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Collectif des 12 Singes (Al LU-SINON)


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30 mars 2009 1 30 /03 /mars /2009 13:40
« Écriveurs-auteurs c’est pas un métier ! » ??? Vous allez voir que si !!!

Pour montrer comment nous travaillons, à la manière d’une cuisine ouverte, nous allons développer de fond en comble le concept de brouillon collaboratif en ligne.

Organisé comme un projet d’entreprise, vous allez suivre pas à pas la vie du Collectif des 12 Singes et de ses œuvres, à travers les différentes phases de proposition, définition, conceptualisation, création, production.


Objectifs de la réunion :

- Bilan mensuel et annuel des activités de créativité et de production,
- Définition des axes stratégiques de création, promotion et diffusion,
- Élaboration d’un plan de développement stratégique autour du concept de « brouillon collaboratif en ligne ».



Réunion lundi 30 mars à 14h, présence de tous les collaborateurs impérative.
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5 mars 2009 4 05 /03 /mars /2009 16:39
Au Magdalénien tardif et final (-14 000 à -12 500), une nouvelle forme de représentation féminine correspond à l'émergence d'un nouveau message, un art de l'instant, pas fait pour être vu, pas élaboré pour être conservé puisque gravé sur des plaquettes de schiste.
D'assez nombreux sites produisent des plaques ou des plaquettes de dimensions variables, porteuses de décorations gravées. Les supports sont en calcaire, en grès ou en schiste pour les plaquettes, en quartz pour les galets. Trois sites ont produit ces pièces en nombre considérable, plusieurs centaines voire plus du millier : La Marche en Haute-Vienne, Enlène en Ariège, Le Parpallo en Espagne (Valence) qui détient le record de 5 000 pièces sur une période de 13 000 ans.
Les femmes sont représentées sans tête et les jambes ne se terminent pas. Les silhouettes ne présentent aucun embonpoint, les formes sont fines et ne laissent jamais supposer une grossesse. Pour autant, pour illustrer des accouchements en cours (dans un cas, la tête, le cou et les épaules d'un bébé émergent du fessier), plusieurs fines gravures existent à la Marche (Vienne) : ce sont des femmes assises, grasses et gravides, bras levés. L'ensemble évoque un accouchement avec une présentation de la tête, l'accroupissement étant bien la plus naturelle des postures d'accouchement.
Rarement représentées seules, les femmes sont en groupe pouvant compter jusqu'à une dizaine d'individus, le plus souvent en file indienne. Ces femmes ont des tailles différentes pour créer une perspective et rendre plus vivante la danse en forme de ronde. Toutes les femmes sont jeunes et ont la même attitude. Dans la frise sculptée sur la paroi de l'abri rocheux du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l'Anglin (Vienne : les « Trois Grâces », -13 000), se lisent quatre silhouettes stylisées de femmes grandeur nature. Seule la partie médiane de leur corps est représentée. La sculpture est réduite à quelques traits stylisés et le relief naturel de la paroi a été utilisé pour figurer l'arrondi du ventre et le dessin du sexe. La frise inclut aussi des représentations animales : bouquetins, bisons, chevaux.

Nous supposons que les artistes paléolithiques ont dépeint des femmes (et des hommes) à partir de modèles autour d'eux. Si cette acceptation de représentations réalistes est correcte, leur art devrait montrer la diversité de leur vie, dépeignant les variations physiques des deux sexes et à chaque âge. L'art animal présente en effet une telle diversité (par exemple, les bouquetins du Panneau des Bouquetins de l'abri de Bourdois, à l'Angles-sur-l'Anglin, qui montre sept sujets, trois mâles et une femelle précédant son veau, puis un mâle suivant sa femelle).
Dans l'art paléolithique c'est une erreur que de maintenir l'image commune d'une représentation exclusive des femmes ou des mères obèses, parce qu'elles ne sont pas la règle générale. Si les représentations humaines sont rarissimes, tous les sujets (de tout âge) de la société sont représentés : on trouve un nombre significatif de sujets masculins, des enfants (et des humains au sexe indéterminé), des vieillards, des nouveau-nés et bien sûr beaucoup de représentations de femmes, sveltes ou obèses (certaines d'entre elles sont enceintes : l'adiposité est généralement lié à cette condition). Cette diversité est une caractéristique essentielle. L'art figuratif humain paléolithique (Gravettien ou Magdalénien) reflète ainsi la diversité morphologique vivante et est à cet égard réaliste. Cependant, on compte une majorité apparente de femmes et d'adultes et une minorité d'enfants (les enfants prépubères, indépendamment des organes génitaux, sont indifférenciés dans leur aspect : ainsi, il est probable qu'un certain nombre de sujets indéterminés soit des enfants).

L'art paléolithique supérieur a montré des femmes enceintes ou des parturientes, ainsi que des scènes de reproduction. Quelques scènes d'accouchement sont représentées, ou du moins on peut imaginer que cet état a voulu être représenté : on soupçonne une femme en train d'accoucher en ce qui concerne « les deux personnages tête-bêche » de Laussel, ou bien est-ce deux personnes qui font l'amour dans la position dite de « la carte à jouer » (face à face allongé, jambes imbriquées) ?
Logiquement, il doit y avoir eu des enfants. À Gönnersdorf, quatre figures sont l'une derrière l'autre, une petite forme tournée vers l'arrière est gravé derrière le dos de la seconde du côté droit : c'est la représentation d'un bébé porté et attaché au dos d'une femme. L'attention devrait être appelée sur un détail physiologique : seule cette femme, assumée pour être une mère, est dépeinte avec les seins arrondis, alors que les autres femmes, sans bébés sur leur dos, ont des seins pointus. Une deuxième plaquette montre une figure rudement anthropomorphe, sans membres ou organes génitaux, liée par des lignes à un fessier féminin voisin, avec un abdomen plat et de petits seins. Les préhistoriens voient ceci comme un fœtus attaché à sa mère par le cordon ombilical. À Brassempouy, à la « Grotte du Pape » (à une courte distance de l'endroit où le « Torse » avec l'abdomen enceinte a été trouvé) on a découvert un ensemble « berceau ». Il se compose de deux objets d'os, apparemment sans traces de travail et trouvés en association étroite, l'un ressemblant à un berceau, l'autre à un enfant reposant dedans. On voit aussi un « Nouveau-né » à La Marche : le contour « de doigt de gant » devant le genou était considéré comme un pénis semi-érigé, mais il s'agit plutôt d'un cordon ombilical ! Les membres inférieurs sont légèrement pliés, ce qui est la persistance d'une position de naissance en maintien fœtal. Nous le voyons encore sur le sujet de Fontanet (enfant nouveau-né fille : membres inférieurs fléchis et séparés, fente vulvaire linéaire et frontale, et grande largeur des membres comparés à leur longueur).
Sur une grande galette triangulaire rompue en trois morceaux assortis (La Marche), on trouve de jeunes individus, adolescents ou enfants (le premier a un visage de bébé). À la Laugerie-Basse et à Bruniquel, on voit une « jeune fille » : seuls les organes génitaux permettent l'identification en tant que femme, à moins qu'elle soit une jeune fille. En fait, ce sujet mince, sans marques de maternité ni seins, expose une fente vulvaire droite, étroite et verticale, ce qui est un dispositif infantile (même aspect sur la deuxième figure de Bruniquel). Dans les Angles-sur-l'Anglin, la deuxième figure (avec un abdomen très enflé) est classifiée parmi les jeunes et pré-reproductrices femelles.
Ces femmes doivent être considérées comme des femmes adultes qui ont des seins et/ou un abdomen enflé, et/ou un monticule pelvien en avant, puisque ces caractéristiques sexuelles apparaissent seulement après la puberté. Ce groupe, naturellement, inclut « les figures fessières » découpées ou gravées avec précision, les fesses prononcées étant un attribut féminin d'une femme en post-puberté.
Les femmes enceintes sont celles avec l'abdomen enflé (avec bien plus de certitude que lorsque l'adiposité est normale). Quand leurs seins ne fléchissent pas, elles auront eu quelques enfants (paucigestes : deux à quatre grossesses) et quand ils le font, elles ont probablement eu beaucoup d'enfants (mères multigestes : cinq à six grossesses).
Ces figures féminines ne sont pas des représentations de maternité, on trouve seulement 17% de sujets enceintes. En France, cependant, il y en a un plus grand nombre : 68% au Gravettien et 36% au Magdalénien. Ce pourcentage dépend de la période (c'est-à-dire un facteur chronologique) et également de l'endroit (facteur géographique) : à La Marche, datée du Magdalénien III, le pourcentage des femmes gravides égale toute la période du Gravettien. Il est possible, d'ailleurs, que le pourcentage des femmes gravides soit plus élevé que les abdomens enflés ne l'indiquent : la présence d'un geste abdominal (bras dirigé vers l'abdomen) peut être une attitude de remplacement et peut indiquer la grossesse. Ainsi, les femmes avec un abdomen plat doivent être considérées comme étant enceintes, si représentées dans un modèle descriptif ou schématique. L'importance du monticule pelvien devrait permettre la distinction entre les femmes pré-reproductrices et reproductrices. Ces femmes (particulièrement celles avec un bas ventre triangulaire) sont des mères si les seins tombent, principalement si leur adiposité est augmentée.

