 octobre, la capitulation précipitée de Bazaine et de l'armée de Metz (150 000 hommes) porta un grave coup à la France, provoquant une nouvelle manifestation de masse : les semaines passant, la méfiance et l'hostilité des travailleurs envers le gouvernement augmentaient. Des rumeurs persistantes se répandirent au sujet des négociations avec Bismarck. Le 31 octobre, avec la capitulation de Metz et de la perte du Bourget, plusieurs contingents de la Garde Nationale, conduits par Flourens (le courageux commandant du bataillon de Belleville), attaquèrent et occupèrent temporairement l'Hôtel de Ville, la foule gronde contre le général Trochu (gouverneur militaire de Paris) et l'armistice. Un bataillon pactise avec les manifestants, mais l'énergique Jules Ferry réussit à rétablir l'ordre. A ce stade, cependant, la majorité des travailleurs n'était pas encore prête à agir de manière décisive contre le gouvernement. Isolée, l'Insurrection s'est rapidement essoufflée. Blanqui s'est enfui et Flourens a été emprisonné.

Le 1er novembre 1870, le préfet Esquiros de la région marseillaise s'oppose à Gambetta et au gouvernement provisoire. Au Conseil municipal un affrontement se produit entre les modérés et les Révolutionnaires et très vite, la Garde nationale (bourgeoise) va s'opposer à la Garde civique et l'Internationale. La réaction populaire est immédiate et spontanée : l'hôtel de ville, défendu par les gardes nationaux est occupé et la Commune Révolutionnaire est proclamée aussitôt. Un comité d'une vingtaine de membres est formé qui représente toutes les nuances de l'opposition radicale et socialiste parmi lesquels plusieurs membres de l'Internationale. Le général Cluseret qui vient d'arriver à Marseille après l'échec de la Commune de Lyon se joint bientôt à eux, et la Commune prend l'héritage de la Ligue du Midi. Mais Esquiros qui jouit de l'estime populaire se retire (son fils atteint de typhoïde meurt et ce deuil l'abat profondément); il est remplacé par Alphonse Gent qui, à la faveur des circonstances (un attentat manqué contre lui qui soulève la réprobation générale) va reprendre le pouvoir en main pour le compte du gouvernement et écarter tous ceux qui pouvaient raffermir la volonté populaire. Le 13 novembre, le préfet télégraphie à Gambetta que l'ordre tout entier règne à Marseille. Du 5 au 8 novembre, les élections municipales amenèrent au niveau national à une importante avancée des radicaux, partisans des Libertés municipales, mais adversaires de l'Insurrection.

La capitulation de Metz intervenait au moment où le gouvernement, parti s'établir à Tours, était parvenu à organiser une Armée de la Loire. Les Prussiens, libérés de la pression de Bazaine, pouvaient alors concentrer leurs forces sur l'armée de la Loire, ce qui obligea le gouvernement à se replier sur Bordeaux.
Le 3 novembre, le député républicain breton Emile de Kératry, nommé commandant des forces de Bretagne, regroupe à Conlie près du Mans, 25 000 hommes soldats et volontaires bretons, pour y former une « armée de Bretagne », au statut avancé, puisqu'il prévoyait même l'élection des chefs par la base. En fait, le gouvernement spéculait sur ce qu'il appelait « l'esprit de clocher breton » et sur l'ardeur au combat que susciterait pour des combattants peu francisés le fait de monter au feu tous ensemble, groupés derrière leurs propres drapeaux. Gambetta douta de la fiabilité de ces troupes, et le comte de Kératry fut soupçonné d'intentions séparatistes. Cette armée est abandonnée par le gouvernement, dans des conditions sanitaires épouvantables : pénurie de tentes, de couvertures, de chaussures, tentes inondées, boue jusqu'à mi-jambe, etc. Des dizaines de soldat meurent de faim, de froid et de maladie dans ce que certains surnommaient « Kerfank », la ville de boue en breton. Il est prévu d'armer ces hommes avec les surplus de la guerre de Sécession américaine, mais ces armes promises par Gambetta n'arrivent pas.
Le 22 novembre, cette « mauvaise » troupe (désillusionnée en tout cas) reçoit l'ordre de s'opposer à la poursuite de l'invasion prussienne. Léon Gambetta (re)promet des armes au général de Kératry, mais le lendemain, il interdit la livraison des armes et des munitions aux 80 000 Bretons par peur d'un réveil chouan.
Le gouvernement de la défense nationale a renoncé depuis longtemps à la Lutte, les armées de province ne peuvent secourir les défenseurs de Paris. A partir du 5 janvier des pièces de gros calibre bombardent Paris, 10 000 obus sont tirés, faisant 395 morts et détruisant près de 200 immeubles. Les gardes nationaux, à l’instigation des comités de vigilance, demandent la déchéance du gouvernement du 4 septembre aux cris de « Vive la Commune ! ».
Le 7 janvier, l’affiche rouge, rédigée en partie par Jules Vallès au nom du comité des vingt arrondissements, réclame une attaque en masse, la réquisition générale, le rationnement gratuit, et le gouvernement du Peuple.

L’armée de la Loire est vaincue au Mans le 11 janvier 1871, l’armée du nord le 19 à Saint-Quentin et celle de l’est s’échappe en Suisse !
Le 18 janvier, l'Unité allemande étant réalisée, les souverains allemands réunis au château de Versailles proclamèrent le roi Guillaume de Prusse empereur.

Dans Paris, la famine et la pauvreté provoquées par le siège avaient des conséquences désastreuses, et l'urgence de briser ce siège se faisait sentir toujours plus vivement. Après l'échec de la sortie en direction du village de Buzenval (imaginée pour « calmer » les Parisiens les plus bellicistes), le 19 janvier 1871, le général Trochu, complètement discrédité, n'eut d'autre choix que de démissionner. Il fut remplacé par Vinoy, qui, déclara immédiatement que les Parisiens ne devaient se faire « aucune illusion » sur la possibilité de vaincre les Prussiens. Il était devenu clair que le gouvernement comptait capituler. Les clubs politiques et les comités de vigilance appelèrent les gardes nationaux à s'armer et à marcher sur l'Hôtel de Ville. D'autres détachements se rendirent aux prisons pour chercher et libérer Flourens. Sous la pression croissante de la population, la classe moyenne Démocrate de l'Alliance Républicaine réclama un « gouvernement populaire » pour organiser une Résistance effective contre les Prussiens. Mais lorsque les gardes nationaux arrivèrent devant l'Hôtel de Ville, le 22 janvier, un dénommé Chaudry, représentant le gouvernement, a violemment crié sa colère contre les délégués de l'Alliance. Il n'en fallait pas plus pour convaincre les républicains de se disperser immédiatement. Les gardes bretons chargés de défendre le gouvernement ont ouvert le feu sur les gardes nationaux et sur les manifestants qui tentaient de s'opposer à la trahison des républicains. Les gardes nationaux ont tiré quelques salves à leur tour, mais ont dû finalement se replier.

A la suite de ce premier conflit armé avec le gouvernement, le mouvement populaire s'est temporairement affaibli. Le républicanisme petit-bourgeois, représenté par l'Alliance Républicaine, s'était montré complètement incapable de faire face à la Résistance de la classe dominante. Il ne pouvait plus, par conséquent, prétendre à un quelconque rôle dirigeant. L'accalmie apparente a renforcé la confiance du Gouvernement de Défense Nationale. Le 28 janvier 1871, Paris à bout de vivres, il procéda à la capitulation qu'il avait secrètement préparée depuis le début du siège (après 132 jours de siège particulièrement difficiles pour la population : famine et maladies, aggravées par un climat glacial) : Jules Favre, ministre des Affaires étrangères du gouvernement de la Défense nationale, signe un armistice avec Bismarck. Celui-ci prévoit, une indemnité de guerre importante (6 milliards de francs - réduits après négociation à 5 milliards), l’abandon de l'Alsace et une partie de la Lorraine (Belfort, qui avait été défendu avec acharnement, sous le commandement du colonel Pierre Denfert-Rochereau, reste française), un défilé des troupes allemandes sur les Champs-Élysées (histoire de bien enfoncer et retourner le couteau dans la plaie).
Outre la fin des hostilités pour une période de quinze jours renouvelables, les préliminaires de « paix » (faut le dire vite vu la tension qu’ils engendraient, comme plus tard avec le traité de Versailles – la vengeance de première guerre mondiale) la convocation d'une Assemblée nationale, chargée de décider de la poursuite de la guerre ou de la paix. Opposé à la trêve, Gambetta démissionna (comme tant d’autres – les futurs Communards en premier – humiliés par les cinglantes défaites et le siège de Paris, il prônait la guerre à outrance).

Les Français, lassés de la guerre ou inquiets de la voir se rapprocher de leur région, toujours méfiants vis-à-vis des troubles parisiens, préférèrent voter pour les tenants de la paix sans condition, c'est-à-dire les listes conservatrices dans lesquelles les notables figuraient en bonne place. Toutefois l'Est occupé, la région lyonnaise menacée, le Midi, les Alpes et bien sûr Paris renouvelèrent leur attachement à la république.
Les élections du 8 février envoient une forte proportion de monarchistes à l'Assemblée nationale. Tous les élus de Paris sont des républicains, souvent extrémistes. Le gouvernement de la République se réunit d'abord à Bordeaux, puis à Versailles, pour ne pas tomber sous les Révoltes parisiennes comme cela a failli se produire pendant le gouvernement de la Défense nationale (31 octobre notamment).
Les monarchistes triomphants furent pourtant incapables de rétablir immédiatement la royauté. La république ne les inquiétait
plus : persuadés qu'une république ne durait jamais bien longtemps, ils étaient ravis de la voir assumer la défaite et rétablir l'autorité à Paris. Ils chargèrent Adolphe Thiers de ces tâches ingrates.

Depuis le 17 février, le gouvernement de la république est dirigé par Adolphe Thiers (chef du pouvoir exécutif) ; il cherche à conclure un traité de paix avec la Prusse. Les Parisiens, qui ont supporté un siège très dur, veulent protéger Paris des Prussiens et ouvrir une nouvelle ère politique et sociale. Ils refusent de se laisser désarmer.
Le 24, 2 000 délégués de la Garde nationale se réunissent au Vauxhall et des Manifestations ont lieu place de la Bastille. Le 26, les gardes nationaux, devant le fait que les Prussiens devaient défilés sur les Champs-Élysées (ils le feront le 1er mars, dans une ville morte aux fenêtres drapées de noir), enlevèrent 234 canons et les répartirent sur Montmartre et Belleville. Le Comité central fit saisir les dépôts de munitions et 450 000 fusils : l’armée de la Révolution était ainsi en état de combattre !
C'est donc l'épreuve de force entre les royalistes, grands bourgeois et conservateurs provinciaux, tous favorables à une paix rapide avec l'Allemagne, retirés à Versailles et la population parisienne (essentiellement celle des quartiers de l'est parisien soumise aux très dures conditions salariales et sociales de l'époque et principale victime de la famine due au siège de Paris par les Allemands). Un conflit entre Paris et l'Assemblée « rurale » était désormais inévitable. Le danger contre-révolutionnaire, en relevant la tête, a donnée une nouvelle et puissante impulsion à la Révolution parisienne. Les soldats prussiens devaient bientôt entrer dans la capitale. L'accalmie du mouvement fit place à une nouvelle et bien plus puissante vague de protestation. Des manifestations armées de la Garde Nationale se multipliaient, massivement soutenues par les travailleurs et par les couches les plus pauvres et affamées de la population parisienne. Les travailleurs en armes dénoncèrent Thiers et les monarchistes comme des traîtres et en appelèrent à la « guerre à outrance » pour la défense de la république. Les événements du 31 octobre et du 22 janvier avaient été une anticipation de cette nouvelle flambée Révolutionnaire. Mais cette fois-ci, les éléments les plus Révolutionnaires n'étaient plus
isolés : l'ensemble de la classe ouvrière parisienne était en pleine Révolte.

À Paris, la mixité sociale dans les quartiers, de règle depuis le Moyen-Âge, a presque disparue avec les transformations urbanistiques du Second Empire. Les quartiers de l'ouest (VIIeme, VIIIeme, XVIeme et XVIIeme arrondissements) concentrent les plus riches des Parisiens (notamment pour éviter que le vent de l’océan ne leur amène de mauvaises odeurs, des industries et de la populace). Les quartiers centraux conservent encore des personnes aisées. Mais les classes populaires ont été regroupées à l'Est (XIeme, XIIeme, XIIIeme, Xeme, XVIIIeme, XIXeme et XXeme arrondissements). Les ouvriers sont très nombreux : 442 000 sur 1,8 millions d'habitants selon le recensement de 1866. S'y ajoutent de très nombreux artisans (près de 70 000, la plupart travaillant seuls ou avec un unique ouvrier) et de très petits commerçants dont la situation sociale est assez proche de celle des ouvriers. Ces classes populaires ont commencé à s'organiser. Le droit de grève qui a été accordé en 1864, a été très utilisé dans les dernières années du Second Empire. A l'occasion d'élections législatives de février 1864, des ouvriers publient le Manifeste des Soixante, qui réclame la Liberté du travail, l'accès au crédit et la Solidarité. Depuis septembre 1864, il existe une Internationale ouvrière, qui a des représentants à Paris (en 1868, le gouvernement impérial dissout la section française de l'Internationale dont les membres ont participé à des manifestations républicaines). La loi sur la liberté de la presse de 1868, permet l'émergence publique de revendications économiques anticapitalistes : la « nationalisation » des banques, des assurances, des mines, des chemins de fer (programme de Malon et Varlin pour les élections législatives de 1869)... Les blanquistes, qui prônent l'Insurrection, se manifestent de plus en plus.

Il n'est donc pas étonnant que les classes populaires parisiennes craignent de se voir une nouvelle fois frustrées des bénéfices de « leur » Révolution de septembre 1870 (renversement du Second empire). Déjà, après les journées Révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 et après celle de février 1848, et les élections de mai 1848, les classes aisées avaient confisqué le pouvoir politique à leur profit, en installant la monarchie de juillet et le Second Empire. En 1871, les Parisiens sont méfiants envers l'assemblée nouvellement élue en février 1871, où les deux-tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances (ceux-ci militent d'ailleurs pour un rétablissement de la monarchie !) ou des bonapartistes.
Le 3 mars (juste après le départ des troupes prussiennes de la ville), devant la capitulation du gouvernement et la menace d'une restauration monarchiste, une profonde transformation de la Garde Nationale est menée. Un « Comité Central de la Fédération de la Garde Nationale » fut élu, représentant 215 bataillons. De nouveaux statuts furent adoptés, stipulant « le droit absolu des gardes nationaux d'élire leurs dirigeants et de les révoquer aussitôt qu'ils perdraient la confiance de leurs électeurs » (dans leur essence, le Comité Central et les structures correspondantes au niveau des bataillons préfiguraient les soviets de travailleurs et de soldats qui firent leur apparition, en Russie, aux cours des Révolutions de 1905 et de 1917).
Du 22 au 26 mars, dans plusieurs autres villes de France (Marseille, Lyon, Saint-Étienne, Toulouse, Narbonne, Grenoble, Limoges) des Communes sont proclamées, mais elles furent toutes rapidement réprimées.

Le Comité central s’installa à l’Hôtel de Ville, revendiquant pour le prolétariat le Droit absolu de prendre en main ses destinées, et fit procéder à l’élection d’un conseil général de la Commune de Paris élu par le Peuple.
La Commune, déclarant alors son Autonomie, afficha ses ambitions en se constituant en gouvernement régulier, désignant des ministres (délégués plutôt), en rendant des décrets applicables à toute la France, dont elle voulait transformer l’organisation centralisée en une Fédération de Communes Autonomes Libres et Egales, en adoptant un nouveau drapeau (le drapeau rouge refusé par Lamartine en 1848, le tricolore étant jugé signe de trahison à la patrie par les fautes des « représentants »).
L'assemblée, méfiante du Paris populaire toujours prêt à s'enflammer, décide, le 10 mars, de siéger à Versailles (sous contrôle des Allemands et dans la ville qui est le symbole de la monarchie absolue !). Paris est privé de son statut de capitale de France en faveur de Versailles.
L'Assemblée Nationale réactionnaire provoquait constamment les Parisiens, les décrivant comme des égorgeurs et des criminels. L'assemblée mène une politique sociale qui va mettre en difficultés une partie des Parisiens. Le siège avait mis de nombreux travailleurs au chômage, et les indemnités versées aux gardes nationaux étaient tout ce qui les séparait de la famine.

Le 10 mars, l’assemblée décide la suppression du moratoire des effets de commerce, des loyers et des dettes (les versements étaient suspendus pendant la guerre). De nombreux ouvriers, artisans et commerçants se voient menacés dans leurs moyens de vivre (on estime à près de 150 000 les personnes ainsi menacées de faillite ou de poursuites judiciaires).
Le gouvernement supprime la solde quotidienne de 1,50 franc des soldats de la Garde nationale, qui ne pouvaient prouver qu'ils étaient incapables de travailler, privant ainsi une partie des classes pauvres de Paris d'une source de revenus. Cette politique rappelle, aux plus vieux des Parisiens, celle menée au printemps 1848, par l'Assemblée dominée par le Parti de l'Ordre dont un des chefs était Thiers (fermeture des Ateliers nationaux).
Il décréta également que les arriérés de loyer et toutes les créances devaient être réglés dans les 48 heures. Ceci menaçait tous les petits entrepreneurs de banqueroute immédiate. Ces mesures, et bien d'autres encore, frappèrent de plein fouet les sections les plus pauvres de la société, mais aboutirent aussi à une radicalisation des classes moyennes parisiennes, dont le seul espoir de salut résidait désormais dans le renversement révolutionnaire de Thiers et de l'Assemblée Nationale.

Quand le gouvernement décide de désarmer les Parisiens ceux-ci se sentent directement menacés. Il s'agit de soustraire aux Parisiens les 227 canons entreposés à Belleville et à Montmartre. Les Parisiens considèrent ces canons comme leur propriété (puisqu’ils les ont financés sur leurs maigres ressources). Ils se voient sans défense vis à vis d'éventuelles attaques des troupes gouvernementales (comme en juin 1848). Thiers avait commandé la construction des fortifications qui entouraient Paris, alors qu'il était ministre de Louis-Philippe. Il avait conçu cette enceinte pour défendre la ville contre des ennemis, mais avait aussi déjà calculé à l'époque que, pour mettre un terme aux Insurrections populaires, il suffisait d'enfermer les Insurgés dans la ville, puis de les réprimer. En février 1848, Thiers avait vainement proposé ce plan au roi Louis-Philippe, pour briser la Révolution parisienne. Cependant les Parisiens disposent de près de 500 000 fusils.

Le 17 mars 1871, Thiers et son gouvernement, évaluant mal l'état d'esprit des Parisiens, envoient la troupe au cours de la nuit s'emparer des canons de la butte Montmartre. Ce même jour, Thiers prend soin de faire arrêter Auguste Blanqui (républicain Révolutionnaire Insurrectionnaliste surnommé « l'Enfermé » parce qu'il avait passé plus de la moitié de sa vie dans les prisons des rois et de l'empereur) qui se reposait chez un ami médecin à Bretenoux (Lot). De là, il le fait transférer en Bretagne, sous surveillance militaire, avec ordre de tirer en cas d'évasion.
Le 18 mars, à Montmartre, au matin, le Peuple parisien entend les bruits de bottes de l’armée marchant au pas cadencé et s'oppose à la troupe venue chercher les canons (ils n’avaient même pas assez de chevaux pour mener correctement l’opération), puis, rapidement, celle-ci Fraternise – crosse en l’air – avec lui. Un peu partout dans Paris la population s'en prend aux représentants supposés du gouvernement, élève des barricades et Fraternise avec la troupe, elle aussi complètement désabusé par ce gouvernement. Deux généraux, Claude Martin Lecomte qui avait donné ordre de tirer sur la foule et Clément Thomas (responsable de massacres en juin 1848), sont fusillés rue des Rosiers. C'est le début de l'Insurrection. Thiers gagne Versailles et environ 100 000 Parisiens, surtout provenant des quartiers chics de l'ouest parisien et des fonctionnaires, l'y suivent.

Dans les huit jours qui séparent le 18 mars 1871 de l'élection à la Commune, le Comité Central de la Garde Nationale, émanation du Peuple en armes, fait fonctionner les services publics laissés à l'abandon. Dans ses proclamations pour la préparation aux élections de la Commune, le Comité Central définit clairement les conditions de l'exercice d'une véritable Démocratie Directe : « Les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion, sont révocables, comptables et responsables. Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se trouvent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais seulement alors, on ne pourra plus étrangler la république ». La veille du scrutin, les membres du Comité Central prodiguent leurs ultimes conseils aux électeurs parisiens : « Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisissez parmi vous, vivant de votre propre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables. Nous sommes convaincus que, si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèreront jamais comme vous maîtres ».
Les élections sont organisées le 26 mars pour désigner les 92 membres du Conseil de la Commune. Compte tenu des départs de Parisiens avant et après le siège de Paris par les Allemands, et de ceux qui suivent Thiers à Versailles (100 000 selon les dires de Thiers) les abstentions sont d'environ 25 pour cent, nombre normal pour l'époque. L'élection d'une vingtaine de candidats « modérés », représentant les classes aisées, montre que les élections furent relativement Libres. Les arrondissements de l'Est et du Nord (XVIIIe, XIXe, XXe, Xe, XIe), le XIIe et le XIIIe dans le sud ont voté massivement pour les candidats Communards. Les Ier, IIe, VIIIe, IXe et XVIe ont quant à eux voté massivement pour les candidats présentés par les maires du Parti de l'Ordre (environ 40 000 voix) et les abstentions y ont été très importantes. En fait 70 siègeront, du fait de la démission rapide d'élus modérés et de l'impossibilité pour certains d'être présents à Paris (par exemple Blanqui) et des doubles élections. Le Conseil est représentatif des classes populaires et de la petite bourgeoisie parisienne. On y trouve 25 ouvriers, 12 artisans, 4 employés, 6 commerçants, 3 avocats, 3 médecins, 1 pharmacien, 1 vétérinaire, 1 ingénieur, 1 architecte, 2 artistes peintres, 12 journalistes.

Toutes les tendances politiques républicaines et socialistes sont représentées : une vingtaine de « jacobins », admirateurs de la Révolution de 1789 et plutôt centralisateurs, à peine plus nombreux les « radicaux », partisans de l'Autonomie municipale et d'une république Démocratique et Sociale, une dizaine de « blanquistes », adeptes de l'Insurrection avant-gardistes (mais pour faire quoi après ???), quelques « proudhoniens », partisans de Réformes Sociales siègent, enfin des « Indépendants » ont été élus, tels Jules Vallès et Gustave Courbet. En somme, les élus sont loin d’être tous des suppôts de l’Internationale, même si celle-ci, de Londres, exerce une certaine influence (dans le sens où ses membres, internationaux comme son nom l’indique, posent avec leurs Différences culturelles les vraies questions de base, mais leurs réponses ne sont pas forcément acceptées tel quel – ce serait même plutôt l’inverse, notamment de par la mainmise des communistes autoritaires sur ce groupement).
Rapidement le Conseil de la Commune se divise en « majorité » et
« minorité ». Les majoritaires sont les « jacobins », les « blanquistes » et les « Indépendants ». Pour eux le politique l'emporte sur le social. Se voulant les continuateurs de l'action des Montagnards de 1793, ils ne sont pas hostiles aux mesures centralisatrices voire autoritaires ; cependant ils voteront toutes les mesures sociales de la Commune. Les minoritaires sont les « Radicaux » et les « Internationalistes » Proudhoniens, ils s'attachent à promouvoir des mesures sociales et antiautoritaires, ils sont les partisans de la république Démocratique et Sociale à tendance Fédéraliste.
À côté de ces personnalités, il ne faut pas oublier l'extraordinaire effervescence politique que manifestent les classes populaires de Paris. La tension politique est maintenue par les élections à répétition, le 26 mars pour le Conseil de la Commune et le 16 avril pour des élections complémentaires. Les cérémonies officielles permettent aussi les rassemblements: l'installation du Conseil de la Commune à l'Hôtel de ville le 28 mars, les obsèques du socialiste Pierre Leroux à la mi-avril, la destruction de l'hôtel particulier de Thiers, la démolition de la Colonne Vendôme le 16 mai (symbole des guerres impériales). Mais surtout la population peut se retrouver dans de nombreux clubs pour y discuter de la situation, proposer des solutions voire faire pression sur les élus ou aider l'administration Communale. Réunis dans les lieux les plus divers, ils permettent à des orateurs réguliers ou occasionnels de faire entendre les aspirations de la population, en particulier la mise sur pied d'un nouvel ordre social favorable aux classes populaires. S'ajoutant aux titres déjà existants, plus de 70 journaux sont créés pendant les 70 jours de la Commune.

Dès le 29 mars, le Conseil de la Commune forme en son sein dix commissions : Exécutive, militaire, subsistance, finances, justice, sûreté générale, travail, industrie et échanges, services publics et enseignement.
Face à ce gouvernement parallèle, le 1er avril (ceci n’est pas une blague, ou alors de très mauvais goût), Thiers annonce à l’assemblée nationale qu’il est en train de constituer l’une des « plus belles armées » que la France ait jamais eues (et qui n’était en tout cas pas là ni au début de la guerre, ni lors de la défense nationale). Sous les yeux des Allemands, maîtres des forts du Nord en vertu de l’armistice, Thiers entreprend un second siège de Paris (donc par les ennemis de l’intérieur, sous les regards médusés de ceux de l’extérieur … ach, Franzosen …) avec les troupes de l’Est rentrant de Suisse et les prisonniers ramenés d’Allemagne (environ 150 000 hommes).
Le 2, la Commune vota le décret de séparation de l’église et de l’état (en 1790 le sabre surveille le goupillon, en 1802 le concordat de Napoléon amalgame les deux en fonctionnarisant les curés, mais loi officiellement adopté en 1905). Militairement parée, l’armée de Versailles déclenche la guerre civile en attaquant Courbevoie.
Le 3, les forces de la Commune lancent une attaque en direction de Versailles pour en chasser l’assemblée nationale. La tentative échoua, et les chefs des soldats de la Commune (les Fédérés ou Communards) qui furent faits prisonniers furent fusillés sur le champ.
En riposte, le 6 la Commune ordonna l’arrestation d’otages, parmi lesquels l’archevêque de Paris (Darboy), le premier président de la cour de cassation, des séminaristes, des gendarmes et des gardiens de la paix.
Darboy écrit à Thiers pour protester contre les exécutions sommaires de Communards prisonniers et proposer son échange contre Auguste Blanqui prisonnier à Morlaix sur ordre de Thiers. Conscient de l’importance de ce prisonnier, Thiers refusera de le libérer, même en échange des 74 otages de la Commune. Une majorité de Communards se reconnaissaient en Blanqui. Celui-ci aurait-il modifié le cours de l'histoire s'il avait été à Paris ? Karl Marx est convaincu que Blanqui était le chef qui a fait défaut à la Commune.

La question du ravitaillement est moins cruciale que pendant le siège hivernal de Paris par les Allemands. Sauf le pain qui est taxé, les autres aliments se trouvent suffisamment grâce aux stocks accumulés après le siège, aux arrivages des terres agricoles et jardins compris entre les fortifications et les lignes allemandes. Pourtant, par sa circulaire du 21 avril, le gouvernement Thiers impose le blocus ferroviaire de la capitale. Des ventes publiques de pommes de terre, des boucheries municipales sont créées (22 avril) pour alléger le budget des familles (à l'époque essentiellement constitué du poste alimentation). Des cantines municipales, des distributions de repas (comme les Marmites de Varlin, ancêtre des Resto du Cœur) fonctionnent, des bons de pain sont distribués.
Au-delà des aspects pratiques et logistiques, l’action législatrice est considérable, de nombreuses mesures sont prises et appliquées à Paris pendant les 70 jours qu'elle dura. La plupart furent abolies après la destruction de la Commune. Sont décrétées des mesures d'avant-garde que la république n'a repris que plusieurs décennies plus tard : Édouard Vaillant tente de mettre en place un enseignement laïc, gratuit et obligatoire ! Jules Ferry pourra bientôt s’arroger la paternité de l’initiative (1884). Il y a d’autres exemples : la Liberté de réunion (qui sera la loi du 30 juin 1881), la Liberté d’association (qui sera celle du 1er juillet 1901) non seulement le vote, mais aussi l’éligibilité des étrangers.
D’autres décisions, plus que salutaires, se firent beaucoup plus longtemps attendre (jusqu’au Grand Soir). Au nom de la souveraineté populaire et dans le droit fil de la Constitution de 1793, la Commune engendre une vraie Démocratie. Les élus de la Commune, révocables, corsetés par un mandat impératif, demeurent sous la férule d’un véritable « ministère des masses » : chambres syndicales, clubs, comités de femmes, presse maintiennent une forte pression, à laquelle convie le club Nicolas-des-Champs : « Peuple, gouverne-toi toi-même par tes réunions publiques, par ta presse ; pèse sur ceux qui te représentent ; ils n’iront jamais trop loin dans la voie Révolutionnaire ». Lorsque les ouvriers boulangers, obtenant la suppression du travail de nuit, se rendent à l’Hôtel de Ville remercier la Commune, ils sont vertement tancés par le journal Le prolétaire : « Le Peuple n’a pas à remercier ses mandataires d’avoir fait leur devoir. Car les délégués du Peuple accomplissent un devoir et ne rendent pas de services ».
Tout ceci est donc une véritable Démocratie au sens étymologique du terme (démo = peuple ; kratos = pouvoir), le gouvernement du Peuple par le Peuple et pour le Peuple, la Démocratie la plus authentique qui ait jamais existé à travers l’histoire, une Démocratie Directe reposant sur une Citoyenneté active, à l’échelle, il est vrai d’une ville et durant une soixantaine de jours. Mais quelle remise en cause de la délégation du pouvoir et de la bureaucratie !
Par effet tâche d’huile, en prémisse de l’Autogestion, la Démocratie s’étend à l’entreprise. L’atelier de réparation d’armes du Louvre se dote d’un règlement Autogestionnaire : chaque atelier élit, pour quinze jours, au conseil de direction, un ouvrier chargé de transmettre les réclamations et d’informer ses camarades des décisions prises. Dans l’orbite des chambres syndicales ou de comités de l’Union des Femmes surgissent de nombreux ateliers Coopératifs. Cette pratique inspire le décret du 16 avril, prévoyant la remise en marche par les ouvriers Associés des ateliers que leurs patrons ont désertés.
Bien que bornée par le temps et absorbée par les impératifs militaires, l’œuvre de la Commune est d’une richesse foisonnante. La Commune entend réaliser l’aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : « l’Emancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes ». Fidèle à la Constitution de 1793, qui assignait à la société politique l’objectif d’établir « le bonheur commun », la Commune se veut « la Sociale ». Répondant aux aspirations populaires, elle abolit le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur les salaires, combat le chômage, interdit l’expulsion des locataires (par ailleurs exonérés des termes encore dus), exerce un droit de réquisition sur les logements vacants. L’armée est remplacée par la Garde nationale, c’est-à-dire le Peuple en armes, élisant ses officiers et sous-officiers. Il s'agit aussi de changer l'état d'esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire. La Commune décide l'élection (et la révocabilité si l’ordre de mission n’est pas Respecté) au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l'enseignement), le traitement maximum sera de 6 000 francs annuels (l'équivalent du salaire d'un ouvrier) et le cumul des mandats est interdit.
La Commune établit la gratuité de la justice, la Liberté de la défense, supprime le serment politique des fonctionnaires et magistrats.
La Commune crée un enseignement professionnel, y compris pour les filles, et entame une réforme de l’enseignement. Pour en débattre Démocratiquement, se réunissent dans plusieurs écoles instituteurs, parents d’élèves et membres de la Société pour l’Education nouvelle (soucieuse de rénover l’enseignement). La Commune est aussi pionnière de l’éducation populaire. Elle instaure des cours publics, que Louise Michel (la Vierge Rouge) évoquera avec enthousiasme : « Partout les cours étaient ouverts, répondant à l’ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s’échapper du vieux monde ».
Folies issues d’un régime qui s’effondre ? Non. Vérités à venir d’un autre qui s’installe.

Après des siècles de phallocratie, balayant son dernier avatar en date, le proudhonisme (adepte de la femme au foyer), dont plusieurs de ses membres pourtant se réclament, la Commune ouvre une brèche vers la Libération des femmes. Constituant vital de cette Démocratie Directe, les femmes. Elles sont sur le devant de la scène depuis le 18 mars (Louise Michel à Montmartre). Jules Vallès, dans Le Vengeur du 12 avril 1871, décrit avec enthousiasme : « J’ai vu trois Révolutions, et, pour la première fois j’ai vu les femmes s’en mêler avec résolution, les femmes et les enfants. Il semble que cette Révolution est précisément la leur et qu’en la défendant, ils défendent leur propre avenir ». Est alors créé le premier mouvement féminin de masse, l’Union des Femmes, qu’animent Elisabeth Dmitrieff, aristocrate Révolutionnaire russe de 20 ans, et Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, ouvrière relieuse. Les projets d’instruction pour les filles visent à affranchir les femmes des superstitions et de l’emprise de l’Eglise, considérée comme l’âme de la contre-révolution. Les femmes obtiennent à travail égal, salaire égal, et créent de nombreux ateliers Autogérés. Dans quelques quartiers les élus appartenant à l’Internationale associent des femmes à la gestion municipale. En cette époque où règne, étouffant, « l’ordre moral », la Commune officialise l’union Libre, conférant à la famille constituée hors mariage (concubins, enfants naturels) sa première reconnaissance légale. Des orphelinats sont créés avec l'aide en fourniture des familles parisiennes. Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de « l’exploitation commerciale de créatures humaines par d’autres créatures humaines ».

Face à la guerre à outrance (des Versaillais face aux « Partageux »), les néo-jacobins imposeront la création du Comité de Salut public le 1er mai par 45 voix contre 23, organisme que les minoritaires refusent car il leur semble contraire à l'aspiration Démocratique et Autonomiste de la Commune (et ils ne voulaient absolument pas retomber dans les travers de la Terreur sourde et aveugle). Les clubs se Fédérèrent le 7 mai afin d'avoir des contacts plus efficaces avec le Conseil de la Commune (et surveiller le Comité de Salut public pour éviter ses dérives, quasi inscrites dans ses gènes).
Si ces luttes d'influence sont incomprises d'une grande partie des Parisiens, les deux tendances feront combat commun dès l'entrée des troupes versaillaises dans Paris.
La Commune fut finalement vaincue durant la Semaine sanglante, qui débuta avec l'entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s'achever avec les derniers combats au Cimetière du Père-Lachaise le 28 mai au Mur des Fédérés. Les témoins évoquent tous de nombreuses exécutions sommaires de la part des troupes versaillaises. On évoque, selon les sources, de 10 000 à 25 000 exécutions sommaires, viols, meurtres d'ouvriers communards durant la semaine sanglante.
La répression des Communards fut féroce : près de 10 000 condamnations à mort, 4 000 déportations au bagne de Nouvelle-Calédonie, etc. Les lois d'amnistie n'interviendront qu'en 1880, à l’initiative notamment de Gambetta.
La Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, fut construite à partir de 1873 par l'église et l'état pour, entre autre, « expier les crimes des Communards ». Thiers avait réussi pour un sacré temps à faire « passer à la canaille l’envie de changer le monde », cela allait servir d'exemple pour les générations futures, leur donner une sainte peur de la répression gouvernementale.

Premier pouvoir Révolutionnaire prolétarien, la Commune de Paris a depuis été revendiquée comme modèle — mais avec des points de vue différents — par la Gauche, l'extrême-Gauche et les Anarchistes ; elle inspira de nombreux mouvements Révolutionnaires qui en tirèrent des leçons leur permettant d'entreprendre d'autres Révolutions. Comme la Révolution française, la Commune constitue un événement
fondateur : elle inspire le mouvement ouvrier international, de la Commune de Carthagène en 1873 à la Révolution russe de 1917, à la Révolution spartakiste, à la Commune de Canton de 1927. Elle marque en profondeur tout le mouvement ouvrier français de la fin du XIXè et du XXè siècle, élément de ses spécificités. Elle hante encore la genèse du Front populaire, la Résistance et mai 1968.

Le socialisme utopique a décliné après 1870 lorsque le marxisme s'est imposé comme l'idéologie majeure du socialisme.
Le Conseil Général de Londres va tenter d'éviter l'affrontement direct et se borne à rappeler aux bakouninistes que les statuts considèrent l'action politique comme un moyen d'Emancipation. Mais, rapidement, ce conflit va déborder les frontières suisses. Les bakouninistes, désormais appelés « jurassiens », vont rencontrer d'actives sympathies en France, en Espagne et en Belgique. Des tentatives de conciliation au sein des sections romandes, puis à la conférence de Londres en 1871, vont échouer. Le Conseil Général de Londres enjoint alors aux jurassiens de se fondre dans la Fédération agréée de Genève. Au nom du principe statutaire d'Autonomie, les jurassiens s'obstinent, se Révoltent. La scission est alors inévitable entre des bakouninistes déjà anarcho-syndicalistes, et les « marxistes ».

Dès le 6 septembre 1871, les jurassiens se mettent en marge de l'A.I.T. en adoptant des statuts antiautoritaires et en contestant le pouvoir de décision d'un conseil général « hiérarchique et autoritaire ». La scission aura lieu début septembre 1872 lors du VIIIe congrès de La Haye.
Le lieu du congrès suscite déjà des oppositions. Nombre de Fédérations pensaient qu'il se tiendrait en Suisse. Les « nordistes » se justifient par la crainte d’« influences locales néfastes ». Pour protester, les Italiens appellent à la tenue d'un congrès international antiautoritaire à Neuchâtel. Les jurassiens, eux mandatent impérativement James Guillaume et A. Schwitzguebel pour présenter leur motion antiautoritaire au congrès officiel et se retirer en cas de vote négatif. Ce sont l'hostilité et la méfiance qui vont alors régner parmi les 65 délégués d'une dizaine de pays.
Bakounine et Guillaume sont exclus, le conseil général se transfère à New York. Des militants et des Fédérations se solidarisent avec les exclus et quittent alors l'AIT. La Première Internationale va s'éteindre progressivement. L'Internationale antiautoritaire va naître et s'engager sur une autre voie.

La Fédération jurassienne sera le point de regroupement des Fédérations hostiles au conseil général. C'est autour d'elle que va mûrir l'idéologie Libertaire qui porte alors le nom de « Collectivisme Révolutionnaire » qui se veut le promoteur d'un système économique Autogéré en dehors de toute autorité, de toute centralisation, de tout état. La constitution de cette nouvelle internationale a lieu à Saint-Imier le 15 septembre 1872. Y sont représentées les Fédérations espagnoles, italiennes et jurassiennes dans leur totalité, plusieurs sections françaises et deux sections d'Amérique. Ce congrès se donne comme objectif « la destruction de tout pouvoir politique par la Grève Révolutionnaire ».
L'Internationale « officielle » envoie lettre de défiance sur ultimatum, mais le mouvement fait tache d'huile. La Fédération anglaise, elle-même, s'agite. En quelques semaines toutes les Fédérations nationales vont désavouer le conseil général. Ces derniers auront un ultime sursaut, la convocation d'un congrès général le 8 septembre 1873. Les trente délégués qui y assistent ne représentent presque qu'eux-mêmes, à savoir la vieille garde genevoise. Les décisions n'en seront pas publiées. Le 15 juillet 1876, le conseil général s'auto-dissout.

De fait, c'est dès 1873 que le mouvement ouvrier réel est ailleurs. Le 27 avril 1873 est convoqué à Neuchâtel le VIe congrès de l'A.I.T. auquel assistent des délégués représentant les Fédérations d'Angleterre, de Belgique, de Hollande, de Suisse, d'Espagne, d'Italie et de France. Le congrès se prononce pour l'abolition complète de tout conseil général et, a contrario, pour l'Autonomie des Fédérations. Pour compléter la structure organisationnelle de l'association, il est décidé qu'en dehors des congrès, les tâches de coordination seront confiées au bureau d'une Fédération.

La première république espagnole est le régime qu'a connu l'Espagne de 1873 à 1874, ou 1875 si l'on rattache le gouvernement provisoire de Francisco Serrano.
La république est la conséquence directe des difficultés que connaissait l'Espagne depuis le règne mouvementé d'Isabelle II et de son mari le roi consort François Ier. Après leur fuite en France en 1868, il a fallu quelque temps pour trouver une personne à qui confier le trône d'Espagne. Le choix s'est finalement porté sur Amédée de Savoie mais ce dernier, en butte à de grandes difficultés, finit par abdiquer le 10 février 1873. Le lendemain, le 11 février 1873, une partie de la population madrilène, à l'instigation de militants républicains, proclame la république.
Des élections sont alors organisées pour élire des Cortes destinées à élaborer une Constitution. Néanmoins, l'unité n'existe pas parmi les républicains et l'Espagne est partagée entre deux tendances, une tendance favorable à la décentralisation mais résolument unitaire, et une tendance Fédéraliste. Un peu partout, des régions, des provinces voire de simples villages proclament leur Indépendance ou du moins leur Autonomie au sein de l'état, créant une situation proche de l'Insurrection.
La Révolution Cantonale fut un mouvement politique qui eut lieu durant la Première république espagnole. Elle commença par une Grève Révolutionnaire déclenchée à Alcoy quelques jours avant le 12 juillet 1873, quand éclata l’Insurrection à Carthagène sous le nom de Revolución Cantonal. Elle s’étendit les jours suivants dans de nombreuses zones des régions de Valence, Murcie, Andalousie et dans la province de Salamanque. Dans tous ces lieux, on réussit à organiser des cantons (états indépendants volontairement Fédérés dans la Federación española, un peu sur le modèle suisse). En Extrémadure, on essaya de constituer des cantons à Coria, Hervás et Plasencia. Ce mouvement était partisan d’un Fédéralisme de caractère radical et a essayé d’établir une série de villes ou de confédérations de villes (cantons) Indépendantes qui se Fédèreraient Librement. L’idéologie cantonale eut une grande influence sur le mouvement ouvrier naissant, et surtout sur l’Anarchisme. La majorité des cantons ont supprimé les monopoles, ont reconnu le droit au travail, la journée de huit heures et supprimé les impôts sur la consommation (droits d’octroi). Les tendances socialistes et Anarchistes non cependant pas réussi à s’imposer et c’est seulement à Cadix, Séville et Grenade que les internationalistes ont eu le plus d’influence. Notons pour leurs initiatives et la durée de leur existence les cantons de Almansa, Loja, Séville, Málaga, Cadix, Tarifa et, surtout, Carthagène, qui a été celui qui a eu la résistance la plus forte jusqu’au 13 janvier 1874, quand Martínez Campos et Manuel Pavía l’ont occupé militairement. Une des conséquences les plus immédiates de la Revolución Cantonal à été la démission de Francisco Pi i Margall comme président de la république.
Le pouvoir central hésita devant cette situation, avant de décider un mouvement de répression.

