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21 janvier 2005 5 21 /01 /janvier /2005 00:16

Viva L'Imagination au Pouvoir (slogan de mai 68, acronyme des montres LIP)

Télécharger le fichier : 03 - Les crépuscules des dogmes


En 1971, Fred Lip est débarqué par le conseil d’administration. Il est remplacé par Jacques Saint-Esprit. En 1973, LIP fabrique les premières montres à quartz françaises. Mais les difficultés s'accentuent : la concurrence américaine et japonaise met déjà l'entreprise en péril. Le 17 avril 1973, Jacques Saint-Esprit démissionne, Lip dépose le bilan.
Au départ, en avril 1973, quand Lip annonce aux quelque 1 300 salariés que des licenciements vont intervenir dans l’entreprise d’horlogerie, le syndicaliste ouvrier Charles Piaget se montre hostile à la Grève. Il préfère que ses camarades freinent le rythme des machines et celui des mains ; mais « ils avaient tellement les cadences dans la peau que c’était pas possible de ralentir ». Ils arrêtèrent de travailler dix minutes par heure. Ainsi commença la longue aventure des « Lip » qui, comme souvent dans l’histoire des mouvements ouvriers, partit de revendications très « raisonnables » (ne pas perdre son travail à une époque où le chômage reste cependant modeste) et, chemin faisant, découvre que (presque) tout est possible. En mai 68, les étudiants des Beaux-Arts n’ont-ils pas imprimé des affiches où on lit : « Ton patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui » ? Justement, mai 1968, c’est hier en avril 1973. Lip, ce sera un peu cette histoire qui recommence, mais sur son versant ouvrier et Autogestionnaire.

Dans les semaines qui suivent, l'usine Lip devient alors le théâtre d'une Grève qui va connaître une audience nationale et européenne. C'est le point de départ d'un conflit emblématique de l'après 68, qui va durer plusieurs années.
Courant mai 1973, un comité d'action (CA), hérité du mouvement de Mai 68, se constitue.
Le 12 juin, lors d'un comité d’entreprise extraordinaire, des ouvriers ouvrent la serviette de l'un des administrateurs, et découvrent les décisions de restructuration et de licenciements qu'on leur cachait. « 480 à larguer : la phrase a choqué. On n’était pas encore à une période où on larguait les hommes comme des bêtes. » Les administrateurs de l’entreprise sont séquestrés : on entend les monnayer pour des renseignements plus précis sur le sort de l’entreprise en difficulté. L'usine de Palente est occupée sur le champ. Dans le quartier de Palente, à Besançon, les cars de CRS encerclent l’usine. Puis c’est l’assaut, les portes défoncées : « Ça nous a choqués, nous qui avions été si attentifs au cours des Grèves précédentes à ne pas rayer un mur. » Les administrateurs sont libérés. Alors, parmi les ouvriers, l’un d’eux dit : et si on prenait les montres ? Soit, mais qu’en faire. Et est-ce un vol ? un péché ? (la tradition chrétienne imprègne la région). Plutôt maoïste, un ouvrier dominicain absout d’avance les « paroissiens de Palente ». Des voitures sont chargées de montres et partent « les planquer ». Mais les ouvriers ont garde d’oublier de s’emparer des fichiers et des plans, car ceux-ci ne doivent pas tomber entre les mains des concurrents de la marque horlogère.
Que faire de toutes ces montres ? On décide de les vendre. La vente est un énorme succès, y compris sur les plages. En six semaines, le chiffre d’affaires ainsi réalisé correspond à 50 % du total d’une année ordinaire. « Le plus grand moment d’exaltation, se rappelle une ouvrière, ça a été notre paie sauvage. On a touché du doigt le fait que c’était possible. »

Le 15 juin, une manifestation rassemble 12.000 personnes dans les rues de Besançon.
Le 18 juin, une assemblée générale décide la remise en route de la production, sous contrôle des travailleurs, pour assurer « un salaire de survie ».
La lutte des Lip est alors popularisée avec le slogan : C'est possible : on fabrique, on vend, on se paie (c’est la base même de l’Autogestion).
L’intersyndicale CGT-CFDT demande à la revue Les Cahiers de Mai de les aider à faire un journal de Grève : « Lip-Unité », qui participera à la médiatisation du mouvement. « Plus le vent soufflera fort, mieux ça vaudra », estime M. Piaget, délégué exemplaire d’une CFDT alors très militante et pleine d’imagination. « La réussite, résume M. Piaget, qui jamais ne succomba aux sirènes du pouvoir, c’est de ne plus avoir besoin des leaders. Leurs voix ne compte que pour un ».