S'il n'y a qu'une vingtaine d'humains « entiers » (sur une centaine de figurations de bipèdes), très schématiques, bien plus nombreuses sont les figurations de segments corporels, avec un intérêt flagrant pour les parties sexuelles. Au total les figurations humaines paléolithiques montrent des humains nus, des hommes peu nombreux, maladroitement dessinés, chétifs mais souvent en érection, des phallus assez nombreux parfois décorés, des femmes en grand nombre, souvent élaborées ou schématisées, dont seule la partie centrale du corps est retenue (triangle pubien, seins, fesses, abdomen, cuisses). A côté de ce schéma existent des figurations féminines partielles, elles aussi sexuelles : triangle pubiens fendus à l'extrême (il serait presque plus juste de parler de fentes vulvaires entourées d'un triangle), multiples profils fessiers type Lalinde/Gönnersdorf ou claviformes soulignant la persistance à travers tout le Paléolithique d'un attrait majeur pour le massif fessier. Les préhistoriques éludaient tout ce qui était banal à leurs yeux (les mains, les pieds, les traits du visage, la ligne d'horizon ou la vie quotidienne etc.), et s'ils ont figuré des érections, des femmes réduites à la partie centrale de leur corps, des fentes vulvaires et des massifs fessiers, c'est bien parce que la sphère sexuelle était pour eux un centre majeur d'intérêt.
La grotte Cosquer abrite ainsi un phallus gravé dont le gland, marqué par un trait transversal, est rehaussé d'un autre trait perpendiculaire délimitant le méat (canal urinaire mais aussi spermatique) et deux cercles figurant les bourses. L'abri de la Ferrassie présente moult vulves (ou plutôt triangles pubiens féminins) gravées sur bloc, à la grotte de Bédeilhac on trouve la même intimité modelée en argile. Ce thème persistera d'ailleurs durant tout le paléolithique supérieur, jusqu'à l'extrême fin du magdalénien. Les triangles pubiens et phallus traités de façon réaliste sont plus fréquents dans les phases anciennes, aurignacienne et gravettienne, que plus tard. Les triangles pubiens acquièrent rapidement un contour simplifié en forme de triangle ou d'ovale enfermant un trait vertical, graphisme utilisé dans les nombreux cas de signes isolés, sans support du corps humain. Utilisé couramment par les aurignaciens sur les blocs gravés, il évolue rapidement vers des stylisations de plus en plus géométriques et rentre alors dans la catégorie des signes abstraits. C'est la magnification même de la fertilité et de la maternité.

Les organes sexuels masculins sont loin d'avoir la même signification que les organes féminins. Les caractéristiques des organes masculins ne semblent compter ni pour les hommes, ni pour les femmes (seule l'érection importe).
Depuis que les humains sont habillés pour l'hiver permanent, un plaisir très prisé (quoique interdit, même avec une femme consentante) est la vue des organes génitaux. Les organes génitaux féminins sont la source la plus précieuse du plaisir et sont le symbole du sexe.

Les organes féminins sont un objet de souci qui touche aussi bien les hommes que les femmes. Cette préoccupation se comprend aisément quand on découvre ce que cache cette partie du corps féminin. Pour les hommes, c'est la partie du corps des femmes la plus désirable. On peut même dire que c'est la seule partie auquel l'homme porte réellement son attention, sachant que la préférence pour cette partie n'est pas inconditionnelle : le désir des organes génitaux d'une femme dépend de plusieurs aspects, comme la taille des petites lèvres (il existe une technique pour les agrandir).
Ce fait est confirmé par le tabou de l'inceste. Les règles qui régissent la distance entre les gens qui doivent éviter toute relation sexuelle sont liées aux organes féminins. Le comportement général des femmes est conditionné par la continuelle préoccupation qui consiste à cacher cette partie de leur corps de façon à ne pas exciter les hommes de la famille. Si les organes génitaux féminins sont bien le symbole du sexe, ils représentent aussi l'identité de la femme sous deux formes opposées : premièrement, sous l'identité de la sœur, de la femme de la famille qui est en dehors du sexe (et sous le tabou de l'inceste) ; et deuxièmement, sous l'identité de la femme sexuée, de la femme qui est en dehors de la famille et qui n'est pas touchée par le tabou de l'inceste. Dans les deux cas, les organes génitaux peuvent être considérés comme le paroxysme des deux identités. Dans le premier cas, ils sont ce qui la définit en tant que sœur en l'obligeant à suivre certaines conduites vis-à-vis de son frère, comme à respecter une certaine distance sexuelle. Dans le second cas, ils représentent la partie du corps la plus prisée parce que la femme porte en elle le véritable symbole du sexe. Tout se passe comme si ces significations n'ont pas assez d'espace pour prendre place sur les organes génitaux de taille normale, raison pour laquelle les organes génitaux doivent être grands : leur grandeur témoigne de la place privilégiée qu'ils occupent.

Les élégantes silhouettes des « Dames de Gönnersdorf » (Allemagne), au corps de profil, à la cambrure bien marquée, se retrouvent dans d'autres figurations féminines pariétales de la fin du Paléolithique supérieur (voir par exemple les « femmes ployées » de la Roche de Lalinde). Cette posture évoque-t-elle des conventions culturelles, des choix esthétiques, ou des pratiques sexuelles ?
Dans l'art paléolithique, malgré la surreprésentation des femmes, et tout particulièrement des femmes opulentes et souvent enceintes (du moins au Gravettien), les allusions à l'activité sexuelle sont rarissimes et presque toujours discutables. Au premier tiers de l'époque préhistorique, l'érotisme et les scènes sexuelles y sont quasi inexistantes. Aucune scène d'accouplement humain n'est démontrée dans tout l'art de l'époque. Ce n'est qu'au deuxième tiers de la préhistoire que quelques scènes de coït sont représentées, la plupart étant dans la position de la levrette (homme derrière la femme). Cette rareté ne témoigne pas d'un manque d'intérêt pour l'acte sexuel car on sait que les scènes vraies sont rares dans l'art pariétal (les Paléolithiques n'ont tracé des scènes de chasse que de façon très exceptionnelle alors que la chasse aux grands mammifères, même si elle ne constituait pas la principale ressource alimentaire, ne parait pas avoir été pour eux une préoccupation secondaire).
Une seule représentation de coït est indiscutable, celle figurée sur la grande plaquette d'Enlène. Elle représente deux personnages, intimement mêlés, l'homme derrière, en position haute et dominante, enserrant la femme aux cheveux vers l'avant. Il s'agit là d'une position de mammifères tout à fait cohérente avec le rôle de zone érogène privilégiée que nous avons vu se dessiner pour le massif fessier. La femme tire la langue (signe d'extase ou de souffrance lors du coït ?), alors que deux traits verticaux tombant du gland de l'homme pourraient signifier une éjaculation.
Même si la sexualité dans l'art paléolithique est très rare, elle est néanmoins latente dans les esprits, et ses représentations sont le prélude à la douceur et à la tendresse pour certaines d'entre elles.

Étant donné le nombre, la qualité d'exécution et la situation des représentations ayant trait à l'humain et au sexe par rapport aux graphies animalières (les figures humaines sont peu nombreuses, justes esquissées, minimalisées, placées au fond des cavernes), on peut difficilement dire que les tabous sexuels n'existaient pas au Paléolithique Supérieur.
Toutes les sociétés ont créé des normes et des interdits dans le domaine de la sexualité, sources de limitations et fondements de structures de parenté. De plus, à partir de la puberté, la disponibilité sexuelle fait des humains des « amoureux permanents » (la fécondation, comme la grossesse et l'accouchement, peut se produire à n'importe quelle saison), ce qui donne tant d'importance à la sexualité, lato sensu (au sens large), dans notre vie de tous les jours, et ce à toutes les époques.
Quand le sexe demeure dans le monde auquel il appartient, c'est une force positive qui donne du plaisir et de la joie aux humains. Quoi qu'il en soit, l'acte sexuel est toujours exempt de tout jugement moral négatif. Ce qui peut être jugé négativement, c'est l'usage qui en est fait dans un contexte inapproprié. Ainsi, le jugement négatif est davantage lié au danger que représente le sexe, plutôt qu'à l'appréciation morale portant sur l'acte sexuel.
Le sexe équivaut au danger, il est une force destructrice qui peut menacer l'ordre social lorsqu'il envahit l'univers familial qui représente justement en grande partie l'ordre social. Le sexe doit être à sa bonne place, dans l'obscurité, dans le silence, il doit être caché et clandestin ; sinon il est danger, inceste et chaos.
En brisant le tabou de l'inceste, les frontières qui définissent les liens de parenté sont transgressées, parce que les liens de parenté sont définis par une absence de contact sexuel. L'inceste peut être perçu comme l'invasion d'une entité par son contraire : là ou règne la famille, il n'y a pas de sexe et, vice versa, l'intrusion du sexe annihile tout lien de parenté. Cet aspect du sexe n'est pas confiné à l'espace familial mais s'étend à tout le social (la sphère du social étant largement influencée par la parenté). Les frontières entre la famille et le sexe doivent être sérieusement préservées et cela n'est pas une tâche aisée. Le sexe devient censuré et confiné à la clandestinité, privé de toute expression socialement reconnue. C'est la raison pour laquelle le sexe, et même le sexe licite, doit être hors de portée de vue, il doit être clandestin. Le sexe représente une limite à la fois stricte et dangereuse mais aussi essentielle et nécessaire, puisqu'elle sert à définir les liens de parenté et l'ordre social. Il existe un parallèle entre la division de l'ici et de l'au-delà, du social et du clandestin (ce qui peut être accepté dans l'ordre social et ce qui doit être caché). Le monde humain, l'ordre social, la famille, l'espace domestique, le temps journalier et la vie peuvent être associés et opposés à l'au-delà, au clandestin, au sexe, à l'environnement, à la mort et à la nuit. Si le sexe appartient au dernier groupe, il est aussi présent dans le premier en tant que menace, danger, intrusion, mais aussi en tant qu'élément autorisant l'établissement d'une ligne frontière entre ce qui appartient à un monde ou bien à un autre. Le sexe devient alors un jeu, ce qui est bien représenté dans les mythes, avec des tours, des obstacles et des dispositifs surnaturels. Il est nécessaire de connaître les règles et de maîtriser le jeu pour en éviter les dangers et en profiter tout à la fois. C'est surtout la question de savoir et de respecter les limites qui définissent l'ordre social, ce dernier semblant pouvoir être perturbé par la seule présence du sexe.
La morale des mythes est alors de résister à l'attraction exercée par le joli vagin et de ne pas perdre sa raison (l'ignorance qui mène à l'inceste représente lui aussi un danger latent lié au sexe et duquel il faut se méfier).