La république fut marquée par une forte instabilité et la démission de plusieurs présidents successifs. L'armée prit alors un pouvoir grandissant. C'est d'ailleurs un coup d'état, organisé par des partisans de la monarchie, qui met fin à la république Démocratique dès janvier 1874. Commence alors le gouvernement provisoire du général Francisco Serrano, qui gouverne de manière autoritaire, sans les Cortes qui ont été dissoutes, jusqu'en décembre 1874.
La restauration de la dynastie des Bourbons prit du retard car Serrano chercha à gagner du temps, dans l'espoir de conserver un régime républicain à son profit. Finalement, en janvier 1875, la monarchie est restaurée au profit d'Alphonse XII, qui met en place une monarchie constitutionnelle.

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 22:14

Après la Révolution politique, place à la question sociale

Télécharger le fichier : 03 - Les crépuscules des dogmes


Les bourgeois ont chassé les pères des « soldats » de l’ « armée du général Ludd » des terres sur lesquelles ils vivaient. Ils devinrent ouvriers tisserands, puis arriva l’outil, le métier à tisser mécanique. En 1811, dans les campagnes d’Angleterre, durant trois mois, ils frappent les fabriques, détruisent les métiers à tisser, se jouant des gardes et des connétables : c’est la Révolte des luddistes, briseurs de machines. Le gouvernement envoya contre eux des dizaines de milliers de soldats et de civils en armes. Une loi infâme établit que les machines comptaient plus que les personnes et que quiconque les détruisait serait pendu. Lord Byron mit en garde : « N’y a-t-il pas assez de sang dans votre code pénal, qu’il se doive en verser encore pour qu’il monte au ciel et témoigne contre vous ? Comment appliquerez-vous cette loi ? Enfermerez-vous un pays entier dans ses prisons ? Dresserez-vous un échafaud dans chaque champ pour y pendre des hommes comme des épouvantails à corbeaux ? Ou simplement mettrez-vous en œuvre une extermination ? Est-ce cela les remèdes pour une population affamée et désespérée ? »

La révolution industrielle bouleverse l'Angleterre du début du XIXè siècle. Dans le milieu du textile, trois professions sont particulièrement menacées par l'apparition de métiers mécaniques : les tondeurs de drap, les tisserands sur coton et les tricoteurs sur métier. Ceux qui les pratiquent sont des artisans assez puissants, bien organisés malgré les lois de 1799 interdisant toute association en Angleterre (Combination Acts), et mieux lotis que les ouvriers qui travaillent dans les usines. Ces métiers très techniques sont déterminants pour la qualité des draps ou des tissus : selon le travail d'un tondeur de drap, par exemple, le prix du produit fini peut varier de 20%.
Les années 1811-1812 cristallisent les rancœurs des couches populaires anglaises et spécialement celles de ces artisans. C'est que, outre la crise économique, les mauvaises récoltes et la famine, ces années marquent la fin des politiques paternalistes qui protégeaient les artisans et le lancement en grande pompe de la politique du « laissez-faire » (on parlerait aujourd'hui de libéralisme économique). Les anciens droits des tondeurs et tisserands leur sont donc enlevés, et ils se trouvent démunis pour se battre contre des manufactures et des usines utilisant des machines plus performantes et pratiquant des méthodes de gestion du personnel proches de l'esclavage.
Les salaires des tondeurs chutent, les commandes aussi, et leur cri contre l'industrialisation d'un savoir-faire ancestral et la destruction d'un métier rencontre un écho désespéré dans la classe populaire écrasée par une paupérisation du travail.
* Mars 1811 : à Nottingham, une manifestation syndicale de tondeurs sur drap est sévèrement réprimée par les militaires. Dans la nuit, 60 métiers à tisser sont détruits par un groupe issu des manifestants. Il s'agit d'un mouvement spontané.
* Novembre 1811 : le mouvement s'est organisé et certains leaders commencent à répandre la Contestation, notamment au Yorkshire. De nombreuses fabriques font l'objet de destructions « ciblées » puisque seuls les métiers des patrons ayant pratiqué des baisses de prix sont disloquées.
* Hiver 1811-1812 : le mouvement s'étend encore et devient Insurrectionnel. Les attaques de fabriques deviennent planifiées et méthodiques. Les luddistes attaquent en petits groupes, ils sont armés et masqués.
* Avril 1812 : dans le Yorkshire, où c'est presque la Révolution, une attaque de luddistes contre une fabrique à Rawfolds échoue, de nombreux ouvriers sont tués. Le mouvement se radicalise.
* Mai 1812 (le 11) : le Premier Ministre Spencer Perceval est assassiné.
* Été 1812 : les actions armées se poursuivent, des collectes d'argent s'organisent. Une vraie conspiration prend naissance, avec pour objectif de renverser le gouvernement.
* Fin 1812 : le mouvement se poursuit dans le Lancashire, mais la Révolte y est plus spontanée et moins organisée. La répression du gouvernement britannique se fait plus dure.

Des actions dans des fabriques se poursuivront sporadiquement jusqu'en 1817. Si des luddistes sont actifs jusqu'en 1817, leurs destructions deviennent de plus en plus désespérées. En fait, les trois métiers mentionnés vont quasiment disparaître à l'aube des années 1820.
Le mouvement s'est rapidement diffusé dans toute l'Angleterre et une véritable guerre s'est engagée entre les luddites et le gouvernement britannique. On estime qu'à une certaine période, l'Angleterre avait mobilisé plus d'hommes pour combattre les luddites que pour combattre Napoléon.
En 1812, les artisans du textile essaient d'emprunter la voie constitutionnelle : ils proposent au parlement d'adopter une loi pour protéger leur métier. Ils paient au prix fort des avocats, font un vrai travail de lobbying, mais la loi n'est pas adoptée. Pendant ce temps, les luddistes ont obtenu une satisfaction partielle : les salaires ont augmenté, la pression économique s'est un peu relâchée. Et dans le même temps, les arrestations ont affaibli le mouvement.
En 1813, une loi instaurant la peine capitale pour le bris de machine est entérinée, malgré les protestations et les pamphlets de Lord Byron, entre autres. Treize luddistes sont pendus.
Si les luddistes disparaissent en tant que tels, ils vont cependant aller nourrir d'autres mouvements ouvriers du début du XIXè siècle. La Contestation deviendra souterraine ou légale avant de ressurgir en force quelques années plus tard et mener au Chartisme (mouvement politique issu des malaises sociaux que connaît le Royaume-Uni victorien de 1837 à 1848).

Le socialisme utopique qui se met en place, va tirer ses racines des différentes utopies sociales écrites au cours des siècles, dont la plus célèbre, mais pas la première est celle de Thomas More.
Le roi Henri VIII le prend comme maître des requêtes, puis à son Conseil privé, et l'envoie en missions diplomatiques et commerciales aux Pays-Bas (1515), où il rédige L'Utopie.
Ce livre portait un titre construit d'après une double racine grecque signifiant « lieu qui n'est nulle part » (ou-topos en grec), mais aussi
« lieu de bonheur » (eu-topos en grec). Utopie est régie par les mathématiques, pure manifestation de l'intelligible. Dans l'île, tout est mesurable parce que le nombre seul garantit l'égalité. Par exemple, toutes les rues de la ville d'Amaurote mesurent 6,5 m de largeur. Sur l'île, la propriété privée est inconnue, les Utopistes travaillent 6 heures par jour et prennent leur repas en commun. Le temps libre est consacré aux loisirs comme les échecs ou l'apprentissage des belles lettres.
Il accède en 1529 à la plus haute charge, celle de chancelier du Royaume, premier laïc nommé à ce poste. Thomas More a été béatifié en 1886 et canonisé en 1935. Le calendrier liturgique a étendu à partir de 1970 sa fête à l'Église universelle. Le pape Jean-Paul II l'a fait patron des responsables de gouvernement et des hommes politiques en l'an 2000.

On classe souvent classiquement et un peu rapidement l'ensemble des premiers socialistes parmi les socialistes utopiques. Parmi eux :
* Saint-Simon (1760-1835), suivi par la branche socialiste des saint-simoniens représentés par Saint-Amand Bazard. Il a également influencé le socialisme réformiste et le capitalisme positiviste ;
* Robert Owen (1771-1837) au Royaume-Uni, entrepreneur considéré comme le premier à mettre en pratique ses idées avec la création d'une communauté de travail, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, dans les années 1810-1820. Il est considéré comme le pionnier du mouvement syndical et Coopératif en Grande-Bretagne ; il connut sa plus grande réussite dans l'éducation de la jeunesse, étant le créateur de l'école primaire en Angleterre. Malgré l'essor et les succès commerciaux des filatures, la mise en pratique de certains projets d'Owen impliquaient d'énormes dépenses ; ce qui n'était pas sans déplaire à ses associés. Lassé par ces gens qui ne cherchaient que le profit, Owen fonda une nouvelle société grâce à laquelle il allait donner libre cours à ses projets philanthropiques (1813). New Lanark devint un lieu de pèlerinage très fréquenté par les réformateurs socialistes, hommes d'état, personnages royaux et même par Nicolas, futur tsar. De l'avis général des visiteurs, les résultats obtenus par Owen étaient extraordinaires. Les enfants étaient joyeux, aimables, gracieux et respiraient la santé et le bien-être. Il existait entre Owen et ses ouvriers une entente réelle qui rendait le fonctionnement de la filature aisé et harmonieux. Les résultats de l'entreprise s'en ressentaient avantageusement. Les travaux d'Owen étaient bien perçus comme ceux d'un philanthrope, avec cette différence due à sa modernité, son originalité et son insupportable désintéressement. Il se rapprocha du socialisme dès 1817 et ses idées furent rapportées par la commission de la loi sur la pauvreté de la Chambre des Lords. Owen établit que la cause principale de la misère était à rechercher dans la rivalité entre le monde ouvrier et le système, et que la seule parade pour les humains consistait à s'unir pour contrôler l'outil de travail. Ces cantons (comme il les nommait), de plus en plus nombreux, Fédérés et unis se seraient développés par dizaines, centaines, milliers ; jusqu'à rassembler le monde entier dans une organisation et un intérêt commun. Ses projets de lutte contre la misère étaient accueillis avec grand intérêt. Le Times, le Morning Post et de nombreuses personnalités les approuvaient. Le duc de Kent, père de la reine Victoria, comptait parmi l'un de ses plus fervents supporters. En 1825, une expérimentation grandeur nature fut entreprise sous la direction d'un de ses émules, Abraham Combe, à Orbiston (près de Glasgow) et une autre l'année suivante, conduite par Owen lui-même à New Harmony dans l'Indiana (États-Unis). Dans les deux cas, ce fut un échec total au terme de deux ans. Il faut dire que la population était extrêmement hétérogène, accueillant aussi bien d'honnêtes gens que des vagabonds ou des aventuriers. Josiah Warren, l'un des membres de cette « New Harmony Society » prétendit que la communauté était vouée à l'échec : « Nous avons refait un monde en miniature… Nous avons recréées les conditions qui ont amené la Révolution française en privilégiant l'entité et en désespérant les cœurs… Les lois naturelles de la diversité ont repris le dessus… l'intérêt unitaire était en opposition avec les individualités, les circonstances et l'instinct de conservation de chacun… ». Les remarques de Warren sur les raisons de l'échec de la communauté contribuèrent au développement de l'Anarchisme individualiste américain dont il fut le principal théoricien. Déçu par l'échec de sa communauté de New Harmony, il abandonna ses activités capitalistes et prit la tête d'une campagne de propagande mêlant socialisme et laïcité. L'une des innovations majeures de ce mouvement fut en 1832 l'instauration d'une bourse du travail Equitable basée sur des annonces d'emploi, et d'où les intermédiaires habituels étaient supprimés. Le mot « socialisme » commença à être souvent entendu dans les débats de l' « Association of all Classes of all Nations » fondée en 1835 par Owen (29 ans avant la Ière Internationale) ;
* Charles Fourier (1772-1837), théoriciens des phalanstères. Philosophe français, fondateur de l’École sociétaire, considéré par Karl Marx et Engels comme une figure du « socialisme critico-utopique » dont un autre représentant fut Robert Owen. Plusieurs communautés utopiques, indirectement inspirées de ses écrits, ont été créées depuis les années 1830. Il pose en 1808 les bases d'une réflexion sur une société communautaire dans son ouvrage Théorie des quatre mouvements et des destinées générales, qu’il poursuivit sous forme d’un grand traité dit de l’Association domestique et agricole. Cet ouvrage monumental est publié, bien qu’inachevé, en 1822. Dans le but d’être mieux compris, il se contraignit ensuite à rédiger un résumé de sa théorie, intitulé Le Nouveau Monde industriel et sociétaire, qu’il publie en 1829. Le Phalanstère tire son nom de la contraction du mot « phalange » (groupement) et du mot « stère » (de monastère : établissement où des moines vivent en communauté). Il se forme par la Libre association et par l'accord affectueux de leurs membres. Pour l'auteur, les phalanstères formeront le socle d'un nouvel état. Dans la théorie de Charles Fourier, le phalanstère est une sorte d'hôtel Coopératif pouvant accueillir 400 familles (environs 2000 membres) au milieu d'un domaine de 400 hectares où l'on cultive les fruits et les fleurs avant tout. Chaque personne au sein du phalanstère œuvre selon ses affinités, tout en accordant une place particulière à l’agriculture, ainsi qu’aux arts et aux sciences. Il pose ainsi les premières bases d'une réflexion critique portant sur la société industrielle naissante et ses défauts les plus criants. La répartition entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif se réalise équitablement grâce à l’existence d’intérêts croisés, du fait même de la participation de chaque individu à de nombreux groupes (effet du libre essor de la passion du changement, la papillonne). Les dividendes attribués au groupe sont ensuite répartis entre les individus qui le composent, en prenant bien soin de s’appuyer sur la cupidité en premier (accord direct), afin que la générosité (accord indirect) puisse s’exprimer ensuite. Fort de ses convictions, il tente de faire réaliser un phalanstère expérimental par quelques mécènes fortunés, mais n’y parvient pas de son vivant. Après sa mort, quelques tentatives de création de communautés utopiques ont bien lieu, mais à part le Familistère de Godin, toutes faillirent du fait de querelles internes. De toute façon, aucune n'approche le bonheur promis par le théoricien socialiste, en raison du non respect de ses prescriptions, sans doute trop Libertaires pour l’époque de leur réalisation. Quoiqu'il en soit, par sa réflexion sur l’organisation du travail, sur les relations entre les sexes, entre l’individu et la société, il apparaît comme un précurseur et du socialisme et du féminisme français ;
* Étienne Cabet (1788-1856), promoteur de l’Icarie. Il adhère à la Charbonnerie, une société secrète d’entraide assez semblable à la franc-maçonnerie par son organisation et ses buts. Ses qualités et son zèle lui valent de se voir confier un rôle de dirigeant. À ce titre, il participe activement aux mouvements Insurrectionnels de juillet 1830. Après les « Trois Glorieuses » (27, 28 et 29 juillet 1830), il devient pour peu de temps secrétaire du ministre de la Justice, puis est nommé procureur général à Bastia. Dans cette dernière fonction il se distingue en défendant de nombreux accusés politiques et en professant des idées estimées trop Démocratiques par le pouvoir, ce qui lui vaut d’être bientôt révoqué. Élu député de la Côte-d'Or en 1831, il attaque avec violence le gouvernement de Louis-Philippe (lequel n’a pas tardé à arracher son masque de bourgeois débonnaire) dans un journal ultra-Démocratique fondé en septembre 1833 : Le Populaire. Interdite deux ans plus tard, la publication reparaîtra en mars 1841, encore plus virulente que la première version. Condamné en 1834 à deux ans de prison pour délit de presse, il préfère se réfugier en Angleterre où il fréquente notamment Martin Nadaud le maçon de la Creuse en passe de devenir député (1815-1898). Grâce à l’apport de ce dernier et de réformistes anglais, dont Robert Owen le philanthrope communisant (1771-1858), il poursuit sa formation politique. Lors de ce séjour forcé, il découvre également ces véritables bagnes que sont les usines. De retour en France cinq ans plus tard, il reprend son combat par la parole et l’écrit. Sous le titre de Voyage en Icarie, il édite en 1842 le plan d'une Utopie communiste. Selon Cabet, les communistes sont les disciples, les imitateurs et les continuateurs de Jésus-Christ et des premiers Chrétiens. Ceux-ci n’avaient-ils pas renoncé à la propriété individuelle ? Comment revenir à ce communisme primitif ? En éliminant d’abord la principale cause de la décadence actuelle : « L'inégalité de fortune, la propriété et la monnaie, enfantent les privilèges et l'aristocratie, puis l'opulence et la misère, puis la mauvaise éducation, puis la cupidité et l'ambition, puis tous les vices et tous les crimes, puis tous les désordres et le chaos, puis toutes les calamités et toutes les catastrophes. Et par conséquent le remède, l'unique remède du mal, c'est la suppression de l'opulence et de la misère, c'est-à-dire l'établissement de l'Egalité, de la communauté de biens et d'une bonne éducation ».

Le socialisme utopique englobe toutes les tentatives de création ex-nihilo de sociétés ou microsociétés de nature communiste ou socialiste, antérieures ou postérieures à la période d'apogée historique du socialisme utopique (1820-1870).
Le socialisme utopique se caractérise par la volonté de mettre en place de communautés idéales selon des modèles divers, certaines régies par des règlements très contraignants, d'autres plus Libertaires ; certaines communiste, d'autre laissant une plus grande part à la propriété individuelle.
Le socialisme utopique se caractérise surtout par sa méthode de transformation de la société qui, dans l'ensemble, ne repose pas sur une Révolution politique, ni sur une action réformiste impulsée par l'état, mais sur la création, par l'initiative de Citoyens, d'une contre-société socialiste au sein même du système capitaliste. C'est la multiplication des communautés socialistes qui doit progressivement remplacer la société capitaliste.
L'expression socialisme utopique est due à Friedrich Engels (Socialisme Utopique et Socialisme Scientifique, 1880). La pensée de Karl Marx et de Friedrich Engels se qualifie de socialisme scientifique par opposition au socialisme utopique qui n'aurait, selon eux, pas de caractère méthodique et rigoureux dans l'analyse de la société capitaliste.

Depuis la Révolution, le développement de l’industrie et du commerce (les petits ateliers d’artisans s’étant transformés au fur et à mesure en manufactures) ont attiré dans les villes des paysans désertant les campagnes dans l’espoir de toucher de meilleurs salaires.
De leurs désillusions et souffrances sortira au fur et à mesure le mouvement socialiste. Notamment grâce au succès de l’imprimerie, les masses populaires, renseignées par les journaux à un sou, ont pris goût à la politique et la volonté leur est venue d’y faire prédominer leur influence.

La bourgeoisie, qui gouvernait la France depuis la monarchie de Juillet (1830), dirigeait aussi la vie économique et elle s’y enrichissait. Cet enrichissement de la bourgeoisie se réalisait souvent au détriment de l’intérêt général. En effet, si la vie économique de la France présentait encore un caractère vieillot (nous avions loupé le coche de la révolution industrielle, commencée bien plus tôt en Angleterre), ce retard était dû en partie à l’égoïsme et à l’étroitesse d’esprit de la bourgeoisie. Pour créer un outillage moderne, il eût fallu importer de la houille et du fer en grande quantité et à bas prix, mais les industriels et les maîtres de forges de Lorraine et du Nord, désireux de se réserver le marché intérieur, furent assez puissants dans les chambres et au gouvernement pour faire maintenir les droits de douane qui excluaient les produits étrangers.
Pendant ce temps, les salaires des ouvriers baissaient et la misère du Peuple des villes formait avec la richesse exubérante de la bourgeoisie une fracture sociale insoutenable pour beaucoup.
La Révolution de 1789, qui avait transformé leur condition politique en leur donnant la Liberté et l’Egalité (en Droit en tout cas), avait aggravé leur condition économique. Elle avait en effet supprimé les corporations (loi Le Chapelier de juin 1791 : loi restée fameuse dans l'histoire du monde ouvrier, interdisant toutes les associations patronales et salariales, autrement dit les syndicats, ainsi que la Grève ; la Révolution, dans sa méfiance du groupe, dans son exaltation des Libertés Individuelles, mettait les ouvriers dans l'incapacité de s'organiser pour la défense de leurs Droits pour près d'un siècle) qui jouaient dans une certaine mesure le rôle des sociétés de secours mutuels : l’ouvrier se trouvait isolé en face des patrons, donc faible, et ainsi incapable de défendre avec chance de succès ses intérêts.

Lors des élections de 1827, les libéraux (ceux qui prônent la Liberté, autant de la presse que du commerce) deviennent majoritaires à l’assemblée, et Charles X consent à nommer un premier ministre à mi-chemin entre ses opinions ultra et l’orientation de la nouvelle chambre. Il appelle le vicomte de Martignac à former un ministère semi-libéral, semi-autoritaire. Mais, continuant sur sa lancée, l’opposition libérale grandit et s’affirme.
Constatant l’échec de cette tentative de compromis, Charles X prépare, en sous-main, un revirement de politique : pendant l’été 1829, alors que les Chambres sont en vacances, il renvoie subitement le vicomte de Martignac et le remplace par le prince de Polignac.
Au début de 1830, le climat en France est électrique. L’opposition est chauffée à blanc par les maladresses du ministère. L’hiver 1829-1830 a été particulièrement rigoureux, et l’économie est morose. Des bandes de miséreux errent dans les campagnes.
Les principales mesures sont d’ores et déjà arrêtées : nouvelle dissolution de la Chambre des députés, modification de la loi électorale, organisation de nouvelles élections, suspension de la liberté de la presse.
Le 16 mai 1830, alors qu’un corps expéditionnaire français est prêt à partir à la conquête d’Alger, Charles X dissout la Chambre des députés.
À partir du 10 juillet, le roi et les ministres préparent les ordonnances dans le plus grand secret. Même le préfet de police et les autorités militaires ne sont pas mis dans la confidence, de sorte que rien n’est préparé pour maintenir l’ordre dans la capitale.
L’opposition libérale, qui se doute qu’un coup de force se prépare, redoute une Insurrection populaire qu’elle n’est pas certaine de pouvoir maîtriser. La grande majorité des députés libéraux, issus de l’aristocratie ou de la bourgeoisie aisée, ne sont nullement Démocrates.
Après des Emeutes qui tournent vite en Insurrection puis en Révolution, les Trois Glorieuses (26/27/28 juillet 1830) mettent fin au règne de Charles X.

Le 30 juillet, députés et journalistes entrent en scène pour récupérer la Révolution populaire au profit de la bourgeoisie, en jouant sur la peur. Après quelques jours d’hésitation entre république et solution orléaniste, la monarchie de Juillet est finalement instituée. A force d'intrigues, une poignée d'hommes, dont le vieux Talleyrand (la merde dans un bas de soie dixit Napoléon) et le jeune Thiers (futur massacreur de la Commune de 1871), écartent les républicains et portent sur le trône le duc d'Orléans. Ils espèrent réitérer en France la « Glorieuse Révolution » qui a permis aux Anglais, en 1688, par le changement de monarque, d'installer une monarchie parlementaire durable. La bourgeoisie parisienne dame le pion aux républicains désorganisés.
Déçus de la non proclamation de la république (que le Peuple attendait plus ou moins, mais encore une fois il fut manipulé, notamment à raison avec les vieilles peurs des expériences passées – de seulement 40 ans), les républicains allaient voir leurs rangs grossir par la suite des faiblesses de Louis-Philippe face à une bourgeoisie toujours plus puissante et dominatrice.
A l’occasion des obsèques du général Lamarque, très populaire à cause de ses opinions libérales, une importante Emeute fut violemment réprimé dans le sang par le pouvoir fraîchement mit en place.

A Lyon, en 1831, sur dix jours, éclata la première Révolte des canuts : les négociants de Lyon avaient fortement abaissé les salaires des chefs d’ateliers et des ouvriers. Sur l’initiative du conseil des prud’hommes et avec l’assentiment du préfet, une assemblée de délégués vota un tarif minimum des salaires. Mais les négociants, appuyés par le gouvernement (bourgeois, qui ne souhaitait pas voir ce genre de mesure ce répandre comme une traînée de poudre), refusèrent de s’y soumettre. Sur les collines de la Croix Rousse, un drapeau noir (symbole de la guerre à outrance et par suite de l’Anarchie) fut arboré avec l’inscription « Vivre en travaillant ou mourir en combattant ». Une partie de la Garde Nationale ainsi que des habitants des faubourgs se joignirent aux canuts et les autorités durent abandonner la ville. Poussés par la misère, les ouvriers furent maîtres de la ville pendant quatre jours, jusqu’à ce que 50 000 hommes les obligent à se soumettre.
Cette Révolte des canuts a fait naître dans la conscience ouvrière le sentiment d'une réelle communauté d'intérêts. Et c'est le point de départ d'une ère revendicative, que la détresse physique et morale des ouvriers dans cette période de capitalisme naissant devait accentuer.
En 1834, à nouveau, les Canuts se Révoltèrent devant leurs conditions de vie misérable, pendant que les bourgeois s’enrichissaient avec le commerce de la soie. La Société des Droits de l’Homme voulut généraliser le mouvement à toute la France, mais la crise économique était terminée et le Peuple ne bougea pas.
L'armée occupe la ville et les ponts. Rapidement les premières fusillades éclatent avec la troupe, qui tire sur la foule désarmée. Aussitôt, les rues se couvrent de barricades. Les ouvriers organisés prennent d'assaut la caserne du Bon-Pasteur et se barricadent dans les quartiers en en faisant de véritables camps retranchés, comme à la Croix-Rousse. C'est le début de la « Sanglante semaine ».
Adolphe Thiers, ministre de l'Intérieur, va appliquer une tactique qu'il rééditera en 1871 pour écraser la Commune de Paris : se retirer de la ville, l'abandonner aux Insurgés, l'encercler, puis la reprendre.

Débouchant, en France, sur la fondation d'un nouveau régime, la monarchie de Juillet, qui conforte l'association aux affaires publiques de la bourgeoisie industrielle et financière, les Trois Glorieuses sont également à l'origine d'une première effervescence Révolutionnaire en Europe, annonciatrice du « printemps des Peuples » de 1848.
L'année 1848 vit une floraison de Révolutions à travers l’Europe, appelées dans leur ensemble le Printemps des Peuples ou le Printemps des Révolutions. Elles ont généralement été réprimées, bien que les conséquences n'aient pas été négligeables (sauf en Allemagne).
Le Congrès de Vienne avait restauré les monarchies dans tous les états conquis par la France lors des guerres de la Révolution française ou des guerres napoléoniennes.
Cependant les courants politiques opposés nés de la Révolution, notamment le libéralisme, ainsi que le nationalisme, progressaient.

Le gouvernement issu de Juillet, mû par la petitesse d'esprit des rentiers et des propriétaires de cette époque, se méfiait trop des classes populaires. Les bourgeois libéraux, quant à eux, rêvaient d'épopées et vivaient dans le souvenir de la Grande Révolution et de Napoléon Ier. Leur opposition à la monarchie de Juillet se nourrit des caricatures qui ridiculisent la personne du roi et des scandales qui discréditent les grandes familles (ainsi le meurtre horrible de la duchesse de Choiseul-Praslin par son mari pendant l'été 1847).
Louis-Philippe Ier apparaît comme le « roi-bourgeois » par excellence. Sa vie paisible aux Tuileries, auprès de la reine Marie-Amélie et de leurs cinq fils, reflète les aspirations de la bourgeoisie de son époque. Son règne est une longue période de Paix et de relative prospérité durant laquelle, fait exceptionnel, n'apparaît aucun impôt nouveau. La seule guerre notable est la conquête de l'Algérie.
Le gouvernement mené par Guizot persistait à n’accorder le droit de suffrage qu’aux Citoyens aisés payant suffisamment d’impôts. Il repoussait les projets de réforme électorale que ses partisans, même les plus dévoués, apportaient aux chambres, et bientôt la question de la réforme devint une source d’agitation continuelle (en plus des autres questions, notamment sociales, non résolues depuis 1789 et qui s’étaient aggravées entre-temps).

Les Emeutes sont les résultats de plusieurs années d'une crise économique sans précédent, puisqu'il s'agit à la fois d'une crise d'ancien régime et d'une crise du capitalisme moderne.
Au milieu des années 1840, Marx et Engels prennent une part active dans la vie alors bouillonnante des groupes Révolutionnaires parisiens. Beaucoup d'entre eux étaient particulièrement influencés par les doctrines de Pierre-Joseph Proudhon exprimées principalement dans son ouvrage Philosophie de la misère. Marx en fait une critique très sévère dans Misère de la Philosophie.
Pierre-Joseph Proudhon, né le 15 janvier 1809 à Besançon dans le Doubs et mort le 19 janvier 1865 à Passy, était un publiciste, économiste, sociologue et socialiste français, le premier à se qualifier d'Anarchiste. Proudhon est célèbre pour sa fameuse citation « la propriété, c'est le vol ! » dans son mémoire Qu'est ce que la propriété? Ou recherches sur le principe du droit et du gouvernement, qui fut son premier ouvrage majeur, publié en 1840.
La publication de « Qu'est-ce que la propriété? » attire l'attention des autorités françaises mais aussi de Karl Marx qui entame une correspondance avec Proudhon. Les deux hommes s'influencent mutuellement ; ils se rencontrent à Paris où Marx est en exil. C'est le livre Qu'est ce que la propriété ? qui aurait convaincu Marx que la propriété privée devait être abolie. Dans un de ses premiers travaux, La Sainte Famille, Marx écrit : « Non seulement Proudhon écrit dans l'intérêt du prolétariat, mais il est lui-même un prolétaire, un ouvrier. Son travail est un manifeste scientifique du prolétariat français ». Leur amitié s’achève quand, en réponse à La Philosophie de la misère de Proudhon, Marx écrit La Misère de la philosophie.
Proudhon donna dans son Système des contradictions économiques publié en 1846 une explication de la société fondée sur l'existence de réalités contradictoires. Ainsi la propriété manifeste l'inégalité mais est l'objet même de la Liberté, le machinisme accroit la productivité mais détruit l'artisanat et soumet le salarié, in fine la Liberté elle-même est à la fois indispensable mais cause de l'inégalité. Ces contradictions sont éternelles et n'annoncent nullement l'autodestruction du capitalisme qu'aurait annoncé Marx.

Dans son livre « Les Confessions d’un Révolutionnaire pour servir à l’histoire de la Révolution de Février », Proudhon écrit entre autres choses la fameuse phrase « l'Anarchie c'est l'ordre sans le pouvoir ». Il tenta de créer une banque nationale qui donne des prêts sans intérêts, similaire d'une certaine façon aux mutuelles d'aujourd'hui.
Proudhon est surpris par la Révolte parisienne de février 1848. Il participe au Soulèvement et à la composition de ce qu'il nomme « la première proclamation républicaine » de la nouvelle république. Mais il avait des doutes à propos du nouveau gouvernement, parce qu'il poursuivait une réforme politique aux dépens d'une réforme socio-économique que Proudhon tenait pour fondamentale.
Pendant la deuxième république, Proudhon développe ses activités de journaliste. Il est impliqué dans quatre journaux différents: Le Représentant du Peuple (février 1848 - Août 1848), qu'il publie et dont il tire la notoriété qui le fera élire; Le Peuple (Septembre 1848 - Juin 1849); La Voix du Peuple (Septembre 1849 - Mai 1850); Le Peuple de 1850 (Juin 1850 - Octobre 1850). Ces journaux sont tous condamnés et supprimés successivement. Il s’illustre par son style polémique, combatif, ses incessantes critiques des politiques du gouvernement et sa campagne en faveur d’une réforme du crédit.
Parallèlement, il publie Solution du problème social, dans lequel il présente un programme de coopération financière mutuelle entre travailleurs. Il pensait ainsi transférer le contrôle des relations économiques depuis les capitalistes et financiers vers les travailleurs. Son projet s'appuie sur l'établissement d'une « banque d'échange » qui accorderait des crédits à un très faible taux d’intérêt (le taux n'est pas nul en raison des coûts de fonctionnement), ainsi que sur la distribution de billets d’échange qui circuleraient à la place de la monnaie basée sur l'or, qui serait supprimée.

Sur la demande insistante du gouvernement prussien, Marx, considéré comme un dangereux révolutionnaire, est chassé de Paris en 1845. Il arrive alors à Bruxelles. La maison qu'il occupe au 50 de la rue Jean d'Ardenne à Ixelles entre janvier 1847 et février 1848 sert de point de rencontre à tous les opposants politiques. Marx participe à l'Association Démocratique de Bruxelles, dont il est élu vice-président.
Wilhelm Weitling (1808-1871), ouvrier tailleur et écrivain suisse, membre de la ligue des justes (groupe socialiste créé en 1836 à Paris par des socialistes allemands en exil), il était l'un des représentants du socialisme utopique, apprécié par Marx qui rompit avec lui en 1846.
Il publie en 1838 « L'Humanité telle qu'elle est et telle qu'elle devrait être », puis en 1842 « Garanties de l'Harmonie et de la Liberté ». Il défend un projet de société socialiste et communiste. Il appelle de ses vœux une Révolution sociale qui priverait les riches des moyens de s'enrichir aux dépens des pauvres. Il met en avant le rôle du prolétariat, dont il fait lui-même partie.
Avec la condamnation des communistes de Cologne, en 1852, le rideau tombe sur la première période du mouvement ouvrier autonome allemand. Cette période s'étendit de 1836 à 1856 ; et, en raison de la dissémination des ouvriers allemands à l'étranger, le mouvement se fit sentir dans presque tous les états civilisés.
En 1834, les réfugiés allemands fondèrent à Paris la Ligue secrète républicaine Démocratique des proscrits. En 1836, il s'en détacha les éléments les plus extrêmes, pour la plupart prolétariens, qui fondèrent une nouvelle ligue secrète, la Ligue des justes. La ligue-mère fut bientôt plongée en plein sommeil. La nouvelle ligue, par contre, eut un développement relativement rapide. A l'origine, c'était un rejeton allemand du communisme ouvrier français, inspiré de réminiscences de Babeuf, qui se développait à cette époque même à Paris ; la communauté des biens était réclamée comme une conséquence nécessaire de l' « Egalité ». Les buts étaient identiques à ceux des sociétés parisiennes secrètes de ce temps : partie association de propagande, partie association de conjuration, Paris restant cependant toujours le centre de l'action Révolutionnaire, bien que l'on ne se défendît nullement de fomenter à l'occasion des troubles en Allemagne. Mais, comme Paris restait le champ de bataille décisif, la Ligue n'était alors, en fait, que la section allemande des sociétés secrètes françaises, surtout de la Société des saisons, fondée par Blanqui et Barbès, avec laquelle elle était en relations étroites. Les Français déclenchèrent l'Insurrection le 12 mai 1839 ; les sections de la Ligue emboîtèrent le pas et furent entraînées ainsi dans la défaite commune : l'Insurrection à Paris, où les ouvriers Révolutionnaires jouèrent un rôle essentiel, fut préparée par la Société des saisons ; la Révolte ne fut pas appuyée par les larges masses et fut écrasée par les troupes gouvernementales et la Garde nationale.

Au printemps 1847, Marx et Engels rejoignent la Ligue des justes et assurent sa réorganisation. Toutes les anciennes appellations mystiques datant du temps des conspirations furent supprimées, et la Ligue s'organisa en communes, cercles, cercles directeurs, comité central et congrès, et prit dès lors le nom de « Ligue des communistes » : « Le but de la Ligue, c'est le renversement de la bourgeoisie, le règne du prolétariat, la suppression de la vieille société bourgeoise fondée sur les antagonismes de classes et la fondation d'une nouvelle société sans classes et sans propriété privée ». Ils y prennent une place prépondérante lors de son second congrès à Londres en novembre 1847. À cette occasion, on leur demande de rédiger le Manifeste de la Ligue, connu sous le nom de Manifeste du Parti communiste, qui paraît en février 1848.
L'organisation elle-même était absolument Démocratique, avec des dirigeants élus et toujours révocables ; ce seul fait barrait le chemin à toutes les velléités de conspiration qui exigent une dictature, et transformait la Ligue, du moins pour les temps de paix ordinaires, en une simple société de propagande. L'ancienne devise de la Ligue « Tous les Hommes sont frères », avait été remplacée par le nouveau cri de guerre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » qui proclamait ouvertement le caractère international de la Lutte.

Interdits de réunion, les républicains contournent la loi en organisant à partir du 9 juillet 1847 des banquets qui réunissent des centaines de participants autour de quelques éminents orateurs. On en compte pas moins de 70 à Paris et dans les grandes villes du royaume au cours des sept mois suivants.
Dans des banquets organisés par les députés de l’opposition, les orateurs attaquaient avec force le gouvernement. Le 22 février 1848, un de ces banquets fut interdit à Paris ; les étudiants et les ouvriers manifestent à Paris. Ils sont rejoints le lendemain par la garde nationale composée de petits bourgeois. La rue commence à se calmer lorsque le roi renvoie enfin son premier ministre, le triste et impopulaire François Guizot, qui a dirigé le gouvernement pendant sept longues années (un record).
Le 23 des échauffourées provoque la mort d’une cinquantaine d’Insurgés, qui seront promenés le lendemain dans la ville sur des charrettes pour montrer la violence du pouvoir face à de justes revendications.
Dans la foulée, Paris se Soulève et se trouve hérissée de barricades.
Dans la nuit, Louis-Philippe rappelle Adolphe Thiers, qui l'a porté au pouvoir 18 ans plus tôt, mais le remède est sans effet et, dans son palais des Tuileries, le vieux roi (75 ans) commence à désespérer.
Le 24 février, Adolphe Thiers lui conseille rien moins que de s'enfuir à Saint-Cloud et de reconquérir Paris à la tête de son armée. Le roi, horrifié à la perspective de faire couler le sang de son Peuple, s'y refuse comme avant lui Louis XVI et Charles X (Thiers, rallié à la république en 1871, n'aura pas ces scrupules quand il s'agira d'éliminer les Communards).
Au terme de trois jours d'Emeutes et de malentendus, l'opposition libérale obtient le départ du roi Louis-Philippe 1er, le « roi-bourgeois » par excellence.

La duchesse d'Orléans, non sans panache, se présente avec ses deux enfants au Palais Bourbon où siègent les députés. Ceux-ci inclinent à approuver la régence quand, tout à coup, la foule envahit les lieux. Les républicains commencent à se manifester. Un cri retentit appelant à se rendre à l'Hôtel de Ville !
C'est ainsi qu'un petit groupe de républicains, à l'instigation de Ledru-Rollin et du vieux poète Lamartine (58 ans), se rendent dans le lieu mythique de la Grande Révolution, celle de 1789, dans la perspective de rééditer les exploits de leurs aînés (leurs propres héritiers n'agiront pas différemment à la chute de Napoléon III). Lamartine, Ledru-Rollin, Arago, Dupont de l'Eure et Marie proclament dans la nuit l'avènement d'un gouvernement républicain. Ainsi naît la IIè république. Deux jours plus tard, Lamartine convainc les républicains d'adopter le drapeau tricolore (à défaut du drapeau rouge du sang versé par le Peuple lors de tant de Révoltes et Révolutions qui n’avaient pas tant fait avancer les choses que ça : il rallie les Insurrectionnalistes et les barricadiers et était à l'origine, sous la Révolution, le drapeau symbolisant la loi martiale ; le Peuple a repris ce symbole pour se moquer des monarques et des soldats), fait adopter le suffrage universel (enfin masculin, fallait pas non plus déconner à l’époque), fait par ailleurs abolir la peine de mort pour les délits politiques ainsi que l’esclavage (déjà aboli par 1789 mais remit en place par Napoléon).
La Révolution parisienne a un énorme retentissement dans les élites européennes. Devant la contagion Révolutionnaire, les monarques concèdent des Constitutions à Berlin, Munich, Vienne, Turin,...
C'est « le printemps des Peuples », à Rome, le pape lui-même est chassé par les Révolutionnaires avec brutalité.
Au bout de quelques mois, la réaction aura partout raison du romantisme Révolutionnaire.
A Paris, les romantiques applaudissent au défilé des délégués européens. Les plus appréciés sont les Italiens et les Allemands. A Paris sévissait alors les légions Révolutionnaires. Italiens, Espagnols, Belges, Hollandais, Polonais, Allemands, se groupaient en bandes pour délivrer leurs patries respectives. Comme tous les ouvriers étrangers se trouvaient, au lendemain de la Révolution, non seulement sans travail, mais encore en butte aux tracasseries du public, ces légions avaient beaucoup de succès. Le nouveau gouvernement y vit le moyen de se débarrasser des ouvriers étrangers ; il leur accorda donc l'étape du soldat jusqu'à la frontière ; mais, quand ils arrivaient à la frontière, le toujours larmoyant ministre des Affaires étrangères, le beau parleur Lamartine, trouvait bien l'occasion de les trahir et de les livrer à leurs gouvernements respectifs.
En août 1849, présidant le Congrès international de la paix, Victor Hugo lance, prophétique : « Un jour viendra où vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse Individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure et vous constituerez la Fraternité européenne ».

Déroutée par la facilité de sa victoire de février, l'opposition parlementaire ne sait que faire de sa république. Elle tente en vain de ressusciter l'esprit de la « Grande Révolution » mais méconnaît gravement les changements qui se sont produits en un demi-siècle.
Subrepticement, à Paris, les revendications sociales ont pris le pas sur les idéaux politiques. Les républicains trouvent des auxiliaires dans les socialistes. Ces personnes demandaient la transformation de la société afin de faire disparaître la misère. D’après leurs chefs (Louis Blanc, Proudhon, Fourier, Saint-Simon, Pierre Leroux), l’état devrait organiser le travail et en répartir Equitablement le produit entre tous les travailleurs (quasiment l’équivalent d’impôts inversés).
Plusieurs signes pourraient éclairer les contemporains : ainsi, dans le langage courant, on regroupe tous les bourgeois sous le terme d'oisifs pour mieux les opposer aux travailleurs. Et l'année même de la chute de Louis Philippe, Karl Marx et Friedrich Engels publient le Manifeste du parti communiste. Auparavant, de nombreux socialistes définirent et expérimentèrent de nouvelles formes « utopiques » d’organisation du travail au bénéfice de tous les membres de la société.