Le 2 Août, le Ministre du Développement industriel, Jean Charbonnel, nomme un médiateur : Henri Giraud. Le 11 août, début des négociations entre les syndicats, le Comité d'action et Henri Giraud. Le pouvoir fait évacuer l’usine, propose un nouveau plan, avec à la clé 159 licenciements. La majorité des ouvriers le refuse. Le 15 août, les gardes mobiles investissent l'usine (ils y resteront jusqu'en février 1974) et chassent les ouvriers. A l'annonce de cette nouvelle, de nombreuses entreprises de Besançon et de la région (d’origine de Proudhon, grand manitou de l’Anarchisme) se mettent en Grève et les ouvriers viennent en découdre avec les forces de l’ordre. Des syndicalistes s'interposent pour empêcher l'affrontement. Ceci n'empêchera pas des arrestations et des condamnations lors des manifestations qui se dérouleront les jours suivants.
Le 29 septembre, une grande marche nationale sur Besançon est organisée. 100.000 personnes manifestent sous une pluie battante.

Entre la CFDT et la CGT, les tensions s'amplifient. Le 15 octobre, le Premier Ministre Pierre Messmer, annonce : « Lip, c'est fini ! » C'est loin d'être le cas.
En coulisse, quelques chefs d'entreprises « modernistes » du CNPF (patronat français : Antoine Riboud, Renaud Gillet et José Bidegain) s'activent pour trouver une solution. Et c'est finalement Claude Neuschwander, alors numéro deux du groupe Publicis et membre du PSU (Parti socialiste unifié), qui accepte de prendre les rênes de Lip.
Le 29 janvier 1974, la délégation de Lip signe les accords de Dôle. La « Compagnie européenne d’horlogerie », dirigée par Neuschwander reprend alors les activités horlogerie de Lip. 850 ouvriers doivent être réembauchés. C'est la fin de la Grève.

Au cours des 2 années qui suivront, la nouvelle équipe de direction doit faire face à des difficultés imprévues : des fournisseurs n'honorent pas les commandes passées (notamment l’état, ayant pris peur qu’une telle bravade démontrant que l’Autogestion fonctionne ne fasse tâche d’huile auprès d’autres entreprises), Renault (entreprise nationalisée) retire ses commandes, le tribunal de commerce demande à LIP d’honorer 6 millions de dettes de l’ancienne entreprise auprès des fournisseurs (contrairement à ce que stipulaient les accords de Dôle), le ministère de l’industrie supprime un versement promis : le robinet à capitaux se tarit d’un coup.
Tout s’explique quand on sait qu’en mai 1974, Giscard d’Estaing a été élu à l’Elysée. Pour lui et pour son premier ministre Jacques Chirac, c’est surtout le second point qui pose problème, ce bras de fer remporté par les syndicats contre le chômage alors que les plans de licenciement essaiment un peu partout en France. Ministre de l’industrie en 1973, Jean Charbonnel confie que Giscard d’Estaing estimait, en substance :
« Il faut les punir. Qu’ils soient chômeurs et qu’ils le restent. Ils vont véroler tout le corps social ». En somme, le patronat et le gouvernement Chirac auraient, délibérément, « assassiné Lip ».
Claude Neuschwander démissionne le 8 février 1976 et la Compagnie européenne d’horlogerie dépose le bilan en avril 1976. Neuschwander en tirera plus tard la leçon que jusqu’à Lip, le capitalisme était dominé par l’entreprise. Après cela, la finance l’emporta.

La mobilisation reprend. Le 5 mai, les Lip entament une nouvelle occupation de l'usine et relancent la production de montre. Libération titre « Lip, c’est reparti ! ».
Face à l’absence de repreneurs, Lip est définitivement liquidée le 12 septembre 1977. Le 28 novembre 1977, après de longs débats, les Lip créent des Coopératives : Les Industries de Palente, des initiales qui sonnent toujours « LIP ».
En 1984, la marque est rachetée par Kiplé. Mais le secteur se porte décidément mal. Six ans plus tard, Kiplé est en liquidation.

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