Un comportement à connotation sexuelle est permis uniquement entre gens de même genre sexuel et de même âge, ou bien entre les amoureux. À l'exception de ces contextes, la simple allusion au sexe doit être évitée. Ce comportement est lié à la peur de l'inceste. En évitant toute connotation sexuelle, l'espoir est de ne pas réveiller les appétits sexuels entre gens incompatibles, en particulier entre les frères et les sœurs. C'est ce qui cantonne le sexe à la clandestinité, ce qui ne veut pas forcément dire à l'illicité, mais rend tout contact sexuel très difficile (même les épouses doivent se cacher). Les couples mariés, comme les amoureux, craignent d'être découverts, même s'il ne s'agit pas d'un adultère. Le sexe est toujours clandestin et les conditions doivent être arrangées pour que les gens soient bien cachés.
Le risque d'être découvert lors d'une rencontre sexuelle est ainsi vécu comme inhérent au danger du sexe.
Le sexe est dépeint comme une force irrésistible et lui succomber cache de grands dangers, sachant que les esprits peuvent utiliser le sexe comme un leurre pour éveiller la colère au sein du groupe. Le sexe implique aussi d'autres types de dangers qui ne sont pas toujours liés au monde surnaturel mais plutôt à des sanctions sociales ou à des troubles personnels. C'est le cas par exemple des femmes adultères et des maris qui sont confrontés à l'opprobre public à cause de leurs déviances.

Comme le sexe est clandestin, il n'y a pas d'espace ni de temps consacré au sexe. Les occasions doivent être capitalisées et cela requiert de l'intelligence, de la futilité et de la supériorité. Les endroits et le temps sont improvisés et les rapports sexuels se déroulent en secret, la nuit ou pendant de courts instants volés à la routine.
Les arguments développés dans les mythes érotiques sont en total accord avec les difficultés auxquelles les humains sont confrontés dans la vie réelle. Le sexe pré-marital est autorisé et largement pratiqué, si bien qu'il n'y a pas de transgression lors d'un rapport sexuel entre une femme et un homme célibataires, ce qui importe étant le consentement de l'un des partenaires (le plus souvent celui de la femme). Dans ce contexte où le sexe se bat pour se réaliser, les tours surmontent les difficultés (au moyen de la magie des esprits, ou des qualités humaines) et acquièrent une grande importance. Cet aspect clandestin du sexe, produit chez les hommes de l'anxiété : ils sont très concernés par « l'accès » à une femme désirée, par les obstacles qu'ils vont devoir surmonter (comme le fait d'être obligé de se faufiler dans une habitation la nuit sans être vu, entendu ou découvert) mais aussi tout particulièrement par le refus de la femme. Ce refus est sans doute l'obstacle principal et doit être résolu par n'importe quels moyens, notamment le « vol astucieux ». Ce qui compte, c'est le tour qui a permis d'accéder au corps désiré et le sexe des personnages présents ne varie pas : le rôle actif est tenu par un homme et l'objet sexuel est toujours une femme. Ce thème principal du tour qui rend possible l'accès à la femme désirée reflète l'une des préoccupations majeures des hommes qui essayent de la même façon de passer outre le refus ou la résistance de leurs femmes, ou qui évitent d'être confrontés à leur volonté.
Le terme de vol évoque ainsi le procédé qui consiste à aliéner quelqu'un par la séduction et/ou accéder à son corps sans son consentement.


Dans le domaine de la sexualité, on ne compte que deux ou trois scènes de préliminaires de coït véritable, ainsi qu'une demi-douzaine de femmes en train d'accoucher. Un petit bloc de calcaire de Terme Pialat (Dordogne) montre une femme de profil, fessue, au sein tombant, et un personnage de face, massif et semblant arborer un sexe masculin allongé, renflé à sa partie supérieure (au gland donc) « en bilboquet ou en massue ». Ce serait une des rares images de couple, avec celle d'un bâton percé de la Vache (Ariège), orné en bas-relief d'un homme mince à fort thorax, porteur de sagaies, d'une femme au fessier rebondi et d'un troisième personnage d'allure masculine. Cette discrétion fait partie du non-dit de ces graphismes qui en est le quatrième thème de l'art paléolithique, après les animaux, les humains et les signes.

Une question se pose à laquelle seule une réponse prudente et nuancée est possible. Il s'agit de tenter de faire la part entre le désir de reproduction et la recherche du plaisir sexuel, les images de maternité et les images de féminité.
Au départ, seule la première fonction a été envisagée par les préhistoriens, d'où l'hypothèse des déesses-mères et la recherche obstinée d'indices en faveur d'une éventuelle magie de la fécondité. En faveur de la reproduction, un argument fort : le nombre de grossesses représentées mais quasi-absence de représentation de l'accouchement. Rappelons qu'il existe une évolution dans le temps de ces représentations féminines et deux grands courants qui ont produit de nombreuses statuettes de femmes : le Gravettien, puis le Magdalénien. Au Gravettien, soixante-dix pour cent des femmes représentées étaient enceintes, avec d'importants dépôts graisseux ; plus que quarante pour cent au Magdalénien. De même, l'artiste insistait davantage sur la représentation des seins (de nourrice). Au Magdalénien, ce sont les figurations vulvaires et fessières qui prédominent.
Un important argument contre : tout au long du Paléolithique les fesses paraissent avoir eu une grande importance mais il s'agit, parmi les zones érogènes majeures, de celle qui est la moins concernée par la reproduction. Si la sexualité avait été centrée principalement sur cette fonction, les seins auraient dû occuper la première place. À cet égard, une évolution semble se dessiner : au Gravettien l'importance donnée aux seins et aux fesses est à peu près égale, au Magdalénien les fesses prédominent, tendant à devenir le caractère sexuel féminin essentiel sinon unique. On relève également une diminution des grossesses représentées.
Autre argument en faveur de la sexualité pour le plaisir : la rareté des représentations d'enfants et l'absence de toute scène associant mère et enfant, de figuration d'allaitement par exemple (la même situation se retrouve d'ailleurs pour les figurations animales). Les enfants isolés sont eux-mêmes très rarement représentés, ce point est d'autant plus remarquable que l'étude des empreintes de pas montre la présence d'enfants aux côtés des adultes dans les grottes ornées. Pourtant la pénétration en grotte profonde ne devait pas être une opération de tout repos et sans danger pour un adulte et encore moins pour un enfant. Dans cette perspective il faut également citer les mains d'enfants négatives de Gargas et les nombreuses sépultures d'enfants. Si les enfants que l'on sait par ailleurs très présents aux côtés des adultes sont éludés ce n'est pas sans raison : ils étaient hors sujet. Les enfants n'étaient pas, pour autant, négligés. Ils étaient de façon courante aux côtés des adultes. Mais banals à leurs yeux, ils n'étaient que peu ou pas représentés. Il est aussi possible que, comme dans les peuplades où la mortalité infantile est très élevée, les enfants n'aient commencé à exister réellement aux yeux des adultes qu'après avoir franchi le cap dangereux des premiers mois, voire des premières années.