La seconde république échouera sur la question sociale. Ses reculades, dès le mois de juin 1848, ouvriront la voie au second empire.
Une Assemblée constituante est élue le 13 avril dans la précipitation pour mettre en place les institutions de la IIe république. Le suffrage universel amène à l'Assemblée une forte majorité de notables provinciaux, très conservateurs et méfiants à l'égard du Peuple ouvrier de Paris.
Dans l'attente d'une Constitution, c'est une Commission exécutive issue de l'Assemblée qui dirige le pays. Le gouvernement provisoire, après avoir créés les Ateliers nationaux (notamment par le biais de Louis Blanc), avait publié ensuite un décret réduisant d'une heure la durée de la journée de travail pour tous les salariés parce que, selon ses termes, « un travail manuel trop prolongé non seulement ruine la santé mais en l'empêchant de cultiver son intelligence porte atteinte à la dignité de l'humain ».
C'est ainsi que la journée de travail était tombée à... dix heures à Paris et à onze en province (serait-ce que le travail était plus éprouvant à Paris qu'ailleurs ?). Ces ateliers de bienfaisance avaient été créés quelques mois plus tôt par le gouvernement provisoire de la
IIè république issue des journées Révolutionnaires de Février. Ils avaient pour vocation de procurer aux chômeurs un petit revenu en échange d'un travail symbolique mais utile à l’Intérêt Général.
La commission du Luxembourg décide le 20 juin de supprimer les Ateliers nationaux avec l'espoir d'étouffer ainsi l'agitation ouvrière. C'est le contraire qui se passe. Sur 120.000 ouvriers licenciés par les Ateliers nationaux, 20.000 descendent dans la rue le 23 juin 1848. Ils forment jusqu'à 400 barricades et lancent de violentes Emeutes de la faim provoquées par la fermeture des Ateliers nationaux. Mais Proudhon s'oppose à l'Insurrection en prêchant une conciliation Pacifique, posture en accord avec son engagement contre la violence qui ne se démentira pas. Il désapprouve les Révoltes et les manifestations en février, mai et juin 1848 bien que sympathisant des injustices sociales et psychologiques que les Insurgés avaient été forcés d'endurer. Il considère que les forces de la réaction sont responsables des événements tragiques. Proudhon est le premier théoricien connu à se désigner lui-même comme un « Anarchiste ». Il écrit dans Du principe Fédératif que la notion d' « anarchie », en politique, est tout aussi rationnelle et positive qu'aucune autre. Il défendait la Liberté individuelle contre toute force dominante : l'église, la religion et toute espèce de dictature, l'individu ne devant jamais être sacrifié à l'intérêt général ou la justice sociale.

Sans excès de précaution, la Commission exécutive charge le général Louis-Eugène Cavaignac (républicain sincère mais fervent opposant aux « rouges » socialisant) de la répression. Celle-ci est terrible, à la mesure de l'effroi qu'éprouvent les bourgeois de l'Assemblée. Le 25 juin 1848, les Insurgés résistent encore à l'Est de la capitale, entre Bastille et Nation.
Monseigneur Denis Affre, archevêque de Paris (55 ans), s'interpose entre les Insurgés et la troupe, sur une grosse barricade. Un crucifix à la main appelle les frères ennemis à la réconciliation. Les coups de feu s'interrompent. Mais un roulement de tambour réveille les pulsions de mort. Les coups de feu reprennent. L'archevêque s'écroule. Le lendemain, le général Lamoricière prend d'assaut cette barricade ainsi que toutes celles qui suivent (au total 65 entre Bastille et Nation !). C'est la fin de l'Insurrection.

Au total, du 23 au 26 juin, en trois jours de combats dans l'ensemble de la capitale, on relève 4.000 morts parmi les Insurgés et 1.600 parmi les forces de l'ordre.
Le gouvernement républicain arrête 15.000 personnes et en déporte des milliers sans jugement. Les journées de Juin 1848 coupent la
IIè république de sa base populaire. Signe des temps, le 9 septembre 1848, le décret du 2 mars sur la journée de dix heures est abrogé.

Aux élections présidentielles de décembre 1848, l'absence d'une opposition républicaine de gauche et le discrédit dans lequel sont tombés les républicains permettent au prince Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de l'empereur, de se faire élire président de la république sans trop de mal, en promettant la Paix et des réformes sociales.
Alexis de Tocqueville (1805-1859) avait dénoncé dès janvier 1848 l'aveuglement de la bourgeoisie face à la montée des revendications sociales. Adolphe Thiers, également membre de la Commission (ancien ministre de Louis-Philippe, que les chansonniers surnomment Foutriquet en raison de sa petite taille), proposera d’ailleurs à la Commission rien moins que d'évacuer la capitale et d'y revenir en force pour éradiquer la racaille socialiste et ouvrière. Thiers avait déjà proposé un plan similaire à Louis-Philippe lors des émeutes de Février mais le roi l'avait rejeté avec horreur, ne voulant pas faire couler le sang du Peuple.
La Commission exécutive de 1848 rejette également ce plan mais en mars 1871, quand il deviendra lui-même « chef du gouvernement provisoire de la IIIè république », Thiers l'appliquera pour de bon, ce qui aura pour effet de provoquer la tragédie de la Commune.

Le 13 juin 1849, à Paris, la défaite des Insurrections allemandes de mai, la répression de la Révolution hongroise par les Russes, marquèrent la fin d'une grande période de la Révolution de 1848. Mais la victoire de la réaction n'était encore rien moins que définitive. Une réorganisation des forces Révolutionnaires dispersées s'imposait, et par suite celle de la Ligue. Mais tout comme avant 1848, les circonstances interdisaient toute organisation publique du prolétariat ; il fallait donc de nouveau recourir à l'organisation secrète.

La première association internationale ouvrière fut fondée à Londres le 28 septembre 1855 par des proscrits français, allemands, polonais, belges et anglais. De sévères luttes d'influence entre proudhoniens bon teint et Anarchistes radicaux ne lui permettent pas d'exister au-delà de 1859. Cette tentative atteste au moins une volonté d'union parmi les fractions les plus avancées de la classe ouvrière des pays d'Europe Occidentale.
Proudhon se veut l'apôtre du socialisme scientifique, qui va prendre la forme de l’Anarchie positive ou du Fédéralisme Autogestionnaire. Le Fédéralisme Autogestionnaire de Proudhon est fondé sur deux structures parallèles, l’une correspondant aux activités économiques, et l’autre au corps politique. Ces deux constructions doivent être distinctes mais coopérer. Sur le plan de la production, il s’agit d’une Démocratie économique mutualiste : les agriculteurs sont propriétaires d’une parcelle qu’ils exploitent, et ils s’associent avec d’autres au sein d’ensembles Coopératifs, eux-mêmes inclus dans une Fédération agricole. Le secteur industriel devrait, quant à lui, être composé de multiples propriétés Collectives concurrentes entre elles mais associées en une même Fédération industrielle. Des groupements d’unions de consommateurs formeraient un « syndicat de la production et de la consommation », chargé de la gestion du système, indépendamment de l’état. Proudhon ne s’arrête pas là : il imagine aussi une confédération qui regrouperait tous les marchés du monde.
Sur le plan politique, la « Démocratie politique Fédérative » serait fondée sur des régions qui s’auto-administreraient – pour la France, une douzaine – et seraient associées pour former une république Fédérale. L’échelon Fédéral n’aurait qu’un rôle d’institution, de création, d’installation, le moins possible d’exécution. Il y aurait 2 chambres : une Chambre des régions et une Chambre des professions. Le suffrage universel serait ainsi fondé sur une division régionale et socioprofessionnelle. Des nations pourraient former ensemble des Confédérations. Ainsi, en 1863, Proudhon imagine une Europe Confédérale dotée d’un budget, de diverses agences, d’une cour de justice et organisant un marché commun. Cette organisation ne peut être mise en place que grâce à la volonté des ouvriers et au temps. De la volonté, surtout : la pensée de Proudhon est fondée sur le contrat.

C'est cette volonté d’union que concrétise un autre congrès de constitution : celui de l'Association Internationale des Travailleurs (Première Internationale) à Genève le 3 septembre 1866. Dans ses statuts de 1866 (rédigés par Karl Marx), l'AIT affirme que « l'Emancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes » et déclare agir « pour l'Emancipation définitive de la classe travailleuse, c'est-à-dire pour l'abolition définitive du salariat ».
Une grave équivoque allait naître avec l'adoption de statuts parfois ambigus. Pour Marx, ils permettaient l'action politique légale. Pour les futurs bakouninistes, « toute action doit avoir pour but immédiat et direct le triomphe des travailleurs sur le capital ».
Le deuxième congrès qui s'ouvre à Lausanne le 2 septembre 1867 peut être appréhendé comme un affrontement entre les mutuellistes suisses et français et les collectivistes anglais et allemands. Les futurs « jurassiens » ne participent guère aux débats. Et, à l'occasion d'une motion finale, il est acquis que « l'émancipation sociale des travailleurs est inséparable de leur émancipation politique ». C'est entre ce congrès et celui de Bruxelles (le troisième, en septembre 1868) que tout va changer. Dès la fin de l'année 1867, le gouvernement français décide de contrer le développement de l'Internationale. Lors des premières poursuites (février 1868), Tolain et la commission parisienne démissionnent. Ils personnifiaient le mutuellisme Proudhonien défenseur de la propriété individuelle, méfiant à l'égard des Grèves. Ceux qui vont prendre le relais, avec Eugène Varlin à leur tête, prétendent dépasser le mutuellisme qui, selon eux, se doit de déboucher sur le collectivisme et le syndicalisme. Dans la section française, un Collectivisme antiétatique (par ce qualitatif, Varlin et ses amis cherchent à se différencier du « marxisme », terme qui n'existe pas à l'époque) succède au mutuellisme. Un autre fait important, se produit peu après, en juillet 1868 : Bakounine donne son adhésion à l'A.I.T. (section de Genève).
Le IIIe congrès de Bruxelles qui se déroule du 6 au 13 septembre 1868 marquera le point fort d'une période de transition durant laquelle le courant Collectiviste antiautoritaire pénètre peu à peu l'Association. C'est lors du IVe congrès de Bâle (6-12 septembre 1869) que l'on pourra apprécier le poids respectif de chacune des tendances. À partir de votes sur des motions ou amendements présentés par ces divers courants, on peut établir le rapport de force comme suit :
* 63 % des délégués de l'A.I.T. se regroupent sur des textes Collectivistes dits « antiautoritaires » (« bakouninistes »),
* 31 % se rangent derrière les communistes dits « marxistes »,
* 6 % maintiennent leurs convictions mutuellistes (proudhoniens).

Le congrès de Bâle fut marqué par la victoire du Collectivisme Révolutionnaire, et celle des amis de Bakounine sur les délégués fidèles à Marx. Il y eut également une scission entre les Anarchistes de Bakounine et ceux de Proudhon. Proudhon pensait que la propriété Collective était indésirable et que la Révolution sociale pouvait être atteinte Pacifiquement. Il désapprouvait l'action Révolutionnaire. Fils d'artisans, il se méfiait de la classe ouvrière dont il redoutait la violence et dénonçait les « charlataneries » d'organisation totale et globale de la société. L'attachement de Proudhon à la Liberté individuelle, qu'aucune forme d'organisation sociale doit supprimer, pour quelque raison que ce soit, lui a permis de percevoir mieux qu'aucun autre penseur socialiste les risques attachés au triomphe de l'état, du collectif ou de la communauté.
L'unité sera aisément sauvegardée par deux votes. Les deux premières tendances se retrouvent sur une proposition ayant trait à la socialisation du sol. Enfin, et à l'unanimité, le congrès décide d'organiser les travailleurs dans des sociétés de résistance (syndicats). Cependant, il n'en demeure pas moins que Marx et Bakounine s'observent, s'épient, se jaugent.
La guerre de 1870 et la Commune n'allaient que retarder le dénouement de cette opposition farouche. En effet, les évènements empêchent la tenue du Ve congrès qui devait s'ouvrir à Paris en septembre 1870. Dans le même temps, en avril 1870, lors du congrès régional de la Fédération romande, va se produire une scission, préfiguration du futur partage de l'A.I.T. Les délégués suisses vont se diviser sur l'attitude à adopter à l'égard des gouvernements et des partis politiques.

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 22:13

La remise en question de l'absolutisme en France et ailleurs (suite)

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Entrée en guerre en 1778, et permettant la victoire des Insurgés (traité de Paris de 1783), la France se réaffirme comme grande puissance moderne, satisfait son désir de revanche, récupère des territoires perdus, mais dégrade ses finances, et félicite l'esprit républicain et Démocrate (théorique des Lumières, et réel des Américains).
L'affaiblissement de l'état français, et la montée et mise en lumière d'une alternative viable à la royauté sont considérés comme les prémisses de l'idée Révolutionnaire française.

La Révolution de 1789, avant tout bourgeoise, couvait depuis longtemps, pratiquement depuis la Fronde parlementaire contre le jeune Louis XIV (qui deviendra suite à cela le mégalomane roi soleil).
La noblesse, autant que la bourgeoise, évincée du pouvoir sous Louis XIV, ne rêve que de revenir aux affaires. La tradition monarchique s’inscrit dans le respect des coutumes, c'est à dire des libertés et des privilèges accordés à certains individus, certaines villes ou provinces. Les bases de ce système politique sont contestées et attaquées dans la seconde partie du XVIIIè siècle.
La philosophie des Lumières s'est diffusée dans les couches supérieures de la société française, la bourgeoisie et la noblesse libérale. Contre la monarchie absolue à la française, le modèle anglais d'une monarchie limitée par un parlement (assemblée élue) est mis en avant.
Les ordres privilégiés se Révoltent contre le pouvoir royal. En effet, l'absolutisme les a privés de leurs prérogatives traditionnelles. Les Parlements sont des cours de justice sous l'Ancien Régime. Ils profitent du droit traditionnel qui leur est accordé d'émettre des remarques lors de l'enregistrement des lois dans les registres des parlements pour critiquer le pouvoir royal. Bien qu'ils défendent avant tout leurs privilèges, ils arrivent à passer, aux yeux de l'opinion publique, comme les défenseurs du Peuple.

En 1769, afin d’apaiser les tensions entre les deux couronnes depuis le traité de Westphalie où la France a gagné l’Alsace-Lorraine (1648), le roi Louis XV demande au nom de son petit-fils Louis-Auguste (le futur Louis XVI) sa main à la fille de l’empereur germanique François Ier et de l’impératrice Marie-Thérèse. En 1770, Marie-Antoinette, âgée de 14 ans et qui a passé toute son enfance au château de Schönbrunn (pas très ouverte sur le monde et assez futile), est mariée au dauphin de la couronne de France, le futur Louis XVI. Après avoir subi l'indifférence hostile de sa mère, la « dernière reine de France » est, à 14 ans, littéralement dépossédée de son identité autrichienne et plongée dans un monde qui lui est étranger. Souffrant du manque d'empressement de son époux à accomplir son devoir conjugal, elle se morfond à Versailles. Comment résister, dès lors, aux plaisirs faciles qui lui sont offerts ? Alors que la sexualité est, à cette époque, affaire publique, Marie-Antoinette s'est vu reprocher de vouloir en faire une affaire privée (normal vu le peu d’intérêt que le roi portait à la chose). D'où les très nombreux fantasmes à son sujet, qui la dépeignent comme une femme licencieuse et infidèle. Ainsi, on (re)découvre, stupéfaits, les dessins scabreux la représentant en prédateur sexuel ou en monstre terrifiant ! C'est dire la haine qu'elle suscite et l'imagination débordante des caricaturistes.

Le 21 janvier 1771, sous le règne de Louis XV, le parlement est exilé de Paris par le chancelier Maupeou. Le vieux roi ne supporte plus que les parlementaires, forts de leurs privilèges, entravent son pouvoir.
Le 10 mai 1774, à la mort de Louis XV, son petit-fils devient roi sous le nom de Louis XVI. A son avènement, la France est le pays le plus peuplé d'Europe avec 26 millions d'âmes. Elle en est aussi le plus prestigieux. La langue et la culture de la cour de Versailles rayonnent de Berlin, en Prusse, à Saint Petersbourg, en Russie. La France est aussi le pays le plus puissant d'Europe, voire du monde, malgré quelques déconvenues dans sa rivalité avec l'Angleterre. Elle possède une flotte incomparable, la Royale, et ses colonies sucrières comme Saint-Domingue font la jalousie des Anglais.
La Révolution va changer tout cela. Marie-Antoinette également. Lorsqu’elle monte sur le trône, elle croit naïvement que son nouveau statut lui accorde toute liberté pour mener sa vie à sa guise. Dès lors, elle se perd en frivolités et fêtes somptueuses, et dépense sans compter. Malgré les remontrances de sa mère et les difficultés financières de l'état, elle maintient ce train de vie dispendieux, si bien qu'elle finit par être surnommée « Madame Déficit ». Alors qu'elle était aimée du Peuple au début de son règne, des gravures licencieuses de la reine commencent à circuler dans le royaume, qui écornent sérieusement sa popularité.

Louis XVI n'a d'autre souci que de rappeler au plus vite les parlementaires et de les rétablir dans leurs privilèges.
C'est le premier d'une longue série d'actes de faiblesse qui mèneront le roi à la guillotine et feront perdre à la France son premier rang parmi les grandes puissances du monde.
Confronté à son avènement à une situation financière désastreuse, le roi Louis XVI avait choisi un ministre des finances compétent pour y faire face, Turgot. Ainsi, au début du règne de Louis XVI, la France jouit d'une relative prospérité. La consommation progresse et les prix des biens manufacturés ou importés augmentent. Mais les nobles, qui s'endettent en menant grand train à la cour de Versailles, font leur possible pour accroître les revenus qu'ils tirent de leurs terres. Ils raniment de vieux droits féodaux tombés en désuétude et soulèvent contre eux la colère des paysans. Cette crispation est très mal vécue par les paysans qui réclament l'abolition des droits féodaux pour soulager leur misère.
Malgré tout, dans leur immense majorité, les Français de 1789 n’imaginent pas une Révolution violente avec une abolition de la monarchie. Le roi est, en 1789, considéré comme le père des Français. Il est aimé et respecté. Néanmoins, une réforme profonde de l’état est espérée, et ce dans un climat Pacifique.
Louis XV et Louis XVI ne sont pas restés insensibles à la diffusion des idées nouvelles et au blocage des institutions. Mais ils n'ont pas l'autorité de leur prédécesseur Louis XIV pour imposer aux privilégiés les changements nécessaires.
Le 12 mai 1776, le roi se sépare de Turgot et annule ses réformes sous la pression des privilégiés et de la cour.

Lorsque les Insurgés Américains livrent la bataille de Saratoga, ils reçoivent l'appui de la noblesse libérale d'Europe. Le 6 février 1778, la France signe un traité de commerce avec Benjamin Franklin. Elle reconnaît les États-Unis d'Amérique et intervient officiellement dans la guerre d'Indépendance. Necker remplace Turgot aux finances. Le banquier genevois, soucieux de sa popularité, écarte toute idée de réforme fiscale et recourt aux emprunts pour remplir les caisses de l'état et pourvoir aux dépenses énormes occasionnées par les interventions militaires en Amérique.
Le 3 octobre 1783, le traité de Versailles consacre l'Indépendance des États-Unis. Louis XVI peut être satisfait de la revanche prise sur les Anglais mais sa participation à la guerre américaine a creusé le déficit de l'état. La noblesse libérale du royaume, La Fayette en tête, cultive l'idée de transposer en France les principes Démocratiques d'Outre-Atlantique. Ainsi, Necker avait préconisé des assemblées territoriales qui limitaient le pouvoir des intendants. Le ministre avait également tenté de justifier ses emprunts imprudents en publiant un Compte rendu au roi qui dévoilait les dépenses somptuaires de la cour (l’état a toujours vécu au-dessus de ses moyens). Le 19 mai 1781, Necker est remercié par Louis XVI.
Le nouveau contrôleur général, Charles Alexandre de Calonne, comprend que l'état du royaume nécessite des réformes radicales.

Le 17 septembre 1787, la Constitution américaine est publiée. Elle nourrira l'inspiration des Constituants français. D’autant plus qu’aucun contrôleur général ne réussit à faire passer la réforme fiscale auprès des privilégiés. Les parlementaires refusent d'enregistrer les réformes et réclament les états généraux. Cette assemblée des trois ordres du royaume (clergé, noblesse et tiers état) n'avait pas été réunie depuis 1614 et l'époque troublée de la régence de Marie de Médicis, veuve d'Henri IV.

Depuis 1780, à Vienne, Joseph II (le frère de Marie-Antoinette) règne seul sur les états autrichiens. C'est l'« Aufklärung » : fin du servage, expulsion des Jésuites, édit de tolérance, suppression des ordres contemplatifs, suppression de la torture, abolition des corporations,... Dominé par la haine du clergé et de la papauté, le « joséphisme » va se solder par un échec cuisant... mais il montrera la voie aux Révolutionnaires français.

Le 3 mai 1788, le parlement publie une « déclaration des Droits de la nation » et réclame à nouveau la convocation des états généraux en espérant qu'ils contraindront le roi à respecter les exemptions fiscales des privilégiés. Tous les privilégiés, y compris le haut clergé, se solidarisent avec les parlementaires parisiens. Le 7 juin 1788, la sédition tourne à l'Emeute à Grenoble. Pendant la « journée des tuiles », les habitants bombardent de projectiles les soldats qui tentent de se saisir des parlementaires. Les représentants du Dauphiné, au nombre d'environ 500, se réunissent au château de Vizille et appellent à refuser le paiement de l'impôt. Louis XVI, comme à son habitude, s'incline et convoque les états généraux pour mai 1789. Le 25 août 1788, Necker revient en grâce, et se fait fort de rassurer les créanciers de l'état, les banquiers et l'opinion publique.

La réunion des États généraux a suscité de grands espoirs parmi la population française. Le Peuple est en effet appelé à prendre la parole en mars 1789 pour rédiger les cahiers de Doléances, où il fixe une sorte de programme aux députés (suppression des droits féodaux, Egalité devant les impôts, revendication des Droits des sujets face à l’arbitraire royal).
Les paysans espèrent une amélioration de leur condition de vie avec l'allègement voire l'abandon des droits féodaux. La bourgeoisie, pétrie des idées des Lumières, espère l'instauration de l'Egalité en droit et l'établissement d'une monarchie parlementaire à l'anglaise. Elle peut compter sur le soutien d'une petite partie de la noblesse acquise aux idées nouvelles et du bas-clergé qui vit auprès du Peuple et est sensible aux difficultés de celui-ci. Traditionnellement chaque ordre élisait à peu près le même nombre de députés. Les élus de chaque ordre se réunissaient, débattaient et votaient séparément. Le résultat du vote de chaque ordre comptait pour une voix. C'était le principe du vote par ordre. De ce fait, il suffisait que les deux ordres privilégiés votent dans le même sens, celui du maintien des privilèges, et le Tiers-État se retrouvait en minorité. Le Tiers-État demande donc le doublement du nombre des députés le représentant, afin que le nombre de leurs élus corresponde davantage à son poids dans la société, ainsi que le principe du vote par tête, c'est à dire une assemblée unique où chaque élu dispose d'une voix. Louis XVI accorde le doublement des députés du Tiers-État mais garde le silence sur la question du vote par ordre ou par tête.

Le 5 mai 1789, le roi Louis XVI et Necker ouvrent solennellement les Etats Généraux. Son discours met en garde contre tout esprit d'innovation. Louis XVI n'a plus d'argent en caisse et il a absolument besoin de l'accord des représentants des trois états pour lever de nouveaux impôts ou réformer ceux qui existent (alors que le Tiers-État est déjà écrasé par les impôts et les privilèges des autres).
Les représentants du Tiers-État dénoncent la division de l'assemblée en trois états qui les met automatiquement en minorité face aux représentants des ordres privilégiés, le clergé et la noblesse, qui ne représentent qu'une toute petite partie de la population française.
Le 17 juin, les députés du Tiers-État et beaucoup de curés qui représentent le clergé aux Etats Généraux se réunissent à part. Sur proposition de l'abbé Sieyès, qui constate que ladite assemblée représente les « quatre vingt seize centièmes de la nation », ils se transforment en Assemblée nationale. Peu à peu, la plupart des autres députés vont les rejoindre.
Le 20 juin, dans la salle du Jeu de Paume où elle s'est réunie, près du palais de Versailles, bafouant la volonté du roi, l'Assemblée nationale fait serment de ne pas se séparer avant d’avoir fixé la constitution du royaume, opéré la régénération de l’ordre public et maintenu les vrais principes de la monarchie. Trois jours plus tard, le marquis de Dreux-Brézé leur demande de cesser leur fronde. L'Assemblée désobéit ouvertement au roi. C'est un acte grave.

Constatant que les maux du gouvernement appellent davantage qu'une réforme de l'impôt, les députés projettent de remettre à plat les institutions et de définir par écrit, dans une constitution, de nouvelles règles de fonctionnement, selon l'exemple américain. Durant ces journées, l’Assemblée réalise une autre Révolution décisive : beaucoup de députés sont effrayés par la tournure des événements et démissionnent ; l’Assemblée déclare qu’elle tient son mandat non pas des électeurs individuellement pour chaque député, mais Collectivement de la Nation toute entière. C'est la mise en application du principe de la souveraineté nationale défendu par Diderot.
Cette Assemblée peut s’appuyer sur les espoirs de la majorité de la Nation, sur les réseaux de « patriotes ». En face, il n’y a que des ministres divisés, un gouvernement sans ressources financières et un roi velléitaire qui recule.
Le 9 juillet, l'assemblée se proclame donc Assemblée nationale constituante.
Le 11 juillet 1789, Louis XVI, vexé, renvoie ses ministres jugés trop libéraux, parmi lesquels Necker, une fripouille qui n'a fait que creuser le déficit mais est restée pour cela très populaire parmi les petites gens.
A Paris, le Peuple s'irrite et s'inquiète. On dit en plus que le roi, irrité par la désobéissance des députés, voudrait les renvoyer chez eux. Des rumeurs font craindre une intervention des troupes contre la capitale.
Or l’opinion parisienne est agitée. La bourgeoisie est déçue. Pour l’instant, rien n’est sorti des débats à Versailles. Et elle a peur pour la survie de l’assemblée. Le Peuple, lui, craint que les troupes ne coupent les routes du ravitaillement des Parisiens alors que, suite aux mauvaises récoltes de 1788, le prix du pain est au plus haut. Début juillet, des émeutes éclatent aux barrières d’octroi. Dans l’après midi, dans les jardins du Palais Royal, le journaliste Camille Desmoulins exhorte la foule à se mettre en état de défense. Les Parisiens se heurtent dans les jardins des Tuileries aux soldats du prince de Lambesc, accusés d'avoir tué des manifestants. Le 13 juillet, 40 des 54 barrières d’octrois sont incendiées. Les réserves de grains des couvents sont pillées. Une milice bourgeoise se forme.
L'effervescence grandit. Le matin du 14 juillet 1789, les Parisiens partent chercher des armes dans une atmosphère Révolutionnaire. Ils pillent l'arsenal de l’Hôtel des Invalides, où ils trouvent des armes mais pas de poudre. Les Emeutiers viennent ensuite se masser aux portes de la prison royale de la Bastille (une vieille forteresse royale datant de Charles V et de la guerre de Cent Ans, qui sert de prison à quelques lascars de mauvaise vie, mais était le symbole des lettres de cachet avec lesquelles le roi pouvait envoyer n'importe qui en prison) pour y chercher de la poudre.
Sous l'effet de la surprise, à Versailles, le roi se retient de dissoudre l'Assemblée. Son propre frère, le comte d'Artois, futur Charles X, prend la mesure de l'événement et quitte la France sans attendre. Il est suivi dans l'émigration par quelques autres nobles, dont le prince de Condé et Mme de Polignac.

A Paris, le comité des électeurs désigne un maire, Bailly, et un commandant de la garde nationale, La Fayette, en remplacement de l'administration royale. Une nouvelle organisation municipale allait se mettre en place. Les autres villes imitent la capitale.
Une « Grande peur » s'étend dans les campagnes. Les paysans craignent que les récoltes ne soient pillées par des brigands. À l'annonce de l'arrivée de brigands, le tocsin sonne dans les villages. Les paysans s'arment de fourches, de faux et autres outils. Quand ils s'aperçoivent qu'il n'y a aucun danger, au lieu de retourner vaquer à leurs occupations, ils se dirigent vers le château du seigneur, craignant que celui-ci n'augmente les taxes qui pèsent sur eux. Sans manquer d'afficher leur loyauté à la monarchie, ils pillent les châteaux et brûlent les « terriers », c'est-à-dire les documents qui contiennent les droits seigneuriaux (notamment les titres de propriété). C'est au tour des députés d'avoir peur. Dans la nuit du 4 août, pour calmer les paysans, ils votent l'abolition des droits seigneuriaux (ce qui initialement n’était pas à leur programme). Les troubles prennent fin avec l'abolition de la dîme et des corvées. C'est la fin du système féodal et de la société d'Ancien Régime. Toutefois les députés, presque tous propriétaires fonciers, qu'ils soient nobles ou bourgeois, se ravisent en partie pendant la rédaction des décrets du 5 au 11 août 1789. Les droits personnels (corvées, servage...) et le monopole de la chasse pour le seigneur sont simplement supprimés. Les droits réels portant sur la rente de la terre doivent être rachetés. Seuls peuvent se libérer totalement les paysans les plus riches. Les propriétaires d'office reçoivent une indemnité qu'ils investissent en partie dans l'achat de biens nationaux. Ainsi les possédants ont pu sauvegarder leurs intérêts économiques tout en mettant fin aux Révoltes paysannes.

Le 26 août 1789 est votée la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. C'est l'acte le plus remarquable de la Révolution. Les députés, inspirés par les philosophes français et anglais du passé (Hobbes, Locke, Montesquieu, Rousseau,...) votent dans l'enthousiasme une Déclaration qui définit les Droits de chacun en 17 articles.
Il s’agit d’une condamnation sans appel de la monarchie absolue et de la société d'ordres. Mais elle est avant tout le reflet des aspirations de la bourgeoisie de l'époque : la garantie de Libertés Individuelles, la sacralisation de la propriété, le partage du pouvoir avec le roi et à tous les emplois publics.
Mais, déjà, le rêve ne dure pas. Les difficultés d’approvisionnement en pain et le refus de Louis XVI d’approuver la déclaration et les décrets du 4 et du 26 août sur l'abolition des droits seigneuriaux, sont à l’origine du mécontentement du Peuple de Paris lors des journées du 5 et 6 octobre 1789.
Une marche de femmes va chercher Louis XVI et la famille royale à Versailles. La Fayette, un général très populaire, convainc le roi de quitter le palais de Versailles afin de dissiper une bonne fois pour toute la méfiance des Parisiens... et des Parisiennes à son égard. Le roi s'exécute.
Le lendemain, le 6 octobre, il quitte Versailles pour le palais des Tuileries, au cœur de la capitale. L'assemblée constituante fait de même et s'installe dans la salle du Manège, à côté des Tuileries. Le gouvernement de la France se met désormais à la merci des Parisiens.
Désormais le roi et l’Assemblée siègent à Paris, surveillés par la population et menacés par l’Emeute.

A partir de 1790, les Parisiens se prennent de passion pour les affaires politiques. Les journaux se multiplient ainsi que les clubs où débattent avec passion les sans-culottes. Le plus célèbre est le club des Jacobins, où un certain Robespierre devient président le 31 mars 1790.
Les agitateurs parisiens issus du petit Peuple d'artisans, de commerçants et d'ouvriers commencent à se désigner sous le nom de sans-culottes ; ils veulent de la sorte se différencier des aristocrates qui portent des culottes de soie tandis qu'eux-mêmes se contentent de pantalons de toile. Cette tenue est un signe de protestation, arboré initialement par des avocats, des commerçants, des employés, des artisans, des bourgeois puis par les membres de toutes les professions roturières, qui vont s’appeler « patriotes ». Loin de se réduire à une catégorie sociale, les sans-culottes traduisent l’entrée du Peuple dans l’histoire politique et posent, déjà, tous les problèmes de la représentation Démocratique. On les voit ainsi apparaître comme la formation idéalisée des combattants Révolutionnaires, devenus l'idéal-type imposé comme modèle d'identification aux couches populaires. Idéalisation qui permet d'incorporer parmi eux une frange de combattants pas forcément issus desdits milieux, rassurant les modérés qui craignent les réactions du Peuple.
À partir de 1791 surtout, lorsque la fuite à Varennes (20-26 juin) puis le massacre du Champ-de-Mars (17 juillet) eurent clairement montré qu’une partie des élites avait rejoint le camp de la réaction en couvrant la trahison du roi et en faisant mitrailler le Peuple, les militants des sections parisiennes firent de leur costume un manifeste politique contre le régime de monarchie constitutionnelle censitaire (après 1792, les sans-culottes arborent la veste courte à gros boutons : la carmagnole). Ce sont d'après la Constitution de 1791 des Citoyens « passifs » : faute de payer assez d'impôt, ils n'ont pas le droit de vote ! Les sans-culottes se répartissent entre les 48 sections de Paris (il s'agit de circonscriptions électorales) ; à ce titre ils sont aussi appelés sectionnaires. Les sans-culottes ont la passion de l'Egalité plus que de la Liberté et pour l'affirmer, affectent le tutoiement patriote. Ils portent parfois un bonnet rouge inspiré de celui des esclaves affranchis de Phrygie (Asie mineure) pour souligner leur parenté avec les Démocrates de l'Antiquité grecque.

Quelques journalistes surent admirablement coller à ce Peuple combattant et Révolutionnaire : Jean-Paul Marat et son Ami du Peuple, et dans un tout autre registre, Jacques-René Hébert et son Père Duchesne mais aussi Jacques Roux et son groupe les Enragés. Ils en furent longtemps les porte-parole, plus que les guides, incontestés.
En 1789, Marat a 45 ans. Il a derrière lui une carrière de médecin et de physicien et a publié une quinzaine d’ouvrages. Dans son livre central de théorie politique, écrit en Angleterre, « The Chains of Slavery » (1774), la thèse principale est que le pouvoir émane du Peuple en tant que souverain, mais qu’à travers les âges et sous tous les régimes, les exécutifs se sont attachés à retourner ce pouvoir contre ceux qui lui avaient fait l’honneur de le lui confier.
Pendant la période de bouleversements qui s’ouvre, où le Peuple cherche à rentrer dans ce rôle de « souverain », Marat va suivre pas à pas événements et protagonistes, surveillant en permanence les tentatives de récupération, de reprise en main de cette souveraineté.
Marat n’attend pas tout de l’Assemblée. Son texte « Projet de leurrer le Peuple et d’empêcher la Constitution » est à contre-courant du triomphalisme qui entoure la soi-disant abolition de tous les privilèges de la fameuse nuit du 4 août. Mais ce texte ne paraît qu’en septembre en raison de l’attitude encore très floue des autorités en matière de presse. L’annonce des États Généraux a bien provoqué un afflux d’écrits politiques que la Librairie Générale de France a toléré, mais sans accorder d’autorisation officielle, ce qui a laissé le champ libre à l’arbitraire.
La Constitution en tout cas préoccupe Marat. Fin août, il publie « La Constitution, ou projet de Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, suivi d’un plan de Constitution juste, sage et Libre ».
Au début du mois de septembre 1789, Marat apparaît sur la scène politique à visage découvert. Le 16 septembre 1789, il publie le journal « L’Ami du Peuple, journal politique, Libre et impartial, publié par une société de patriotes ». L’Ami du Peuple est un quotidien, une vraie gageure !
Dès le 24 septembre, Marat attaque un des nouveaux pouvoirs exécutifs : la Municipalité de Paris, qu’il accuse de gestion ruineuse et inefficace. Ces démêlés provoquent son premier décret de prise de corps. Mais les 5 et 6 octobre 1789, les femmes de Paris entreprennent leur marche sur Versailles pour ramener le roi au milieu de son Peuple. L’effervescence populaire est à son comble. Il s’est aussi rendu compte que rien n’est fait pour enrayer la disette qui accable Paris, alors que la moisson de l’été a été très généreuse. Il rédige donc une première « Dénonciation contre Necker », dans laquelle il implique le ministre dans l’accaparement des grains.
Il convient aussi de suivre les mouvements qui opposent les districts, et en particulier celui des Cordeliers (il ne s’agit pas du Club) à la Municipalité. La rencontre entre Marat et ce district se concrétise au moment des démêlés d’octobre. En tant qu’assemblée légalement constituée, le district entend exercer la souveraineté populaire sur l’étendue de son territoire.
Ainsi, en janvier 1790, quand les poursuites reprennent contre Marat, le district met l’Ami du Peuple sous sa protection. À cet égard, le 22 janvier revêt une importance dans le cours des événements, non seulement pour le sort immédiat de Marat, mais aussi parce qu’apparaît sur la scène politique une personnalité d’envergure, l’avocat Georges Danton, qui prend fait et cause pour l’Ami du Peuple. Le déploiement de forces sera impressionnant, mais Marat restera introuvable. Notons, une fois encore, qu’après avoir fait parade de tout cet arsenal répressif, la Commune de Paris ne poursuivra pas et qu’il n’y aura pas de procès. Pas de réaction non plus de la part du ministre Necker suite à la « Dénonciation ». Mesures d’intimidation et dénis alternent !
Mais Marat n’a plus de presses et tous ses papiers ont été saisis, cela au moment où l’Assemblée vote la loi martiale et, séance après séance, parle d’imposer aux « brigands » la plus grande terreur. Prêt à se réfugier en Angleterre, Marat écrit encore un « Appel à la Nation », où il fait un bilan des événements et conclut qu’une « censure publique », un « tribunal d’état » et, dans les cas extrêmes « un dictateur momentané » (au sens antique du terme, une personne avec les pleins pouvoirs pendant un temps limité) doivent être pris en considération en politique, cette « science encore embryonnaire ».
Avant son départ à Londres, Marat avait mis en valeur l’importance de la force publique. Pas de meilleur rempart pour la Liberté que ces milices nationales, nées du 14 juillet, soudées, entraînées, Fraternelles ! Or, il constate que tout est mis en œuvre pour les diviser ! La situation est donc très grave et de mai à juillet 1790, avec toute la presse patriote qui se serre les coudes, Marat est très présent sur la scène parisienne, avec Camille Desmoulins. Le 24 juin, Marat publie sa fameuse « Supplique aux pères conscrits, ou très sérieuses réclamations de ceux qui n’ont rien à ceux qui ont tout ».
Marat publie encore son « Plan de législation criminelle », espérant toujours infléchir la marche de l’Assemblée. Mais, dès la fin du mois de juin 1790, il n’est plus centré sur les suites à donner à la Révolution de 1789, mais déjà sur un nouvel élan nécessaire contre… le Nouveau régime. Et c’est à nouveau dans la clandestinité qu’il publie en août-septembre ses « Feuilles extraordinaires » : « C’en est fait de nous ! », « On nous endort, prenons-y garde », « C’est un beau rêve, gare au réveil ! », « L’affreux réveil ». Aussi, quand éclate la « malheureuse affaire de Nancy » (la garde nationale de Metz, sous la direction du marquis de Bouillé, beau-frère de La Fayette a tiré sur les régiments de Nancy), Marat, le seul à avoir prévu un tel drame, passe pour le Cassandre (qui voit l’avenir mais n’est jamais cru) de la Révolution. Après ce coup de force du Nouveau régime, le thème de la réorganisation de la force publique scande le déclin de la Révolution, tandis que l’Assemblée est de plus en plus à la traîne du pouvoir exécutif, dont les personnages clés, Mirabeau et La Fayette ont pour objectif central de rétablir les pleins pouvoirs dans les mains du roi. Toujours dans la clandestinité, Marat mène alors une lutte acharnée contre le régime des mouchards mis en place par le général afin de gangrener la garde nationale et l’armée.
Mais voilà que le mouvement populaire se restructure, autour des clubs de sections ! En janvier 1791, Marat a de nouveaux démêlés avec la justice, mais en février, il reçoit l’appui du Club des Cordeliers et peut reprendre ses parutions.

Jacques-René Hébert a lancé en 1790 le père Duchesne, journal des Révolutionnaires radicaux. Il participa, en 1792, à la chute de la monarchie dans le rôle d’accusateur public et, en 1793, à celle des Girondins. Avec ses partisans, les hébertistes (Chaumette, Chabot, Collot d'Herbois et d’autres), il a fortement influencé le club des Cordeliers et de la Commune Insurrectionnelle. Maximilien de Robespierre dont il avait dénoncé la modération le fit arrêter et exécuter en 1794.
De 1790 à 1791, le père Duchesne était constitutionnel et encore favorable à Louis XVI et La Fayette, blâmant Marie-Antoinette et Marat et réservant ses foudres à l’abbé Maury, grand défenseur de l’autorité pontificale contre la constitution civile du clergé. Le ton s’est nettement durci avec l’avènement de la république. Le gouvernement fit imprimer en 1792 certains de ses numéros aux dépens de la république les faisant distribuer dans les armées afin de sortir les soldats d’une torpeur jugée dangereuse pour le Salut public.

Jacques Roux est frappé d'interdit après avoir participé au pillage de châteaux. Il fut l'un des premiers prêtres (« curé rouge ») à prêter serment à la Constitution civile du clergé. Il accompagna Louis XVI à l'échafaud avec Jacques-Claude Bernard. Sa faction des Enragés réclamait la taxation et la réglementation en terme de prix. Il dénonçait la bourgeoisie marchande plus terrible selon lui que « l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale ».
Ce « prêtre socialiste » liait problème politique, crise sociale et question agraire et ce dès 1792. Il défendait l'idée que les principes de Liberté, défendues par la nouvelle législation, servaient avant tout l'intérêt d'une classe au détriment de la société. L'expression la plus achevée de son programme fut sans doute celle contenu dans son Adresse à la Convention nationale le 25 juin 1793 qui repose sur l'idée que « la Liberté n'est qu'un vain fantôme, quand une classe d'hommes peut affamer l'autre impunément. L'Egalité n'est qu'un fantôme, quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort de son semblable. La république n'est qu'un vain fantôme, quand la contre-révolution s'opère de jour en jour par le prix des denrées auquel les trois quarts des Citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes ». Trois points peuvent apparaître comme les lignes de force de ce programme : taxation générale, répression de l'accaparement, prohibition du commerce de l'argent monnayé.
Son mouvement inquiétant la Convention, Marat (qui n'hésite pas à la qualifier de « patriote de circonstance ») et même les Hébertistes, Roux était de plus en plus isolé. Les Montagnards avaient déclenché contre lui une campagne visant à le faire passer pour un contre-révolutionnaire. Arrêté en septembre 1793 pour être jugé par le Tribunal révolutionnaire, il préféra se donner la mort en se poignardant.
Son groupe, les Enragés étaient un groupe de Révolutionnaires radicaux. Ils revendiquent l'Egalité civique et politique mais aussi sociale, préconisant la taxation des denrées, la réquisition des grains et des taxes sur les riches. On peut les situer à gauche des Montagnards. Ils sont combattus aussi bien par Maximilien de Robespierre que par Danton, Marat et les Hébertistes. Leurs idées furent reprises et développées par Babeuf. La Société des républicaines Révolutionnaires, fondée en février 1793 par Pauline Léon et Claire Lacombe, et interdite l'été suivant par le gouvernement Révolutionnaire, est un groupe Révolutionnaire exclusivement féminin, aux revendications sociales et féministes, en quelque sorte la section féminine du mouvement des Enragés.