Il paraît tout à fait possible que la reproduction n'ait pas été au Paléolithique une préoccupation de premier rang. La sexualité pourrait donc avoir été beaucoup plus largement tournée vers la recherche du plaisir. En témoignent les statuettes, dites Vénus, chez qui les éléments sexuels (triangle pubien, seins, ventre, fesses, cuisses) sont majorés alors que tout ce qui n'est pas sexuel est éludé sans pitié. En témoignent également les multiples représentations féminines partielles : triangle pubiens fendus, profils fessiers et claviformes, comme, sur le versant masculin, les ithyphalliques et les phallus sculptés ou gravés.
Les représentations humaines paléolithiques montrent ainsi clairement la place centrale qu'occupait la sexualité dans l'univers psychique des premiers sapiens. Si l'intérêt qu'ils portaient aux grands herbivores, bisons et chevaux, est toujours en grande partie mystérieux, leur traitement de l'image humaine est clairement dirigé par la pulsion sexuelle. Dans ce cadre, les fesses apparaissent assez nettement comme une zone érogène privilégiée. Plus que des célébrations de la maternité, ces images expriment vraisemblablement une sorte de fascination pour le plaisir sexuel.

La sexualité préoccupait fortement nos ancêtres : ainsi, le sexe était tout ce qui touchait particulièrement la vie de l'homme, celle de la femme et celle de l'enfant, mais la sexualité ne concerne pas que la vie quotidienne. Le sexe intervient également dans les religions de la Préhistoire, en positif ou négatif (toutes les sociétés ont créé des normes et des interdits, sources de limitations et fondements de structures de parenté). Rares sont les activités qui ne sont pas liées au surnaturel, qui ne requièrent ni rituels ni chants et qui n'invoquent pas les esprits ou la magie. Le sexe semble être une force de l'entre-deux : il est humain pas essence, mais son lien avec le monde surnaturel montre combien la nature humaine n'est pas suffisante à sa définition.
C'est, dans une certaine mesure, le point qui relie les habitants de la terre et ceux de l'au-delà, aussi bien les esprits que les ancêtres, une porte entre deux mondes complémentaires et opposés : l'ici-bas et l'au-delà. Si nous nous penchons sur l'ordre social mortel, nous trouvons que le sexe joue encore un rôle liminal (stimulus qui est juste au niveau du seuil du perceptible) entre deux sphères opposées (la famille et le groupe). Et si les tabous sexuels ont été et sont encore prescrits pour toutes ces actions, c'est bien parce que le sexe est considéré comme une force gênante qui peut venir gâcher les autres activités.

On assisterait au cours du paléolithique supérieur à une socialisation de la sexualité, notamment grâce à une meilleure compréhension de la relation qu'il y a entre le sexe et le monde surnaturel, ces forces non humaines qui font que le sexe est dangereux. Cette relation particulière modèle la conception de la sexualité où le sexe, aussi humain puisse-t-il être, est en quelque sorte enraciné dans un monde non humain.
Les esprits sont rendus responsables de très nombreuses maladies, et quand ils provoquent des maux, le sexe en est la cause première. Les gens qui s'approchent de lieux habités par les esprits après avoir eu des relations sexuelles, des pensées sexuelles, en chantant des chants d'amour ou en pensant à leur bien-aimé, sont des victimes toutes désignées.
Le sexe est comme une porte que les humains ouvrent sur un monde ténébreux.
Il existe des esprits dont le désir d'avoir des rapports sexuels avec les humains est grand, souvent les personnages les plus populaires des légendes, en particulier des légendes érotiques. Leurs relations avec les gens d'ici-bas n'ont pas toujours d'heureuses conséquences pour les humains. Il s'agit d'esprits escrocs, qui aiment montrer leur supériorité sur les gens et les autres esprits, en leur jouant des tours et en ayant un comportement malin. Mais ils apportent aussi aux gens de nouvelles techniques, comme le tatouage (nature sexuelle du tatouage, qu'ils considèrent être « un véritable leurre d'amour ») ou les aident pendant les périodes difficiles, lorsqu'une intervention surnaturelle est requise. C'est leurs relations avec le monde des humains qui les rendent si proches du sexe : c'est la meilleure représentation du sexe, qui peut être pensé comme à la fois enraciné dans le monde des humains et dans le monde surnaturel.

Les légendes érotiques nous donnent une représentation exagérée des idéaux du sexe. Deux aspects principaux dans les légendes érotiques sont intéressants si l'on veut comprendre la sexualité préhistorique : d'une part, le parallélisme ou la continuité qui existe entre le sexe des légendes et le sexe de la vie réelle et d'autre part, l'expression de la relation entre le sexe et le monde surnaturel. Je vais discuter de la continuité entre la vie et les légendes, où les aspects qui préoccupent les humains sont les plus représentés. Dans ces légendes, les solutions aux préoccupations des humains sont données par la magie. Ce sont des solutions auxquelles les humains n'accèdent qu'en rêve.
Dans ces légendes, il y a peu de romantisme lié à la séduction et le but principal est de supprimer toute résistance pour accéder aux demandes sexuelles. Les séducteurs utilisent la magie ou les pouvoirs surnaturels qui ont pour effet d'annihiler la volonté de la personne séduite ou qui permettent d'avoir accès à son corps sans être remarqué. Ces types de pratiques trouvent aussi une justification au simple fait d'avoir un rapport sexuel avec une femme. L'intérêt du mythe n'est pas d'éveiller le désir sexuel de ceux qui écoutent, mais de les amuser grâce aux tours astucieux qui ont été mis en œuvre pour provoquer la rencontre sexuelle illicite ou découvrir l'objet du délit. Les personnages féminins ne sont pas toujours les victimes des tours, il leur arrive d'être satisfaits des rapports sexuels autant que l'escroc lui-même. Le rôle joué par les femmes est alors un rôle passif, celui qu'on attend généralement de leur part. Elles peuvent désirer nouer une rencontre sexuelle, mais elles ne prendront pas (et ne sont pas supposées prendre) l'initiative pour autant.
Les légendes ne sont pas simplement un reflet de ce qui se passe dans le monde des humains. Elles sont, avec les mythes et les récits qui concernent les êtres surnaturels, une fenêtre sur le divin et le monde ténébreux. Dans ce cas particulier, ils nous permettent d'avoir un aperçu de ce que les humains ont imaginé à propos du sexe en dehors de la chair et de sa dimension non humaine. Ils nous renseignent aussi sur ce qu'ils pensent être implicite à propos du sexe. Le sexe semble toujours représenter une tension liminale entre deux sphères opposées. Le sexe est le point liant le monde des humains et le monde des non-humains : c'est ce qui attire les esprits et est un leurre pour les humains. Les esprits connaissent les secrets de la force du sexe et les humains ne le maîtrisent pas assez pour pouvoir y résister. La maîtrise des esprits peut seulement être comparée dans le monde des humains à la magie. Dans tous les cas de figures, une intervention surhumaine est nécessaire pour contrôler la force du sexe comme pour y résister. L'amour (l'amour sexuel) est considéré comme une aliénation, comme un sort magique, non comme étant de l'ordre de la nature humaine. Être attiré sexuellement par quelqu'un (de manière passionnée) ne peut pas être pensé sans faire référence à la manipulation de l'esprit de la victime par la magie.

À moins que le sexe ne soit confiné dans sa propre sphère, parmi les gens appropriés, dans des endroits adéquats et au bon moment, le sexe n'est jamais anodin et doit être savouré avec attention. Les restrictions sont nombreuses : il ne faut jamais éveiller la colère et toujours éviter les sanctions des esprits comme des ancêtres.
Si le sexe humain est pensé comme étant en relation avec le monde surnaturel, le sexe divin semble également toujours lié aux humains. Il est une figure liminale dont le lien avec les humains est souvent le sexe. En tant qu'esprit, il maîtrise les énergies surnaturelles qu'il utilise pour son bénéfice et son plaisir ; en tant qu'homme, sa conduite sexuelle est le moteur de ses actions. Il est la combinaison idéale du désir sexuel et de la supériorité, ce qui l'aide à accomplir ce que les humains ne peuvent pas : avoir aisément accès au sexe et ne pas rencontrer d'obstacle ; les conséquences de ces actes ne sont pas dommageables.


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5 février 2009 4 05 /02 /février /2009 23:07

 

Le Lendemain du Grand Soir

 

Another world is possible ?!?!?!


JUST DO IT ! but DO IT YOURSELF !!!

 

 

Le Lendemain du Grand Soir

(téléchargez le livre sur http://www.LendemainduGrandSoir.com)

 

Une jeune femme débarque dans un monde qui lui semble connu, mais son amnésie ne lui permet pas de s’en souvenir plus précisément. Même si elle est plutôt à l’aise dans cet environnement, elle se sent perdue dans cette société radicalement différente. Et pour cause : le Grand Soir fantasmé durant des générations depuis 1789 s’est enfin accompli, avec son cortège de bouleversements profonds et féconds !

Heureusement, elle fera la rencontre d’un homme qui saura lui faire retrouver ses mémoires, autant qu’il l’aidera à comprendre et à s’insérer dans ce nouveau monde, plein de bonnes surprises. Mais cela devra se faire au prix de l’abandon de son système de pensée, obsolète et obscène, pour apprendre de nouvelles valeurs et arts de vivre en société.

 

 

Le Collectif des 12 Singes est un Collectif d’auteurs-écriveurs qui cherche à véhiculer des informations sérieuses et surprenantes mais sur un ton décalé : vaste programme, mais nous tentons de tailler des shorts comme Coluche avec la gouaille de Desproges.

Nos ouvrages (« La philosophie south-parkoise, ça troue le cul !!! » ; et à venir « Bouquin Coquin et Taquin d’une Catin et d’un Libertin » et « Des Démons des Mots font Démo sur Dix Maux ») sont consultables en ligne (http://Collectif12Singes.over-blog.com) mais vous pouvez nous soutenir en achetant nos bouquins à pas cher, imprimés par nos soins.

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15 janvier 2009 4 15 /01 /janvier /2009 17:58
Chez les êtres vivants qui ont besoin d'un congénère pour se développer (les oiseaux, les mammifères - donc les humains), la présence de cet autre être rassure et s'imprègne dans sa mémoire. L'être vivant en développement est alors à même de tenter l'aventure de la découverte de l'inconnu et d'y éprouver du plaisir. Son psychisme préverbal aura été imprégné d'une base de sécurité : il aura acquis une confiance primitive, un « attachement sécurisant ».
Les premiers humains avaient peur de la nature : ils avaient froid, faim, craignaient d'être dévorés par d'autres animaux... Bref, tout leur faisait peur car ils ne contrôlaient rien ! Il y a 2 millions d'années, leur premier tranquillisant a été le silex, qui leur a permis de tuer les autres animaux et de découper leur viande : ils ont commencé à contrôler le monde extérieur. Avec l'apparition de l'outil, l'humain va devenir aussi culturel au lieu de n'être que naturel ! Ils avaient ainsi le moyen d'agir sur le réel, puis ils contrôlèrent le monde avec des mythes, des explications magiques et des rituels : ils géraient l'angoisse, sans forcément agir sur le réel, mais ils créaient déjà notre base de sécurité. Avec la domestication du feu (vers -400 000), nous avons d'autant plus affirmé notre contrôle du réel (meilleure nutrition et digestion par l'alimentation cuite, meilleure protection contre les autres prédateurs et le froid), ce que l'agriculture et la domestication de certains autres animaux a encore augmenté ! La démarche de connaissance est un jeu, où l'on perd ou l'on gagne, où l'on érotise l'inconnu car la découverte de la vérité (ou de la justesse de ses observations sur le long terme ou dans des conditions difficiles) est excitante (même si, comme en amour, il faut aussi accepter de se tromper) !

Ceux qui vivent en ayant acquis un « attachement sécurisant » aiment se sentir responsables : c'est souvent angoissant, mais ces personnes apprécient cette angoisse, car elle leur laisse une part de liberté qui leur procure du plaisir !
Cette évolution correspond à un besoin psychologique des humains de contrôler le monde extérieur pour se sentir mieux. Peu à peu, le statut va se transformer au profit d'un humain qui ne va plus subir mais tenter de conquérir la Nature. Cette bascule de l'acquis sur l'inné, ce moment où la culture prend le dessus sur la Nature, se situe vers -100 000.
La lignée humaine accède à la pensée symbolique aux alentours de -100 000 sous une double forme : les premières traces de spiritualité, le respect et le traitement du corps des défunts par inhumation ou pratiques funéraires plus complexes précèdent de plusieurs dizaines de millénaires les premières manifestations graphiques, d'abord sous la forme d'art mobilier, puis pariétal. L'émergence culturelle, marquée par des comportements techniques modernes et une expression symbolique, est globalement contemporaine de la période de coexistence avec Neandertal (pour ce dernier, quelques rares vestiges suggèrent des préoccupations symboliques, tels des blocs de pierre à cupules ou des curiosités naturelles comme les coquillages, les deux suggérant des réceptacles, des matrices de l'origine du monde). Au contact de Neandertal, les artistes ont adopté des croyances ou des rites nouveaux inspirés de ces derniers, ou syncrétisé les mythologies ou rites existants avec ceux qu'ils découvraient au contact de cette « nouvelle culture », avant de les incorporer dans leur symbolisme. Les pratiques funéraires apparaissent au Proche-Orient, fruit d'une humanité plurielle où cohabitaient vers -100 000, au sein d'un territoire et d'une technologie partagés, notre ancêtre Homo Sapiens archaïque et Neandertal. Si ces derniers bénéficient, sous nos latitudes, d'une présomption de paternité pour cette innovation, l'expression graphique artistique paraît en revanche l'apanage exclusif des populations d'humains modernes à partir de -80 000 (voire avant en Afrique du Sud sur des sites exceptionnels tels que Blombos : bâtonnets d'oxyde ferrique mis en forme, qui devaient servir pour décorer les corps et autres peaux vestimentaires).
Parallèlement à cela, l'évolution humaine amena à une augmentation du volume cérébral, qui aurait par ailleurs permis l'émergence du langage, tant articulé que figuratif (à travers l'art paléolithique, déjà balbutiant vers -80 000 avec les peintures et parures corporelles). Le langage pourrait avoir été favorisé par l'acte sexuel qui implique lui-même le rapprochement entre les individus et l'introspection, sachant que le langage est le moyen d'accroître le plaisir sexuel par l'empathie réciproque des partenaires (émergence de la notion d'amour et naissance des sentiments). Aujourd'hui, nous pouvons affirmer que le langage est le moyen d'imaginer, et que l'imagination est à l'origine des différentes conceptions du sexe selon les sociétés.


La dispersion des humains modernes à partir d'Afrique s'est produite sur fond d'importants changements dans l'environnement naturel au cours du dernier interglaciaire Eemien ou Mikulino, vers -126/-114 000 ans. Durant plusieurs dizaines de milliers d'années, les Néandertaliens et les Homo sapiens ont cohabité au Proche-Orient en réalisant des outillages identiques (cohabitation de plusieurs millénaires jusque vers -32 000 en Europe : cultures de « transition » entre le paléolithique moyen et le paléolithique supérieur, vers -34 000, dans une Europe exclusivement néandertalienne, telles que le Châtelperronien dans le grand sud-ouest de la France). Les groupes d'humains modernes et les Néandertaliens vivaient côte à côte, étaient impliqués dans certains types d'interactions (comme en témoignent des éléments culturels communs), mais ne se sont pas mélangés sexuellement car ils n'avaient pas le même patrimoine génétique (deux espèces différentes, donc progéniture - si viable - stérile).
Après Homo sapiens sapiens en Israël/Palestine (respectivement -97 000 et -80 000 ans), les plus anciens établissements de type aurignacien en Bulgarie se situent entre -41 000 et -38 000. La première répartition des sites du Paléolithique supérieur se déroule au cours d'un épisode climatique tempéré de -40 à -28 000 ans. La pénétration des premiers humains modernes en Europe survint pendant le méga-interstade prolongé (OIS3, vers -38/-22 000 ans), période sans glace jouissant d'un climat froid et instable et de petites oscillations répétitives : interstade chaud Krasnogorsky (vers -46/-43 000 ans), épisode froid Shapki (sur 200 ans vers -43 000 ans), interstade Grazhdanski (vers -43/-40 500 ans), épisode froid Lejasciems (vers -40 500/-30 000 ans), interstade Dunaevo-Bryansk (vers -30/-23 000 ans).
Le climat est rude sous nos latitudes : 200 000 ans marqués par de longs épisodes de grands froids, entrecoupés de courtes périodes de réchauffement. Plantes, animaux, humains sont soumis à la loi de ces cycles qui ont pour effet de redistribuer les ressources alimentaires, d'où migrations et redéfinition des territoires. Jusqu'aux environs de -40 000 ans, l'Europe est peuplée de Néandertaliens, puis arrivent les humains modernes qui, pour survivre, ont dû s'adapter à des conditions extrêmes, dans des paysages glacés, immenses et désertiques. Pas moins d'une vingtaine d'épisodes glaciaires, étalés chacun sur environ 10 000 ans, se sont succédé, entrecoupés de phases plus tempérées de 10 000 ans. A l'intérieur de chaque cycle, de brèves sautes de température se produisent, qui à chaque fois modifient le climat et la géographie (et donc la répartition des ressources animales). L'environnement des humains qui peuplaient l'Europe au Paléolithique supérieur (entre -35 000 et -15 000 ans) se partageait en trois régions distinctes : le nord de l'Europe, l'Europe centrale et orientale, et l'Europe de l'Ouest.
Au nord de l'Europe, le sol, qui ne dégèle pas, et la couverture neigeuse ajoutent à l'inhospitalité des lieux : ici ne pousse qu'une végétation de toundra (des mousses et des lichens).
A la frontière sud de ces espaces quasi déserts s'étend une taïga, englacée l'hiver et dégelée par endroits l'été. S'y développe alors une végétation éphémère (proche de celle actuelle du Nord canadien ou de la Sibérie, composée de rares pins et de bouleaux nains) et quelques animaux, adaptés aux climats rigoureux y vivent, comme le bœuf musqué ou le renne. Leurs prédateurs sont les bandes de loups et les renards polaires (ou isatis, dont la belle fourrure blanche est convoitée par l'humain).
En Europe centrale et orientale, les grandes plaines froides et les plateaux calcaires sont recouverts par la « steppe à mammouth », formée de graminées, d'arbustes, de lichens et de rares bouleaux. Ce paysage était très semblable aux steppes actuelles de Mongolie : d'immenses espaces où graminées sauvages ondulent avec le vent. Le sud de la Russie bénéficie d'un climat moins rigoureux que le centre de l'Europe : on y trouve une steppe arbustive composée d'herbacées et de bouquets d'arbres (pins, bouleaux, genévriers).
La biomasse fournie par la steppe est quatre fois supérieure à celle fournie par la forêt, grâce aux grands troupeaux qui y vivent.
L'Europe de l'Ouest, la moitié sud en particulier, constitue une zone bien plus hospitalière. Le climat, océanique, y est moins rigoureux et plus humide. La végétation combine une prairie parsemée de pins sylvestres et de bouleaux, où les chevaux pâturent lors des périodes froides, et une forêt clairsemée d'arbres apparaît à chaque réchauffement. La vallée de la Vézère (qui abrite nombre de grottes ornées), dans le sud-ouest de la France, constitue une véritable zone refuge pour les animaux et les humains, avec des bosquets de conifères comme le pin et des arbustes de type genévriers, où les cerfs, les chevreuils et les sangliers se côtoient.
Vers -35 000 ans, une amélioration relative du climat permet l'arrivée de l'humain moderne en Europe. En revanche, une nouvelle détérioration s'amorce 2 000 ans plus tard, laissant place à des pulsations climatiques plus rigoureuses. Parallèlement à cela, on observe un grand nombre d'éruptions dans la chaîne des Puys en Auvergne, avec un pic d'activité vers -28 000 ans.