Les sans-culottes se rassemblaient, d’une part, dans les assemblées des sections et, d’autre part, dans les clubs. Les assemblées des sections, organismes de la vie de quartier institués dès 1790, n’accueillaient en principe que les Citoyens actifs ; cependant, le rôle primordial joué par nombre d’ouvriers et petits artisans, ainsi que le fait qu’ils étaient restés armés depuis 1789, leur donna voix au chapitre. Les clubs surtout (club des Cordeliers, club de l'Évêché, Société fraternelle des deux sexes, Club helvétique) furent l’instrument dont les sans-culottes se servirent pour influencer la vie politique. Le club de l'Évêché, issu des Cordeliers, joua un rôle important dans la préparation du 10 août, jour de la prise des Tuileries et de la chute du trône. À partir de septembre 1792, le club des Jacobins s’ouvrit aux Citoyens les plus pauvres : il devint dès lors le plus important des lieux de réunion pour les sans-culottes. Ceux-ci manifestaient leurs revendication par des pétitions des sections présentées aux assemblées (Législative, puis Convention) par des délégués ; il y eut ainsi une succession de pétitions réclamant l’arrestation des chefs girondins avant l’Insurrection du 31 mai au 2 juin. L’Insurrection, la « journée », était le second moyen d’action. La violence armée fut un recours fréquent du 10 août 1792 aux vaines Emeutes de germinal et prairial an III. Les Emeutiers, appuyés par les canons de la garde nationale à laquelle ils appartenaient, venaient montrer leur force menaçante pour obtenir gain de cause.

L'Assemblée constituante ne se contente pas de préparer une Constitution. Elle réforme en profondeur les institutions du pays, plutôt en bien. Les circonscriptions administratives de l'Ancien Régime étaient très complexes et n'avaient pas les mêmes limites selon leurs fonctions. Les députés entreprennent de les simplifier. La loi du 22 décembre 1789 crée les départements (même si ils sont taillés à la hache, sans trop tenir compte des entités ethnoculturelles et des environnements sociaux économiques, justement pour éviter les regroupements séditieux), à la fois circonscriptions administratives, judiciaires, fiscales et religieuses. Les 83 départements sont divisés en districts, cantons, communes dont les dirigeants sont élus. La décentralisation administrative est très grande. Elle unifie les poids et mesures et crée une nouvelle unité de longueur appelée à un grand succès mondial : le mètre. Elle instaure l'état civil, introduit le divorce et le mariage civil, supprime le privilège d'aînesse dans les héritages,... Elle n'oublie pas qu'elle doit résoudre en urgence la crise fiscale. Les caisses de l'état sont vides. Alors, les députés ont l'idée de saisir les terres et les biens qui appartiennent à l'église catholique.
Mais le clergé a besoin d'argent pour vivre et aussi financer ses innombrables œuvres sociales et éducatives. Qu'à cela ne tienne. Le 12 juillet 1790, les députés votent la Constitution civile du clergé qui garantit un revenu à chaque prêtre.
Le roi et le clergé attendent l'avis du pape avant d'approuver la Constitution civile du clergé. L'avis tarde à venir et quand il arrive, il est négatif. Le 13 avril 1791, le pape condamne le texte car il craint une dérive à l'anglaise de l'église de France vers une totale indépendance (alors qu’elle était la fille aînée de l’église). Il ne menace rien moins que de suspendre les prêtres « jureurs » qui ont prêté serment à la Constitution. Le roi, très pieux, se met dès lors en retrait de la Révolution et utilise son droit de veto pour paralyser le travail législatif.

Le 18 avril 1791, le Peuple, inquiet des mouvements de la famille royale, empêche le roi de gagner Saint-Cloud. La Fayette essaie d’intervenir, mais la garde nationale refuse de lui obéir. La Fayette fait mine de démissionner. En mai et juin 1791, « L’Ami du Peuple » ne lâche pas le général d’une semelle et met continuellement en garde les Citoyens contre un départ du roi. Le 21 juin 1791, Louis XVI tente avec sa famille de rejoindre des troupes fidèles à Montmédy, près de la frontière avec le Luxembourg. Louis XVI sait que ces troupes sont dévouées à la monarchie. Il compte sur elles pour marcher sur Paris, renverser l'Assemblée constituante, mettre fin à la Révolution et restaurer ses prérogatives de souverain absolu.
Heureusement, il est reconnu lors d’une pause imprévue (car le voyage sera composé de beaucoup d’incidents alors qu’il avait été très bien organisé) et est rattrapé à Varennes.
La confiance n'est plus entre la monarchie et la Révolution parisienne, d'autant plus que l'on soupçonne le roi de collusion avec l'étranger, voire de trahison. Pour autant, le 25 juin, alors que Louis XVI et sa famille sont ramenés, sous les huées, aux Tuileries, les députés évoquent, contre toute vraisemblance, l’enlèvement du roi. Cette attitude achève de diviser le parti patriote, majoritaire à l’Assemblée : d’un côté ceux qui, les plus nombreux, veulent s’en tenir à une monarchie constitutionnelle ; de l’autre, ceux qui, républicains ou non, veulent la déchéance de Louis XVI. Ce clivage se répercute au sein du club des Jacobins.
Hébert rompt avec les modérés qui rêvaient d’un compromis avec les aristocrates. Dans le Peuple et parmi les députés, certains n'hésitent plus à s'affirmer républicains et considèrent que la monarchie n'est pas indispensable au gouvernement du pays. Danton et le journaliste Jean-Paul Marat lancent une pétition pour la déchéance du roi. Elle réclame un nouveau pouvoir constituant pour « procéder d'une manière vraiment nationale au jugement du coupable et surtout au remplacement et à l'organisation d'un nouveau pouvoir exécutif ». La pétition de « directoire nationale » (83 élus des départements) est déposée le 17 juillet 1791 sur l'autel de la patrie du Champ de Mars, à l'endroit où eut lieu la Fête de la Fédération (à l’imitation des Fédérations régionales de gardes nationales qui avaient commencé dans le Midi dès août 1789 et s’étaient étendues à toute la France, La Fayette, commandant de la Garde nationale de Paris, fait organiser à Paris pour l’anniversaire de la prise de la Bastille une fête nationale de la Fédération, première commémoration du 14 juillet 1789, fête de la réconciliation et de l’unité de tous les Français ; Louis XVI assista à cette fête et y jura la Constitution).
Les députés comme Bailly et La Fayette, partisans d’une monarchie constitutionnelle mettent sur pied la thèse de l'enlèvement du roi. Ils interdisent la manifestation et décrètent la loi martiale (le roi ayant été innocenté par l’Assemblée le 15, la manifestation est désormais sans objet). Le 17 juillet 1791, le Peuple manifeste malgré tout. La Fayette ordonne alors à la garde nationale de tirer sur la foule désarmée, tuant principalement de femmes et des enfants. La fusillade du Champ de Mars a pour conséquence la rupture entre les patriotes modérés et le Peuple parisien dont les porte-parole sont, entre autre, Georges Jacques Danton, Maximilien de Robespierre et Jean-Paul Marat. Certains comme Condorcet (discours « De la république, ou un roi est-il nécessaire à l’établissement de la Liberté ? », ou il conclut que seule la république permettra au Peuple français de rester un Peuple Libre) demandent même l'instauration d'une république. Par méfiance du Peuple, Bailly et La Fayette, suivis par la majorité des députés, quittent le club des Jacobins pour fonder le Club des Feuillants. Pour eux la Révolution est finie et il convient de stabiliser le régime en soutenant la monarchie constitutionnelle. Dans les semaines qui suivent, les députés modérés affiliés aux Feuillants exploitent leur succès : ils font fermer provisoirement le club des Cordeliers et révisent la Constitution dans un sens conservateur, avec un renforcement des pouvoirs du roi et un relèvement du cens électoral (afin que seuls les plus riches puissent voter et se présenter).
Danton et Marat, prudents, s'enfuient en Angleterre. Au Club des Jacobins, l'atmosphère est toute différente. De nombreux députés, y compris Robespierre, souhaitent maintenir la monarchie. Ils craignent avec raison que la déchéance de Louis XVI n'entraîne la France dans une guerre contre les autres monarchies européennes.

Le 1er octobre 1791, la première Constitution française entre en application. Elle inaugure une monarchie constitutionnelle à l'anglaise où le pouvoir législatif (rédiger les lois) est confié à une Assemblée du même nom.
Louis XVI troque son titre de roi de France pour celui, plus humble, de roi des Français. Il dispose du pouvoir exécutif et d'un droit de veto qui lui permet de repousser ou retarder les textes de l'Assemblée.
Le fossé se creuse entre le roi et l'Assemblée législative, même si le roi a le soutien d'une bonne partie du clergé qui refuse de prêter serment sur la Constitution civile.
Par ailleurs, les députés de la Constituante n'ayant pas été autorisés à se faire élire et à siéger à la Législative, beaucoup choisissent de militer dans les clubs Révolutionnaires de Paris. Ils entretiennent l'agitation Révolutionnaire.

Les souverains étrangers voyaient au départ la Révolution sans déplaisir, escomptant un affaiblissement de la France sur la scène internationale. Mais après les dérapages du printemps 1791, ils s'inquiètent pour le roi et craignent une contagion Révolutionnaire.
Pour preuve, la Révolution polonaise dirigée par Stanislas Poniatowski : Hugo Kołłątaj (il fait l'esquisse d'un programme changeant totalement les rapports entre les propriétaires terriens et les habitants des villes, les nobles et les bourgeois ; il soutient et incite l'Emancipation des bourgeois, participe à la rédaction des exigences des villes et à l'assemblée des représentants de Varsovie) rédige une pétition sur l’initiative de Jean Dekert, maire de Cracovie, signée par 141 villes : elle demande la participation de toutes les villes à la Diète, l’accès des bourgeois aux offices et le droit pour eux d’acquérir des domaines ruraux. Cela provoque une vive agitation. On parle de « Révolution à la française ». Les conservateurs font désigner une commission spéciale pour les villes. À la suite de longues discutions entre les projets du roi et ceux de la Diète, la loi sur les villes qui entérine les propositions de la pétition est votée le 18 avril. Le 3 mai la Diète de Pologne adopte une constitution proche de celle de la France de Louis XVI, destinée à moderniser la Pologne et à la renforcer contre l’empire russe. Le roi et les patriotes, appuyés par les manifestations dans les rues de la capitale, profitent du petit nombre de députés présents pour faire passer le texte. Le roi nomme les ministres, mais la Diète peut les révoquer. Elle délibère à la majorité de ses membres et non par ordre. Le sénat voit ses pouvoirs diminués. Les diétines perdent leurs attributions législatives. Rien n’est dit sur le sort des paysans sinon qu’ils sont « sous la protection juridique du gouvernement » et que tous les ordres sont soumis à l’Égalité devant l’impôt. Quant eux, les Roumains de Transylvanie, en prévision de la convocation de la Diète, réclament l’Egalité des Droits civils et politiques pour la Nation roumaine. Remis à l’empereur Léopold II en mars, le mémoire est renvoyé par Vienne à la Diète de Klausenburg (Cluj) qui le rejette avec indignation.

Louis XVI, son entourage et les émigrés français poussent les souverains étrangers à intervenir.
Le 27 août 1791, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, l'empereur allemand Léopold II et l'Électeur de Saxe ont une entrevue à Pillnitz, en Saxe. À la suite de celle-ci, l'empereur exige des Révolutionnaires français qu'ils rétablissent le roi de France dans la plénitude de ses droits. Depuis la fuite à Varennes, en effet, Louis XVI, beau-frère de l'empereur, a été suspendu de ses droits. Louis XVI, qui ne se résigne pas à un rôle de figurant, pousse à la guerre en espérant que la victoire des souverains restaurera son pouvoir absolu.
À l'Assemblée législative, le parti de la Montagne, dont les membres participent aussi au Club des Jacobins, pousse à la guerre, sous l'influence de plusieurs députés du département de la Gironde, comme Jacques-Pierre Brissot de Warville (38 ans, Démocrate sincère, il s'est fait connaître avant la Révolution en fondant la société des Amis des Noirs). Ses partisans, les Brissotins, que l'on appellera plus tard Girondins, espèrent comme lui que la guerre obligera le roi à prendre parti pour ou contre la Révolution. Ils dénoncent la menace que font peser les émigrés en armes aux frontières du pays et rêvent sans le dire d'étendre la Révolution au reste de l'Europe : les Girondins parlent alors d'une guerre des Peuples contre les rois, d'une croisade pour la Liberté. Robespierre, au Club des Jacobins, appréhende la guerre et veut inverser les priorités : « Domptons d'abord nos ennemis du dedans et ensuite nous marcheront à tous les tyrans de la terre ». Il n'est pas écouté mais au plus fort de l'invasion, c'est à lui que l'on fera appel pour sauver le pays.
La mort de Léopold II, relativement conciliant, et l'avènement de son fils François II, nettement plus agressif, servent les intérêts du camp de la guerre.
Le 10 mars, le roi se sépare de son ministre des Finances, Narbonne, qui appartient comme les autres ministres au club des Feuillants, partisan loyal de la monarchie.
Là-dessus, le ministre des Affaires étrangères Lessart est accusé de haute trahison par Brissot. Tous les ministres démissionnent en signe de protestation. Partisan de la politique du pire, le roi les remplace par autant de ministres brissotins : Clavière aux Finances, Roland à l'Intérieur, Dumouriez aux Affaires étrangères, Servan à la Guerre,...
Cette alliance contre nature entre Louis XVI et les ennemis de la monarchie débouche sur la déclaration de guerre à l'empereur. Le 20 avril 1792, l'Assemblée législative (sur une proposition du roi Louis XVI) déclare la guerre au « roi de Bohême et de Hongrie », en fait le puissant archiduc d'Autriche et empereur d'Allemagne, neveu de Marie-Antoinette.
Mais les choses se compliquent car le roi de Prusse fait alliance avec ce dernier. Face à cette coalition qu'elle n'escomptait pas, la France fait piètre figure. Son armée est dans un état pitoyable. Du fait des désertions et de l'absence de ressources, les effectifs sont tombés de 150.000 à 80.000 hommes. Les deux tiers de ses 9.000 officiers ont d'autre part émigré. Depuis la levée de volontaires nationaux décidée après la fuite du roi à Varennes, on peut toutefois rajouter à ces effectifs 169 bataillons soit environ 100.000 hommes. Ces volontaires se distinguent par leur uniforme bleu des bataillons de ligne réguliers en uniforme blanc. La France prend l’offensive, avant même que la moindre troupe coalisée n’ait fait mouvement. Dès l'été, la France est envahie par les armées prussiennes et autrichiennes cependant que le duc de Brünswick, qui commande les armées prussiennes menace les Parisiens d'un mauvais sort. Leur véritable baptême du feu aura lieu au pied du moulin de Valmy. L’intérêt des puissances européennes est que la France s’enlise dans sa Révolution, que ce pays, qui est encore, au XVIIIè siècle, la plus grande puissance européenne, se déchire le plus longtemps possible, soit mis à l’écart des grandes affaires de l’Europe et du monde. Déjà sa puissance s’est érodée sous Louis XV, où elle a perdu son prestige militaire et les plus beaux fleurons de son empire colonial. Sur le continent, c’est l’Autriche, la Prusse, à un moindre degré la Russie, qui affirment leur puissance montante dans une Europe qui bouge, tandis qu’au-delà des mers triomphe l’Angleterre. De ces années désastreuses, l’équilibre européen sort modifié, à notre détriment. Ecraser la Révolution, remettre Louis XVI sur son trône sont loin d’être les désirs les plus chers de nos voisins. Ainsi, pour enfoncer le clou, les troupes coalisées effectuent une retraite tactique face aux Français à Valmy : on leur laisse croire qu’ils ont gagné de par leur seule force et foi Révolutionnaire, alors qu’en réalité c’est un cadeau empoisonné fait par des ennemis autrement plus puissants qui souhaitent s’amuser avec un pays qui va s’entre-déchirer !

Depuis sa fuite jusqu'à Varennes, le roi Louis XVI et sa famille sont assignés à résidence au palais des Tuileries, à l'ouest du Louvre, sous la surveillance du Peuple. Le roi dispose pour sa protection d'une Maison militaire de peu d'efficacité, composée de gardes français, travaillés par la propagande Révolutionnaire et peu fiables, d'autre part de gardes suisses. Ces soldats vivent entre eux, sous le commandement d'officiers suisses et donnent ainsi peu de prise à l'agitation ambiante. Pour les patriotes, l'idée d'un complot de la noblesse, de la cour et des prêtres réfractaires pour abattre la Révolution se développe. L’assemblée vote alors trois décrets permettant la déportation des prêtres réfractaires, la dissolution de la garde personnelle du roi et la constitution d’un camp de gardes nationaux Fédérés pour défendre Paris. Louis XVI y oppose son veto aux décrets sur les réfractaires et sur les Fédérés. Cette situation provoque une nouvelle flambée Révolutionnaire, qui voit le Peuple investir les Tuileries le 20 juin, le jour de l'anniversaire du serment du Jeu de paume. Il lui reprochait le renvoi des ministres patriotes girondins et l’inaction des armées face à la menace extérieure.
Mais pour une fois, le roi tient bon. Il accepte cependant l'humiliation de porter le bonnet phrygien (promu par les Girondins au printemps 1792, le bonnet rouge du Peuple deviendra ensuite l’emblème du mouvement sans-culotte et le signe éclatant de l’Egalité) devant les sans-culottes mais refuse de céder. L'Assemblée législative contourne le véto royal en proclamant « la patrie en danger » le 11 juillet 1792 et en demandant à tous les volontaires d'affluer vers Paris.
Un climat Insurrectionnel s’instaure, les sections étant réunies en permanence.
Chacun se prépare à l'invasion étrangère et l'on soupçonne le roi d'être de connivence avec son beau-frère, l'empereur d'Allemagne François II. Le 25 juillet, le chef de l'armée prussienne, le duc de Brunswick, fait savoir au gouvernement que Paris sera détruite si la vie du roi est à nouveau menacée. Quand le manifeste de Brunswick est connu des Révolutionnaires parisiens, ceux-ci investissent l'Assemblée et demandent la destitution de Louis XVI.
Les sections exigent de l’Assemblée nationale la proclamation de la déchéance du roi et menacent de passer aux actes si elle n’obtempère pas avant le 9 août. L'Assemblée refuse. Les sans-culottes parisiens se préparent ouvertement à une nouvelle « journée Révolutionnaire ». Dans la nuit du 9 au 10 août, le tocsin sonne aux clochers de la capitale.
Au matin du 10 août sous l’égide de Danton, une « Commune Insurrectionnelle » s'installe à l'Hôtel de ville, au lieu et place de la municipalité légale. Formée par 52 commissaires désignés avec la participation des Citoyens, elle défendit les idées des sans-culottes parisiens et devint un des organes principaux du gouvernement imposant son pouvoir en province. La Commune Insurrectionnelle de Paris contribua à la création du Tribunal révolutionnaire (17 août 1792), destiné à juger les suspects, resta passive face aux Massacres de septembre 1792, imposa la proscription des Girondins (2 juin 1793), la loi du maximum général (29 septembre 1793), l'institution de la Terreur et participa au mouvement de déchristianisation. Dominée en 1793 par le Comité de salut public dirigé par Robespierre, Saint-Just, et Couthon, titulaire des pouvoirs de police, elle nomma les policiers de Paris chargés d'incarcérer en masse les suspects. La Commune Insurrectionnelle de Paris perdit son influence après l'élimination des Hébertistes (24 mars 1794), la Convention nationale supprima la Commune de Paris et décida de guillotiner 93 de ses membres. La Constitution de l'an III (1795) remplaça la Commune de Paris par douze municipalités distinctes, coordonnées par un bureau central afin d'empêcher une nouvelle dictature populaire.

Devant le refus de l’Assemblée de respecter l’ultimatum, patriotes parisiens et Fédérés des départements envahissent les Tuileries le 10 août 1792.
Le roi gagne la terrasse des Feuillants. Face à lui, la foule des Parisiens l'accueille par des insultes : «À bas le veto ! À bas le gros cochon !». Le roi, la reine et le dauphin traversent alors le jardin des Tuileries pour chercher refuge au sein de l'Assemblée.
Le jeune officier d'artillerie Bonaparte est à ce moment-là au Carrousel, chez son condisciple Bourrienne. Ayant déjà assisté à l'Emeute du 20 juin, il en avait tiré cet avertissement : « Les misérables ! On devrait mitrailler les premiers cinq cents, le reste prendrait vite la fuite !».
Le roi se réfugie dans l'enceinte de l'Assemblée législative, mais celle-ci, prenant acte du succès de l'Emeute, se retourne contre lui en le suspendant de ses fonctions. La constitution de 1791 étant, de fait, devenue caduque, elle décrète aussi l’élection d’une Convention nationale en vue de prendre toutes mesures « pour assurer la souveraineté du Peuple et le règne de la Liberté et de l'Egalité ».
En vue des élections des députés de la Convention, elle abolit les distinctions entre Citoyens actifs et Citoyens passifs. Elle instaure pour la première fois le suffrage universel (masculin) à deux degrés pour décider des nouvelles institutions du pays. Le soir du 10 août (séance de 9 heures), l’Assemblée législative désigne par acclamation un conseil exécutif provisoire, composé de six membres, comprenant Danton, ministre de la Justice, et Gaspard Monge, ministre de la Marine. Après une nuit de fortune, la famille royale est emmenée au donjon du Temple, médiocre reste de la forteresse de Pierre de Molay, au nord de Paris. En passant par la place Vendôme, elle peut voir la statue de Louis XIV jetée à bas : bientôt ce sera le tour de leurs têtes !
Ainsi s'effondre une monarchie presque millénaire qui avait construit la France de génération en génération, par des conquêtes et des alliances matrimoniales.
Les troupes ennemies marchent sur Paris inexorablement, faisant tomber les forteresses les unes après les autres. C’est dans ce contexte que Danton déclare le 2 septembre 1792 : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la Patrie sera sauvée ». Le Peuple, entre panique et rancœur, rend responsable de la situation les ennemis de l'intérieur. Entre le 2 et le 6 septembre 1792, il massacre les prêtres réfractaires, les suspects d'activité contre-révolutionnaire et les détenus de droit commun incarcérés dans les prisons à Paris. Les tueries durent plusieurs jours sans que les autorités administratives osent intervenir, et les députés ne les condamneront pas avant plusieurs mois. Ces massacres de Septembre, qui frappent l'opinion, marquent un tournant essentiel dans la Révolution.

Les élections à la Convention se déroulent au cœur des massacres de Septembre. Sur 7 millions d’électeurs, on estime que 90 % se sont abstenus. Le choix des députés appartient donc à une minorité décidée. Comme en 1789, le scrutin à deux tours a pour effet d'éliminer les classes populaires de la représentation nationale. Les élus sont presque tous issus de la bourgeoisie. Un tiers vient des métiers de justice. La Convention se réunit pour la première fois. Elle dispose provisoirement des pouvoirs législatif et exécutif. Elle décide d'abolir la royauté. Le 22 juin 1791, alors que l’on ignorait encore à Paris l’arrestation du roi à Varennes, le club des Cordeliers envoyait une adresse aux députés de l’Assemblée exigeant la république. Toutefois, cette adresse était loin de faire l’unanimité ; de nombreux membres, comme Danton, prônaient seulement la déposition du roi et l’instauration d’un conseil de régence. Ce point de vue était également celui du club des Jacobins. Quant à la majorité patriote de l’Assemblée, l’événement la plonge dans l’embarras. Elle reste en effet profondément monarchiste et refuse de se laisser entraîner à l’établissement de la république, synonyme pour beaucoup de désordre (voire d’Anarchie au sens propre du terme) ou, au mieux, de dangereuse Utopie.

Le 22 septembre 1792, la république est proclamée. C'est pour les Révolutionnaires, le début d'une ère nouvelle. Malgré la relative homogénéité sociale de l’Assemblée, deux camps antagonistes s'opposent. Les Brissotins ou Girondins se méfient du Peuple parisien. Leurs appuis sont en province et parmi la riche bourgeoisie du négoce et des manufactures. Ils sont très attachés aux Libertés individuelles et économiques de 1789 et répugnent à prendre des mesures d'exception pour sauver la jeune république à laquelle ils sont pourtant attachés.
Les Montagnards sont plus sensibles aux difficultés du Peuple. Ils sont prêts à s'allier au Peuple, notamment aux sans-culottes de la Commune de Paris et à prendre des mesures d'exception pour sauver la république. Leurs chefs sont, entre autres, Robespierre, Danton, Marat, Saint-Just.
A présent, la Lutte s’engageait de manière encore plus radicale entre Girondins et Montagnards : leur vision éthique était trop contradictoire pour espérer une entente cordiale, alors même qu’ils avaient commencé la Révolution ensemble. Les premiers reconnaissaient les humains comme naturellement « imparfaits » (mais qu’est-ce que la perfection, et existe-t-elle seulement ?), avec leurs vices (mais aussi leurs vertus) et leur égoïsme (mais également générosité), comprenant de fait (sans excuser pour autant) le droit au préjugé et à l’erreur, tout autant que l’aspiration au progrès et au bonheur. Les gens du sommet des gradins du Club des Jacobins aspirait à un air pur, et voulait donc ignorer les faiblesses et turpitudes du genre humain : obnubilés par Rousseau (l’humain naît naturellement bon, c’est la société qui le corrompt : leitmotiv des terroristes modernes comme des instigateurs de la Terreur et des totalitarismes), ils entendaient construire un autre monde, par la force et le pas cadencé vers la vertu, marqué par l’angélisme de leur conception de l’humain.
Les Girondins, qui dominaient l’Assemblée et pour un large temps le Club des Jacobins, rendirent furieux les Montagnards par leur mainmise sur le nouveau pouvoir, lorsqu’ils s’emparèrent au printemps 1792 du ministère et déclarèrent la guerre aux dynasties européennes pour sauvegarder / consolider les acquis d’une Révolution jugée aboutie dans ces grands principes, et pour les exporter auprès des autres Peuples. Bien que les Montagnards n’approuvaient pas toujours l’idéologie des sans-culottes (la radicalité des doctrines sociales et économiques des clubs populaires les effarouchaient), ils les travaillèrent au corps (eux qui avaient déjà la peur et la faim au ventre) à grosse dose de propagande afin de renverser la monarchie (qu’ils ne dénigraient pas au départ – si ce n’est ce roi là et ce style-là de gestion royale) et d’abattre les Girondins.
Les Girondins quant à eux étaient des plus effrayés par rapport aux pouvoirs usurpés de la Commune légale (par l’Insurrectionnelle) et par les agitateurs de Paris couverts par les Montagnards. Ils voulaient surtout assurer l’Indépendance et la Liberté de la Convention, noyautés par un Peuple manipulé dans ses plus bas instincts, d’autant plus facilement qu’il s’ouvrait doucement à la vie Citoyenne et à ses côtés obscurs (désinformation, propagande plus ou moins grossièrement mensongère, culte des personnalités, …).
Alors que les Girondins se bornaient à rester dans le Droit en respectant les ressources légales et les débats parlementaires, les Montagnards, dans l’illégalité la plus totale, recouraient aux forces populaires de l’Insurrection chaque fois que la majorité leur échappait à la Convention.
Ainsi, lors du procès du roi, il fallut décider qui déciderait du sort de Louis XVI. Les Girondins avaient essayé d'éviter le procès du roi craignant que celui-ci ne ranime la contre-révolution et ne renforce l'hostilité des monarchies européennes. Mais, la découverte de « l'armoire de fer » aux Tuileries le 30 novembre 1792 rendit le procès inévitable (les documents trouvés dans ce coffre secret prouvent sans contestation possible la trahison de Louis XVI). L’opinion française et l’armée étant plutôt favorable à la clémence (sans rien excuser pour autant), Robespierre s’appuya sur les patriotes zélés pour marquer sa victoire et sa « pré-science » sur ce qui était vraiment bon pour le pays (comme dans tout totalitarisme qui se respecte, le chef sait, les autres se doivent de suivre aveuglément). Mais les Girondins, soucieux d’offrir un jugement équitable et digne (principe de base d’une vraie justice, véritablement Juste), s’emportèrent et réclamèrent à corps et à cri le respect de la doctrine constitutionnelle et en appelèrent au Peuple par le biais d’un référendum.
À l'issue des débats, le roi est reconnu coupable à une écrasante majorité, 693 voix contre 28. Il est condamné à mort par une majorité plus étroite, 366 voix contre 334. Le sursis et l'appel au Peuple demandés par les Girondins est repoussé. La solution montagnarde l’emporta, inaugurant une république étrangère à ses propres principes Démocratiques. Un état policier et terroriste se mettait en place, état dictatorial où la surveillance était partout, la confiance nulle part, la sûreté pour personne.

Les souverains d'Europe réagissent en formant la première coalition en février 1793. Les Girondins décident alors le 24 février 1793 la levée de 300 000 hommes. Cette levée doit se faire par tirage au sort, ce qui rappelle fâcheusement les pratiques de l'Ancien Régime. L'annonce de cette levée provoque des Soulèvements ruraux en Alsace, en Bretagne et dans le Massif Central, Soulèvements aussitôt réprimés par la force. Mais la Convention vote une loi qui met en place une véritable logique de terreur : tout Rebelle pris les armes à la main sera exécuté dans les 24 heures sans procès.
Début mars 1793, l'Insurrection vendéenne commence. Au Sud de la Loire, la levée des 300 000 permet une alliance des paysans déçus par la Révolution, du clergé réfractaire et des nobles. Alors que les départements n'existent que depuis 1789 et que l'Insurrection se développe bien au delà de la Vendée, très vite, à la Convention, on parle de « Guerre de Vendée », argument des Montagnards et des Sans-culotte pour stigmatiser la mollesse des Girondins et réclamer des mesures d'exception auxquelles ces derniers répugnent. Les Girondins sont obligés d'accepter la création du Comité de Salut Public et du Tribunal Révolutionnaire.
Depuis des semaines, Marat dénonçait comme traître à la patrie le héros de Valmy, le vainqueur de la Belgique, que Danton voulait envoyer conquérir la Hollande. S'attaquer au général Dumouriez apparut d'abord de la part de Marat comme une folie. Au cours d'un séjour à Paris, Dumouriez intrigua, laissa percer son ambition personnelle et la politique modérée qui allait le conduire à la trahison. Marat devenait chaque jour plus violent. Enfin, le 31 mars, il annonce aux Jacobins la fuite de Dumouriez et somme Danton de s'en expliquer puisqu'il n'a cessé de le protéger. Le Peuple s'ameute contre les députés suspects. Directement menacés, les Girondins jettent les dés. Un appel aux armes vient d'être publié aux Jacobins, la Gironde en accuse Marat et le décrète d'arrestation. Il est trop tard pour endiguer le flot qui monte. La désertion de Dumouriez a porté à son comble la popularité de Marat : son procès sera la condamnation des Girondins. Il est notable que, par un étrange symbole de cette Révolution, l'appel nominal pour le scrutin (vote nominal motivé) ne fut réclamé à la Convention que pour Louis XVI et Marat : parfaite image des deux forces entre lesquelles comptait s'élever la bourgeoisie Révolutionnaire, l'ancien régime et le Peuple. Marat se constitua prisonnier et fut acquitté le 24 avril. La pression populaire avait été si vive que son acquittement ne pouvait faire de doute. La foule le porta en triomphe ; on va maintenant frapper les coupables, tous ceux dont Marat a déjà demandé l'arrestation et que la Convention a refusée comme elle a ajourné son plan économique que reprendra plus tard le Comité de salut public.
En avril-mai 1793, Hébert est de ceux qui désignent les Girondins à la vindicte populaire. Le coup d’arrêt tenté par la Convention, qui fait arrêter Hébert le 24 mai 1793, échoue devant la réaction menaçante des sections. La popularité d’Hébert en est considérablement renforcée. Il est alors un des chefs de la Révolution en marche.
Le 2 juin 1793, à partir de la légende selon laquelle, avec l’aide des départements, les Girondins méditaient, contre Paris, un démantèlement de la France, les Girondins furent éliminés de la Convention sous la pression des gardes nationaux. Les Montagnards se sont alliés avec les factions les plus extrémistes du Peuple parisien pour parvenir au pouvoir. A l'appel de Robespierre, des sans-culottes parisiens guidés par Varlet et Roux, chef de fil des Enragés, encerclent la Convention et réclament la mise en accusation des députés de la Gironde qui gouvernent le pays. Ils leur reprochent leur incapacité à faire face à l'invasion étrangère et les soupçonnent de préparer le retour de la monarchie. Le 2 juin, les 25 députés girondins seront arrêtés et envoyés à la guillotine. A la faveur de ce coup d'état parisien, les députés de la Montagne prendront le pouvoir et installeront la Grande Terreur. C’était la fin, pour longtemps, du rêve d’un état tolérant, basé sur la Démocratie et la Liberté, où la justice avait toute sa place dans le cadre du pluralisme et de la diversité. La porte était ouverte à l’idéologie radicale, motivée par la rigidité de principes et de contraintes méprisant les humains et voulant leur imposer une perfection qui poussa à la paranoïa.
L’attitude d’Hébert change après la mort de Jean-Paul Marat (13 juillet 1793, assassiné par la Fédéraliste Charlotte Corday) et la crise de l’été : elle tend à se radicaliser toujours davantage. Jusqu’en août 1793, on voit Hébert soutenir avec fracas les Montagnards contre les Girondins.
Les frontières ont été franchies par les Espagnols au Sud-Ouest, les Piémontais au Sud-Est, les Prussiens, les Autrichiens et les Anglais au Nord et à l'Est. Pour conjurer ces périls et sous la pression des sans-culottes, les Montagnards prennent des mesures radicales. Hébert et ses amis restent néanmoins soucieux de ne pas trahir les intérêts profonds de la bourgeoisie et désavouent les sans-culottes lorsqu’ils prônent des mesures extrémistes en matière économique.
La Convention vote en juillet 1793, une constitution assez Démocratique et décentralisée, ratifiée par référendum. La Constitution de l'an I cherche à établir une véritable souveraineté populaire grâce à des élections fréquentes au suffrage universel, le mandat impératif et la possibilité pour les Citoyens d'intervenir dans le processus législatif. Il n'existe pas d'équilibre des pouvoirs. La Constitution de l'An I consacre un régime d'assemblée où le pouvoir est concentré entre les mains d'une seule assemblée. Elle est unique et élue pour un an au suffrage universel direct. Elle exerce le pouvoir législatif avec la participation des Citoyens par référendum. Le pouvoir exécutif est confié à un conseil composé de 24 membres qui sont élus indirectement par le Peuple. Il n'a aucun pouvoir d'action contre l'assemblée (aucun veto, aucun droit de dissolution, aucune initiative des lois). Approuvée par référendum dans des circonstances assez particulières (il y eut 5 millions d'abstentionnistes sur 7 millions d'électeurs en raison de la publicité du vote), cette Constitution ne fut jamais appliquée en raison de l'état de guerre intérieure et extérieure.

En province, les députés girondins qui ont pu échapper à la répression parisienne, appellent à la Révolte contre Paris dans les départements soutenus par les autorités départementales. À Marseille, à Lyon, les partisans des Girondins chassent les maires montagnards du pouvoir.
Tout ce que voulaient les Girondins était de redistribuer le pouvoir au plus près des besoins locaux, notamment au niveau des départements dernièrement créés. Face à l’hypercentralisation chère aux pouvoirs absolus d’ancien régime autant que de la nouvelle république (pour s’accaparer et imposer une vision toute personnelle de la politique, sans conciliation ni concession possibles), les Girondins et les Peuples départementaux aspiraient à une Fédération d’entités regroupées et respectueuse des spécificités et attentes de chacun. A la chute des Girondins, de nombreuses Insurrections Fédéralistes éclatèrent contre le régime central castrateur (Lyon, Bordeaux, …).
Violemment réprimées par la Convention Montagnarde, elles provoquèrent le renforcement de la Terreur et du pouvoir central. Dés l'installation de la Commune de Paris le 10 août 1792, s'exprima le mécontentement des provinces devant la centralisation Révolutionnaire et la dictature de Paris. La crise devint Insurrection lors de l'éviction des chefs girondins qui, pour la plupart, fomentèrent des Révoltes. L'Insurrection toucha particulièrement l'Ouest, le Sud-Est et le Sud-Ouest. Marseille Résista jusqu'en août 1793. Lyon soutint un siège de deux mois et la ville de Toulon, soutenue par les Anglais, se rendit en décembre 1793 en particulier grâce au jeune Napoléon Bonaparte. Les représentants en mission munis de pouvoirs dictatoriaux, réussirent à vaincre les Soulèvements mais l'œuvre décentralisatrice de la Constitution de 1791 fut définitivement ruinée.
La Terreur (qui donnera le nom de terroriste) allait s’installer, avec son cortège d’absolutisme meurtrier, où tous ceux qui ne sont pas d’accord à 200% sont jugés ennemis à la Cause Révolutionnaire (comme plus tard Lénine et tout autre communiste, s’inspirant de Robespierre, pour le « bien commun »).

Après la fin de la Terreur avec la chute de Robespierre, François Noël Babeuf, connu sous le nom de Gracchus Babeuf (23 novembre 1760 à Saint-Quentin (Picardie) – Paris le 8 prairial an V, soit le 27 mai 1797), un Révolutionnaire français, fomenta contre le directoire la « conjuration des Égaux » et fut exécuté. Sa doctrine, le babouvisme, est précurseur du communisme.

Inspiré par la lecture de Rousseau, et constatant les conditions de vie très dures de l'immense majorité de la population, il développe des théories en faveur de l'Egalité et de la Collectivisation des terres. En 1788, il commence l'écriture du Cadastre perpétuel, qui sera édité en 1789.
En mars 1789, Babeuf participe à la rédaction du cahier de doléances des habitants de Roye. Suite à l'échec de son Cadastre perpétuel et surtout au début de la Révolution française, il devient journaliste. Il est ainsi correspondant du Courrier de l'Europe (édité à Londres) à partir de septembre 1789.
Il se bat contre les impôts indirects, organise pétitions et réunions, prônant une société nouvelle sur la base de l´Egalité des jouissances, l´appropriation Collective du sol et des fabriques. Il se rattache ainsi au mouvement des sans-culottes de Paris, tout en élargissant leurs conceptions à la France rurale. En conséquence, il est arrêté le 19 mai 1790 et emprisonné. Il est libéré en juillet, grâce à la pression du Révolutionnaire Jean-Paul Marat. À la même époque, il rompt avec le catholicisme (il écrira en 1793 : « Le christianisme et la Liberté sont incompatibles »).
Il lance son propre journal en octobre 1790, Le Correspondant picard, dans lequel il s'insurge contre le suffrage censitaire mis en place pour les élections de 1791. Le journal est contraint à la disparition quelques mois plus tard, mais Babeuf continue à se mobiliser aux côtés des paysans et des ouvriers picards. Il est contraint de fuir à Paris en février 1793.

Revenu à Paris, Babeuf prend parti pour les jacobins contre les girondins. Il entre en mai 1793 à la Commission des subsistances de Paris. Il y soutient les revendications des sans-culottes.
Il est ensuite emprisonné du 14 novembre 1793 au 18 juillet 1794. Dix jours après sa libération, c'est le coup d'état contre Robespierre et les montagnards, le 9 thermidor (27 juillet 1794). Babeuf critique l'action des montagnards concernant la Terreur, disant : « Je réprouve ce point particulier de leur système », mais inscrit son action dans leur continuité, tout en voulant passer de l'Egalité « proclamée » à l'Egalité dans les faits (la « parfaite Egalité » pour laquelle il milite).
À partir du 3 septembre 1794, Babeuf publie le Journal de la Liberté de la presse, qui devient le 5 octobre Le Tribun du Peuple. Ce journal acquiert une forte audience. Il adhère à la même période au Club électoral, club de discussion de sans-culottes. Le 3 novembre, il demande que les femmes soient admises dans les clubs.