L'apparition de l'Aurignacien en Europe occidentale se situe autour de -33 000 ans mais certaines datations font parfois remonter cette période aux alentours de -38 000 pour le Protoaurignacien. Le résultat de cette expansion relativement rapide des humains modernes est que l'Eurasie était uniformément couverte de sites clairsemés qui formaient une « nébuleuse aurignacienne ».
Cette industrie venue du Proche-Orient se répand d'abord en Espagne, puis en Dordogne 5 000 ans plus tard. Elle apporte une innovation technique avec le débitage laminaire des silex : production, à partir d'un même bloc, d'un grand nombre de lames régulières et standardisées, autant débauches à partir desquelles il est possible de faire varier l'outillage de base. Pour la première fois, les paléolithiques utilisent les matières dures animales (os, ivoire et bois de cervidés) pour créer notamment des sagaies, des grattoirs et des poinçons pour le travail des peaux et la confection de vêtements. Cette nouveauté transforme profondément les modes économiques et les activités de subsistance (chasse, pêche, collecte), autant qu'elle provoque un choc entre deux systèmes de valeurs, entre deux univers métaphysiques distinctes voire inconciliables. Jamais les Néandertaliens n'utilisèrent les armes d'origine animale ; tout à coup, les humains modernes (Homo Sapiens Sapiens arrivé il y a peu en Europe) commettent ce sacrilège et tournent les défenses naturelles (ramures et « cornes ») contre les proies elles-mêmes.
Le monde du mythe éclate tout à coup : à la place des ramures symbolisant la nature dans les sépultures des Néandertaliens, Sapiens passa aux représentations de la nature, sous la forme d'images, donc artificielles cette fois, disposées au fond de grottes sanctuaires où leurs agencements se déploient. Dans le cas européen (et peut-être seulement là), cette histoire semble enclenchée par la mise en cause des vérités fondamentales d'une population par l'autre : mises en danger, sinon en concurrence, les mythologies, fondées sur des récits abstraits, durent se matérialiser, se donner des formes afin d'acquérir un surcroît de réalité et de permanence. Statuettes et grottes ornées furent alors réalisées, précisément aux marges de cette extension moderne : tout l'ouest, resté néandertalien (culture de Châtelperron), forma le réservoir densifié des traditions antérieures ; aux limites de ce territoire culturel, l'œuvre d'art spirituel apparaît, sanctifiant l'espace là où il doit être marqué de symboles, délimitant les aires spirituelles récentes.
L'image, accédant au statut symbolique, se substitue à la nature véritable. La distinction fondamentale entre Neandertal et Sapiens résiderait ainsi dans l'habileté des humains modernes à connaître et à s'exprimer par des symboles qui sont à la base du discours humain (même si Neandertal pouvait parler, il n'aurait pas conceptualisé un langage symbolique).
Les sociétés font preuve de comportements symboliques nouveaux : les premiers éléments de parure voient le jour (perles en os ou ivoire, bandeaux ou diadèmes, pendeloques taillées et polies en ivoire et pierre, coquillages percés), les petites statuettes animales et les manifestations artistiques pariétales font leur apparition (en Europe de l'Ouest, en France en particulier, dessins et gravures apparaissent vers -32 000 sous une forme tellement parfaite qu'ils pourraient constituer l'aboutissement de pratiques plus anciennes). De telles merveilles sont l'indice de groupes humains fortement structurés, apparemment hiérarchisés et pratiquant déjà une certaine forme de division du travail (la qualité des œuvres mobilières puis pariétales, l'unité stylistique dont témoigne leur découverte sur des sites éloignés suggèrent un certain professionnalisme). Ces modifications entraînent des changements de représentation et de communication dans les relations sociales.
Ces manifestations graphiques (sculptures, peintures, gravures) constituent un corpus multiforme d'images souvent (mais pas exclusivement) animalières, un espace abstrait, un univers imaginaire et symbolique avec référence narrative.

Par cette nouvelle emprise, l'humain s'attaque alors à la nature du mythe en lui donnant une consistance visuelle, mise à son service : la nature du monde y est spirituellement maîtrisée via sa représentation. Ceci entraîna un bouleversement conceptuel radical : la création d'icônes permit d'étendre infiniment le champ d'actions mythiques. Pour les humains de la préhistoire, l'image dessinée sur les parois des grottes fut un moyen de donner vie à l'invisible et au surnaturel. Selon la pensée structuraliste, les contes et les mythes (racontées souvent quand les enfants étaient partis se coucher) évoquent un monde révolu, passé. Les mythologies et croyances des peuples chasseurs restent dominées par le monde naturel : l'animalité y tient la place principale. L'animalité, si proche de l'humanité dans son comportement, forme le véritable symbole du défi inaccessible, lancé par la partie biologique à sa propre conscience : d'innombrables récits mythologiques s'articulent donc selon cet axe où l'animalité règne absolument.
En effet, les chasseurs ne pouvaient s'assimiler aux autres animaux, chassant à pattes nues : les chasseurs n'étaient pas des pilleurs de la Nature, puisque ce serait oublier que la chasse humaine suppose toujours un équipement technique. Le milieu a eu une importance significative, mais ce sont les groupes humains eux-mêmes qui ont été capables d'organiser des stratégies socio-économiques très claires de production et de travail. L'appropriation explique la manière d'obtenir des aliments par le moyen de la chasse, de la pêche et de la cueillette/collecte. Cette base définit le mode de production et le contrôle social sur la Nature par le développement de quelques techniques, d'un travail et de quelques relations sociales spécifiques. Ainsi, il n'y a pas d'adaptation au milieu, mais, par une technologie développée, les humains ont réussi à transformer et surmonter ce milieu qui fut hostile dans les nombreuses étapes du Quaternaire : le contrôle de la Nature est arrivé par le biais du travail en société.
Ainsi, lorsque l'humain moderne débarque en Europe, les témoignages de ses activités spirituelles se multiplient, principalement par le biais de l'art mobilier (portable : statuettes, objets légers) et pariétal (peintures ou gravures sur parois, en grotte ou sur rocher).
Lorsque l'humain se met à dominer le monde environnant (notamment par ses techniques de chasse, bien que calquées sur celles de ses concurrents prédateurs, et ses armes), il montre que la nature est très effrayante, mais qu'il est capable de la conquérir et de la dompter/dominer. C'est ainsi que cet art paléolithique sophistiqué (les principales techniques artistiques étaient pleinement maîtrisées dès le début), présente la caractéristique rarissime d'être en grande partie un art de l'obscurité, le feu maîtrisé permettant aux humains de se rendre au plus profond des entrailles de la Terre, là-même où nombre de carnivores ont élu domicile (ours et lions des cavernes, hyènes, loups). Dans une grotte, on se trouve dans un monde souterrain de terre et de pierre, clos, sombre et mystérieux, dans le lieu même où l'œuvre a été peinte : seuls comptent l'œuvre elle-même et celui qui la regarde, avec ses valeurs culturelles et cultuelles. Il pouvait y avoir des participants multiples ou au contraire des pratiques individuelles de recherche spirituelle dans l'isolement, dans le but de pénétrer un monde surnaturel pour bénéficier des forces qui s'y trouvent.
L'humain tient ainsi à montrer une image exacerbée de l'opposition entre le « dedans » (campements bien organisés et grottes ornées) et le « dehors » (redoutable habitat du monde sauvage).
Toutes les religions placent le surnaturel là où l'humain ne vit pas : dans le ciel, sur les hautes montagnes, dans le monde souterrain dont les portes sont les grottes. La localisation de l'art pariétal n'est pas due au hasard. Généralement, les sites ornés ne sont pas associés à des restes d'habitat, ce qui accentue le choix symbolique de leur implantation, et tous les espaces investis sont des sites exceptionnels, naturellement grandioses, souvent proches de l'eau (pendant la glaciation du Würm, l'essentiel des œuvres est situé dans les massifs calcaires de l'Europe du Sud, dans lesquels les rivières ont creusé des cavernes). L'intérieur de la roche renfermait un autre royaume, celui des esprits, notamment accessibles par le rêve (voire la transe), ainsi que par les peintures magico-spirituelles. L'idée de base devait être de capter la puissance surnaturelle des lieux, notamment lors de rites de passage comme ceux de la puberté ou d'actions pour favoriser la chasse (même si le bestiaire consommé est très minoritairement représenté).