Abandonnant le prénom Camille, qu'il avait adopté en 1792, il se fait alors appeler Gracchus, en hommage aux Gracques, initiateurs d'une réforme agraire dans la Rome antique. Babeuf défend la nécessité d'une « Insurrection Pacifique ». Il est de nouveau incarcéré le 19 pluviôse (7 février 1795).
De fait, nombre de Révolutionnaires sont alors en prison, ce qui est l'occasion pour Babeuf de se lier avec des Démocrates comme Augustin Darthé ou Filipo Buonarroti.
Né à Pise dans une famille de patriciens toscans descendant du frère du grand artiste Michel-Ange (Michelangelo Buonarroti), en 1789, il s'enthousiasme pour la Révolution et se rend en France, avant de passer en Corse, en novembre, pour y propager les idées Révolutionnaires. Considérant l'île comme un conservatoire des formes primitives de communautarisme et d'Egalitarismes agraires, il s'intéresse au régime de la propriété, notamment des propriétés communales. Arrêté à Menton comme « robespierriste » en mars 1795, il est enfermé à la prison du Plessis, à Paris, où il fait la connaissance de François-Noël Babeuf. Tous deux élaborent une doctrine communiste. Libéré, Buonarroti est parmi les fondateurs du club du Panthéon, dont il est un temps président, et y introduit les écrits et analyses de Babeuf.
Libéré le 18 octobre 1795, Babeuf relance rapidement la publication du Tribun du Peuple.
Le gouvernement a une politique de répression de plus en plus forte avec la fermeture du Club du Panthéon, où sont présents nombre d'amis et de partisans de Babeuf, et la tentative d'arrestation de Babeuf en janvier 1796. Mais il parvient à s'enfuir et entre dans la clandestinité.
Cette impossibilité d'agir légalement aboutit à la création de la
« Conjuration des Egaux » dirigée par Babeuf, Darthé, Filipo Buonarroti, Sylvain Maréchal, Félix Lepeletier (frère de l'ancien député Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau), Antoine Antonelle. Le réseau des « Égaux » recouvre tous les arrondissements de Paris et de nombreuses villes de province, dans un contexte d'exaspération sociale due à la vie chère. À sa tête, un « Directoire secret de salut public », dirigé par Babeuf, coordonne la Lutte. Le but est de continuer la Révolution, et d'aboutir à la Collectivisation des terres et des moyens de production, pour obtenir « la parfaite Egalité » et « le Bonheur commun ». Ils demandent également l’application de la Constitution de l'an I (datant de 1793, première constitution de la république, qui ne fût en fait jamais appliquée). Les idées de la Conjuration sont en particulier exposées dans le « Manifeste des Égaux » (1796). On peut y lire : « Il nous faut non pas seulement cette Egalité transcrite dans la Déclaration des Droits de l'humain et du Citoyen, nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. Qu'il cesse enfin, ce grand scandale que nos neveux ne voudront pas croire ! Disparaissez enfin, révoltantes distinctions de riches et de pauvre, de grands et de petits, de maîtres et de valets, de gouvernants et de gouvernés. L'instant est venu de fonder la république des Egaux, ce grand hospice ouvert à tous les humains. L'organisation de l'Egalité réelle, la seule qui réponde à tous les besoins, sans faire de victimes, sans coûter de sacrifices, ne plaira peut-être point d'abord à tout le monde. L'égoïste, l'ambitieux frémira de rage ».
Plusieurs quartiers de Paris apparaissent gagnés par les idées des Égaux, et les proches de Babeuf ne prennent plus la peine de dissimuler leur activité séditieuse aux yeux de la police. Solidement implantée dans Paris, la propagande babouviste ne touche cependant pas que la capitale et l'on évoque les mêmes thèmes çà et là en province. Le Directoire considère que la propagande babouviste agite dangereusement l'opinion et, le 2 mai 1796, il ordonne le licenciement et le désarmement de la légion de police car, séduite par « la faction babouviste », elle devenait chaque jour plus indisciplinée.
Grâce aux informations d'un indicateur, la police arrête Babeuf, Buonarroti, Darthé et les principaux meneurs des Égaux le 10 mai 1796. Une tentative populaire de les Libérer échoue le 29 juin. Une deuxième tentative échoue également. Pour éviter que le Peuple ne les Libère, les Égaux sont transférés à Vendôme (Loir-et-Cher).
Une haute cour est constituée, et le procès s'ouvre à Vendôme le 20 février 1797 en présence de deux ministres. Le 16 avril, Lazare Carnot, qui entendait faire cesser les revendications Egalitaires, avait fait voter une loi qui punissait de mort l'apologie de la Constitution de 1793 et les appels à la dissolution du Directoire. Babeuf, à qui on reproche l'initiative du complot, et Darthé, qui s'est enfermé lors des débats dans le mutisme le plus total et à qui l'on reproche la rédaction de l'ordre d'exécution des Directeurs, sont condamnés à mort. Babeuf et Darthé tentent de se suicider et sont guillotinés le 27 mai 1797. Buonarroti, Germain et cinq autres accusés sont condamnés à la déportation. Cinquante-six autres accusés, dont Jean-Baptiste-André Amar, sont acquittés.

Certains parlent d'un courant politique qui serait propre à Babeuf, le babouvisme dont se rapprocherait Auguste Blanqui, revendiquant l'Egalitarisme et esquissant un présocialisme utopique. Friedrich Engels et Karl Marx ont reconnu en lui un premier véritable militant communiste, et en la Conjuration des Egaux « le premier parti communiste ». Selon Rosa Luxemburg, Babeuf est « le premier précurseur des Soulèvements Révolutionnaires du prolétariat ».
À Paris après 1830, Buonarroti fonde plusieurs loges maçonniques, devient un membre actif de la Charbonnerie (société initiatique et secrète – qui tire son nom des rites d'initiation des forestiers fabriquant le charbon de bois dans le Jura à l'origine –, originaire d'Italie, à forte connotation politique, qui eut un rôle occulte important sous la Révolution Française, et qui contribua efficacement à l'unification de l'Italie).
Après 1817, le carbonarisme entretint une Agitation endémique dans la péninsule. Elle débuta par le Soulèvement de Macerata, dans les Marches pontificales (1817), et elle culmina dans la vague Révolutionnaire de 1820-1821, à Naples et en Piémont où Charles-Albert de Savoie-Carignan, héritier du trône, avait encouragé les Conspirateurs. En juillet 1820, une Insurrection à Naples fut organisée par les Carbonari et dirigée par le général Gabriel Pepe, qui demanda à Ferdinand Ier une constitution. La Révolte de Nola obligea Ferdinand Ier à accorder une constitution libérale au royaume de Naples et prendre pour premier ministre le chef de l’Insurrection. En mars 1821, une Insurrection au Piémont fut organisée par les Carbonari et dirigée par l'officier Santorre di Santarosa, qui obtint l'abdication du souverain et l'accession au trône d'un roi libéral Charles-Albert.
Dans les deux cas, le souverain accorda une constitution. Dans les deux cas, les troupes autrichiennes intervinrent pour rétablir l'absolutisme dans le cadre de la politique des Congrès : congrès de Troppau en octobre 1820 et de Laybach en janvier 1821 : le pape défendait le principe de légitimité face aux mouvements Insurrectionnels d’Espagne et de Naples et approuvait les interventions des forces de la Sainte-Alliance (conférence de Vienne réunissant les princes allemands contre les menaces de Révolutions). Dans les deux cas, la constitution fut ensuite abrogée et la répression féroce.
Buonarroti écrivit de nombreux textes et il publia notamment en 1828 à Bruxelles, une Histoire de la Conspiration pour l'Egalité, dite de Babeuf qui le rendit célèbre et le fit apparaître comme l'ancêtre des Révolutionnaires « professionnels » de l'Europe.
Un des principaux instigateurs des mouvements Révolutionnaires des années 1830, il intervient à la Société des Droits de l'Homme. Il joue également un grand rôle dans la formation politique de Raspail, de Louis Blanc ou d'Auguste Blanqui. Arrêté une dernière fois à 72 ans, en octobre 1833, il meurt dans la misère, aveugle, en 1837.

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 22:07

La remise en question de l'absolutisme en France et ailleurs

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La guerre des Camisards (en réalité une guérilla), qui dura de 1702 à 1705, Souleva certains protestants cévenols contre le gouvernement royal et catholique qui les persécutait. Quelques actions violentes sporadiques furent poursuivies jusque vers 1709.
Ce nom fut donné aux Protestants des Cévennes du Gard et de la Lozère qui prirent les armes quelques années après la révocation de l'édit de Nantes (1685), réclamant la Liberté de conscience (il ne semble pas y avoir eu de raisons économiques ou fiscales à leur Révolte). De simples artisans et paysans tinrent tête à deux maréchaux de France et mirent en échec pendant près de trois ans les troupes de Louis XIV venus les forcer à se convertir ou les exterminer. Troupes qui formaient pourtant une des meilleures armées d'Europe. Voilà qui fut incompréhensible pour le roi et les puissances étrangères.

Les Rebelles sont d'abord désignés comme barbets, le nom donné aux Vaudois du Moyen Âge, pratiquement exterminés au XVIè siècle. Le mot « camisard » donné aux Insurgés des Cévennes retenu finalement par la mémoire collective peut avoir trois origines :
* camise, c'est-à-dire chemise que les combattants portaient par dessus leurs vêtements,
* camins, (l'occitan nasalise très peu et l'on entend « camiss »), c'est-à-dire « chemins ». Grâce à une bonne connaissance du terrain, les camisards prenaient des chemins détournés et surprenaient les troupes royales,
* un dérivé du terme camisade, attaque nocturne, que l'on trouve dès le quinzième siècle pour désigner une attaque nocturne en ordre dispersé, pour semer la confusion, et disparaître aussitôt.
Mais les Insurgés eux-mêmes se désignaient par le nom « Enfants de dieu », ou tout simplement « les frères ». Les catholiques, et ceux des protestants opposés à la Révolte armée, les appelaient aussi « fanatiques ». Les Cévennes à cette époque s'étendent à la plaine du Bas-Languedoc, et au XVIIIè siècle l'on parle de « guerre des
Cévennes » et non de « guerre des camisards ».

L'édit de Nantes est révoqué par Louis XIV en 1685, les protestants cévenols sont à nouveau persécutés par les Dragons (soldats) du roi soutenus par l'église catholique. Le roi interdit la pratique du culte réformé, ordonne la démolition des temples, oblige à baptiser dans la foi catholique tous les enfants à naître, ordonne aux pasteurs de quitter la France mais interdit aux simples fidèles d'en faire autant, sous peine de galères. Malgré l'interdiction qui leur est faite de s'enfuir, près de 300.000 « religionnaires » français, trouvent moyen de quitter la France pour des refuges tels que Berlin, Londres, Genève, Amsterdam. Ces exilés issus de la bourgeoisie laborieuse vont faire la fortune de leur pays d'accueil et leur départ va appauvrir la France en la privant de nombreux talents. Ils vont aussi nourrir à l'extérieur les ressentiments contre la France et son monarque.
Les protestants restés en France (mais soutenus de l'extérieur par ceux qui sont partis) n'ont plus aucune Liberté de culte et doivent se cacher pour maintenir (parfois reprendre) leur activité religieuse. C'est le « Désert », par allusion au temps d'épreuve des Hébreux sous la conduite de Moïse, ou plutôt de dieu seul, sans autre cadre sécurisant.
Pour les « prédicants », c'est le maquis, notamment en Cévennes. Mais les curés et les soldats obligent les protestants cévenols à se convertir sous peine de galère, de prison, ou de mort, obligent les
« nouveaux convertis » à aller à la messe dans les églises romaines et dénoncent les récalcitrants auprès de l'intendant Basville. Basville accuse les prédicants d'être Rebelles au roi et en conséquence il intensifie la répression sanglante contre les protestants.
Las de ces massacres envers eux, certains paysans et artisans protestants des montagnes cévenoles s'organisent. Ils veulent se défendre et répondre à la violence qu'ils subissent depuis la Réforme.
Des laïcs, prédicants puis prophètes, prennent la relève des pasteurs exilés. Face à une répression impitoyable dans le Languedoc, les prophètes, d'abord Pacifistes, appellent à la Révolte.
Bientôt (1702), ces « Camisards » n'hésitent pas à brûler certaines églises (catholiques) et parfois à tuer les curés les plus
répressifs : l'assassinat de l'abbé du Chayla, qui joue un rôle de premier plan dans la répression, par une troupe dirigée par Esprit Séguier, au Pont-de-Montvert en Hautes Cévennes, déclenchera la Révolte armée.
C'est la prophétie d'Abraham Mazel qui a déclenché l'Insurrection. C'est encore la prophétie qui assure la conduite de la guerre et le développement des opérations.

Les attaques sont conduites par l'inspiration et les exhortations d'un prophète. Le rôle du prophète est essentiel dans cette guerre. Les principaux prophètes sont Esprit Séguier, Abraham Mazel, Elie Marion, Jean Cavalier (à la fois prophète et chef de troupe, ce qui lui assure un grand prestige). Se sentant conduits par l'Esprit de dieu, des paysans sans formation militaire se croient invincibles. Ils oublient leur sentiment d'infériorité face aux troupes royales. Ils se précipitent sur leurs adversaires au lieu de fuir comme cela se produit dans la plupart des Révoltes populaires. Ils foncent sur eux en entonnant à tue-tête un psaume. Devant cette détermination, ce sont les troupes royales qui se débandent.
Les camisards sont pour 31 % des paysans cévenols et pour 58 % des artisans ruraux dont les trois-quarts travaillent la laine comme cardeurs, peigneurs, tisserands. Les classes « aisées » sont très peu représentées dans les troupes camisardes. Aucun gentilhomme ne figure parmi les camisards, c'est-à-dire aucun homme formé au métier des armes. Cette absence de nobles à la tête de la Rébellion a tellement étonné les contemporains qu'ils ont supposé, à tort, que des gentilshommes protestants du Refuge étaient revenus en Cévennes prendre la tête des opérations. Jean Cavalier, l'un des chefs les plus prestigieux, était apprenti-boulanger. Mais on trouve néanmoins un certain nombre d'anciens soldats qui joueront un rôle important dans la formation des troupes au combat. Il n'y a pas d'armée unique ni de chef unique, mais de petites troupes par région avec des cadres permanents et des soldats occasionnels.
Les troupes étaient indépendantes, mais pouvaient se réunir pour une action, pour se séparer ensuite. Les camisards passaient facilement d'une troupe à l'autre. La souplesse de l'organisation et la décentralisation des Révoltés étaient leur force, ainsi que leur parfaite connaissance du terrain. Dès la bataille ou l'embuscade terminée, ils disparaissaient se fondant dans la population. Les camisards pratiquaient une forme de guérilla. Mais ils se battaient non pour une idéologie politique mais pour leurs convictions religieuses.
Mais Basville répond par le supplice des chefs camisards et une pression encore plus accrue sur la population. C'est l'escalade de la violence : violentes attaques de villages catholiques (Fraissinet de Fourques, Valsauve et Potelières) par les camisards, déportation par Basville des habitants de Mialet et Saumane, soupçonnés d'aider la troupe de Rolland, assassinats multiples des huguenots (protestants). On envoya contre les Camisards, en février 1703, le maréchal de Montrevel, qui ne put les réduire, et en 1704 le maréchal de Villars, qui ne les soumit qu'en détachant de leur parti un de leurs principaux chefs, Jean Cavalier. La plupart périrent dans les supplices.
De plus des catholiques lassés par l'inefficacité des troupes royales, ou simplement profitant de cette période troublée, forment des bandes de partisans appelés « camisards blancs » ou « cadets de la croix ». Ces bandes se livrent rapidement au brigandage, ce qui ajoute à la confusion. Le pays est à feu et à sang.
La complicité de la population est déterminante. Elle fournit les hommes pour les opérations militaires. Les troupes peuvent ainsi passer de quelques dizaines de permanents à quelques centaines et même mille pour la troupe de Cavalier. Puis les hommes regagnent leurs champs. La population fournit aussi les vivres, entreposés dans des caches avec les munitions. Aussi le maréchal de Montrevel est-il autorisé à déclencher l'opération « Brûlement des Cévennes » (destruction de 466 hameaux qui fera des milliers de victimes, et déplacement de la population en automne 1703), pour priver les Insurgés de leurs ressources et épouvanter les populations. La découverte de la cachette des magasins de Cavalier est une catastrophe pour lui et l'incite à se rendre.

Néanmoins, l'impossibilité pour les troupes royales d'anéantir la guérilla, bien que des moyens extrêmes aient été utilisés, comme le dépeuplement et incendie des maisons d'une grande partie des Cévennes, impose une négociation. Le maréchal de Villars, qui remplace le maréchal de Montrevel discrédité par sa nonchalance et la défaite de Martignargues, négocie avec Cavalier en mai 1704, et les camisards ainsi désunis finiront par se rendre petit à petit.
On peut considérer que la Révolte des camisards se termine à la fin de l'année 1704, avec la reddition de presque tous les Insurgés (seules de toutes petites troupes continueront clandestinement leur action), mais en 1705, les camisards partis à l'étranger tenteront, avec l'aide cette fois de bourgeois des villes, une Insurrection appelée généralement le « complot des Enfants de dieu ». L'enlèvement de l'intendant Basville et du chef des armées Berwick devaient donner le signal du Soulèvement. Le complot fut éventé, et la répression terrible : les principaux animateurs du mouvement, comme Catinat, furent brûlés vifs publiquement. Plusieurs années plus tard, en 1709, un nouveau Soulèvement fut tenté en Vivarais par Abraham Mazel, l'un des prophètes des camisards, mais se heurtant à une réaction militaire très prompte, il échoua, et Mazel fut tué près d'Uzès.
Les camisards n'ont pas obtenu la Liberté de culte qu'ils demandaient, et la répression religieuse continuera jusque dans les années 1770, avec leur cortège d'exécutions, emprisonnements, galères, etc. Cependant, à partir de 1715, et sous l'impulsion d'Antoine Court aidé d'anciens camisards comme Bonbonnoux, Gaubert ou Corteiz, l'église protestante se reconstituera sur des bases non-violentes.

L'Insurrection n'avait aucune origine économique, à la différence de la plupart des Révoltes populaires. Les Camisards prennent les armes dans un premier temps pour punir les persécuteurs les plus acharnés comme l'abbé du Chayla, puis pour obtenir le rétablissement du culte réformé. Mais en attendant, ils organisent des assemblées clandestines animées par des prophètes prédicateurs. Jean Cavalier était le prédicateur prophète le plus renommé, entouré de huit autres prédicateurs qui entraient tour à tour en fonction dans la troupe de Cavalier. Il y avait aussi des lecteurs et des chantres, car le chant des psaumes joua un grand rôle dans cette guerre. Ces cultes étaient ouverts à la population locale qui venait de toutes parts y assister. Ce rôle spirituel des camisards maintenait un lien très fort avec la population protestante cévenole.
Le pouvoir tirera la leçon de l'Insurrection des camisards, et saura limiter la répression au seuil au-delà duquel le désespoir pouvait pousser les protestants à la Révolte armée.

En 1715, l'année de la mort de Louis XIV, Law arrive en France pour offrir ses services d'économiste à Philippe d'Orléans. La dette de l'état français étant énorme, le régent se décida à suivre les audacieuses théories de Law : il lui permit de créer la Banque générale, autorisée à frapper du papier-monnaie contre de l'or et aidant l'état. Son idée économique est que l'argent est un moyen d'échange et ne constitue pas une richesse en soi. La richesse nationale dépend du commerce. Il est le père de la finance et de l'utilisation du papier-monnaie à la place du métal et des factures.

En 1717, il put créer la Compagnie d'Occident (ou Compagnie du Mississippi) responsable de la grande Louisiane française. En 1718, la Banque générale devint Banque Royale, garantie par le roi. En 1719, la compagnie d'Occident absorbe d'autres compagnies coloniales françaises, telle la Compagnie française des Indes orientales, et devient la Compagnie perpétuelle des Indes. En 1720, Banque Royale et Compagnie perpétuelle des Indes fusionnent, Law est nommé Contrôleur général des finances le 5 janvier.
Le 24 février, la fusion ordonnée par le gouvernement entre les divers éléments du système de Law provoque une crise de confiance. Les faibles revenus de la Compagnie du Mississippi rajoutent au discrédit. Entre février et octobre, toutes les actions sont vendues. Les actionnaires demandent en masse à récupérer leur or, que la société n'a plus L’effondrement des réserves après des conversions spectaculaires de billets en métaux précieux provoque l’écroulement de tout l’édifice. La banque s’épuise et cesse ses paiements.
Le 24 mars, ce fut la banqueroute du système de Law : il s'ensuit une crise économique en France et en Europe.

Law, sous la protection officieuse du Régent, fut contraint de fuir à Venise. Son système a ruiné bon nombre d'actionnaires, enrichi quelques autres et notablement assaini la dette de l'état, l'ayant fait prendre en charge par de nombreux épargnants. Mais il a fait perdre confiance dans le papier-monnaie... et l'état.

Des troubles spontanés, les premiers, éclatent en Corse en 1729 dans le Bozio et se propagent rapidement dans la Terra di Comune, à l’occasion des tournées des percepteurs de l’impôt (i raccoltori). Gênes se ressaisit, nomme gouverneur un ancien doge (Veneroso) et invite les notables à présenter des « doléances ». Les quelques mesures d’apaisement que prendra la sérénissime se révèleront insuffisantes pour faire retomber la tension et calmer la colère. Une consulta est réunie en 1730 et désigne des chefs, choisi parmi les familles de notables (Andréa Colonna-Ceccaldi, Luigi Giafferi et l’abbé Raffaelli). Au début de l’année 1731, une consulta générale est convoquée à Corte et est chargée de mettre en forme une série de revendications à adresser à la république de Gênes. Ça et là des Insurgés arborent le drapeau espagnol et sur la bannière à tête de Maure procèdent à une modification héraldique en relevant le bandeau des yeux sur le front et frappent la devise « adesso la Corsica a aperto gli occhi » (maintenant la Corse a ouvert les yeux) !
Gênes est déjà une puissance déclinante. Sur place ses moyens militaires sont limités. Elle est contrainte de faire appel à des puissances étrangères pour sauver ce qui peut encore l’être. Elle sollicite l’aide de l’empereur d’Autriche Charles V qui, en août 1731, envoie une expédition militaire sous le commandement du Baron Wachtendonck.
Les Corses, malgré leur vaillance, cèdent peu à peu sous la poussée des Austro-Génois. Une trêve est conclue en 1732 et les principaux chefs de la Rébellion sont soit emprisonnés, soit conduits à prendre le chemin de l’exil. Ils seront rapidement Libérés, à l’intercession de l’Autriche et un calme précaire s’installe dans l’île.
En effet, à la fin de l’année 1733 de nouveaux troubles éclatent. Les Insurgés se sont donnés pour chef Giacinto Paoli (ancien Noble Douze) qui va multiplier les coups de mains et les accrochages. Il défait les troupes génoises à Corte. Des Corses de l’extérieur rejoignent le mouvement, dont l’avocat Sebastiano Costa, chargé de la rédaction d’une « constitution ».
En 1735, la consulta de Corte rompt avec Gênes et proclame la souveraineté de la Corse. En l’absence de roi, la couronne est placée sous la protection de la Sainte Vierge, Jésus-Christ est fait gonfalonier du royaume et le Dio Vi Salvi Regina devient le chant de ralliement des Insurgés. La Corse est proposée au roi Don Carlos d’Espagne, puis à la France qui déclinent, l’une comme l’autre, l’offre. La consulta désigne trois primats du royaume : Andréa Colonna-Ceccaldi, Luigi Giafferi et Giacinto Paoli. Des institutions, auxquelles Pasquale Paoli donnera plus de force, sont mises en place.
La totalité du pouvoir est concentrée entre les mains des primats et d’une junte de douze personnes. La Révolte populaire, moyennant quelques concessions mineures comme la gestion des intérêts communaux par un podestat (assisté de deux pères du commun, élus par les assemblées villageoises), est récupérée par les notables (comme plus tard en France).
La volonté de rompre définitivement avec Gênes n’est pas clairement affichée. Les notables souhaitent avant tout que Gênes réduise le montant de l’impôt (suppression des Dui Seini, réduction de la gabelle sur le sel), autorise le port des armes, accroisse son aide au développement agricole, rétablisse la liberté du commerce et permette l’admissibilité des Corses aux évêchés et aux abbayes. Ils demandent également la constitution d’un ordre de noblesse pour les feudataires (avec le titre de baron) et leur admission aux fonctions judiciaires et administratives. Nous sommes bien face à une Révolte de notables qui avancent des préoccupations de classe pour consolider la situation économique de propriétaires terriens exportateurs et obtenir des places dans l’administration et dans l’église. En contrepartie de la reconnaissance de ces droits, ils offrent une collaboration vigoureuse pour assurer le maintien de l’ordre, promettant même d’appliquer la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent).
Ainsi et si toute possibilité d’accord ou d’entente avec Gênes sur ces demandes ne fut jamais exclue par les chefs de la Révolte, la réponse qu’y apporta la république a été de répandre la guerre et de semer la dévastation. Une littérature de combat essaie de convaincre l’Europe éclairée du bien-fondé de la Révolte des Corses, notamment le « Disinganno intorno alla Rivoluzione di Corsica » (Mise au point à propos de la Révolution de Corse) de l’abbé Natali en 1736.
C’est alors qu’un personnage singulier apparaît sur la scène insulaire, le baron Théodore de Neuhoff (1694-1756).

Personnage douteux, bouffon, roi d’opérette, sous la plume des historiens les qualificatifs abondent pour se moquer de cet aventurier. L’historiographie récente est plus indulgente : « en somme, Théodore eut un tort : celui d’avoir échoué. L’Histoire pardonne rarement aux vaincu ».
En avril 1736, au couvent d’Alesani, il est proclamé roi de Corse tandis qu’on lui fait approuver une « constitution » monarchique : Diète de vingt-quatre membres, impôt modeste, création d’une université, création d’un ordre de noblesse, accession des Corses à tous les emplois publics qui, au demeurant, sont interdits aux Génois.
Théodore prend son rôle au sérieux et avec courage et même avec un certain panache : il organise une armée régulière, crée une monnaie frappée des initiales T.R. pour Theodorus Rex que les mauvais esprits traduisent vite, s’ils sont insulaires par « tutto rame » (tout en cuivre) et par « tutti ribelli » (tous Rebelles), s’ils sont Génois. Théodore supprime, pour encourager les échanges commerciaux, les droits d’entrées des matières premières et des produits industriels. Et, ce qui en surprend plus d’un en Corse, il garantit la Liberté de conscience.
Gênes fait tout pour jeter le discrédit sur le personnage. Les puissances continentales, amusées, suivent l’évolution de la situation insulaire avec intérêt.
Sur le plan militaire, l’expérience de Théodore n’est pas concluante. Il est vite confronté à la désaffection de ses sujets et en premier lieu des notables qui l’avaient placé sur le trône. En novembre 1736, il quitte la Corse pour quérir subsides et secours extérieurs. Ses tentatives de retour, en 1738 et 1743, se soldent chaque fois par un échec. Aucun de ses anciens collaborateurs ne sera aux rendez-vous (dès son départ en 1736, les notables avaient sollicité une trêve avec Gênes), tandis qu’il est bien accueilli par les paysans chez qui sa popularité est intacte.
Théodore meurt à Londres dans le dénuement le plus total après avoir été, un temps, emprisonné pour dettes. Ainsi disparaît celui qui fut un roi éphémère, mais qui aura toujours conservé une haute idée de la charge que lui avait confiée les insulaires. C’est également la première fois que l’idée d’indépendance nationale s’est clairement affirmée avec le roi Théodore.

Les conditions que met Gênes pour conclure une trêve avec les notables Insurgés sont telles qu’elles rendent impossibles le dépôt des armes. La Corse est alors le théâtre d’une véritable « guérilla » avec son cortège d’atrocités et de désolations : razzias, représailles, destruction de villages, de récoltes, etc.
Gênes se tourne vers la France qui manifeste un intérêt croissant pour la Corse.
Bien que les chefs historiques de la Rébellion soient partis en exil, en 1739, l’agitation et l’insécurité persistent dans l’île.
La France fait sa réapparition en septembre 1747 en se portant au secours de la république ligure et en fournissant un premier contingent qui libère Bastia assiégée. De nouvelles troupes, placées sous le commandement du maréchal De Cursay sont dépêchées dans l’île pour faire face aux attaques des Austro-Sardes et d’une partie des insulaires conduits par Alerio Matra.
De Cursay est investit d’une mission de conciliation. Il réussit à se rallier les notables, dont Gian Pietro Gaffori. Ses initiatives dans les domaines économiques et culturels irritent les Génois qui obtiennent son rappel en France, en 1752. Son départ permet à Gaffori de s’imposer, de prendre seul la tête de l’Insurrection et de mettre en place un « gouvernement » qui marque une véritable rupture avec Gênes. Mais il est assassiné en octobre 1753 à l’instigation de Gênes.
S’ouvre alors une nouvelle période de troubles et de confusion au cours de laquelle chaque chef de « parti » s’efforce de gagner en influence. Un directoire de quatre membres est élu à Corte, en octobre 1753 et présidé par Clément Paoli, fils aîné de Giacinto Paoli. Les puissances continentales se désintéressent de la situation malgré les appels que leur adressent les Insurgés. Sur le plan intérieur, les notables sont incapables de conduire un conflit d’envergure contre l’occupant génois.
Les Insurgés sont en quête d’un nouveau chef. Ils le trouvent en la personne de Pasquale Paoli, fils de Giacinto et frère cadet de Clément, qui a suivi son père dans son exil napolitain et qui enseigne au service du roi de Naples, qui est alors en garnison dans l’île d’Elbe.

Pour l’Europe d’alors, Pasquale Paoli est l’incarnation de la Liberté et de l’Indépendance de la Corse.
Il reçoit une solide instruction en étant l’élève du célèbre philosophe Antone Genovesi (1713-1769) et prend connaissance des doctrines des philosophes, celle notamment de Montesquieu, plus particulièrement de « L’Esprit des Lois » et « Considérations sur les causes de la grandeur des Romains ». Il suit avec intérêt les affaires de la Corse où son frère aîné, Clément, est particulièrement engagé. Celui-ci et quelques amis font appel à lui pour briguer la magistrature suprême. Il accepte, mais à la condition d’être le chef et d’agir en toute indépendance.
Il se met en congé et débarque en Corse en avril 1755. Quelques jours plus tard, il prend une part active à la « Consulte de Caccia » où est voté un ensemble de règles cohérentes, notamment dans le domaine de la justice. Le 13 Juillet 1755, il est élu « Général de la Nation » (Capu Generale) par la Consulte Suprême générale du Royaume de Corse.
Son élection ne fait pas l’unanimité et c’est, non sans difficultés, qu’il étend son emprise sur la Corse, en plusieurs étapes. Il ne réussit cependant pas à contrôler les présides (sièges de garnison) côtières restées aux mains de Gênes (Bastia, Ajaccio, Calvi, Bonifacio, Saint-Florent). Cela va peser sur l’avenir.
Le pays conquis, il faut l’administrer. Pour s’imposer autrement que par la force des armes et parce que tel est son idéal, Pasquale Paoli s’attache à réaliser mieux que ses prédécesseurs l’unité morale et politique de la Nation.

Il fixe la capitale à Corte, il y fait adopter en novembre 1755 une « Constitution », modifiée à plusieurs reprises et dans laquelle sont affirmées la souveraineté de la nation corse ainsi que la séparation des pouvoirs. Il fait frapper monnaie, dote la justice de tribunaux réguliers, crée une armée (davantage une milice populaire) et s’efforce de doter le pays d’une petite flotte marchande et d'une de guerre qui s’emparera de l’îlot de Capraja en 1767.
Sur le plan économique, il encourage le développement de l’agriculture (il introduit notamment la culture de la pomme de terre dans l’île, ce qui lui valut le surnom de « generale delle patate »), fait assécher les marais. Il stimule le commerce mais le blocus des villes maritimes dont il n’a pu chasser les génois en empêche l’épanouissement. Afin de créer des échanges nouveaux et contrebalancer le pouvoir de Calvi, place forte génoise, il fonde l’Ile Rousse. Désireux d’aider la nation corse à s’affirmer, il organise l’école primaire et fonde une université à Corte qui accueille les étudiants à partir du 3 janvier 1765.
Une intense propagande est assurée à destination externe, comme à vocation interne, avec les « Ragguali dell’Isola di Corsica » (Nouvelles de l’île de Corse), sorte de journal officiel imprimé en Corse et qui fait l’apologie du régime paoliste. En 1758, est publiée la « Giustificazione della Rivoluzione di Corsica » de l’abbé Salvini, manifeste des Insurgés. L’écrivain écossais James Boswell (1740-1795) sera le thuriféraire enthousiaste de la Corse indépendante et de Paoli en particulier qu’il compare, après leur rencontre en 1765, à « Cincinnatus » (dictateur romain – qui a les pleins pouvoirs, notamment militaires, qui lui sont donnés par le sénat – il sauva Rome, célébra un triomphe et abdiqua de sa charge : sa restitution du pouvoir absolu dès la fin de la crise devint un exemple de bon commandement, de dévouement au bien public et de vertu de modestie). Son livre « An account of Corsica » paraît en 1768, suivi l’année d'après de « Essays in Favour of the Corsicans », et obtient un immense succès dans toute l’Europe.

Faut-il qualifier de constitution, au sens où nous l’entendons de nos jours, les institutions mises en place par Paoli durant son généralat ? Sans doute poussé par l’état de guerre permanent contre Gênes et contre des ennemis intérieurs, Paoli a-t-il été contraint de s’adapter aux nécessités que les circonstances lui dictaient. L’acte constitutionnel adopté en 1755, retouché à plusieurs reprises par la suite, est une synthèse cohérente de traditions institutionnelles proprement locales et des différents statuts que Gênes a appliqués à la Corse. Les attributs de la souveraineté sont identifiés.
La souveraineté populaire y est affirmée dans le préambule de l’acte de 1755. Le droit de vote est reconnu aux personnes âgées de vingt-cinq ans, chargées d’élire, au niveau des Consulte communales, un délégué pour mille habitants. Les délégués siègent à la « Dieta Generale del Popolo di Corsica » à laquelle est confié le pouvoir législatif : édicter les lois, fixer les impôts et déterminer la politique de la nation. La Dieta désigne les membres du conseil d’état.
Le pouvoir exécutif est confié à un conseil d’état (Consilio Supremo). Fixée, dans un premier temps (1755), à cent quarante-quatre membres, nommés à vie, sa composition est ramenée à neuf en 1764, renouvelables annuellement à raison de six pour le Deçà et de trois pour le Delà. Le conseil d’état est soumis au contrôle du « Sindaco » formé de Paoli et de quatre « syndics » désignés par la Dieta. Les syndics sont chargés de veiller au bon fonctionnement de l’administration et de contrôler les magistrats.
Néanmoins, celui qui détient la réalité du pouvoir exécutif est le général en chef, le « Capo Generale », désigné à vie. En tant que président de droit, il a la haute main sur le conseil d’état : sa voix compte double et en matière de guerre, sa voix est décisive. Il préside également deux des trois sections du conseil d’état : la « Giunta della Guerra » et la « Camera di Giustizia ». La justice est entièrement réorganisée. Les fonctions de Podestat, assistés de deux « pères du commun », à la fois maire et juge de paix, sont conservées. Une juridiction provinciale est instituée, composée d’un président et de deux assesseurs désignés par la Dieta Generale ainsi que d’un avocat nommé par le conseil d’état. Au sommet de la hiérarchie est créée une Rota Civile, sorte de cour d’assises supérieure, formée de trois docteurs en droit, nommés à vie. La Rota est assisté d’un jury de six pères de famille, créée à cette occasion.
Enfin, un tribunal spécial, semblable à une haute cour de justice, la Giunta est mis en place. Composée de trois membres, présidée par Paoli, la Giunta a pour fonctions d’instruire et de prévenir les crimes. Dotée de pouvoirs exorbitants que ne compense pas le contrôle des Syndics, elle est chargée de faire régner l’ordre et, dans ce domaine, elle s’est acquis une réputation de rigueur et même de terreur, connue sous le nom de « giustizia paolina. »
La constitution de Paoli est une république de notables, voire une dictature de salut public, tempérée par l’influence des notables ; Paoli étant un homme d’action plus que législateur. En effet, si le suffrage est en principe universel, seuls sont appelés à voter dans les communautés villageoises, les chefs de famille. En 1764, le suffrage indirect remplace le suffrage universel. La souveraineté populaire est contrebalancée par les prérogatives dont dispose Paoli de convoquer aux séances de la Dieta des personnes non élues et de réunir des consultes ou congrès particuliers. La séparation des pouvoirs n’est pas pleinement assurée et il y a une quasi-confusion des fonctions exécutive et judiciaire en raison des pouvoirs importants détenus, dans le domaine de la justice par le conseil d’état et par Paoli en particulier.
Par ailleurs, l’institution du généralat à vie apparaît comme une restriction du système démocratique. Si la souveraineté populaire s’incarne dans la Dieta Generale, celle-ci n’est réunie qu’une ou deux fois par an pour des sessions très courtes (de deux à trois jours).
Au sein de Dieta siègent, à côté des élus, des membres de
droit : ecclésiastiques, anciens magistrats, frères et fils de ceux qui sont « morts pour la patrie » et les « patriotes zélés et éclairés. » Un droit de veto suspensif est reconnu au conseil d’état sur les décisions de la Dieta en 1764.
Quels que soient les imperfections et les tâtonnements que nous pouvons relever dans la « constitution » de Paoli, despote éclairé ou « régent constitutionnel » elle portait en germe une architecture Démocratique : souveraineté populaire, séparation des pouvoirs, contrôle de l'administration. Le fonctionnement des institutions « paoliennes » se heurta à de nombreuses difficultés et leur mise en œuvre fut mal secondée en Corse même. Parfois idéalisée, cette constitution n'était pas en réalité exempte de critiques.
Les troubles intérieurs et les menaces extérieurs ne permirent pas de pousser plus avant cette expérience originale et neuve dans l’Europe du XVIIIe siècle.
Cependant, Gênes qui en 1764 est encore présente mais à bout de ressources dans les principales villes côtières qu’elle a fondées et dans l’incapacité de traiter avec Pasquale Paoli, demande l’aide de la France.

La France essaye de négocier avec le chef de la jeune nation qui en 1755 et en 1763 avait sollicité une sorte de « protectorat » auprès de Louis XV. Elle n’obtient de Paoli que la réaffirmation de sa volonté d’Indépendance et l’acceptation d’un protectorat. A la suite du traité de Compiègne, en août 1764, Gênes permet l’installation de troupes françaises dans les villes de Bastia, Ajaccio, Calvi et Saint-Florent. Un officier corse, Matteo Buttafoco, servant dans les troupes royales, joue le rôle d’intermédiaire auprès de Paoli.
Les négociations entre la république de Gênes et la France de Louis XV se sont poursuivies et aboutissent finalement le 15 mai 1768 au Traité de Versailles. La Corse est cédée, temporairement (en principe quatre ans), à la France en garantie du remboursement des frais du corps expéditionnaire et des dépenses engagées pour l’administration du territoire.
Le traité a un mauvais effet en Corse. Vendue ou cédée en gage d’une dette, le jeune royaume corse Indépendant a le sentiment qu'une « transaction » s’est faite par-dessus sa tête. Aussi, lors de la Consulte du 22 mai 1768, les Corses déclarent la levée générale de tous les hommes valides de seize à soixante ans est ordonnée.
La France monte une première campagne militaire en 1768. Les troupes commandées par Marbeuf s’emparent du Cap-Corse. Un corps expéditionnaire conduit par Chauvelin renforce les troupes françaises déjà présentes sur place. Cette expédition est marquée par une sévère défaite à Borgo en octobre 1768.
Un nouveau commandant en chef, le comte de Vaux, est désigné par Versailles et une armée imposante est débarquée (plus de vingt mille hommes puissamment armés et équipés) en 1769. La lutte est inégale et la campagne rapide (deux mois). De Vaux remporte la bataille dite de « Ponte Novo », le 8 mai 1769.
L’effet psychologique de la défaite est considérable et son écho renforcé par la présence de deux légions de volontaires corses parmi les troupes françaises. Le « parti français » compte en effet de nombreux partisans actifs à Bastia, dans le Nebbio et le Niolo.

Après quelques tentatives de Résistance, contraint à l’exil, Paoli s’embarque pour l’Angleterre le 13 juin 1769 sur un vaisseau anglais. Il restera éloigné vingt et un ans de la Corse. Mirabeau (qui fit partie du corps expéditionnaire débarqué dans l’île) et Robespierre diront, en 1790, que la Révolution de Corse est la première des Révolutions occidentales du XVIIIe siècle. Au-delà de la portée de cette affirmation, on peut tout de même relever que pour la Corse « il y a une prise de conscience nationale qui s’efforce de construire un état sur les ruines du systèmes colonial ».
La France s’efforce de consolider et d’asseoir pacifiquement sa présence en Corse. Les anciens « Statuti », hérités de Gênes, continuent à s’appliquer. Peu à peu, cependant, la législation royale s’ajoute, complète les anciennes règles ou s'y substitue. L’ensemble des textes sera rassemblé dans un « code corse », qui constituera un élément supplémentaire de l’intégration de l’île à la couronne. Les « Vedute », d’origine génoise et les « Consulte » de l’indépendance, maintenues, sont érigées en assemblée d’états. L’institution des Nobles Douze est conservée. La politique de ralliement à la France est encouragée par la création d’un ordre de noblesse dont les titres sont très généreusement et très largement distribués (Carlo Bonaparte en sera l’un des bénéficiaires).
Ainsi et peu à peu, un système féodal et colonial se reconstitue, avec l’attribution de fiefs ou l’admission aux emplois publics à des notables d’origine corse ou française. Par ailleurs, le « Plan Terrier » qui de 1773 à 1775 dresse un état complet de la situation de la Corse, suscite des inquiétudes aggravées par la politique de distribution de terres. La crainte que l’usage des « terres communautaires » soit une nouvelle fois interdit aux populations rurales accentue le mécontentement. La crise économique attise la colère qui, comme en France, gronde dans les campagnes au moment où éclate la Révolution. Dès que la Corse a connaissance des troubles qui ont secoué les campagnes du royaume et de leurs causes (rejet de la fiscalité), l’agitation s’exprime et s’amplifie en 1789.

Au milieu du XVIIIe siècle, l'Angleterre règne en maître sur le continent nord-américain après en avoir évincé les Français. Ses Treize Colonies se signalent par une forte identité née de leur Histoire : celles du Nord reposent sur l'agriculture vivrière et la petite propriété. Inspirés par les préceptes calvinistes, ils sont groupés en communautés pieuses et instruites. L'amour du prochain est une obligation morale et la Démocratie un fondement social.
Au Sud : culture du tabac (avant que n'arrive le coton à la fin du siècle) dans des propriétés de plus d'un millier d'hectares en général. Les propriétaires vivent à la manière des aristocrates européens dans de magnifiques manoirs entourés d'immenses dépendances. Leur richesse repose sur l'exploitation à bas prix de la main-d’œuvre servile. Sur 700.000 habitants, les colonies du sud comptent environ 300.000 esclaves africains. Ces derniers sont, on s'en doute, peu instruits... mais c'est aussi le cas d'une grande partie des Blancs qui vit dans la pauvreté faute d'avoir accès à la terre.
Cette situation inique n'empêche pas les grands propriétaires d'être très au fait des idées Démocratiques qui circulent dans les milieux intellectuels européens. Cultivés et habiles en affaires, ils se montrent très revendicatifs à l'égard de Londres. Tels Washington, Jefferson,... ils seront à la pointe du combat pour l'Indépendance.

La guerre entre l'Angleterre et la France, inaugurée en 1754 et clôturée en 1763 par le traité de Paris, induit de profonds malentendus entre les colons américains et le Parlement anglais. D’où la guerre d'Indépendance qui va conduire à la naissance des États-Unis d'Amérique.
En prévision de son entrée en guerre contre la France, le gouvernement de Londres avait souhaité que les Treize Colonies assument leur part de l'effort collectif et définissent une ligne commune à l'égard des six Nations iroquoises, afin qu'elles se rangent aux côtés des Anglais contre les Français.
A la conférence qui se réunit à cet effet à Albany, Benjamin Franklin propose un plan audacieux qui prévoit l'élection d'un Conseil intercolonial de 48 représentants, chaque colonie étant représentée au prorata de sa population et de ses ressources, et la nomination par la Couronne d'un président général ! C'est la première fois qu'est avancée l'idée d'une communauté de destin de l'Amérique anglo-saxonne. Prématurée et trop ambitieuse, la conférence d'Albany se solde par un échec. La suite n'est pour Londres qu'une amère désillusion : les milices locales se montrent particulièrement inefficaces et désunies dans la guerre contre les Français et c'est finalement aux contingents venus d'Europe que Londres doit de l'emporter à Québec sur les troupes du marquis de Montcalm.

Après le traité de Paris de 1763, Londres entend faire assumer par les colons leur part des coûts financiers occasionnés par le conflit. Mais les colons, que l'isolement et l'Histoire ont accoutumé à gérer eux-mêmes leurs affaires communes, s'indignent que le Parlement de Westminster leur impose des taxes sans leur demander leur avis.
Tout commence l'année qui suit le traité de Paris, avec une loi sur le sucre, le Sugar Act, qui autorise la saisie de tous les navires qui importent en contrebande les mélasses des Antilles, destinées à être transformées en rhum par les négociants du Rhode Island et de Boston. Première flambée de colère.
En février 1765, le parlement récidive en votant l'impôt du timbre ou Stamp Act. Le premier ministre Grenville espère en tirer 100.000 livres pour financer une force armée de 10.000 hommes destinée à garantir la sécurité des colonies. La loi prévoit l'obligation d'un timbre fiscal sur une multitude de documents publics. La réaction est immédiate. En Virginie, un député, Patrick Henry, appelle à la Désobéissance Civile. Un peu partout, les colons s'en prennent aux percepteurs, les suspendant à des mâts ou les enduisant de goudron et de plumes. Une organisation secrète, les Fils de la Liberté, fondée à New York par John Lamb et Isaac Sears, multiplie les provocations. Au milieu de danses et de cortèges joyeux, ces dignes bourgeois érigent des « mâts de la Liberté » surmontés de masques diaboliques pour dénoncer l'autoritarisme de Londres. La troupe réagit avec violence, abattant les mâts et chargeant la foule à la baïonnette.
Benjamin Franklin (encore lui) intervient auprès du parlement de Londres en sa qualité d'agent de la Pennsylvanie à Londres et le convainc d'abroger la loi ! Les colons exultent. Mais leur satisfaction est de courte durée.
En 1767, le chancelier de l'Échiquier Townsend promulgue une loi destinée à frapper d'un droit d'importation quelques produits utiles (papier, thé, verre,...), toujours dans le souci de financer les dépenses liées à l'administration des colonies. Les colons, à commencer par les habitants de Boston, lancent un puissant mouvement de boycott des marchandises anglaises. C'est au point qu'en deux ans, les importations concernées diminuent de moitié. Le parlement de Westminster se résout à supprimer tous les droits d'importation incriminés... sauf un modeste droit sur le thé destiné aux colonies d'Amérique. Il en fait une question de principe. Cette reculade échauffe les esprits au lieu de les calmer. Elle encourage les colons dans la voie de la hardiesse. Dans ces conditions survient la célèbre « Tea-party » de Boston : le 16 décembre 1773, dans le grand port du Massachusetts, Samuel Adams et quelques amis déguisés en Indiens montent sur un vaisseau à l'ancre et jettent sa cargaison de thé à l'eau (343 caisses d'une valeur de 100.000 livres).
A ce nouvel acte d'insubordination, le roi George III réagit par cinq « lois intolérables » qui sanctionnent la colonie et ferment le port de Boston en attendant le remboursement de la cargaison de thé par les habitants. Toutes les colonies d'Amérique font alors cause commune avec le Massachusetts. Une partie importante des colons, quoique en minorité, se préparent à entrer en Rébellion contre la métropole.
Sur une invitation de l'Assemblée du Massachusetts, 56 délégués de neuf des treize colonies anglaises d'Amérique se réunissent en congrès à New York le 14 octobre 1774 et rédigent un cahier de doléances (Declaration of Rights and Grievances) à l'adresse du gouvernement.
Cependant, leur souhait d'une plus grande Autonomie est brutalement rejeté par le roi anglais George III, qui déclare les colonies en état de Rébellion. Les modérés font alors cause commune avec les radicaux et tous se préparent à la lutte armée. Ils commencent à réunir des armes.

La naissance des États-Unis d'Amérique est le fait d'une minorité de colons qui se dénomment « Patriots » (Patriotes) ou « Insurgents » (Insurgés). Vingt mille d'entre eux s'arment et assiègent l'armée anglaise de Boston. Il ne manque plus à ces combattants que de donner forme à leur Révolte. C'est chose faite avec la publication, le 10 janvier 1776, d'un pamphlet intitulé Common Sense. L'auteur, Thomas Paine, appelle ses Concitoyens des Treize Colonies anglaises d'Amérique du nord à s'unir dans une grande nation Libérée des servitudes et de la monarchie : « Un seul honnête homme est plus précieux à la société et au regard de dieu que tous les bandits couronnés qui ont jamais existé », écrit-il en guise de profession de foi républicaine.
La guerre ne fait que commencer entre l'armée des Insurgents, placée sous le commandement de George Washington, et les armées loyalistes et anglaises, renforcées par de nombreux mercenaires allemands.

L'Insurrection et la déclaration d'Indépendance ont un très grand retentissement dans la noblesse libérale d'Europe. Contre l'avis du jeune roi Louis XVI, le marquis de La Fayette (19 ans) arme une frégate à ses frais et rejoint les Insurgents. D'autres officiers se joignent au mouvement comme le commandant Pierre L'Enfant, qui jettera les plans de la future capitale, le général Louis Duportail, mais aussi le Prussien von Steuben, le Polonais Kosciusko ou l'Allemand de Kalb. Leur expérience militaire sera précieuse aux Insurgés.
L'écrivain et espion Beaumarchais organise des envois d'armes à destination des Insurgés avec l'approbation du ministre des Affaires étrangères, Vergennes, désireux de favoriser tout ce qui pourrait affaiblir l'ennemie héréditaire de la France, l'Angleterre.
Le soutien décisif apporté par les nobles libéraux et, un peu plus tard, par le roi Louis XVI en personne, permettra aux Insurgés d'emporter enfin la décision.

La Constitution des États-Unis d'Amérique est publiée le 17 septembre 1787, soit 4 ans après l'Indépendance effective du pays et plus de dix ans après la proclamation unilatérale d'Indépendance. Elle promulgue la Liberté Individuelle et définit les Droits de l’humain, selon les idéaux des siècles des Lumières européens et notoirement français.
C'est qu'il a fallu du temps aux représentants des treize États issus des anciennes colonies anglaises pour prendre conscience de la nécessité de créer des organes communs de gouvernement et se mettre d'accord sur les délégations de pouvoir. La Constitution préserve soigneusement le caractère Fédéral des États-Unis. Tout ce qui n'est pas expressément délégué à la Fédération revient aux états. C'est la première application politique du principe de « subsidiarité » que le traité de Maastricht (1992) a remis à la mode (sans l'appliquer).
Désireux de garder la mainmise sur le choix du président et de limiter son pouvoir de nuisance, les délégués de la Convention ont imaginé une élection très complexe à deux niveaux :

* les Citoyens élisent dans chaque état des grands électeurs (electors) en nombre égal au nombre de sénateurs et de représentants de l'état au Congrès ;
* les grands électeurs se réunissent à leur tour le lundi suivant le deuxième vendredi de décembre pour élire le futur président.

Le congrès (en Europe, nous dirions parlement) est composé de deux chambres :
* la chambre des représentants (en Europe, nous dirions députés) représente l'ensemble des Citoyens et ses membres sont élus au suffrage universel direct,
* le sénat représente les états à raison de deux sénateurs par état, quelle que soit la population de celui-ci.

Ce bicamérisme, avec deux assemblées concurrentes, reflète la volonté de préserver l'Autonomie des états et de prévenir les abus de droit du gouvernement central (ou Fédéral).

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 22:05

Quand les Révolutions touchent au but

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Fruit d'une dynamique de pouvoirs complexe associant un souverain tout-puissant et un parlement docile mais doté de compétences bien réelles, la séparation accusa le caractère absolutiste de la monarchie en même temps qu'elle consacra la montée en puissance de l'institution parlementaire.
Partisan convaincu de l'absolutisme de droit divin, Jacques Ier veut renforcer son pouvoir en prenant appui sur la religion anglicane, qui fait du roi le chef de l'église nationale. Il en vient à persécuter les catholiques et les puritains. Ces derniers commencent à émigrer en masse vers le Nouveau Monde. Par la conspiration des poudres, les catholiques, quant à eux, tentent mais en vain de se débarrasser du roi.
Sous le règne de Charles Ier, la bourgeoisie anglaise s’enrichit et contrôle le parlement, qui s’oppose au pouvoir absolu du roi. La noblesse, pour sa part, voit son pouvoir affaibli par la guerre des Deux Roses et se retrouve sans privilège juridique concret. C’est pourquoi elle délaisse son rôle traditionnel pour se lancer dans l’activité commerciale. La relance du mouvement des « enclosures » est représentatif de cette tendance : afin de pratiquer l’élevage commercial, les propriétaires terriens ferment l’accès des terrains communaux, mettant ainsi fin à une tradition millénaire. Or, en clôturant les terrains, ils condamnent des milliers de paysans à la famine.
Des idéologies Egalitaires se développent et menacent le pouvoir de la bourgeoisie du parlement : l’antinomianisme (idée selon laquelle la grâce divine est offerte de façon inconditionnelle, ce qui exclut toute notion de péché ainsi que toute justification des inégalités sociales et du pouvoir exercé par quelques-uns sur les autres) se répand rapidement au XVIIè siècle.
Pour contrer cette Révolution Egalitariste, l’élite anglaise élabore la « convenant theology » (théologie convenable). En vertu de cette doctrine, la relation entre dieu et l’élu consiste en une sorte d’échange : dieu se charge du salut des humains, les humains se chargent d’appliquer sur terre sa loi. Cette doctrine présente l’avantage de concilier le rôle de la volonté humaine et la toute puissance divine. La « convenant theology » convient fort bien à la bourgeoisie anglaise, car elle offre la justification d’une inégalité sociale par le fruit d’un honnête travail. La bourgeoisie anglaise a donc le droit d’exister, de s’enrichir et de gouverner au parlement avec la sanction de dieu. Toutefois, pour que la bourgeoisie puisse jouir de ces privilèges, le pouvoir absolutiste du roi doit être aboli. C’est d’ailleurs ce refus de l’absolutisme qui est l’objet de la guerre civile de 1642 et de la Glorieuse Révolution de 1688.

De 1640 à 1660, un Soulèvement populaire, politique et religieux, anglais et écossais, se bat contre la monarchie, le roi, les nobles et le clergé anglican.
La Première Révolution Anglaise (appelée English Civil War par les historiens britanniques), aboutit à la mise en jugement du roi Charles Ier d'Angleterre puis à sa décapitation le 30 janvier 1649 à Whitehall près de Westminster et à l'établissement d'une république, le Commonwealth (richesse, opulence commune) qui durera jusqu'en 1660, date de la restauration monarchique.
La Révolution est religieuse : la cause royale se confond vite avec le maintien de l'église anglicane, la Révolution avec la refonte totale des communautés. Une seule Réforme en trois siècles : au schisme du
XVIè siècle, les années médianes du XVIIè siècle superposent leur immense espérance bafouée d'un monde conforme à la Parole ; d'aucuns attendent même le retour imminent de Jésus-Christ, tandis que certains, songeurs, se prennent à rêver à un monde d'Egalité sociale et de Partage.
Une Révolte écossaise contre Charles Ier met le feu aux poudres, une Insurrection irlandaise et la grande peur qui s'ensuit rythment l'événement. Enfin, la pacification des trois royaumes, d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, sera le fondement de l'ascendant cromwellien.

Depuis 1601, un même roi règne sur l'Angleterre, le Pays de Galle et l'Ecosse. Toutefois, l'Ecosse et l'Angleterre étaient toujours deux royaumes distincts, disposant chacun d'un parlement propre. Charles Ier, roi depuis 1626, désire réaliser le rêve de son père Jacques
Stuart : unifier l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande dans un même royaume. Ces aspirations inquiètent certains Anglais qui craignent pour leurs Droits. En effet, Charles, comme son père, se réclame du droit divin et accepte mal les limites que la tradition impose au roi d'Angleterre. D'autres événements contribuent à tendre la situation. En 1625, Charles épouse Henriette-Marie de Bourbon, une catholique, française de surcroit.

Cette Révolution qui, de 1640 à 1660, provoqua en Angleterre, en Écosse et en Irlande la chute de la monarchie des Stuarts et l'avènement d'une république, pour aboutir à l'établissement d'une dictature et, finalement, à la restauration de la royauté, est une des grandes ruptures de l'histoire moderne de l'Europe. Les comparaisons avec la Révolution française, postérieure d'un siècle et demi, s'imposent à la réflexion historique, d'autant plus que le rôle de Cromwell, à bien des égards, préfigure celui de Bonaparte.
Comme les autres pays d'Europe occidentale, l'Angleterre et l'Écosse, vers 1630-1640, sont agitées de profonds conflits, qui marquent le douloureux passage de la rigide société féodale, ou de ce qui en reste, à la société d'échanges qui caractérisera les siècles suivants. Ces conflits, nombreux et souvent contradictoires, éclatent surtout sur deux points : la religion et la nature du pouvoir politique, l'un et l'autre étant d'ailleurs étroitement liés. Encore faut-il ne pas transposer au XVIIè siècle des notions du XXIè, qui seraient anachroniques. Des mots comme « Liberté », « ordre » ou « autorité » n'ont pas alors le même sens qu'aujourd'hui ; moins encore, le sens des hiérarchies sociales. Le contraste entre anciennes et nouvelles notions est précisément à l'origine du drame de 1649, de ses prémices et de ses conséquences.
La supériorité de la flotte anglaise avait rendu possible un commerce maritime très important au début du XVIIè siècle, et l'industrie du textile s'apprêtait à dépasser celles des Pays-Bas et du Nord de la France. La bourgeoisie anglaise avait littéralement le vent en poupe, et pourtant le roi la dédaignait, ne lui accordait aucun Droit politique.

Charles Ier, né en 1600, est en quelque sorte prédestiné à incarner, dans sa personne, les contradictions de son époque. Son père, Jacques Ier Stuart (1566-1625), roi d'Écosse pendant trente-six ans avant de devenir roi d'Angleterre en 1603, était le théoricien le plus convaincu du « droit divin » : pour lui, l'autorité du roi découle de dieu seul ; les sujets sont tenus à l'obéissance, et toute Rébellion, toute Contestation même, est sacrilège, puisque contraire à l'ordre établi par dieu. C'est ce qu'il appelle, dans un ouvrage au grand retentissement, « la vraie loi des monarchies libres ». Charles Ier hérite de son père cette conception, qui n'a alors rien d'extraordinaire : c'est celle d’Henri IV en Espagne ; ce sera celle de Louis XIV et des autres souverains européens jusqu'à l'ère des Lumières.

Mais, à cette conception de droit divin s'opposent, avec une force croissante dans la première moitié du XVIIè siècle, deux autres principes, l'un et l'autre explosifs dans leurs implications
pratiques : celui du droit supérieur de dieu, c'est-à-dire de la conscience (l'obéissance à dieu passe avant l'obéissance au roi), et celui du Droit du Peuple à Résister à la tyrannie (reconnu en Angleterre par la Grande Charte, la Magna Carta depuis 1215).
Pour Charles Ier, roi légitime, sacré et oint de l'huile sainte lors de son couronnement, son droit divin ne fait et ne fera jamais aucun doute. En tant que « gouverneur suprême de l'église d'Angleterre », titre hérité d'Élisabeth Ière (1533-1603), il ne reconnaît aucune autorité supérieure à la sienne en matière de religion. Il est profondément croyant dans le cadre de cette église anglicane, qui est issue de la Réforme protestante mais conserve bien des traits par lesquels elle reste apparentée à l'église catholique : hiérarchie de prêtres, doyens, chanoines, évêques, archevêques ; liturgie spectaculaire avec cierges, ornements brodés, calices et ciboires d'or ; et surtout, stricte discipline, à laquelle veille le rigide archevêque de Cantorbéry, William Laud.
Sur le plan politique, Charles Ier est persuadé d'agir toujours en conformité avec ses devoirs de souverain chrétien. Ses conseillers (d'abord le duc de Buckingham, son ami d'enfance, assassiné en 1628, puis l'archevêque Laud et, à partir de 1629, l'autoritaire et compétent Thomas Wentworth, devenu en 1640 comte de Straford) le poussent à réagir fermement contre les oppositions, religieuses et politiques, qui se multiplient dès le début du règne.

La théorie du droit divin se traduit, en Angleterre, par la « prérogative royale », expression qu'on pourrait rendre, en termes constitutionnels modernes, par « domaine réservé », assurant au monarque l'autorité entière dans divers domaines, dont la politique étrangère et la défense nationale. Cette « prérogative », Charles Ier entend l'exercer pleinement.
Or, l'Angleterre connaît, depuis le Moyen Âge, un système de contre-pouvoir incarné par le Parlement. Face à la « prérogative royale » s'affirme le « privilège du Parlement », dont les deux fleurons sont le droit exclusif de voter les impôts et la Liberté d'expression pendant les sessions. Avec un souverain autoritaire comme Charles Ier, le conflit est inévitable.
Dès le début du règne, en 1625, le malentendu éclate : le Parlement entend contrôler l'utilisation des crédits votés, le roi s'y refuse absolument ; le Parlement est dissous, les députés renvoyés chez eux. À partir de ce moment, plus une année ne se passera sans conflit entre les deux conceptions du pouvoir. Peu à peu se forme une opposition organisée au gouvernement royal, dont les chefs sont des bourgeois régulièrement élus au Parlement, John Eliot (1592-1632), John Pym (1584-1643) et John Hampden (1595-1643).
En 1627, le favori du roi, le duc de Buckingham échoue lors d'une expédition destinée à rompre le siège de la Rochelle, le Parlement entreprend alors contre lui une procédure d'impeachment (d’éviction du pouvoir, bref de licenciement). Le roi répond par la dissolution du Parlement. Le nouveau Parlement lui demande de signer la Petition of Right. Charles accepte car il a besoin du soutien du Parlement pour pouvoir lever de nouveaux impôts.
Dans l'Angleterre et l'Écosse du XVIIè siècle, le point sur lequel se cristallise le débat politique est la religion. L'autorité de l'église anglicane, étroitement liée à celle du roi (« pas d'évêque, pas de roi », disait Jacques Ier), est rejetée avec une obstination croissante par les calvinistes, qui veulent le retour à une église plus austère, plus « pure », d'où leur nom de « puritains ». En Écosse, les calvinistes dominent l'église nationale, dite « presbytérienne », entièrement Indépendante de celle d'Angleterre. En Angleterre, les puritains accusent Charles de vouloir rétablir le catholicisme.
Puritains et presbytériens sont les bêtes noires de Laud et de Charles Ier, et les sanctions contre les pasteurs Rebelles se multiplient. Avec une rare maladresse, l'archevêque durcit ses positions vers 1630. Il impose la stricte observance du livre de prière anglican, cible principale des critiques puritaines. C'est surtout avec l'Écosse que le conflit s'envenime. Laud pousse Charles Ier à imposer aux rudes presbytériens la hiérarchie épiscopale et la liturgie anglicane. En résultent une Emeute, qui éclate à Édimbourg le 23 juillet 1637, puis la constitution d'une ligue, ou Covenant, à laquelle les Écossais adhèrent en masse pour défendre leur Liberté de conscience. Charles Ier réagit conformément à son caractère : il déclare le Covenant illégal et se prépare à rétablir son autorité par la force. Ce sera la « guerre des évêques », qui marque le début de la Révolution en août 1640.
Mais, dans l'Angleterre bouillonnante des années 1630-1640, anglicans et puritains ne sont pas seuls. Les catholiques, persécutés depuis Élisabeth Ière, exclus par la loi de la fonction publique, sont protégés par la reine Henriette-Marie, sœur de Louis XIII, qui est française. Surtout, de plus en plus de croyants « Indépendants » ne veulent obéir qu'à leur propre conscience et refusent toute autorité ecclésiastique. Les sectes se multiplient, qui aux yeux du roi Charles et de ses conseillers mènent le pays à l'Anarchie (autant dans le sens d’absence de chef que de désordre).

Pour faire la guerre aux Écossais, il faut de l'argent ; or seul le Parlement peut voter les crédits nécessaires. Le roi Jacques Ier, lors de son accession au trône, hérita déjà de dettes royales énormes, malgré la politique restrictive d'Elisabeth I.
Depuis neuf ans, Charles Ier s'est arrangé pour gouverner sans Parlement (la convocation et la dissolution de l'assemblée faisant partie de la fameuse prérogative) en ayant recours à des expédients financiers, emprunts forcés, taxes diverses, dont la légalité est contestée par de nombreux juristes et contribuables. Ces procédés ne sont pas illégaux en soit mais sont perçus comme contraires à l'esprit de la tradition, et ils entretiennent des rancœurs.
Dans ces conditions, le Parlement convoqué pour financer les opérations militaires en Écosse, qui se réunit le 18 avril 1640, est mort-né : il est dissous dix-sept jours plus tard, sans que rien ne soit voté. Cependant, la campagne, engagée à la fin de l'été, tourne mal pour le
roi : les Écossais du Covenant entrent en Angleterre et occupent Newcastle. Charles Ier, la mort dans l'âme, doit convoquer un nouveau Parlement pour le 3 novembre 1640. Malheureusement pour lui, cette fois, il n'a plus aucun moyen de s'opposer efficacement aux députés. Les caisses du trésor sont vides, il n'y a pas d'armée royale en état de combattre, le gouvernement est violemment impopulaire, l'église de Laud a de plus en plus d'adversaires dans la bourgeoisie et même dans la noblesse. Le Parlement a la haute main, et il s'en rend parfaitement compte.
Dès le début de la session, l'assemblée, dominée par l'énergique personnalité de John Pym (« le roi Pym », comme on dira bientôt) vote une série de mesures Révolutionnaires. On dirait les États généraux de 1789 : interdiction pour le roi de rester plus de trois ans sans convoquer un Parlement ; annulation de tous les emprunts et taxes illégaux décrétés par le roi depuis 1631 ; interdiction de dissoudre le Parlement sans l'autorisation des députés. « C'est la loi du Parlement perpétuel » ironise Charles. Mais le parlement refuse les crédits que le roi réclamait et exige de son côté l'exécution du chancelier Strafford et de l'archevêque de Canterbury, Laud, en tant que traîtres. Le souverain, impuissant, signe toutes ces mesures. Pis que tout, il finit par consentir à la condamnation de son conseiller et ami Strafford, qui est exécuté le 12 mai 1641.
En même temps, Londres s'agite : des Emeutes éclatent un peu partout, des cris de mort sont poussés contre la reine. Enhardi, le Parlement vote une « Grande Remontrance », véritable acte d'accusation contre la royauté. Il exige en outre le contrôle du choix des ministres, qui représentent le pouvoir exécutif. La rupture entre le roi et son parlement devient inévitable.
Cependant les paysans passaient déjà à l'action et prenaient les terres des nobles pour les cultiver. Alors le roi demanda qu'on lui livre les meneurs et fit occuper le parlement par ses troupes : en 1642, Charles Ier pénètre dans le parlement pour tenter d’arrêter cinq députés. Cela provoque un Soulèvement à Londres, ce qui oblige le roi à se réfugier à Oxford. Laud est arrêté et emprisonné à la tour de Londres. Toute la vieille constitution monarchique du royaume est ébranlée.
Dès lors, la guerre civile est inévitable. Charles Ier rallie ses partisans à Nottingham, pendant que le Parlement lève une armée. La première guerre civile a lieu de 1642 à 1645. Le Long Parlement contourne la volonté du roi et monte une armée dirigée par le comte d'Essex afin de contrer une invasion écossaise ainsi que les actions de reprise de pouvoir du roi par les Royalistes. Au début, les armes favorisent plutôt le roi, qui s'installe à Oxford et tente d'y réunir un contre-Parlement. Le roi réussissait à reconquérir presque la moitié du territoire anglais, mais surtout des régions arriérées, avec une population parsemée, tandis que les grandes villes étaient acquises pour la Révolution.
Le camp du parlement était au début dominé par les presbytériens (grands propriétaires fonciers, riches commerçants et banquiers). Leur manière de mener la guerre était indécise et bien que l'armée du parlement était supérieure en nombre, elle subissait une défaite après l'autre. Désespérant de venir à bout des troupes royalistes, le Parlement élu en 1640, de plus en plus dominé par les puritains, conclut une alliance avec les presbytériens d'Écosse. Après la dictature religieuse de Laud (finalement exécuté le 16 janvier 1645) s'établit celle des calvinistes. Le Parlement, jusqu'alors populaire, commence à faire figure d'oppresseur, et les querelles de personnes le paralysent après la mort de Pym en décembre 1643.

Alors que les chefs de l'armée parlementaire suivent avec réticence l'évolution des événements, un obscur député, Oliver Cromwell, sort de l'anonymat et prend un ascendant de plus en plus marqué. Député au parlement en 1628, Olivier Cromwell (fermier-gentilhomme, membre de la gentry jusqu'au début de la première guerre civile) soutient ce dernier en organisant une troupe parmi ses voisins, dès le début de la guerre. Ce soldat réaliste sait estimer la supériorité de la partie adverse et comprend vite que la victoire de son camp ne peut être obtenue qu'avec des soldats dévoués à la cause. En 1643, il lève une troupe de cavalerie organisée selon des principes Démocratiques (officiers élus par la troupe, discussions idéologiques...) : les « Ironsides » (côtes de fer). Sa milice armée est divisée en deux camps : les Indépendants constitués par les officiers, et les soldats. De cette troupe émergent des groupes politiques radicaux appelés les « levelers » (Niveleurs) et les « diggers » (Bêcheux). Pour eux, l’édifice politico-religieux qui soutient la monarchie et l’aristocratie est une fable et une usurpation du pouvoir.
Les Niveleurs s'opposaient aux privilèges dont jouissaient les classes dirigeantes de l'ancien régime tout en défendant la propriété privée et en reconnaissant qu'une société devait accorder des statuts particuliers aux personnes accomplissant les tâches nécessaires au gouvernement et au maintien de l'ordre. Leur but était essentiellement l'Egalisation des richesses.
Les Bêcheux, ou Piocheurs étaient une faction chrétienne, fondée en 1649 par Gerrard Winstanley. Se faisant appeler Vrais Niveleurs à leurs débuts (True Levellers), le public finit par les baptiser « Bêcheux » en raison du mode de vie qu'ils prônaient. Leur nom s'explique par leur croyance au communisme chrétienne, tel que rapporté dans les Actes des Apôtres. Les Bêcheux tentèrent de réformer l'ordre social existant par un style de vie strictement agraire (refusant l'enclosure
act : l'appropriation privée des prés communaux et plus généralement des terres communales, terres qui étaient auparavant mises en commun par les paysans et habitants), s'organisant autour de petites communautés rurales Autonomes et Egalitaires. Le mouvement des Diggers s'est éteint vers 1652 en raison de la destruction de leurs colonies par les propriétaires terriens locaux.
Les Indépendants, soutenus par la majorité du Peuple de plus en plus mécontent, prennent la direction de l'armée. En 1645, le parlement charge Cromwell (nommé lieutenant-général) de réorganiser l'armée sur le modèle de ses propres troupes. Une grande réforme militaire crée en 1645 l'armée dite du « Nouveau Modèle », où les Indépendants, qui rejettent autant la dictature puritaine que l'anglicane, sont prépondérants. Les paysans et les artisans représentaient alors l'essentiel des troupes et des officiers simples, l'organisation fut centralisée et la solde payé régulièrement. Le chef de l'armée était Lord Fairfax, Cromwell étant son adjoint. Ce sera « l'armée des saints », qui raflera la mise sous la conduite de Cromwell et à son profit.
Qui est donc ce nouveau venu ? Cromwell se consacra à l'exploitation de ses terres et à sa charge de juge de Paix, qui lui fit prendre contact avec les réalités sociales. A 28 ans, il fut élu député après avoir surmonté une crise religieuse dont sa foi sortit fortifiée. En 1645, il a quarante-six ans. Issu d'une famille honorable mais pauvre de la région de Cambridge, il est profondément croyant, assez tolérant (même si il montra surtout sa détermination à défendre le protestantisme le plus pur), mais refuse absolument l'autorité des évêques anglais aussi bien que celle des pasteurs puritains et presbytériens. Sa relation avec dieu est ardente mais directe, et ne souffre pas d'intermédiaires. Il méprise les députés, bavards impuissants, et se trouve à l'aise dans l'armée, où il compte de plus en plus de partisans. Le 16 juin 1645, il écrase l'armée royale à Naseby près de Coventry : l'armée paysanne anéantit l'armée royale et faisait 5000 prisonniers, sans parler de l'artillerie complète.
Charles Ier se réfugie auprès des Écossais, qui le livrent au Parlement (moyennant un forfait de 400 000 livres). Le 2 juin 1647, un coup de force militaire s'empare du roi, que Cromwell tient désormais en son pouvoir. À partir de ce moment, les événements se précipitent.
Les bourgeois anglais avaient obtenus ce qu'ils voulaient et pensaient renvoyer les soldats, les paysans et les artisans. Mais ceux-là ne se laissent pas faire. Un nouveau parti s'est constitué à ce moment : les Niveleurs, dont le représentant le plus important était John Lilburne. Libéré en 1640 sur ordre du Long Parlement, il a rallié la New Model Army où il obtint le grade de lieutenant-colonel en 1645. Devant le refus affiché par les hommes de Cromwell de payer et d’accorder aux Niveleurs des Droits politiques Egaux, plusieurs soldats manifestèrent leur mécontentement. Lilburne prit alors la tête des Niveleurs et rédigea avec eux de nombreux pamphlets en très peu de temps. Il fut à nouveau emprisonné en 1649 avec ses amis.
Les Niveleurs (Egalisateurs, comme ils furent appelés par leurs ennemis) revendiquaient les mêmes Droits pour tous et que les terres des nobles passent aux mains des paysans. Les Niveleurs étaient très nombreux dans l'armée et parmi les artisans dans les grandes villes. Lorsque le parlement voulu dissoudre l'armée, ils procédèrent à des élections de conseils de soldats, appelés agitateurs. Ainsi l'armée était divisée en deux : la majorité des officiers était du côté des « Indépendants » tandis que les soldats étaient des Niveleurs. Alors Cromwell institua un conseil général de l'armée, constitué de deux représentants des Niveleurs et deux des Indépendants de chaque régiment. Ce conseil général de l'armée se réunit à Putney, près de Londres, pour discuter les objectifs de la Révolution, mais sans résultat. Les débats de Putney, du 28 octobre au 11 novembre 1647, sont une série de discussions ayant eu lieu entre les membres de la New Model Army et les Niveleurs au sujet d'une nouvelle constitution pour l'Angleterre.
Suite aux débats de Putney, Oliver Cromwell impose The Heads of the Proposals au lieu du Agreement of the People des Niveleurs. L'Agreement of the People était un contrat social pour le gouvernement anglais Révolutionnaire. Le document clamait le droit au suffrage universel masculin et un gouvernement plus Egalitaire et offrant une meilleure représentation à la Chambre des communes. Lilburne expose quelques principes jugés comme Révolutionnaires :
* Droit pour chacun d'élire ses représentants (tous les deux ans),
* Liberté de culte et d'expression,
* Egalité de chacun devant la loi,
* Protection de la vie et de la propriété de chacun,
* Abolition de la peine de mort, sauf pour les crimes de sang,
* Proportionnalité des peines,
* Suppression de l'incarcération pour dettes impayées,
* Interdiction de la conscription militaire et protection des objecteurs de conscience,
* Fin des monopoles légaux (en particulier celui de l'imprimerie, qui facilite la censure) et des taxes sur les denrées,
* Impôts proportionnels.

On notera ici la défense du suffrage universel, d'autant plus exemplaire dans ce contexte de guerre religieuse que les puritains, auxquels appartenaient les Levellers, rejetaient cette idée. En effet, la plupart des sectes puritaines désapprouvaient ce type de réforme, car elle risquait de mettre les « saints » hommes sous la coupe réglée de la « canaille ». A ce sujet, soit la proposition de Lilburne s'explique par une sorte de scepticisme religieux soit elle participe d'une solution théologique originale : à l'encontre du pessimisme augustinien, Lilburne professait une théologie inspirée de l'antinomianisme. Pour Lilburne, le Christ était mort pour sauver, non une poignée d'élus, mais bien toute l'humanité. De là, le chef des Niveleurs tire la conclusion que l'humain d'après la Chute n'est pas voué à subir le pouvoir politique. Et de justifier ainsi sa position : « De même que dieu a créé chaque humain Libre en Adam, de même tous sont également nés Libres, et ils sont Libérés dans la grâce par le Christ, aucune faute des parents ne suffisant à priver l'enfant de cette Liberté. Et bien que cette coutume mauvaise et non chrétienne de la servitude ait été introduite par le conquérant normand, elle n'était qu'une usurpation violente de la loi sous laquelle nous avons été créés, de la nature et elle est maintenant, depuis que la lumière de l'Evangile a brillé, totalement abolie comme étant une chose odieuse au regard de dieu comme au regard de l'humain ».

Les Niveleurs espérait que la nouvelle constitution soit basée sur l'Agreement, mais sa version définitive s'est révélée être beaucoup moins Révolutionnaire. Par conséquent il y avait des Révoltes dans l'armée. Cromwell décide alors de renvoyer le conseil général de l'armée et de réprimer les Niveleurs. Le 17 novembre 1647, la Mutinerie de la New Model Army éclate à Corkbush Field : les soldats avaient reçu l'ordre de signer une déclaration de loyauté envers Thomas Fairfax, le commandant-en-chef de l'armée, ainsi qu'envers le Army Council. Ils refusent et l'un des chefs Mutins, Richard Arnold, est exécuté.

La deuxième guerre civile a lieu de 1648 à 1649. Au printemps 1648, la noblesse avait réussi à former une nouvelle armée parmi les presbytériens en écosse pour écraser la Révolution. Sous la menace, les deux factions de l'armée s'unissent contre l'ennemi commun. La New Model Army met en déroute des insurrections royalistes dans le Surrey et le Kent. À la bataille de Preston, elle met fin à une invasion écossaise. C'est une bataille clé de la première Révolution anglaise, remportant la victoire sur les royalistes et les Écossais.
Cromwell offre alors à Charles Ier de négocier (offre sincère ou simple leurre, allez savoir), mais Charles finasse, joue double jeu, tente de s'évader, est repris, et Cromwell décide d'en finir. Le Parlement est peu enclin à juger son souverain légal : plus de deux ans s'écoulèrent avant son exécution. Ce délai s'explique par les courants contradictoires qui agitaient le Parlement. En effet, les presbytériens, partisans d'une église fortement structurée, soutenus par les Ecossais, s'opposaient aux Indépendants, partisans de la Liberté au sein du protestantisme ; ce conflit religieux se doublait d'un conflit politique qui opposait royalistes et républicains. Les vainqueurs s'étaient divisés, et des tractations avaient lieu entre le Parlement, effrayé des options politiques de l'armée, qui n'avait pas été payée et qui refusait de se séparer, et le roi. Cromwell, convaincu de la duplicité du roi, qui complotait avec les Ecossais repentis, écrasa ces derniers.
Pour plus de sécurité, le Parlement est épuré (très réduit Parlement croupion), quatre-vingt-seize députés jugés trop tièdes sont chassés manu militari (tout membre de la Chambre des communes qui n'est pas du côté de la religion, puritaine, des Independents ou du côté des Grandees, les officiers supérieurs de la New Model Army, est retiré de force du Parlement), et une commission soigneusement choisie est constituée afin de juger le roi pour trahison. Jamais n'avait été affirmé de façon aussi éclatante le principe de la supériorité du pouvoir populaire sur le pouvoir royal. Cromwell en est parfaitement conscient (« cruelle nécessité ») car il n'éprouve pas de haine personnelle contre Charles Ier : c'est bien le roi qu'il faut éliminer, en tant que roi. Quelques jours après l'exécution, une loi votée par ce qui reste du Parlement décrète la fin de la monarchie, « danger pour la Liberté et la sécurité du Peuple », et instaure la république.

Cette république, inaugurée le 19 mai 1650, ne durera pas longtemps. Cromwell, qui dispose du pouvoir effectif grâce à l'armée, se trouve bientôt aux prises avec les extrémistes politiques et religieux, ceux qu'aujourd'hui on appellerait volontiers des Anarchistes, tels les « Niveleurs » qui veulent établir une Egalité absolue entre les humains au nom de l'Évangile et refusent toute autorité.
Des travailleurs et des paysans sans fermes, à Whalton-on-Thames, dans le Surrey, occupèrent la terre communale en 1649 et commencèrent à la sarcler et à l’ensemencer. On les appela les Diggers, les « Bêcheurs ». Ils voulaient vivre ensemble, mettre en commun les fruits de la terre. Plusieurs fois, les propriétaires terriens excitèrent contre eux des foules déchaînées. Villageois et soldats les attaquèrent et détruisirent la récolte. Quand ils coupaient du bois dans la forêt domaniale, les seigneurs les dénonçaient. Ils disaient qu’ils avaient violé leur propriété. Les Bêcheurs se sont alors transportés à Cobham Manor, où ils ont construit des maisons et semé du blé. La cavalerie les agressa, détruisit les maisons, piétina le blé. D’autres comme eux s’étaient réunis dans le Kent et dans le Northamptonshire. Une foule en tumulte les éloigna. Les idées Utopiques, où le sectarisme le disputa à l'inspiration, et la générosité sociale des « Partageux » se heurtèrent à la défense de la propriété : la loi les chassa, mais sans hésiter ils reprirent leur chemin.

Cromwell est, fondamentalement, un homme d'ordre. Ce qu'il a en vue est le règne de dieu, dont il est l'interprète et l'instrument privilégié. Pour Cromwell il restait encore deux problèmes à résoudre : briser l'influence des Niveleurs, qui rêvaient d'une Démocratie sociale et Egalitaire, et mater les Irlandais ainsi que les Ecossais. Ce qu'il fit en un seul coup. En menant son armée en Irlande, où il faisait une guerre cruelle contre les Irlandais catholiques, les Niveleurs en Angleterre étaient affaiblis. En même temps il divisait les Ecossais en donnant des terres pris des Irlandais aux riches bourgeois écossais. Car au cours de cette guerre en Irlande qui a durée 4 années, il faisait brûler chaque village et chaque ville. Ensuite il allait avec ses troupes en Ecosse. En effet, Charles II, le fils de Charles I, était devenu roi des Ecossais. Au bout de quelques batailles Charles II fut forcé de s'exiler en France en 1654.
Dès 1652, il n'a plus de rival. Il rétablit l'ordre en Angleterre, qu'il gouverne d'une poigne de fer. Mais Cromwell s'accommodait mal des prétentions légalistes des bourgeois du Rump. S'appuyant sur l'armée, il dispersa le Parlement croupion (rump) : le 20 avril 1653, le Parlement est dissous par la force (on croirait, toutes proportions gardées, vivre par anticipation le 18 brumaire de Napoléon Bonaparte). Alors que Bonaparte se fera proclamer premier consul, Cromwell, installé à la résidence royale de Hampton Court, prit le titre de « lord-protecteur de la république d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande » (en fait, maître absolu). Les Parlements convoqués n'eurent qu'une brève existence.
Cette dictature militaire se doublait d'une dictature puritaine : stricte observance des dimanches, interdiction des spectacles, des courses, des combats de coqs. Ses ennemis le qualifient de « tyran hypocrite », moquant sa manie de parler au nom de dieu ; mais tout semble lui réussir, à l'intérieur comme à l'extérieur. Dans le domaine extérieur, l'Acte de navigation (1651) prépara la prépondérance maritime anglaise. Il engage la guerre contre la Hollande, qu'il gagne. Il s'allie à la France de Mazarin contre l'Espagne.
Le Conseil des officiers élabore alors l' « instrument de gouvernement », sorte de constitution qui institua une dictature militaire.
Songe-t-il, alors, à devenir roi ? Tout porte à le croire. Il est qualifié d'altesse, s'entoure d'un faste royal. Pourtant, en mai 1657, quand un nouveau Parlement lui offre la couronne, il la refuse. Hypocrisie ? Scrupule sincère ? Simple manœuvre ? Plutôt crainte de la réaction des régiments, son seul soutien.
Toujours est-il que, s'il n'a pas le titre de roi, il en a tous les pouvoirs. Toute l'Europe s'attend à ce qu'il franchisse le dernier pas. Mais il meurt, inopinément, âgé de cinquante-neuf ans, le 3 septembre 1658. Pour ses funérailles, il portera la couronne royale. Son fils Richard lui succédera, avant d'abdiquer, quelques mois plus tard, et de laisser la place au fils de Charles Ier, Charles II, réfugié aux Pays-Bas. En effet, après la mort de Cromwell, le général George Monk (gouverneur de l'Ecosse), craint que la nation ne sombre dans le désordre et cherche à rétablir la monarchie. De fait, les bourgeois du parlement décident de rappeler Charles II pour en faire leur roi. Méprisant la beauté et la pompe, les puritains de Cromwell avaient imposé une tyrannie spirituelle telle que le retour sur le trône de Charles II en 1660 fut accueilli comme une libération après toutes ces années de vie triste et sombre.
Cependant, quand celui-ci revient, il est loin de jouir du même pouvoir que son père. Le véritable pouvoir réside désormais au Parlement. Charles II, comme punition à un exemple à ne pas suivre, exhuma de sa tombe le cadavre de Cromwell pour lui faire subir le rituel d'exécution post-mortem le 30 janvier, date anniversaire de l'exécution de Charles Ier. Son corps est jeté dans un puits et sa tête exposée sur un pieu devant l'abbaye de Westminster pendant 20 ans.

Peut alors se poser la question : tant de sang, tant de deuils, tant de ruines pour aboutir au retour du roi Stuart, la Révolution aurait-elle eu lieu en vain ? Pas tout à fait. Charles II ne régnera pas comme Charles Ier : question de caractère, certes, mais aussi de contexte. Plus personne, en Angleterre, même le roi, ne parlera désormais de monarchie absolue. La Liberté religieuse est acquise une fois pour toutes (sauf pour les catholiques, et ce pour longtemps). Les Droits du Parlement ne seront plus jamais remis en question. Tel est le legs de la Révolution de 1640, qui sera consolidé à la fin du siècle par la deuxième Révolution, celle de 1688 : en 1685 le frère de Charles, Jacques II, monte sur le trône et croit pouvoir rétablir une monarchie absolue. Au bout de trois ans la bourgeoisie perdit patience et invita Guillaume III d'Orange à devenir leur roi. Celui-ci débarque en Angleterre sans trouver de résistance et se met sur le trône. Mais pour être sûr qu'il n'y aurait plus de malentendu, le parlement lui impose une constitution bien serré. Et dans l'avenir, l'héritage de la monarchie devait passer à la maison d'Hanovre, petit prince insignifiant d'Allemagne.