A l'Aurignacien (de -38 000 à -26 000), ce sont les animaux dangereux (rarement consommés, chassés parce que craint et donc sources de fierté) qui dominent. Ces prédateurs ou concurrents immobilisés sur les parois, sont les symboles de la force assimilée par l'Initié qui a su maîtriser la bête et dompter sa puissance, choisissant ainsi de capter et réguler son énergie jusqu'alors destructrice, plutôt que de la tuer et de s'affubler de sa dépouille : symbole, en somme, de la Force mise au service de la Sagesse. On voit ainsi un grand ours des cavernes dessiné à l'ocre dans une rotonde, accompagné par un ours plus petit (équivalent de l'humain - car rare animal à pouvoir se tenir droit -, capable de s'accoupler avec des femmes et de donner naissance à des petits d'humains, même s'il est considéré comme un symbole féminin de part sa fourrure chaude, sa couleur brune comme la terre et l'éducation attentionnée qu'il donne à sa progéniture) ; des félins (le lion est un symbole masculin, lié au soleil, de domination : il détient une grande énergie, qu'il maîtrise cependant de manière souveraine, sans avoir besoin de faire montre de sa force ; mais on ne peut pas contrer celle-ci quand elle rentre en action, faisant du lion un adversaire redoutable) ; des rhinocéros (dont celui de la Salle du Fond dessiné en noir avec de nombreux traits rouges soulignant ses cornes, sortant de sa bouche et marquant son flanc) ; des mammouths et mégacéros.

Les thèmes, empruntés à la nature environnante, faisaient l'objet d'une sélection qui accordait ainsi une nette préférence aux animaux forts et dangereux, ainsi qu'aux représentations sexuelles féminines (de manière beaucoup plus discrète, sans tenter de rivaliser avec les grandes fresques animalières des grottes - on trouve plutôt leurs peintures dans les endroits confidentiels).
Après la bipédie, la deuxième grande révolution pour la sexualité est la mise en place de tous les systèmes de représentations pour le corps, lien social par excellence. Au sein même des sépultures, la différenciation des sexes est essentielle pour le groupe (les hommes apparaissent plus nombreux à avoir été enterrés que les femmes). Dans l'art, le corps est segmenté : la main, les parties sexuées. Or l'image sexuelle n'est pas neutre, puisque l'effet d'image a modifié la sexualité en créant l'émotion, les réactions, la séduction. Ainsi, quand l'humain a mis en place des systèmes de communication, il s'est affirmé comme étant différent de tous les autres animaux et dans cette différence, l'expression de la sexualité est très active.
Chez les humains, la perte de l'œstrus (ensemble des phénomènes physiologiques liés à l'ovulation et à la fécondité) permit une disponibilité sexuelle absolue (non soumise à des périodes de rut). C'est ce qui fût la raison d'être des normes et des interdits qui, dans toute société humaine, limitent les usages et les pratiques de la sexualité (la mauvaise utilisation du sexe à l'intérieur d'un groupe de parenté peut être la cause de sanctions surnaturelles, lancées par les ancêtres pour qui l'inceste est une transgression capitale, la maladie et la mort étant le résultat du non-respect d'un tabou sexuel), notamment l'inceste qui est à la base du fondement de tout groupe social (comme le disent les Jivaros : « L'incestueux est comme le ver de terre, il rentre dans le premier trou venu »). L'inceste (du latin incestus : « impur ») désigne une relation sexuelle entre membres de la même famille et soumise à un interdit. Toute la difficulté réside dans la définition de ce que sont des parents trop proches (l'inceste sœur-frère est le plus craint parce que cette relation est à la base de l'organisation familiale comme du système de parenté), et il y a de grandes variations selon les sociétés et les époques, et même selon les circonstances (la Bible, par exemple montre l'inceste, normalement interdit, comme un impératif pour sauvegarder une lignée vouée sans cela à l'extinction). Il y a ainsi une typologie de l'inceste fondée sur le discours social à propos du degré de proximité et le genre de parenté biologique, imaginaire et symbolique, discours social d'où découle le sentiment incestueux.
Cela n'est pas un hasard, car ce qui est en cause, c'est ni plus ni moins ce qui nous distingue des bêtes. C'est en effet une évidence de l'anthropologie universelle et du sens commun de dire que nous autres, les humains, à la différence des bêtes, vivons sous le règne de la Loi, le mot culture signifiant distinction et discrimination. La prohibition de l'inceste symbolise et focalise la conscience que nous partageons tous de vivre sous le règne de la norme et non selon les nécessités de la nature, elle est donc fondatrice de l'identité de l'individu dans son rapport aux autres.
Pour autant, s'il était vrai que c'est la prohibition de l'inceste qui distingue la nature de la culture, il faudrait considérer que les autres animaux sont beaucoup plus cultivés que nous car l'inceste est rarement pratiqué chez les autres animaux (en milieu naturel - même s'il peut y avoir initiation sexuelle par un parent, mais jusqu'à un certain âge seulement -, autrement la domestication a sélectionné et forcé les individus les moins regardant sur l'inceste afin de favoriser la transmission de certains caractères), alors qu'il est relativement souvent consommé chez les humains. Il en est ainsi de l' « aversion » de l'étalon à l'égard de l'inceste. On lit ainsi dans l'Histoire des Animaux d'Aristote : « Les chevaux ne couvrent pas leurs mères, et même si on les force, ils s'y refusent. En effet, il arriva qu'un jour, manquant d'étalon, on recouvrit la mère d'un voile et on lui amena son rejeton. Pendant la saillie le voile tomba : alors le jeune mâle consomma l'accouplement, mais peu de temps après, il mordit l'éleveur et le tua. On raconte aussi que le roi de Scythie avait une jument de race dont tous les poulains étaient bons : voulant avoir un produit du meilleur de ces poulains et de la mère, il la fit amener pour la saillie. Mais le poulain ne voulait pas. On couvrit la mère d'un voile et il la monta sans la reconnaître. Mais après la saillie, on découvrit la face de la jument, et le poulain à cette vue prit la fuite et alla se jeter dans un précipice. Les chevaux, en effet, conclut Pline, ont aussi le sens de la parenté. Ces observations et ces jugements ont précisément la domestication pour origine, l'idéal domestique étant ainsi défini par Aristote : « Les étalons couvrent même leurs mères et leurs filles, et le haras est considéré comme parfait lorsqu'ils saillissent leur progéniture » ; quand la nature résiste à la pression de l'éleveur dont l'objet est la sélection et la reproduction de caractères utiles et non le polymorphisme de la reproduction sexuée.
Dans les populations naturelles, l'inceste n'est la règle, pour d'évidentes raisons, que chez certains vers parasites dont l'écologie interdit la reproduction exogame. On constate, d'ailleurs, chez certains hermaphrodites qui ont la faculté de s'autoféconder, que la « préférence » va à la fécondation croisée, l'autofécondation, dernière chance de la reproduction, n'ayant lieu qu'en situation d'isolement. L'intérêt de l'exogamie sur l'agamie (reproduction asexuée, division), sur l'autogamie et sur l'inceste serait donc un intérêt sélectif. La description des structures sociales de populations naturelles de mammifères fait apparaître l'existence de mécanismes qui ont pour effet de limiter ou de prévenir les contacts sexuels entre individus apparentés. Chez les animaux supérieurs, les plus importants de ces mécanismes sont : le changement d'objet, la répression de la sexualité et, du point de vue de la femelle, la réaction de rejet, enfin l'émergence de revendications d'autonomie qui entraînent l'expulsion.

On a écrit qu'il pouvait y avoir des accommodements même avec le ciel ; en fait, la culture permet des accommodements même avec la génétique [la pathologie culturelle, avec ces incestes si peu exceptionnels chez cette exception naturelle qu'est l'humain, démontre aussi, et de manière critique, sa liberté quant aux injonctions de la nature et la « variabilité de l'humeur » (labilité : instabilité de certaines composantes de la personnalité, en particulier l'attention et l'affectivité) humaine par rapport à la règle de l'inceste, universelle par excellence]. Il y a ainsi des écarts entre les règles de la culture et les pratiques réelles, l'inceste ayant lieu dans des sociétés qui ont des interdits de l'inceste.