En France, de 1651 à 1652, le parlement et les princes manipulent le Peuple pour appuyer leur lutte contre l´absolutisme royal incarné par Mazarin, le régent de la couronne : c’est la Fronde parlementaire. L´entrée en lice du Peuple, comme en 1789 utilisé pour renverser le pouvoir puis réprimé pour stabiliser la nouvelle forme étatique toujours défavorable à ses aspirations, inquiète la noblesse et la bourgeoisie qui manœuvrent pour protéger leurs privilèges contre la centralisation absolue et l’état de fonctionnaires plutôt que de copinage.

En Russie aussi les choses allaient bouger. De 1668 à 1671, une Révolte des cosaques du Don, dirigée par Stenka Razine, dans la région de la Volga, fit vaciller le régime.
Une guerre contre la Pologne (1654-1667) et contre la Suède (1656-1658) demanda de lourds sacrifices au Peuple russe. Les taxes augmentèrent et la conscription se fit plus forte. Énormément de paysans espéraient échapper à cela en rejoignant les Cosaques dirigés par Stepan Razine qui furent aussi rejoints par beaucoup de représentants de groupes exclus par le gouvernement russe, tels les classes les plus basses de la société et les ethnies non russes oppressées.
Le premier exploit considérable de Razine fut de détruire la grande caravane d'eau constituée de nombreux bateaux de fret transportant de grandes richesses appartenant notamment à de riches marchands moscovites ou au patriarche. Razine descendit la Volga avec une flotte de quarante cinq galères, capturant les forts importants de cette voie et dévastant le pays. Au début de l'année 1668 il vainquit le voïvode Yakov Bezobrazov, envoyé contre lui depuis Astrakhan, et durant le printemps il embarqua pour une expédition punitive en Perse qui dura dix huit mois.
Le Peuple était alors fasciné par ses aventures. Les régions russes les moins sujettes à la loi, près d'Astrakhan, où l'atmosphère était dangereuse et où beaucoup de gens étaient encore nomades, étaient propices à une Rébellion comme celle de Razine.
En septembre 1669, effrayés par la puissance de Razine, les voïvodes d'Astrakhan lui ouvrirent les portes de la ville en échange d'une part de son butin.

En 1670, Razine, pendant son retour vers le quartier général cosaque situé sur le Don, commença une Rébellion ouverte contre le gouvernement, capturant Cherkassk, Tsaritsyne et d'autres lieux. Il pénétra le 24 juin dans Astrakhan même, avec une armée de 7000 hommes surtout composée de cosaques pauvres et de paysans fugitifs. Après avoir massacré tous ceux qui s'opposaient à lui, dont deux princes prozorovsky, et pillé les riches bazars de la ville, il fit d'Astrakhan une république cosaque, divisant la population en milliers, centaines et dizaines, avec leurs propres officiers. Dirigés par des veches (assemblées russes) ou des assemblées générales, leur première mesure fut de proclamer Stepan Razine leur gosudar, c'est-à-dire leur souverain.
Après trois semaines de carnages et de débauches, Razine quitta Astrakhan avec deux cents bateaux remplis de troupes pour établir la république cosaque le long de la Volga, afin d'avancer ensuite jusqu'à Moscou. Saratov et Samara furent capturées, mais la ville de Simbirsk résista, et après deux batailles sanglantes près de la rivière Sviyaga
(1er puis 4 octobre), Razine fut mis en déroute et s'enfuit par la Volga, laissant la majorité de ses troupes et de ses fidèles aux mains des vainqueurs.
La défaite de Simbirsk s'explique surtout par le fait que les troupes de Razine, fortes de vingt mille combattants, formaient une armée indisciplinée et mal organisée, qui affronta des troupes régulières entraînées selon les méthodes occidentales.
Mais la Rébellion se propagea par d'autres moyens. Les émissaires de Razine, partis de Tsaritsyne armés de proclamations enflammées, allèrent dans les gouvernements modernes de Nijni-Novgorod, Tambov, Penza et même jusqu'à Moscou et Novgorod. Il ne fut pas difficile d'inciter la population oppressée à la Révolte par la promesse d'une délivrance. Razine proclama que son objectif était de renverser les boyards et les officiers, d'installer l'absolue Egalité dans toute la Moscovie, en supprimant les hiérarchies. Razine proclamait son hostilité aux boyards et aux maîtres mais ne faisait pas du tsar son ennemi (la rumeur voulait alors que Razine avait pour compagnons le tsarévitch Alexis et le patriarche Nikon disgracié). Le Peuple et les soldats firent bon accueil aux idées de Razine, et les tribus indigènes souhaitèrent même renverser l'ordre établi. Les populations de la Volga, les Tchouvaches, les Maris, les Mordves, les Tatars se joignirent aux Insurgés. Toute la région de la Volga et l'est de l'Ukraine s'étaient Soulevés, les paysans assiégeant les couvents et mettant à sac les domaines.

Au début de l'année 1671, l'issue de la Lutte était encore douteuse. Huit batailles menées durant l'Insurrection entrainèrent des signes d'épuisement de la part des troupes de Razine, qui n'étaient pas composées de soldats réguliers et qui n'avaient pas l'entrainement nécessaire à une guerre, et cela continua six mois. Cependant, à Simbirsk, le prestige de Razine avait été dissipé. Même ses propres campements à Saratov et Samara refusèrent de lui ouvrir leurs portes et les Cosaques du Don, apprenant qu'il avait été excommunié par le patriarche de Moscou, se déclarèrent même hostiles. En 1671, lui et son frère Frol Razine furent capturés à Kaganlyk, sa dernière forteresse, et acheminés par les autorités cosaques jusqu'à Moscou, où, après torture, le 6 juin 1671, Stepan fut traîné, pendu et équarri sur la Place Rouge.
Astrakhan, dernier foyer de la Révolte, se rendit à son tour quelques mois plus tard.

La Révolte de Razine fut spontanée, locale, sans programme politique bien arrêté. Même s'il combattait le système féodal, il se proclamait pour un bon tsar. Cependant, son œuvre fut importante. De nombreuses chansons populaires racontent son histoire et en font un héros. Suite à cette Révolte, le gouvernement étouffa l'Insurrection et durcit sa politique, menant des représailles massives.
La Révolte de Razine fut enseignée dans les livres d'histoire de l'URSS. Elle constituait, selon les historiens de l'URSS un acte préRévolutionnaire, en quelque sorte une prémisse de la Révolution de 1905 car Razine est décrit comme un Libérateur du Peuple se Rebellant contre les autorités tyranniques tsaristes, et obtenant le soutien du Peuple russe.
Selon certains livres, l'œuvre de Razine fut un vigoureux acte de Lutte du Peuple pour sa Libération, une importante étape de la formation de ses traditions Révolutionnaires :
* Trotsky se réfère dans ses écrits souvent à Stepan Razine, présenté comme meneur de Soulèvement paysan. D'après lui, ces derniers ont permis à Razine et Pougatchev d'émerger, puis servirent de fondations à la Lutte d'autres classes de la population. Le cas de Razine montre selon lui qu'une Révolution ne peut être que paysanne : « dans l'Histoire, la paysannerie ne s'est jamais élevée de manière indépendante à des buts politiques généraux. Les mouvements paysans ont donné un Stenka Razine ou un Pougatchev et, toujours réprimés, servirent de fondation à la Lutte d'autres classes. Il n'y a jamais eu nulle part de Révolution que purement paysanne » ;
* Bakounine, lui, voyait dans la Révolte de Razine l'œuvre d'une minorité de déclassés et de hors-la-loi et de bandits, qui, selon lui, devaient être les moteurs de la Révolution russe suivante.

Razine préfigure la Révolte de Iemelian Pougatchev, également menées par les cosaques du Don, un vaste mouvement antiféodal dans toute la petite Russie qui ébranla de 1773 à 1775 le pouvoir de Catherine II.
Cette Révolte a lieu dans une région frontalière et tampon, le Iaïk, à l’est de la Volga. Elle a pu rassembler jusqu’à 4 millions d’habitants. Les Rebelles sont des cosaques, des fugitifs militaires, paysans ou politiques, des peuples locaux : Bachkires, Tartares, Kalmouks (populations nomades, généralement musulmanes qui en général ont subi une sévère répression dans les années 1735 – 1765), des victimes du servage (serfs paysans ou serfs d’usine).
La grande Révolte de 1773-1775 s’inscrit dans un contexte de tension grandissante au sein des communautés cosaques, à mesure que s’étendait inexorablement sur eux le pouvoir « régulateur » de l’état russe. Elle fut déclenchée après cinq années de guerre, de peste, de hausse des prix, de services et de levées de plus en plus écrasantes. Beaucoup des sujets de mécontentements cosaques avaient été exprimés par les cahiers et les doléances de leurs députés à la commission législative, confirmés par l’agitation continuelle qui suivit, entre la fin des années 60 et celle des années 70. Il y eut alors une répression sévère (amende collective, travaux forcés, knout…) de toutes les Mutineries, séditions et oppositions en tous genre au gouvernement russe. Dans une telle situation, le bruit qu’un autre tsar vivait qui ferait droit aux revendications des mécontentements, ne pouvait qu’éveiller des échos.

Fils d'un cosaque du Don, petit propriétaire terrien, marié à une cosaque Sofia Nedioujeva en 1758, il participa, la même année, à la guerre de sept ans sous le commandement du comte Zakhar Tchernychev. Dans la première guerre russo-turque, 1768-74, Pougatchev, maintenant un cosaque khorunjiy (correspondant au rang dans l'armée de podporoutchik, ou sous-lieutenant), servit sous le comte Pierre Panine et participa au siège de Bender.
Rendu à la vie civile, il passa plusieurs années à errer et plus d'une fois les autorités le firent jeter en prison pour vagabondage.

En 1761 Pierre III dans son « Acte sur la liberté de la noblesse » libère celle-ci de tout service obligatoire envers l'état à l'exception du service militaire en temps de guerre. Le bruit court que le nouveau tsar se prépare à abolir le servage. C'est à ce moment-là que Catherine, profitant du mécontentement nobiliaire, s'empare du pouvoir. Le couple se déteste et comme de bien entendu ne donne le jour à aucun héritier pendant huit ans, au grand mécontentement de la tsarine Élisabeth qui pousse Catherine à prendre un amant. Le 9 juillet 1762, trois régiments de la garde du tsar Pierre III se détournent de leur maître et prêtent serment de fidélité à son épouse, Catherine, « pour la défense de la foi orthodoxe et pour la gloire de la Russie ». Leur révolte est animée par le propre amant de la reine, Grégoire Orlov. Le tsar, honni de la noblesse pour ses sentiments germanophiles (sa femme étant prussienne), abdique dès le lendemain. Il meurt une semaine plus tard dans sa retraite, sans doute tué par l'un des frères Orlov dans une querelle d'ivrognes. Son corps, ramené à Saint-Pétersbourg, est exposé aux yeux du Peuple. Ainsi débute le règne immense de Catherine II la Grande. Mais la prise de pouvoir de Catherine II suscite des mécontentements. Malgré cette preuve publique, des imposteurs, originaires de multiples provinces, tentent de se faire passer pour le tsar défunt. Le plus célèbre d’entre eux est Pougatchev.

En 1767 Catherine publie son programme dans une « Instruction ». Ce texte, inspiré par l'Esprit des lois est à tel point libéral pour l'époque que sa publication sera interdite en France. Elle convoque une Commission législative (comparable aux États généraux de 1789) dans laquelle toutes les couches de la population seront représentées, excepté le clergé et les paysans serfs.
La Commission ne participa pas directement à l'élaboration de nouveaux codes, mais elle examinera 1 441 cahiers de doléances dont 1 066 contenaient des revendications paysannes. Ses travaux dressent un tableau général de la situation économique et sociale du pays. Pour la première fois il y eut un débat très vif sur le servage, démontrant la nécessité d'une réforme radicale.
Les travaux de la Commission atteindront de larges couches de la société russe grâce au développement de l'imprimerie et de la presse. Cela entraîne deux conséquences : le mécontentement de la noblesse terrienne qui voit le sort pénible des paysans étalé au vu et au su de tous ce qui entraîne un raidissement encore plus grand vis-à-vis des paysans ; d'autre part, le discours très libéral de l'impératrice suscite des espérances qui, déçues, conduiront en 1773-1774 à la Révolte conduite par Pougatchev et qui sera l'une des plus dramatiques de l'histoire de l'empire.

Repris le 1er juillet 1770 à Kazan après avoir déserté, Pougatchev s’évade et réapparaît dans la steppe où il affirme être le tsar Pierre III. En 1773, après avoir fréquenté les monastères des vieux croyants qui exercèrent une influence considérable sur lui, il se proclama soudainement le tsar Pierre III et organisa l'Insurrection des cosaques Yaik qui déclencha une Jacquerie de toute la petite-Russie (basse Volga). Promettant l’abolition du servage aux paysans, il s’entoure de Rebelles et prend d’assaut de nombreuses fortifications.
Le système du servage, souvent plus proches de l'esclavage personnel que de l'asservissement à la terre, propre à la Russie s'est constitué au cours du XVIIIè siècle, sous les règnes des tsars réformateurs de la dynastie des Romanov, Pierre Ier le Grand et Catherine II, à contre-courant donc du reste de l'Europe (qui l’abolira en 1815 au plus tard, alors qu’il subsiste en Russie jusqu'en 1861). Une telle pratique répond alors à deux sortes de considérations : il s'agit au départ d'une réaction défensive contre la fuite d'une main-d'œuvre indispensable pour assurer la simple consommation de la noblesse, mais c'est aussi un moyen pour les tsars de s'attacher les services et la fidélité des nobles auxquels la propriété des terres a été octroyée. Structurée, et en partie créée par Pierre le Grand, la noblesse lutte pour son émancipation pendant plusieurs dizaines d'années. Sous le règne d'Anne (1730-1740), puis d'Élisabeth (1741-1761) un nouveau système se substitue à celui de Pierre le Grand, qui était basé sur le service d'état. La noblesse acquiert de nouveaux droits sur la personne des serfs, dont le nombre ne cesse de s'accroître du fait de la distribution des domaines aux grands dignitaires.

Le pouvoir ne prit pas le mouvement au sérieux et se contenta de mettre la tête de Pougatchev à prix.
Il progresse jusqu’à la Volga à l’Ouest, et met de son côté les minorités ethniques. Les Bachkirs musulmans menés par Salavat Ioulaiev se Soulèvent à leur tour et se joignent au mouvement. Les Cosaques de l’Oural, les serfs et les ouvriers de plusieurs provinces, ainsi que les Tartares, se rallient à son mouvement et c’est à la tête de trente mille hommes qu’il assiège et prend Tcheliabinsk, en février 1774. Dans sa marche vers Saint-Pétersbourg et vers Moscou, il est arrêté à Orenbourg : en mars 1774, la ville, forteresse de l'Oural, est assiégée. La ville d’Orenbourg a été fondée en avril 1743, avec la tâche précise de devenir un quartier général pour les ambitions géopolitiques et la défense de l’empire russe aux portes de l’Asie : Orenbourg était jadis un poste de douane important qui percevait les droits de passage des navires et des caravanes. Les Ouzbeks, les Kirghizes, les Tadjiks, tous ces nomades venaient de Tachkent ou de Samarkand en longues caravanes de chameaux, pour troquer leurs pelleteries contre de la nourriture, des munitions de chasse, des instruments de travail.
À Nijni, les serfs brûlent les manoirs et égorgent leurs maîtres. Le gouvernement, prenant enfin la mesure du péril, se décide à réagir. L'armée du général Bibikov libère Orenbourg. En août 1774, le général Mikhelson inflige une défaite décisive près de Tsaritsyn (Volgograd).
Surtout les Cosaques, lassés par les excès du nouveau « tsar », ne supportent pas de voir leurs intérêts confondus avec ceux des serfs Révoltés ; ils décident d'en finir avec Pougatchev. Il se réfugie dans la steppe. Livré par ses cosaques, il est présenté dans une cage en fer pour montrer au Peuple sa déchéance. Il est exécuté, puis sa dépouille est suppliciée (écartelée).

En 1833, le tsar accorda une subvention de 20 000 roubles à Pouchkine pour lui permettre de travailler à une histoire célèbre de la Révolte de Pougatchev. Alexandre Pouchkine fera de la Révolte de Pougatchev le cadre de son roman historique publié en 1836 La fille du capitaine. Le personnage du cosaque apparaît lui-même dans l'intrigue et sous un jour plus mystérieux qu'antipathique.

En France, sous le règne absolu de Louis XIV, une Jacquerie se produit en Bretagne, contre l´instauration de nouvelles taxes. Elle est dirigée contre les agents du roi, chargés de collecter les impôts, et les seigneurs, par les Bonnets Rouges et les Bonnets Bleus.
La Révolte des Bonnets Rouges affecta durement la Bretagne (troubles à Guingamp, Lamballe, Dinan et dans la région de Callac et de Maël-Carthaix), sans connaître l'ampleur des évènements du Finistère et de l’Ille et Vilaine. C’est les débuts de l’époque des corsaires Bretons.

La Révolte du papier timbré est une Révolte antifiscale française, sous le règne de Louis XIV (d’avril à septembre 1675), et qui prit également un tour antiseigneurial en Basse-Bretagne, sous le nom de Révolte des Bonnets rouges. Elle est déclenchée par une hausse des taxes, dont celle sur le papier timbré, nécessaire pour les actes authentiques.
Elle est appelée Révolte des Bonnets rouges pour sa partie bretonne, car certains Insurgés portaient des bonnets bleus ou rouges selon la région, et également « Révolte des torreben » (« casse-lui la tête »), un cri de guerre qui sert également de signature dans un des codes paysans.

Louis XIV déclare la guerre aux Provinces-Unies en 1672. Mais, contrairement à la guerre de Dévolution, après une progression rapide, l’armée française est stoppée par les inondations volontaires des Hollandais, et la guerre s’éternise.
La flotte hollandaise menace les côtes françaises, et notamment la Bretagne, en croisant sur ses côtes en avril-mai (après une descente sur Belle-Île en 1673 et une autre sur Groix en 1674), ce qui gêne le commerce breton.

Pour financer la guerre, de nouveaux impôts sont levés :
* d’abord une taxe sur le papier timbré, en avril 1674, papier rendu obligatoire pour tous les actes susceptibles d’être utilisés en justice (dont les testaments, contrats de vente et accessoirement, les registres d’état-civil), ce qui augmente le prix des actes pour les particuliers, tout en risquant de diminuer le nombre d’affaires pour les professionnels, d’où un mécontentement général ;
* le 27 septembre 1674, la vente de tabac est réservée au roi, qui prélève une taxe et en afferme la vente. Les personnes autorisées à revendre le tabac (fermiers et commis) rachètent les stocks aux commerçants qui en vendaient auparavant. La réorganisation des circuits de vente entraîne une interruption temporaire de la distribution de tabac à fumer et chiquer, d’où une autre source de mécontentement ;
* à la même période, une nouvelle taxe frappe tous les objets en étain (même achetés longtemps avant), ce qui mécontente les paysans aisés, ainsi que les cabaretiers qui répercutent la taxe, d'où une forte hausse sur les prix des consommations ;
* enfin, une autre taxe, touchant moins de monde, oblige les roturiers possédant un fief noble à verser une taxe tous les vingt ans.

Ces nouveaux impôts et ces menaces s’ajoutent à une situation économique difficile en Bretagne.
La Bretagne est alors très peuplée (environ 10 % de la population du royaume), et épargnée par les disettes et les épidémies depuis les années 1640. Dans les années 1660-1670, elle entre dans une phase de difficultés économiques, largement liées aux premiers effets de la politique de guerre économique de Louis XIV, de l'augmentation sensible et simultanée des impôts, et de faiblesses structurelles : par exemple, diminution des deux tiers du commerce du vin et des toiles d’après le duc de Chaulnes (surnommé « an hoc'h lart » : le gros cochon, en breton), gouverneur de Bretagne, les revenus issus de la terre (fermages) diminuent eux aussi d’un tiers, entraînant une déflation généralisée, exceptée des offices.
La Révolte est très souvent menée par des femmes. À cette époque, la législation royale est de plus en plus draconienne à l'encontre des femmes (alors que Louis XIV les appréciait énormément, sexuellement en tout cas), tous leurs Droits sont diminués, aussi bien leurs Droits économiques que civils (elles ne peuvent plus choisir leur époux par exemple). Ceci heurte dans un pays où la femme occupe traditionnellement une place très importante, et on en trouve mention dans les codes paysans.
Enfin la Bretagne est un Pays d'états, où l’impôt sur le sel, la gabelle n'existe pas, et où les nouveaux impôts doivent être acceptés par les états depuis l’acte d'Union de la Bretagne à la France. En 1673, les états avaient, outre un don gratuit de 2,6 millions de livres, acheté la suppression de la Chambre des domaines (qui privaient certains nobles de droit de justice) pour la même somme et racheté les édits royaux instituant les nouveaux impôts, plus diverses autres dépenses en faveur du pouvoir royal pour un total énorme de 6,3 millions de livres. Un an après, les mêmes édits sont rétablis, sans consultation des états. Et c'est par le Parlement de Bretagne que Louis XIV fait enregistrer la taxe sur le papier timbré en août 1673, et la taxe sur le tabac en novembre 1674, au mépris des « Libertés bretonnes » (c'est-à-dire les privilèges d’Ancien Régime de la province, accordés par le traité d'union du duché de Bretagne au royaume de France).

Les nouvelles taxes touchent plus les paysans et le petit Peuple des villes que les privilégiés, et font craindre une introduction de la gabelle. Tout cela crée un large front de mécontentement contre la brutalité inédite de l'état royal.
Le Soulèvement débute à Bordeaux : du 26 au 30 mars, la ville est aux mains des Emeutiers. Les garnisons insuffisantes empêchent César d’Albret, gouverneur de la ville, de rétablir l’ordre, les bourgeois refusant la levée des milices. À partir du 29, les paysans des environs arrivent à Bordeaux pour prêter main-forte aux Emeutiers. Le parlement de Bordeaux rend un arrêt de suspension des nouvelles taxes sous la pression populaire. La nouvelle atteint rapidement Rennes et Nantes qui se Soulèvent début avril ; d’autres villes du sud-ouest se Soulèvent également pour les mêmes raisons (Emeutes à Bergerac les 3 et 4 mai, etc.). Le 6 avril, le roi fait une déclaration d’amnistie pour les Emeutes de Bordeaux, son gouverneur n’ayant pas les moyens de reprendre la ville en main.
En Bretagne, les Emeutes urbaines réellement spontanées se limitent aux deux grandes villes, Rennes et Nantes. Partout le schéma est le même : les bureaux de papier timbré ou de marquage de la vaisselle en étain sont pillés, des affrontements ont lieu au cri de Vive le roi sans la gabelle ! Un premier Soulèvement a lieu à Rennes le 3 avril, mais le calme est vite ramené par le procureur au Parlement. Une nouvelle Emeute a lieu le 18 avril (au moins dix morts), qui se propage le lendemain à Saint-Malo, puis le 23 à Nantes, et à nouveau le 3 mai à Rennes et Nantes. D'autres villes sont touchées : Guingamp, Fougères, Dinan, Morlaix.
Les milices bourgeoises sont peu fiables, et passent quelquefois à l’Emeute. Le 8 juin, les troupes envoyées pour ramener le calme provoquent la colère de Nantes (sous l’Ancien Régime, toute troupe est logée chez l’habitant, à sa charge : or, Nantes comptait parmi ses privilèges l’exemption du logement des gens de guerre), durant trois jours (9 au 11 juin) : le duc de Chaulnes est assiégé dans son manoir, mais donne l’ordre de ne pas tirer, puis fait évacuer les troupes. Il subit des humiliations si importantes (insultes, absence de possibilité de réaction, l’évêque est pris en otage et échangé contre une Emeutière prisonnière le 3 mai) qu’il cache, à partir de la fin juin, la réalité de l’agitation au roi dans ses rapports. Une dernière fois, le bureau du papier timbré est mis à sac le 19 juillet à Rennes.
L’exemple des villes est suivi, à partir du 9 juin, par les campagnes de Basse-Bretagne : la Révolte connaît plusieurs foyers, de la baie de Douarnenez à Rosporden, Briec et Châteaulin. Les 3-4 juillet, la Révolte atteint les environs de Daoulas et Landerneau, le 6 elle est aux alentours de Carhaix, le 12 de Brasparts à Callac, et une dernière vague se manifeste les 27-28 aux alentours du Faouët, à Lanvénégen par exemple, à l'occasion du pardon de Saint-Urlo. Les villes ne participent pas, mais sont attaquées. Le 21 juin, le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, est obligé de s’abriter à Port-Louis.
Les paysans se Révoltent lorsque se répand le bruit que la gabelle va être introduite dans la province. La jacquerie éclate au milieu de la zone du domaine congéable, précisément là où ce régime est le plus dur. Le duc de Chaulnes reconnaît que « les seigneurs les chargent beaucoup ». Les châteaux sont assiégés et pillés, ainsi que les bureaux du papier timbré ou des devoirs (taxe sur les boissons), les nobles attaqués et tués.
Le maximum de violence est atteint fin juillet-début août dans le Poher, où Carhaix et Pontivy, villes non-fortifiées, sont attaquées et pillées. Les paysans sont commandés dans cette région par un notaire, Sébastien Le Balp. Début septembre, il investit et pille, avec 600 Bonnets Rouges, le château du Tymeur et en brûle tous les papiers et archives. Il est tué par surprise d'un coup d'épée par Charles Maurice de Percin, marquis de Montgaillard, son prisonnier, la nuit du 3 septembre, la veille du Soulèvement général prévu. Sa mort met fin à l'Insurrection.

Les paysans Révoltés établissent des codes et règlements, sous plusieurs noms (code paysan, pessovat – ce qui est bon –...). On désigne par Code paysan l’ensemble des textes revendicatifs approuvés lors d’assemblées générales par les populations Soulevées. Ces textes peuvent être des programmes, des plaintes, où ils expriment leurs revendications, mais également des codes que les Insurgés essayent de faire approuver ou appliquer.
L’origine de ces codes se concentre dans le sud Cornouaille. Ailleurs il y a eu des transactions locales entre Révoltés et seigneurs, devant notaire. On en connaît huit. Ils préfigurent, par leur contenu, les cahiers de doléances de la Révolution française. Nombres de revendications sont communes à la plupart des codes, elles concernent le domaine fiscal, et dans le domaine politique, la réaffirmation des Libertés bretonnes. Un des codes parle du pouvoir de la communauté villageoise, ce qui est une idée nouvelle. Le Règlement des 14 paroisses, probablement établi à l'église Notre-Dame de Tréminou, est le plus connu. Il semble prendre la place de différents textes antérieurs. Rédigé en français, il engage les habitants de quatorze paroisses et doit être affiché aux carrefours et lu lors des sermons du dimanche (comme les proclamations royales). Il ne remet pas en cause le régime politique, mais demande que les paysans soient représentés aux états provinciaux (article 1) ; appelle au retour au calme et à la fin des violences (articles 2 et 3), mais la ville de Quimper et les paroisses environnantes sont menacées de blocus si elles ne ratifient pas le code (article 13) ; au nom de la Liberté armorique, il proclame l’abolition des droits de champart et corvée prétendus par les gentilshommes (article 4), mesures des plus audacieuses, le champart étant la principale ressource des seigneurs (cet article reflète aussi la dégradation récente de la situation paysanne devant l’augmentation des exigences seigneuriales, allant au-delà du droit et des coutumes). Dans les articles suivants (6 à 9), les demandes sont surtout antifiscales (la mesure la plus importante est l'abolition de la dîme du clergé : le clergé sera payé pour leur service, et seulement pour cela), une exigence de justice (revendication d'une justice gratuite, et qui soit exercée par des gens capables) et d’arrêt des abus est faite, mais dans le cadre de la justice seigneuriale (article 10), donc sans remise en cause du système existant. L’article 5 demande même des mariages mixtes entre nobles et paysans, avec le droit pour les femmes nobles de choisir leur mari (le droit des femmes à choisir leur mari avait été aboli sous le règne de Louis XIV). L'article 11 est également notable, avec une demande d'interdiction de la chasse entre le 1er mars et la mi-septembre.

Toutes les villes fortifiées forment autant d’îlots de résistance (Concarneau, Pont-l'Abbé, Quimper, Rosporden, Brest et Guingamp). Dans cette dernière ville, trois Emeutiers, dont une femme, sont pendus. La « punition » commence à Nantes, où les troupes séjournent 3 semaines. Les missionnaires, notamment Julien Maunoir et les jésuites sont aussi utilisés, et font hésiter de nombreux paysans, ce qui permet d’attendre l’arrivée des troupes. Celles-ci arrivent fin août, et opèrent à partir d’Hennebont et Quimperlé. La campagne dure tout le mois de septembre.
En Bretagne, le bilan de la répression est difficile à chiffrer, en effet le roi ordonne la destruction de toutes les archives judiciaires concernant la Rébellion et, de ce point de vue, cette répression reste la moins connue de toutes les grandes Rébellions du XVIIIè siècle.

En France, dans l'Aquitaine et la Gascogne, l’arrivée des troupes et leur séjour de quelques semaines suffit généralement à ramener le calme. À Bordeaux, le parlement revient sur son arrêt de suspension des taxes le 18 novembre : la ville est punie par l’obligation d’accueillir dix-huit régiments durant l’hiver (les soldats et les officiers étaient logés chez l’habitant, à la charge complète de la ville), ce qui aurait coûté près d’un million de livres à la ville. De plus, le château Trompette est agrandi et sa garnison augmentée, ce qui augmente le pouvoir symbolique et militaire du roi sur la ville, qui voit par ailleurs la porte Sainte-Croix (au sud de la ville) détruite. Autre mesure symbolique : les cloches des églises Saint-Michel et Sainte-Eulalie sont confisquées.
La promesse d’amnistie est assez largement appliquée mais la répression a tout de même été féroce. Le pouvoir punit certes les élites mais se montra beaucoup plus sévère à l'égard des paysans Révoltés. Le duc de Chaulnes écrivait : « Les arbres commencent à se pencher sur les grands chemins du poids qu'on leur donne », plusieurs personnes étant pendus en même temps.
Les principaux responsables sont envoyés devant une commission extraordinaire du parlement, les présidiaux pouvant juger exceptionnellement en dernier ressort, ce qui aboutit à de rapides condamnations à mort. Dès octobre 1676, des condamnations aux galères et à la peine de mort sont prononcées envers les responsables.
Les communautés villageoises sont sommées de livrer les meneurs sous peine de représailles collectives, les cloches ayant sonné le tocsin sont déposées et plusieurs églises sont décapitées avec interdiction de les remonter. Le 12 octobre, le duc de Chaulnes entre à Rennes, avec 6000 hommes, logés chez l’habitant : durant un mois, la ville subit les violences de la troupe, puis d’autres prennent leurs quartiers d’hiver. Les habitants de la rue Haute sont expulsés, un tiers de la rue est démolie. Pour avoir soutenu les Emeutiers, le parlement est exilé à Vannes le 16 octobre (exil qui dure jusqu’en 1690 et ne peut retourner à Rennes que contre un subside extraordinaire au roi de 500.000 livres), tout comme le parlement de Bordeaux, exilé à Condom le 22 novembre, puis à Marmande et La Réole (lui aussi ne revient à Bordeaux qu’en 1690). Toute résistance politique à l’absolutisme est annihilée. Les états de Bretagne acceptent l’année suivante une augmentation du don gratuit de 15 %, et toutes les demandes financières ultérieures du gouvernement, sans oublier les gratifications aux ministres, en particulier à Colbert et sa famille. La Bretagne doit subvenir entièrement aux besoins des troupes de répression, puis d’une armée de 20 000 hommes (ce dernier point en représailles aux doléances des états de novembre 1675).
Le 5 février 1676 (enregistré le 2 mars par le Parlement), Louis XIV accorde son amnistie, avec plus de 150 exceptions dont un tiers à Rennes, 4 à Nantes, et les autres originaires de 55 villes et paroisses.
La résolution de la Révolte est aussi judiciaire. En juillet 1675, les Insurgés de vingt paroisses de Scaër à Berrien, avaient assiégé et pillé le château du Kergoët, en Saint-Hernin, près de Carhaix. Le propriétaire, Le Moyne de Trévigny, seigneur du Kergoët, était réputé lié à ceux qui avaient amené en Bretagne les impôts du timbre et du tabac. Une transaction entre les paroisses et Le Moyne de Trévigny est approuvée par les états de Bretagne en octobre 1679.
En août 1675, sept habitants de Plomeur sont mandatés pour traiter avec Monsieur du Haffont pour le dédommager du pillage de son manoir situé à Plonéour-Lanvern. La transaction aboutit à un accord devant notaire. Un accord semblable est passé avec les habitants de Treffiagat. En juin 1676, les sommes dues sont réduites de moitié. Le mois suivant, des habitants de Plonéour-Lanvern et de Plobannalec sont mis en demeure de fournir 8 tonneaux de grains pour remplacer le blé pillé. En 1692, le fils de Monsieur du Haffont, décédé entre-temps, se plaint de n'avoir toujours pas reçu un sou de dédommagement. D'autres contentieux de ce type traîneront devant les tribunaux jusqu'en 1710 au moins. En effet, la Bretagne entière est ruinée en 1679 par l'occupation militaire.

L’ampleur de la Révolte est exceptionnelle pour le règne de Louis XIV : ce qui se passe est tout bonnement inouï dans le contexte de l'époque. Concevables à l'époque de Louis XIII, les événements ne le sont plus depuis l'arrivée au pouvoir de Louis XIV, et restent d'ailleurs absolument uniques, à l'échelle du royaume, entre la Fronde et 1789, si l'on excepte bien entendu le cas très particulier des camisards cévenols.
Durant le règne de Louis XIV, c’est la Révolte où les autorités locales ont le plus laissé faire les Emeutiers. Ceux-ci sont certes spontanés, mais s’organisent rapidement, et rallient des groupes de plus en plus larges au sein de la société. À coté du pillage, on observe, ce qui est singulier, des prises d’otages et la rédaction de revendications.
La colère des paysans Révoltés se tournent contre les nobles pour deux raisons : ils constituent pendant longtemps la seule force de maintien de l'ordre disponible dans les campagnes, et leurs châteaux servent de cibles, faute d'agents du fisc.
La Révolte de 1675 est aussi un épisode de la Lutte des classes : on peut rapprocher « les passions mauvaises, les idées extrêmes et Subversives qui fermentent nécessairement dans toutes les masses Révoltées » qui en arrivent « au communisme et aux violences contre les prêtres », aux événements survenus durant la Commune de Paris en citant le curé de Plestin : « Les paysans se croyaient tout permis, réputaient tout les biens communs, et ne respectaient même plus leurs prêtres ». On peut ainsi élargir les causes à une Révolte contre les prélèvements des seigneurs fonciers (nobles et ordres religieux).
On peut tout autant parler d'asservissement national et de Lutte de Libération nationale des Bretons, étant donné que la noblesse bretonne s'était déjà entièrement francisée et que, au fond, seuls demeuraient Bretons les paysans. En dépit d'une dénationalisation continue d'une partie des Bretons, ce problème demeure typique des « minorités nationales » et ne saurait être résolu dans les conditions d'un régime centralisé. De plus, on peut lier la Révolte aux différences de l’économie bretonne, maritime et ouverte au commerce, et de l’économie française, aux intérêts continentaux.
La Révolte est un affrontement entre la bourgeoisie et ses alliés d'une part, l'Ancien Régime d'autre part, comme lors de la Révolution française, à une échelle différente. La pression en faveur du changement est modeste en Bretagne, et l'originalité de la situation de la province l'isole de toute manière dans le vaste royaume de France : il n'y a d'ailleurs pas ailleurs l'équivalent des Révoltes de 1675.

Outre la réduction au silence des états et du parlement, la reprise en main permet également l’établissement d’une Intendance de Bretagne (la Bretagne était la dernière province à ne pas connaître cette institution représentante du pouvoir central) que les états de Bretagne avaient jusqu'alors toujours réussi à éviter.
En Basse-Bretagne, les zones Révoltées sont aussi celles qui furent favorables aux Bleus lors de la Révolution française, et qui virent la crise la plus importante des vocations religieuses au XIXè siècle. Elles correspondent également aux zones du « communisme rural breton », ainsi qu'aux zones où la langue bretonne est la plus vivante.
En décembre 2005, le préfet du Finistère refusa l'installation d'un panneau touristique présentant la ville de Carhaix, sur le bord de la route nationale, au motif qu’il s’y trouvait la représentation d'un Insurgé de la Révolte des Bonnets rouges.

A l’opposé de la France, l’Angleterre accepte la contradiction et la limitation du pouvoir royal.
Après la mort du roi Charles II, la situation politique et religieuse en Angleterre s’envenime. Le catholique Jacques II, qui succède à son frère Charles II en 1685, s’aliène rapidement l’opinion publique par des mesures impopulaires. L’immense majorité des Anglais ne peuvent admettre que le roi tente de replacer l’église d’Angleterre dans le giron catholique. De plus, la bourgeoisie est violemment hostile à toute tentative de restaurer le pouvoir absolutiste. Elle juge inadmissible que le roi dispense certains de ses sujets de l’obéissance au Bill of Test (exclusion des non-anglicans de toute fonction administrative ou militaire) et qu’il se proclame lui-même au-dessus de la loi. Les jours de Jacques II sont comptés puisqu’une Révolution va mettre fin à son règne. Cette Révolution est surnommée la « Glorious Revolution », car elle n’engendre pratiquement pas de violence. Les opposants au roi demandent au protestant Guillaume d’Orange de s’emparer de la couronne. Lorsque celui-ci débarque à Torkay avec une armée anglo-hollandaise le 5 novembre 1688, Jacques II se réfugie en France auprès de Louis XIV. En janvier, le parlement déclare le trône vacant. Il l’offre à Guillaume et à son épouse Marie Stuart, à la condition qu’ils jurent de respecter la Déclaration des Droits. Il s’agit d’un texte qui résume les Droits reconnus aux Anglais et selon lequel le souverain ne peut établir l’absolutisme. Ainsi, il est interdit au roi de suspendre des lois, d’empêcher leur exécution et d’ériger une juridiction d’exception. Il ne peut pas non plus percevoir d’argent ou entretenir une armée sans le consentement du parlement (d’ailleurs l’armée permanente est interdite en tant de Paix). Cette Révolution sans effusion de sang est un
succès : elle assure la souveraineté au parlement et la prospérité en Angleterre. L’institution du régime constitutionnel est une victoire du parlementarisme sur l’absolutisme.

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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 22:02

 

Les paysans en ont vraiment assez, il faut que cela cesse

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En 1514, Le Pauvre Konrad, des paysans de Suède se Rebellèrent contre les taxes sur le vin, la viande et le pain.
A cinq mille ils menacèrent de conquérir Schorndorf, dans la vallée de Rems. Le duc Ulderic leur promit d’abolir les nouvelles taxes et d’écouter les doléances de paysans, mais il voulait seulement gagner du temps. La Révolte s’étendit à toute la Suède. Les paysans envoyèrent des délégués à la diète de Stockholm, qui accepta leurs propositions, ordonnant qu’Ulderic fût flanqué d’un conseil de chevaliers, bourgeois et paysans et que les biens des monastères fussent expropriés et donnés à la Communauté. Ulderic convoqua une autre diète à Tübingen, fit appel aux autres princes et rassembla une grande armée. Il lui en coûta toutes les peines du monde pour réduire la vallée de Rems : il assiégea et affama le Pauvre Konrad sur le mont Koppel, pilla les villages, arrêta seize mille paysans, seize eurent la tête coupée, les autres, il les condamna à payer de fortes amendes.

La même année, les paysans de Hongrie, rassemblés pour la croisade contre le Turc, décidèrent plutôt de mener la guerre aux seigneurs.
Soixante mille hommes en armes, guidés par le commandant Dozsa, portèrent l’Insurrection dans tout le pays. L’armée des nobles les encercla à Czanad, où était une république des Egaux. Il fallut deux mois de siège. Dozsa fut placé sur un trône en fer chauffé à blanc, couronné d'une couronne de fer et avec un sceptre en main chauffés également à blanc ; six de ses compagnons, ses lieutenants contraints d’en manger la chair pour avoir la vie sauve, affamés volontairement le dévorèrent. Des milliers de paysans furent empalés ou pendus.
De 1524 à 1526, la Révolte des Rustauds ébranle le saint empire romain germanique.
La Révolte des Rustauds (en allemand : Deutscher Bauernkrieg, guerre des Paysans allemands) désigne une jacquerie qui enflamma le saint empire romain germanique entre 1524 et 1526 dans de larges parties de l'Allemagne du sud, de la Suisse et de l'Alsace. On l'appelle aussi, en allemand, le Soulèvement de l'humain ordinaire.

L’Allemagne, en pleine croissance, connaît à la fois une crise de croissance et la conscience d’une crise. Le monde médiéval, avec ses deux têtes, le pape et l’empereur, s’est effondré, bien que la puissance pontificale reste une des forces de l’Europe. Pour autant, les clercs sont si dépravés que l’on compare leur chef, le pape, à l’antéchrist.
Cette Révolte a eu des causes religieuses, liées à la réforme protestante, et sociales dans la continuité des Insurrections qui enflammaient régulièrement le saint-empire comme celles menées par Joß Fritz (il a du mal à supporter l'ordre régnant et en particulier la misère paysanne ; il s'inscrit dans la tradition du Bundschuh, nom sous lequel on regroupe des Révoltes de paysans et de citadins – à cause de la chaussure lacée qui leur servait de symbole par opposition aux bottes à éperons des nobles – qui eurent lieu tous les dix ans depuis 1493). La Révolte des paysans est soutenue par les anabaptistes de Münster. Le mouvement né près de Schaffhouse (Bade) lorsque des paysans refusent à leurs seigneurs une corvée jugée abusive. Ils obtiennent le soutien de Balthazar Hubmaier, curé de Waldshut converti à la Réforme et signent un traité d’assistance mutuelle (15 août 1524) conciliant les objectifs sociaux et religieux. La Révolte se développe durant l’hiver en Souabe, en Franconie, en Alsace et dans les Alpes autrichiennes.
Ceux du Brodequin (grosse chaussure montante de marche ; la torture des brodequins fut utilisée en France jusqu'en 1780 pour soutirer des aveux : les blessures étaient souvent si sévères que les os éclataient), salariés et paysans d’Alsace qui, en 1493, conspirèrent pour exécuter les usuriers et effacer les dettes, exproprier les richesses des monastères, réduire les appointements des prêtres, abolir la confession, substituer au tribunal impérial des juges de village élus par le Peuple. Le jour de la Sainte Pâque, ils attaquèrent la forteresse de Schlettsadt, mais ils furent défaits et beaucoup d’entre eux pendus ou mutilés et exposés à la risée des gens. Mais certains d’entre eux poursuivirent leur marche et portèrent le Brodequin dans toute l’Allemagne. Après des années de répression et de réorganisation, en 1513, le Brodequin arriva à Fribourg. La marche ne s’arrêta pas, et le Brodequin n’a jamais cessé de frapper le sol.
Les paysans prennent des châteaux et des villes (Ulm, Erfurt, Saverne). On estime généralement qu'environ 300 000 paysans se Révoltèrent, et que 100 000 furent tués.

Les paysans mêlent les revendications religieuses (élection des prêtres par le Peuple, limitation du taux des dîmes), sociales et économiques (suppression du servage, Liberté de pêche et de chasse, augmentation de la surface des terres communales, suppression de la peine de mort). Ces revendications sont exprimées dans le manifeste des douze articles du maître cordier Sébastien Lotzer de Memmingen : il dénonce les dîmes détournées de leur objet, le passage de la rente foncière au faire-valoir direct et réclame des réformes, sans remettre en cause le système seigneurial (douze articles).
Les paysans assurent l'essentiel du maintien du système féodal. Maisons princières, noblesses, fonctionnaires, bourgeois, et clergé vivent de la force de travail des paysans. Le nombre des bénéficiaires ne cesse d'augmenter, de même que les taxes, impôts et
contributions : grande dîme, petite dîme sur les revenus et bénéfices, loyers, douanes, intérêts, successions, corvées.
Les problèmes économiques, les mauvaises récoltes, et la pression des seigneurs terriens, réduisent de plus en plus de paysans à la dépendance, puis à un quasi servage, provoquant autant de problèmes de fermage, et de corvée. Le vieux droit oral est librement interprété par les propriétaires terriens, ou ignoré. On exproprie des Communes établies depuis des siècles, on réduit ou abolit des droits communautaires de pâture, d'abattage de bois, de pêche, de chasse.
La haute noblesse ne s'intéresse aux changements des conditions de vie des paysans que lorsque, nécessairement, cela concerne, et menace, ses avantages et privilèges. La basse noblesse, en déclin, et en perte de prestige, mène ses propres Mutineries. De nombreux petits nobles tâchent de survivre en chevaliers pillards, ce qui accentue le fardeau des paysans.
Le clergé s'oppose à tout changement. Le catholicisme, dans ce contexte, est un pilier du système féodal. Les organismes religieux sont eux-mêmes organisés en général de manière féodale. Aucun monastère n'existerait sans des villages inféodés, dépendants, soumis. Les recettes de l'église viennent principalement des dons et offrandes, de la vente d'indulgences, de la dîme. La dîme est également une source importante de revenus pour la noblesse.
Les seules tentatives de réforme, qui visent à abolir les structures féodales, viennent de la bourgeoisie dynamique des villes, mais restent discrètes, en raison de sa dépendance à l'égard de la noblesse et du clergé.

L'église connaît de considérables dysfonctionnements. Beaucoup de religieux, surnommés péjorativement curetons (Pfaffen), mènent une vraie vie de débauche, en tirant profit tant des taxes et héritages de la population riche que des taxes et dons des pauvres. À Rome, l'accès aux charges et dignités passe par le népotisme, le clientélisme, et la corruption. Les papes se conduisent en chefs de guerre, en maîtres d'œuvre, et en mécènes des beaux arts.
Cette situation essuie les critiques de Hans Böhm, Girolamo Savonarola, puis de Luther.
Lorsque le jeune berger allemand Hans Böhm, à la tête d'un autre mouvement Révolutionnaire hanté par l'imminence du millénium Egalitaire, commença à prêcher son évangile d'Egalité Fraternelle et de communauté des biens en 1476, ce fut un exode épidémique. Trente-quatre mille personnes répondirent à l’appel d’Hans le joueur de flûte. Les compagnons ouvriers quittaient à la hâte leurs ateliers, les filles de ferme accouraient tenant encore en mains leurs faucilles, et plus de trente mille hommes se trouvaient en quelques heures rassemblés dans un désert où ils n'avaient pas de quoi manger. La Madone de Niklashausen apparut à Hans et lui dit : « Plus jamais de rois ni de princes. Plus jamais de papauté ni de clergé. Plus jamais de taxes ni de dîmes. Les champs, les forêts et les cours d’eau seront à tous. Tous seront frères et personne ne possèdera plus son prochain ». Le jour de la Sainte Marguerite, ils arrivèrent un cierge à la main et une pique dans l’autre. La Sainte Vierge leurs avait dit quoi faire. Mais les cavaliers de l’évêque capturèrent Hans, puis ils attaquèrent et défirent ses partisans. Hans brûla sur le bûcher.
Quand le dominicain Johannes Tetzel sillonne l'Allemagne, en 1517, sur l'ordre d'Albrecht, archevêque endetté de Mayence, et du pape Léon X, pour prêcher, avec succès, les indulgences, et vendre des certificats d'indulgence, Luther se fâche et rédige ses 95 thèses, qu'il affiche, selon la légende, sur la porte de l'église de Wittenberg.

Zwingli, à Zurich, et Calvin, à Genève, soutiennent que chaque être humain peut trouver son chemin vers dieu et le salut de son âme, sans l'intermédiaire de l'Église. Ils ébranlent ainsi les prétentions absolutistes de l'église catholique, et valident les critiques paysannes : le clergé, oublieux de sa doctrine, est, globalement, de trop.
La critique de Luther est plus radicale, dans son écrit sur la Liberté d'un chrétien (1520) : « Un chrétien est le maître de toutes choses, et le sujet de personne ». Cette argumentation et sa traduction en allemand du Nouveau Testament, en 1522, sont les déclics décisifs pour le Soulèvement de la population des villages. Les gens simples peuvent désormais mettre en cause les prétentions de la noblesse et du clergé, jusque là justifiées par la volonté de dieu. La terrible situation des paysans n'a aucun fondement biblique, et les réductions de l'Ancien Droit par les propriétaires fonciers est en contradiction avec le véritable droit divin : « dieu fait pousser plantes et animaux, sans intervention humaine, et pour l'ensemble des humains ». On peut désormais revendiquer les mêmes Droits que la noblesse et le clergé.
Beaucoup de simples paysans osent se Soulever contre leurs seigneurs, à cause de leurs conditions de soumission, aussi variées soient-elles. La classe supérieure villageoise est la première à vouloir des changements. Les responsables de communautés, les juges de campagne, les artisans de village, les bourgeois des champs (résidant en petites villes), soutiennent la Révolte, et, un peu partout, poussent les paysans pauvres à rejoindre les bandes de paysans.

Même si Thomas Münzer est d'abord un fidèle de Luther auquel il se rallie à Leipzig en 1519 et qui le nomme pasteur à Zwickau,en Saxe en 1520, il n'en demeure pas moins qu'une fois installé dans sa charge Münzer développe des idées personnelles sur la nécessité d'une Révolution sociale. Très vite, il veut atteindre la masse des analphabètes.
En 1521, il est donc dissident à trois niveaux : vis à vis des autorités civiles puisqu'il a été exclu trois fois des villes où il prêchait, vis à vis des autorités romaines car il se rallia en 1519 à Leipzig, vis à vis de Luther car dès 1521, il se différencie en critiquant la trop grande conciliance de Luther avec les autorités civiles : Luther défend à la fois l’idée d’une foi Libérée de la tutelle de l’église et une religion d’état, ouvrant la voie à l’autoritarisme. Cette conception qui obéit au principe « un roi, une foi, une loi », porte en elle les germes des guerres de religion, qui s’accompagnent de l’émigration de populations, notamment en Amérique. Par sa Liberté de pensée et sa capacité à entraîner de profonds changements, Martin Luther était pleinement l’homme d’une Renaissance qu’il décria pourtant. Il trouvait l’époque trop Libertaire, Humaniste et jouisseuse. Un des multiples paradoxes de cette personnalité éminemment complexe. Ce sera le manifeste de Prague qui montre la rupture entre les deux hommes.
Il profite de la Révolte des paysans pour répandre ses idées. En effet, l'agitation paysanne étant à son paroxysme en Saxe, il essaie de lever les classes laborieuses contre les autorités civiles et ecclésiastiques. Il affirme que la trop forte quantité de travail nuit au salut des paysans car aliénés par l'obligation de cultiver, ils ne peuvent pas se consacrer à la Parole. Il participe à la rédaction des douze articles et prêche pour un rétablissement de l'église apostolique par la violence s'il le faut pour pouvoir préparer le plus vite possible le règne du Christ. En effet Münzer est un millénariste qui croit que mille ans après la résurrection du Christ, celui-ci reviendra sur terre pour procéder au jugement dernier. Il s'agit de préparer ce règne en appelant à la guerre sainte : il se considère choisi par dieu comme prophète et est probablement anabaptiste.
Il s'active, en tant qu'Agitateur et que défenseur de l'Insurrection. Il tente de mettre en place un ordre social équitable : suppression des privilèges, dissolution des ordres monastiques, abris pour les sans logis, distribution de repas pour les pauvres. Selon ses détracteurs, il aurait non seulement attenté à la foi mais également aux formes politiques et économiques qui subsistaient ou s’imposaient à son époque. Le premier, Martin Luther, fourrier de l’idéologie des princes, prêta son autorité, une autorité rancunière et vacharde, à bafouer le prestige dont avait joui son disciple, devenu, dès 1523, l’augure puis le chef de guerre de masses qui s’Insurgèrent un peu partout en Allemagne et au-delà. La guerre qu’il dirigea se transforma bientôt en un conflit aux allures internationales. Sa principale qualité a consisté, malgré des confusions, à apparier une théorie, sa destination et une pratique. Il ne s’est pas départi d’aperçus visionnaires, de superstitions ni d’un irrationnel apocalyptique ; il n’en demeure pas moins que son apport en matière de stratégie demeure irrécusable : il répudie la non-violence pour penser l’Insurrection. Le génie de Thomas Münzer ne réside pas dans le fait de s’être attaché à une couche particulière de la population -les paysans en l’occurrence- mais d’avoir conçu son entreprise en unissant diverses catégories de la plèbe et d’un prolétariat embryonnaire voire d’une petite bourgeoisie. Si les paysans constituent la force essentielle de ses détachements, des mineurs, des artisans les épaulent. Leurs projets se complètent. Thomas Münzer cimente leurs ambitions. « Soulevez les villages et les villes et surtout les mineurs avec d’autres bons compagnons ». Il ne se résigne pas au solo funèbre de la paysannerie. Les premiers refusent, à partir du printemps 1524, les corvées, se soustraient à l’impôt, se dérobent aux taxes de servage. Les seconds dénoncent leur exploitation et les troisièmes déplorent d’avoir été chassés des conseils communaux ou d’y être sous-représentés. La religion masque leurs intentions en même temps qu’elle les révèle.
Il cite Daniel : « Le pouvoir sera donné au Peuple ». Il écrit, le 25 juillet 1524, au bailli Zeiss, d’Allsted, dont il a été le pasteur : « C’est grande insolence que de se reposer illusoirement sur les anciens usages de gouvernement, maintenant que le monde entier s’est transformé de façon si radicale ». Quand Thomas Münzer expose alors ces vues, il est passé de la Protestation à des objectifs implacables. Que veulent ses partisans ? Un droit à la vérité, un droit à la justice, un droit à l’Egalité. Dieu est avec eux, leur chef les en a persuadés. Münzer se présente, de façon essentielle, comme un communiste doué d’une conscience de classe, Révolutionnaire et millénariste. Münzer parle tout à la fois le langage des masses et celui de Dieu qu’il fond dans un même creuset. Thomas Münzer forge, au XVIe siècle, le paradigme de l’Agitateur moderne. Lui, aussi, attend que la Révolution s’étende aux pays voisins et l’emporte afin de raffermir la sienne. Il sait qu’il ne peut vaincre que si l’étincelle embrase la plaine.
Dans des prêches et des écrits passionnés, il dénonce son ancien mentor, Luther, qu'il traite volontiers de menteur, l'accusant de collusion avec les princes. Il rêve d'un avenir radieux où les opprimés prendraient la place de leurs oppresseurs. Engels, Marx, Kautsky voient en lui le premier communiste. C'est un Révolutionnaire social à l'ombre de la croix. Il sera dénommé le théologien de la Révolution socialiste. Prêtre catholique passé à la Réforme et ensuite écarté de Luther, il prêchait le royaume divin Libéré des classes sociales, de la propriété privée et des coercitions sociales, ce qui fait qu'on peut le considérer comme un des utopistes les plus radicaux. Il meurt le 15 Mai 1525 lors d'une bataille de paysans, la bataille de Frankenhausen, contre des princes allemands menés par Philippe Ier de Hesse.

D'eux-mêmes, les paysans veulent d'abord réinstaurer les anciens droits traditionnels, et mener une vie digne d'un être humain, et, pour le reste, dans le respect de dieu. Leurs revendications secouent les fondements de l'ordre social existant : réduction des charges, abolition du servage.
Les bourgeois revendiquent également, et se solidarisent avec les paysans, dans beaucoup de villes : Erfurt en 1509, Regensburg en 1511, Braunschveig, Speyer, Köln, Schweinfurt, Worms, Aachen, Osnabrück, etc.
Le long Soulèvement des paysans montagnards suisses vient juste de s'achever, par un succès. Mais la situation des paysans ne s'en améliore d'aucune façon. Les représailles sont la suite la plus fréquente.
En 1524, des troubles surgissent à nouveau, près de Forscheim, à proximité de Nuremberg, puis à Mühlhausen, près d'Erfurt. En octobre 1524, les paysans se Soulèvent à Wutachtal près de Stühlingen. Peu de temps après, 3500 paysans font route vers Furtwangen. En Haute Souabe et autour du lac de Constance, ça fermente depuis assez longtemps; et en fort peu de temps, en février et mars 1525, se forment trois bandes de paysans en armes, avec des bourgeois et des religieux, pour un total de 30.000 personnes.
Les trois bandes de Haute Souabe veulent une amélioration de leurs conditions de vie, sans guerre. Ils entrent en négociation avec l'Alliance Souabe. Cinquante de leurs représentants se réunissent dans la ville impériale libre de Memmingen, dont la bourgeoisie sympathise avec les paysans. Les dirigeants des trois troupes cherchent à formuler les revendications paysannes, et à les appuyer par des arguments tirés de la Bible. Le 20 mars 1525 voit l'adoption des douze articles et du règlement de leur Fédération, à la fois recours, programme de réforme et manifeste politique. Sur le modèle de la confédération helvétique, les paysans fondent la confédération de Haute Souabe : les bandes doivent à l'avenir se porter garantes les unes des autres, au contraire des Soulèvements précédents. Les deux textes sont vite imprimés en quantité, et distribués, pour un élargissement rapide du Soulèvement dans tout le sud de l'Allemagne, et au Tyrol.
La négociation des 12 articles est le pivot de la guerre des
paysans : leurs revendications y sont pour la première fois formulées de manière uniforme, et fixés par écrit :
1. Chaque communauté paroissiale a le droit de désigner son pasteur, et de le destituer s'il se comporte mal. Le pasteur doit prêcher l'évangile, précisément et exactement, débarrassé de tout ajout humain. Car c'est par l'Écriture qu'on peut aller seul vers dieu, par la vraie foi,
2. Les pasteurs sont rémunérés par la grande dîme (impôt de 10%). Un supplément éventuel peut être perçu, pour les pauvres du village et pour le règlement de l'impôt de guerre. La petite dîme est à supprimer, parce qu'inventée par les humains, puisque le seigneur dieu a créé le bétail pour l'humain, sans le faire payer,
3. La longue coutume du servage est un scandale, puisque le Christ nous a tous rachetés, et délivrés, sans exception, du berger aux gens bien placés, en versant son précieux sang. Par l'Écriture, nous sommes Libres, et nous voulons être Libres,
4. C'est contre la Fraternité et contre la parole de dieu que l'humain pauvre n'a pas le pouvoir de prendre du gibier, des oiseaux et des poissons,
5. Les seigneurs se sont approprié les bois. Si l'humain pauvre a besoin de quelque chose, il doit le payer au double de sa valeur. Donc, tous les bois qui n'ont pas été achetés reviennent à la Communauté, pour que chacun puisse pourvoir à ses besoins en bois de construction et en bois de chauffage,
6. Les corvées, toujours augmentées et renforcées, sont à réduire de manière importante, comme nos parents les ont remplies, uniquement selon la parole de dieu,
7. Les seigneurs ne doivent pas relever les corvées sans nouvelle convention,
8. Beaucoup de domaines agricoles ne peuvent pas supporter les fermages. Des personnes respectables doivent visiter ces fermes, les estimer, et établir de nouveaux droits de fermage, de sorte que le paysan ne travaille pas pour rien, car tout travailleur a droit à un salaire,
9. Les punitions par amende sont à établir selon de nouvelles règles. En attendant, il faut en finir avec l'arbitraire, et revenir aux anciennes règles écrites,
10. Beaucoup se sont approprié des champs et des prés appartenant à la Communauté : il faut les remettre à la disposition de la Communauté,
11. L'impôt sur l'héritage est à éliminer intégralement. Plus jamais veuves et orphelins ne doivent se faire dépouiller ignoblement,
12. Si quelque article n'est pas conforme à la parole de dieu, ou se révèle injuste, il faut le supprimer. Il ne faut pas en établir davantage, qui risque d'être contre dieu ou de causer du tort au prochain.

Les paysans se présentent pour la première fois Solidaires contre les autorités. Jusque là, les Soulèvements échouent principalement à cause de l'éclatement de l'Insurrection et des soutiens insuffisants. Toutefois, si les paysans n'avaient pas négocié avec l'Alliance Souabe, mais occupé un territoire plus important, ils auraient difficilement pu être battus, en raison de leur supériorité numérique, et leurs revendications auraient été prises plus au sérieux.
Début avril 1525, les paysans se réunissent dans le Neckartal et l'Odenwald sous la direction de Jäcklein Rohrbach. La Révolte, touche l'Alsace a la mi-avril 1525. Rapidement les Insurgés contrôlent une grande partie du territoire alsacien. À Pâques 1525, le 16 avril, la bande de la Vallée du Neckar s'installe près de Weinsberg, où le colérique Rohrbach laisse courir le comte Ludwig de Helfenstein, détesté des paysans, gendre de l'empereur Maximilien I, et ses chevaliers d'antichambre. La mort très douloureuse des nobles, à coups de piques et de gourdins, entre dans l'histoire de la guerre des paysans comme l'assassinat de Weinsberg. Elle marque de manière décisive l'image des paysans, tueurs et pilleurs, et est une des principales raisons pour que beaucoup de nobles s'opposent à la cause paysanne. La ville de Weinsberg est condamnée à être incendiée, et Jäcklein Rohrbach brûlé vif. Après l'affaire de Weinsberg, ceux du Neckartal et de l'Odenwald s'unissent avec la bande de Taubertal (Bande Noire, commandée par le noble franconien Florian Geyer), pour former la puissante Bande de la Claire Lumière, de près de 12 000 hommes. Elle se retourne, sous la direction du capitaine Götz von Berlichingen, contre les évêques de Mayence et de Würzburg, et le prince électeur de Palatinat.
Presque tous les Soulèvements de paysans sont réprimés par la force.
Les Insurgés survivants tombent en proscription impériale, et perdent donc tous leurs droits civiques, privés, et les droits liés à leur fief : ce sont désormais des hors-la-loi. Les meneurs sont condamnés à mort. Les participants, et ceux qui les ont soutenus ont à craindre les peines des souverains, qui se montraient déjà très cruels. Beaucoup de jugements parlent de décapitations, d'yeux arrachés, de doigts coupés, et d'autres mauvais traitements. Celui qui s'en sort avec une amende, peut s'estimer heureux, même si les paysans ne peuvent payer les amendes, à cause des impôts élevés. Des communes entières sont privées de leurs droits, pour avoir soutenu les paysans. Les juridictions sont partiellement perdues, les fêtes sont interdites, les fortifications urbaines rasées. Toutes les armes ont à être livrées. Le soir, la fréquentation des auberges villageoises n'est plus autorisée. Après 1525, le protestantisme perd son esprit Révolutionnaire, et renforce les situations sociales dominantes, avec le dogme « Soumettez-vous aux autorités ».
Pourtant, la guerre des paysans, dans un certain nombre de régions, a des répercussions positives, aussi minces soient-elles. Dans certains domaines, les dysfonctionnements sont supprimés, par traité, dans les cas où l'Insurrection s'est faite sur la base de conditions plus difficiles (comme à Kempten). La situation des paysans s'améliore nettement dans beaucoup d'endroits, puisque les impôts ne sont plus à verser uniquement aux propriétaires terriens, mais aussi directement au souverain. Il n'y a plus de Soulèvements plus importants. Pour 300 ans, les paysans ne se Révoltent presque plus. C'est seulement avec la Révolution de mars 1848-1849 que peuvent s'imposer les objectifs formulés en 1525 dans les 12 articles.
Pourtant en France, en 1573, c’est bien un contre-état qu’ont mis en place à Millau les cités huguenotes : des « Provinces-Unies du Midi », avec leurs chambres de justice, leurs recettes fiscales et leurs représentants élus, unis par un serment d’union, avec une constitution élaborée et, d’une certaine façon, la responsabilité du pouvoir exécutif devant une assemblée représentative. Ceci représente une alchimie inédite entre l’esprit protestant et le tempérament méridional.

En 1607, c’est le tour de la Révolte populaire des Midlands en Angleterre suite à la clôture des communaux (les biens communaux, terrains communaux ou communaux tout court, sont des biens fonciers, le plus souvent forêts et pâturages, que les habitants d'une localité exploitent en commun : c'est une forme de copropriété ; divers droits y sont attachés).

Le mouvement des enclosures fait référence aux changements qui, dès le XIIè siècle mais surtout à partir de la fin du XVIè siècle et au XVIIè siècle ont transformé, dans certaines régions de l'Angleterre, une agriculture traditionnelle dans le cadre d'un système de coopération et de communauté d'administration des terres (généralement champs de superficie importante, sans limitation physique) en système de propriété privée des terres (chaque champ étant séparé du champ voisin par une barrière, voire bocage). Les enclosures marquent la fin des droits d'usage, en particulier des communs, dont bon nombre de paysans dépendaient.
Le 8 juin, c’est la Rébellion de Newton : 40 à 50 paysans sont tués par les propriétaires terriens de la famille Tresham durant les Protestations contre la clôture des terrains communs à Newton, Northamptonshire. C’est le point culminant de la Révolte des Midlands, du mouvement des enclosures ; c’est également la première utilisation des termes de Niveleurs (Levellers) et de Creuseurs (Diggers), que le retrouvera dans la première Révolution anglaise de 1640-1660 (la guerre civile anglaise) avec Cromwell.
Le secteur du Northamptonshire, comme en avait avertit un membre du comté au parlement en 1604, était tendu et, s’enflammant, l’incendie se répandit rapidement de tout le Northamptonshire aux comtés voisins.
Mais, après quelques demi-mesures hésitantes de la part des justices locales, le feu fut rapidement et efficacement éteint. C’était la vieille histoire, déchaînement de désespoir voué à l’échec, de paysans mal organisés, si mal équipés qu’ils étaient même à court de bêches et de pelles pour commencer leur tâche de poser les clôtures ouvertes et de remplir les fossés, si pauvrement armés qu'une poignée de gens de la haute société montée sur ses grands chevaux, était suffisante pour mettre en déroute un millier d’entre eux. Les conséquences furent si familières, exécutions, une commission royale d’enquête, quelques vagues promesses de réparation.

Pendant que les oligarchies marchandes cherchent à conquérir les symboles de la puissance et de la légitimité ancienne (féodale), elles introduisent une nouvelle logique (marchande) dans les relations politiques. La relation entre la ville et la campagne est à la fois une frontière géographique entre deux cultures et une transition historique, un basculement entre deux systèmes d'appropriation : la force armée et la monnaie. Le développement de la production n'est que second par rapport à cette course à l'appropriation des signes d'une puissance fantasmatique. Ce cloisonnement est nouveau dans les villes. Lors du mouvement communal et de la création des corporations (Xè et
XIè siècles), le salariat urbain était peu important. Aux XVè et XVIè siècles, l'accroissement démographique des villes et le numerus closus des maîtrises de corporation provoquent une fracture sociale entre les maîtres et leurs compagnons. Les luttes entre marchands et artisans, entre maîtres et ouvriers, en témoignent (en 1539, les ouvriers imprimeurs de Lyon font trois mois de Grève – Anvers, Bruges, Gand connaissent de tels affrontements – : en conséquence, l'ordonnance de Villers-Cotterêts interdit les coalitions de travailleurs). Parfois, les maîtres ne pratiquent plus leur métier. En 1465, un arrêt du parlement tente d'obliger les membres de la Grande Boucherie à exercer personnellement leur métier. Les compagnons ont de moins en moins de chances de faire leur chef-d’œuvre et de passer maîtres. C'est alors que se créent les associations secrètes d'artisans compagnons. Par le compagnonnage, les compagnons se transmettent oralement les secrets de leur qualification professionnelle. C'est en 1469 que l'on trouve la première mention écrite du tour de France des compagnons de métiers. Le cloisonnement social n'est pas favorable à la diffusion des techniques. Les compagnons organisent eux-mêmes leur formation professionnelle pour lutter contre une spécialisation et une division extrême du travail. Ce sont eux qui organisent la percolation des connaissances sur le royaume.
Seigneurs et marchands rivalisent de luxe. La course à l'appropriation est le moteur. Mais, au contact de la matière, au bas de la pyramide sociale, artisans et paysans doivent augmenter leur productivité (rapport du produit sur le temps de travail). Le développement de la production est induit par ceux qui doivent veiller à leur reproduction individuelle. Au contact direct ou indirect de la nature, paysans et artisans dégagent un produit net. Cette situation de dominance globale de la production sur l'appropriation est celle décrite par la Fable des Abeilles : pour le paysan, il faut produire le plus de biens de subsistance dans le moins de temps possible, pour l'artisan, il faut produire le plus d'outils ou de biens de luxe pour une consommation donnée de biens de subsistance.
Plus les relations marchandes pénètrent dans les domaines féodaux, plus le souci de la productivité prend le pas sur les traditions communautaires. Les premières enclosures y participent. C'est sur le terrain que se font les innovations. Elles sont longues à diffuser. Mais, selon les domaines et selon les pays, les acteurs ne sont pas les mêmes. Aux Provinces-Unies, les polders se multiplient. En France, les monastères et les abbayes sont des lieux d'innovation. En Angleterre, et beaucoup plus tard, les gentlemen-farmers seront des innovateurs agricoles. Dans l'ensemble, la noblesse française sera moins dynamique.

On peut trouver plusieurs raisons à ce mouvement d'enclosure :
* une raison juridique : les potentats locaux souhaitaient conserver l'exclusivité des terres mais l'absence de cadastre nécessitait de matérialiser les limites foncières ;
* une raison « naturelle » : les haies permettent de parquer les animaux et de se protéger des bêtes errantes ;
* une raison « environnementale » : les haies absorbent l'eau et les fossés ayant permis la surélévation desdites haies drainent cette eau. On crée soit des haies d'arbres fruitiers (pour améliorer la production agricole) soit des ronciers pour mieux encore défendre les parcelles ;
* mais la raison fondamentale est la suppression des droits d'usage (vaine pâture, communaux) qui permet la liberté des assolements.

Le mouvement des enclosures a commencé en Angleterre au XVIè siècle. Des champs ouverts et pâturages communs cultivés par la communauté, ont été convertis par de riches propriétaires fonciers en pâturages pour des troupeaux de moutons, pour le commerce de la laine alors en pleine expansion. Il s'est ensuivi un très fort appauvrissement de la population rurale de l'époque, entraînant parfois des mouvements de Révolte, comme dans les Midlands en 1607.
Le mouvement des enclosures peut être vu comme un mouvement de désintégration sociale : « Vos moutons, que vous dites d'un naturel doux et d'un tempérament docile, dévorent pourtant les humains » (Thomas More, Utopia, 1516). Il s'est accompagné de progrès importants des pratiques culturales, et est considéré par certains comme marquant la naissance du capitalisme.

En France aussi les esprits s’échauffent.
1624 : Échec d´une Révolte paysanne, des « Croquants » du Quercy en France ; 1630 : Emeutes des vignerons de Bourgogne ;
1635 : Agitation à Bordeaux ; 1636 : Jacquerie dans la région d´Angoulême ; 1637 : Révolte des Croquants du Périgord et du Limousin ; 1639 : Jacquerie des « Va nus pieds » en Normandie ;
1642 : Agitation en Auvergne ; 1649 : Révoltes fiscales en Angers.

Sous le règne de Louis XIII, de nombreuses Jacqueries et Révoltes populaires marquent l´émergence du Peuple en tant que force politique.
On appelle Jacqueries des Croquants diverses Révoltes populaires du Sud-Ouest de la France aux XVIIè et XVIIIè siècles. Les principales causes de ces Révoltes ont été d'ordre fiscal.

Le Peuple appelait la noblesse « croquants », disant qu'ils ne demandaient qu'à croquer le Peuple. Mais la noblesse retourna ce sobriquet sur le Peuple Mutiné, à qui le nom de croquants resta. Le terme « croquant » apparaît pour la première fois dans la langue française en 1594. Il est appliqué à des attroupements de campagnards périgourdins qui réclament la fin des ravages des troupes liés aux guerres de religion, et le rabais des tailles, principal impôt étatique. C'est une expression de mépris que les Insurgés ressentent comme une injure. Ils s'appellent eux mêmes les « tard avisés », les chasse-voleurs selon les régions ou, encore, l'assemblée des Communes de la province.
Ces Révoltes ont lieu dans le contexte des guerres de religion. À partir de Turenne en Limousin en 1594, elle se répand ensuite dans le Périgord. Un immense « ras-le-bol » unit les paysans et les pousse à s'assembler au cri de « Vive le roi sans la taille, vive le roi sans la gabelle ». La Révolte gronde ; dans le Bas-Limousin des paysans revendiquent leurs Droits par la violence, le mouvement est lancé. Le 27 mars 1594, un chef, La Sagne (notaire), prend la tête d'un groupe de Croquants. Massacré par la noblesse en juin 1594, les Révoltés rejoignent le camp des royalistes. En juillet 1595, les Croquants se Révoltent à nouveau et, en septembre, ils combattent la noblesse
locale : cette bataille indécise met fin à la Révolte.
En Guyenne de 1593 à 1595, des Insurrections se développent, encadrées par les notables royalistes, catholiques modérés ou protestants, partisan d'Henri IV. Leurs principales revendications sont néanmoins toujours fiscales et l'influence de la question religieuse est faible. Ces Croquants ont le mépris des villes et leurs principaux ennemis sont les chefs ligueurs. La Révolte est proche des petites villes mais voue une haine au pouvoir centralisateur parisien. Lorsque des circonstances graves appellent la désignation de représentants dans une assemblée d'états ou dans une chambre de députés, ce choix est accaparé par les citadins. Ainsi, lors des troubles de la fin du XVIè siècle, voit-on, ici ou là (en Périgord, dans le Comminges ou dans le Vivarais) des porte-parole de villages réclamer d'avoir leurs propres élus, comme un quatrième état, celui du plat pays distinct du tiers état des villes. La complémentarité et l'antagonisme entre villes et campagnes est également économique. C'est toujours dans les cités que résident les propriétaires du sol, les bailleurs de fonds, les notaires, procureurs, gens de loi, receveurs des impôts royaux ou seigneuriaux.
Il arrive que ces Révoltés deviennent dangereux pour le pouvoir royal, tels les Croquants du Languedoc massacrés par les troupes royalistes.

Une autre Révolte de Croquants a lieu plus tard dans le contexte de la guerre contre l'Espagne : la pression fiscale est lourde et des Emeutes éclatent en Guyenne en 1635. À l’origine, elles sont dues à la taxe des cabarettiers (sur le vin), mais la Contestation porte aussi sur les trop fortes tailles et les Insurgés réclament également une dîme qui ne profiterait qu’aux petits curés, car ils méprisent le haut clergé.
En 1636, des Soulèvements dans les campagnes apparaissent contre les tailles en Angoumois et au Périgord.
C’est une nouvelle Révolte, de 1637 à 1641 : l’armée des
« Communes » est conduite par l'un des chefs des Rebelles Antoine Dupuy de la Mothe de la Forêt, un gentilhomme, qui prend leur tête et les conduits à incendier les châteaux voisins. Sous son commandement, la guerre est ordonnée et il interdit le pillage. C’est le début de l’une des plus grandes guerres civiles déclenchées par des paysans. En Périgord, les nouveaux Croquants de 1637 demandent une société débureaucratisée : les représentants des villages y viendraient verser leur obole, modeste, informelle, et fiscale, au roi lui-même, assis sous son chêne; ce versement se ferait directement de la main à la main», sans prélèvement intermédiaire au profit des sangsues du fisc.
Le duc de La Valette, envoyé par le roi, arrive du Pays basque avec trois mille hommes et met fin à la Révolte le 1er juin 1637 à la bataille de La Sauvetat-du-Dropt. Un millier de Croquants meurent, mais une amnistie sera accordée.
En Normandie, les nu-pieds (ruraux du bocage qui se Rebellent en 1639) sont solidaires des bouilleurs de sel, qui font évaporer l’eau de mer dans leurs marmites sur les plages du Mont-Saint-Michel : ces bouilleurs vendent le sel à bon marché aux villages ; alors que Richelieu, lui, prétend faire casser les marmites, afin d’obliger les Bas-Normands à consommer le sel vendu très cher par la gabelle gouvernementale. La Révolte des nu-pieds de 1639, issue des petites communautés villageoises de laboureurs du bocage, est dirigée par des curés et vicaires, par de petits seigneurs et des nobles endettés, par des avocats besogneux. Elle a donc son clergé, sa noblesse, son tiers état ; et elle se dresse contre la société officielle et contre l’élite du pouvoir (fiscal notamment) au nom d’une contre-société à format réduit, chlorophyllienne et Contestataire. Les nu-pieds revendiquent le rabais des impôts, le retour à l’âge d’or symbolisé par les noms d’Henri IV et de Louis XII, deux rois dont la voracité fiscale était modérée... ; ils demandent enfin l’Autonomie ou même l’Indépendance de la Normandie.
De 1638 à 1642, le laboureur Pierre Grellety tient la forêt de Vergt au nez et à la barbe des sergents royaux. En 1638, un capitaine du roi cherchant à enrôler de force de jeunes recrues s'en prend à Jean Grellety ; son frère Pierre, simple laboureur, sortant alors d'une maison ajuste le capitaine et l'abat d'un seul coup. Commence alors pour lui une vie misérable dans la forêt de Vergt, mais peu à peu, convaincu de la justesse de son acte, il rejoint d'autres proscrits comme lui en révolte contre les oppressions dont ils sont les victimes.
A la tête de son équipe, au cœur de la forêt de Vergt, il tient tête aux armées du roi venus le déloger pendant quatre années ; mobiles et légers, insaisissables et partout à la fois, ses Croquants disciplinés et bien armés sont les partisans d'une guérilla plus que de véritables affrontements où ils seraient à coup sur perdants. Cependant en septembre 1640, Grellety fait la preuve de ses réels talents militaires puisque avec seulement 200 hommes il obtient une victoire honorable face à 3000 soldats bien entraînés. Richelieu, las de ces querelles paysannes qui empoisonnent la vie du sud-ouest et surtout de cette guérilla qui coupe la route vers l'Espagne alors en guerre contre la France, lui propose alors de mettre fin à ces agissements. Le 25 janvier 1642, Pierre Grellety reçoit du roi les lettres patentes attestant de l'amnistie générale pour tous ses hommes et pour lui une charge de capitaine dans les armées du roi, dans le poste de gouverneur de la cité de Verneuil en Italie.

       
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20 janvier 2005 4 20 /01 /janvier /2005 22:00

Quand le pouvoir ne fait plus de quartier, même face à ceux qui veulent l'aider à se régénérer

Télécharger le fichier : 03 - Les crépuscules des dogmes

La Révolte (8 mai-12 juillet 1450) de Jack Cade échoue en Angleterre. John Cade (dit Jack) Soulève le Kent contre Henri VI d'Angleterre, en se faisant passer pour un membre de la famille royale. Il est tué neuf jours après s’être emparé de Londres.
Shakespeare écrivit une pièce de théâtre nommée Henry VI. Un des personnages, appelé Dick le boucher, déclara dans un dialogue avec Jack Cade, le chef de la Rébellion lancée contre le roi : « Commençons par tuer tous les gens de loi ».
Jack y commande une armée pour s’emparer du trône et abolir le parlement. Il rétorque « ma bouche sera le parlement d’Angleterre ». Il convient avec Dick le boucher qu’il faut tuer tous les avocats afin de supplanter le roi régnant et d’abolir les lois en vigueur.

La guerre sans fin avec la France (la guerre de Cent ans) avait épuisé les finances anglaises (autant que les françaises) et laissait les caisses royales constamment en besoin de recouvrement de créances. En résulta une lourde taxation, mais ajouté à ce fardeau d’impôts, il y avait aussi la gourmandise des officiers royaux, qui s’enrichissaient aux dépens de l'administration du système fiscal.
La majorité des participants était des paysans et des petits propriétaires terriens du Kent, qui objectaient contre le travail forcé (corvée), les tribunaux corrompus, la saisie des terres par les nobles, la perte de terres royales en France, et les lourdes taxes. Menée par Cade, un ancien soldat, une foule se rassembla dans le Kent, défit une force gouvernementale envoyée pour les disperser et entra dans Londres. Alors que les citadins étaient plutôt favorables à la Cause, les Londoniens se retournèrent contre eux à cause du comportement violent de certains des hommes de Cade. La plupart des Insurgés acceptèrent le pardon de la part du roi et retournèrent à leur maison. Cade lui-même fut également pardonné, mais fut tué plus tard par le sheriff du Kent.

Il ne s’agissait pas d’une Rébellion de paysans (comme en 1381), les meneurs étant des hommes de propriété qui objectaient contre le climat politique du temps (même des hommes d’église rejoignirent les Rebelles). Même si ils appelaient à des changements sociaux, notamment le statut des travailleurs, qui rendait les paysans sujets au travail forcé, les demandes sociales n’étaient pas la base des revendications.
Au lieu de ça, la plupart des petits nobles voulait la fin de ce gouvernement faible. Ils n’appelaient pas au bouleversement des rapports sociaux, mais au changement de certains conseillers, au retour à des terres royales qui furent concédées à d’autres, et à l’approbation des méthodes de taxation.
Les troupes gouvernementales furent envoyées pour disperser les protestataires du Kent. Les hommes de Cade marchèrent sur Londres, où ils furent bien accueillis par les londoniens, bien d’accord avec nombre des buts de Cade.
Dans le cadre d’une trêve, Cade présente une liste de ses demandes aux fonctionnaires royaux. Les fonctionnaires ont assuré Cade que les demandes seraient satisfaites, il leur remit une liste de ses hommes de sorte que chacun ait pu recevoir un pardon royal.
La plupart des gens acceptèrent la promesse de pardon et s’éclipsèrent. Mais ni le roi ni le gouvernement n’accordèrent aucune demande des Rebelles, et ne semblèrent non plus disposé à le faire prochainement. Henri VI exigea l’arrestation de Cade, qui fuit Londres. Il fut arrêté par le nouveau sheriff du Kent, blessé mortellement et mourut lors de son retour à Londres. Son corps fut pendu, peinturluré, écartelé, et sa tête placé sur un poteau sur le pont de Londres.

Les prémices à la remise en cause partielle voire totale des systèmes étatiques européens (pour la plupart des monarchies de « droit divin ») apparurent suite au schisme de l’église anglicane. Cette dernière, opposée au pape de Rome sur son autorité dans le royaume anglo-saxon (ah ces insulaires !), fit scission et fut excommuniée (bienvenue au club, avec l’orthodoxie d’Orient-Byzance, l’arianisme et autres sectes primitives Egalitaires comme au temps de Jésus) du groupement d’intérêts économiques qu’était l’église chrétienne de Rome (catholicisme, protestantisme, et une multitude de courants issus d’expériences monastiques).

Depuis que John Wyclif avait dénoncé la décadence du pouvoir spirituel, nombreuses étaient les critiques qui circulaient sur l'église, et plus encore sur le pape. Par ailleurs, dans ce pays aussi l'humanisme entretenait l'idée d'une réforme fondée sur la bible.
Lorsqu’Henri VIII crut que son mariage avec Catherine d’ Aragon ne produisait pas de fils parce qu'elle avait été mariée d'abord à son frère, il essaya de divorcer. Le pape refusant, il en résulta une séparation de l'église d'Angleterre de celle de Rome, événement à l'origine de l'anglicanisme (catholicisme non-romain mais pas protestant).
A partir de ce moment-là, les Anglais développèrent leur propre vision de la société de ce temps-là, en ce monde-là, et firent tout pour se démarquer de leur « partenaires » continentaux (comme tout bon insulaire se « doit »). Ils attaquèrent le régime théocratique de Rome pour sa corruption, ainsi que pour le dévoiement, pour servir des intérêts particuliers, des enseignements de Jésus et de la bible.

C’est à cette époque que Thomas More écrivit des épigrammes en latin contre la tyrannie et l'abus de pouvoir, notamment celui de l'église. Il entra au Parlement anglais en 1504, puis sur l'intervention du roi Henri VIII, il fut nommé shérif adjoint de Londres en 1510. Il voyagea à Paris et en Flandres en 1515 et 1516. Il écrivit pendant son voyage, Utopia, qu'il fera paraître la même année. S'opposant au régime des Tudor, il y décrit un monde « parfait » et imaginaire. Il en tire une morale : « La tâche de l'homme politique est de tirer d'affaire au moins quelques individus ». Il reprit sa place en politique en 1517, nommé maître du Conseil privé et maître des requêtes par le roi, puis chancelier d'Angleterre (1529). Il chercha à préserver l'unité de l'église et la Paix, mais il ne put faire face au monstrueux déficit de l'Angleterre. Refusant de prêter serment de fidélité au roi, pour le suivre dans le schisme, il fut emprisonné dans la Tour de Londres puis fut décapité le 6 juillet 1535 (il fut béatifié en 1886, et canonisé – donc reconnu comme saint par l’église – en 1935).
Par la suite, avec l'aide des Espagnols, Marie Tudor tenta de restaurer la religion catholique de sa mère (dont son père avait divorcé, créant le schisme), et beaucoup de protestants et anglicans furent mis à mort (d’où son surnom de Bloody Mary, Marie la sanguinaire).

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