Le mariage et l'exogamie (chercher son partenaire dans un autre groupe) sont donc les deux noms d'une même réalité, le refus de l'inceste, et si l'exogamie constitue une loi générale de la reproduction, il n'est nullement absurde de rechercher la trace de dispositifs génétiquement fixés, hérités de la sélection naturelle, qui seraient perceptibles dans la constitution émotionnelle de l'humain avant d'être relayés et systématisés par la loi (ce tabou étant une norme établie par la société, par l'accord régulier des individus, cela implique donc que la société existe avant la prohibition).
On définit en effet la liberté de mariage à partir du seuil où « s'éteint l'odeur de la parenté », souvent bien au-delà de la « zone d'horreur » (« inceste absolu »), c'est-à-dire entre parents et enfants ou entre frères et sœurs. Tout un programme auquel les travaux récents sur la communication chimique dans le monde animal (sur les phéromones qui véhiculent les messages chimiques de la communication animale), donnent consistance. On sait en effet que l'humain ne possède pas seulement un nez « conscient » chargé d'identifier les odeurs, mais aussi un organe qu'on croyait fossile et inactif, l'organe voméronasal, véritable « nez sexuel » (certaines traditions, coutumes ou proverbes attribuent à la sueur, par exemple, un grand rôle dans l'empreinte sexuelle et dans la séduction). Le jugement relationnel est affaire de nez, dit-on, ce qui témoigne de manière empirique du rôle de l'odeur dans la régulation de la proximité et des engagements affectifs : « Cette personne, je ne la sens pas, je ne peux pas la blairer ! » (un blair étant un nez, comme le blase - à rapprocher de nom/surnom et de blason, identité d'un clan ?). L'appareil olfactif se signale en outre par une exception qui le distingue des autres systèmes sensoriels : l'absence de relais thalamique ; l'information est directe de la muqueuse olfactive au paléocerveau, dénommé rhinencéphale (cerveau-nez), intéressant à la fois l'olfaction, l'émotion et la mémoire (circuit de Papez). Ainsi, la perception olfactive équivaut à la lecture d'une carte d'identité génétique. Cette reconnaissance s'opère vraisemblablement par l'interprétation des gènes d'histocompatiblité que le système immunitaire exprime pour reconnaître le soi et le non-soi. Ces signaux moléculaires sont évidemment des indicateurs de la proximité génétique (toutes les cellules d'un même organisme doivent savoir qu'elles sont « sœurs ») et ce sont des protéines issues de ces signaux qui, en passant dans les odeurs corporelles, transmettent aux humains l' « odeur de la parenté génétique ». De fait, on s'accouple préférentiellement avec des partenaires génétiquement dissemblables car c'est le non-soi qui est sexuellement intéressant, parce que conforme au plan de la reproduction sexuée.

Pour autant, l'idée que le respect du tabou réduirait le taux de défauts congénitaux causés par les relations sexuelles entre parents trop proches, n'est pas valide : premièrement, la proximité des parents n'implique pas directement des défauts congénitaux (elle augmente la fréquence des gènes homozygotes, avec pour effet la réduction de la fréquence du gène défectueux dans la population), deuxièmement, l'interdit contre les relations ne repose pas sur des préoccupations strictement biologiques/génétiques. Effectivement, cela ne se limite pas à la parenté directe : en effet, une tendance croissante à la gêne, plus marquée chez les filles, fortement teintée d'antagonisme à l'égard de l'autre sexe, se développe au seuil de la puberté envers des sujets du même groupe (mais non apparentés). Les filles tentent de cacher leur nudité aux garçons ; leur intérêt se tourne alors vers des jeunes gens de l'extérieur. La raison invoquée par les adolescents eux-mêmes serait qu'ils se sentiraient comme « frères et sœurs ». Cet exemple constitue un parallèle évident des mécanismes de rejet et d'inhibition des relations sexuelles engendrés par la familiarité (par la proximité et non par la parenté). La préférence va donc à l' « étranger », car l'herbe est toujours plus verte ailleurs.

Pour Freud, la frustration sexuelle, née de la nécessité de limiter la sexualité pour notamment éviter/limiter l'inceste, est à l'origine du langage, de l'intelligence, de la magie, de l'art et de la structuration de la société.
Les plus anciennes figurations féminines connues (et donc humaines puisque les hommes ne seront que plus tardivement représentés, alors que c'est eux qui pratiquaient la mise à mort à la chasse - activité en contact direct avec les autres animaux et donc les forces de la nature -, les femmes s'occupant essentiellement de la collecte - part importante de l'alimentation, car régulière et non soumis à la chance -, du feu et du foyer au sens large) remontent à la culture aurignacienne (de -38 000 à -26 000), mais elles ne concernent qu'une zone géographique limitée au Jura Souabe (Allemagne), à la Basse-Autriche et au Sud-Ouest de la France. La Vénus du Galgenberg (Autriche), surnommée « Fanny » ou « la danseuse », serait la plus ancienne statuette féminine connue à ce jour : il s'agit d'une petite figurine de schiste vert, maladroitement parée d'un sein sur le côté gauche du corps, et qui est âgé d'au moins 30 000 ans. Elle est montrée dans une attitude dynamique (ce qui est très rare dans l'art paléolithique), un bras levé contrebalancé par une jambe fléchie. A la même époque, dans le Sud-Ouest de la France, on ne trouve pas de statuettes féminines (alors qu'on a trouvé à Chauvet un phallus en os, daté de -29 000), mais des « vulves » (triangles pubiens) gravées dans la pierre, exprimant l'apogée des organes génitaux à l'Aurignacien : ainsi, dès la naissance de l'art, l'humain grave sur le rocher des séries rythmées (cupules - signes pleins féminins ; bâtonnets - signes minces masculins), mais il représente aussi des triangles pubiens ou des phallus. La tendance au réalisme et au naturalisme ne se rencontre pratiquement jamais chez les premiers peintres ou graveurs aurignaciens, pour autant, les triangles pubiens (graphisme utilisé couramment par les Aurignaciens sur les blocs gravés) et phallus (bien plus rares) traités de façon réaliste sont plus fréquents dans les phases anciennes, aurignacienne et gravettienne, que plus tard, où ils se transformeront en signes géométriques plus ou moins explicites.
Les triangles pubiens constituent un thème tout à fait particulier de l'art paléolithique, figure banale et fréquente. L'extension dans le temps et l'espace est également très importante : les triangles pubiens traversent sans variations notables les époques et les cultures préhistoriques. Jamais plus cette partie du corps féminin ne sera représentée aussi souvent et avec un tel soin. Même si spectaculaires, ces représentations élémentaires du sexe féminin ne sont pas fréquentes : actuellement, on compte en moyenne un triangle pubien par millénaire.
La forme des images pubiennes est dans l'ensemble assez simple : un triangle dont la pointe est marquée par une bissectrice plus ou moins étendue. Une fente modeste serait à l'évidence suffisante pour marquer le caractère sexuel d'une figure qui autrement ne serait qu'un triangle plus ou moins arrondi. Bien au contraire la fente vulvaire paléolithique est toujours très marquée voire disproportionnée. Fente ou béance, cette déformation constante qui rend visible ce qui ne l'est pas normalement n'est pas le fruit du hasard. La fréquence de ces images témoigne de l'attention portée au sexe de la femme dans ce qu'il a de plus secret, et peut-être, de plus passionnant. Cette outrance représentative est le juste pendant de l'ithyphallisme (phallus dressé).
À l'exception de ces contextes, la simple allusion au sexe doit être évitée. Ce comportement est lié à la peur de l'inceste. L'inceste est une menace permanente et toujours présente à l'esprit de chacun, si présente que cela devient l'un des facteurs les plus importants dans les conduites à avoir et concerne tout particulièrement les femmes. L'inceste est l'un des pires événements qui puisse advenir à une famille puisqu'il peut avoir pour conséquence la rupture des liens de parenté qui structurent l'ordre social. La mauvaise utilisation du sexe à l'intérieur d'un groupe de parenté peut être la cause de sanctions surnaturelles, lancées par les ancêtres pour qui l'inceste est une transgression capitale. En brisant le tabou de l'inceste, les frontières qui définissent les liens de parenté sont transgressées, parce que les liens de parenté sont définis par une absence de contact sexuel. L'inceste peut être perçu comme l'invasion d'une entité par son contraire : là ou règne la famille, il n'y a pas de sexe et, vice versa, l'intrusion du sexe annihile tout lien de parenté. En évitant toute connotation sexuelle, l'espoir est de ne pas réveiller les appétits sexuels entre gens incompatibles, en particulier entre les frères et les sœurs. C'est ce qui cantonne le sexe à la clandestinité.
L'ignorance qui mène à l'inceste représente un danger latent lié au sexe et duquel il faut se méfier. C'est le cas de « l'ignorance des organes sexuels » : un père et sa fille commettent un inceste suite à l'ignorance inhabituelle du père vis-à-vis de l'utilisation et de la nature des organes sexuels de sa fille. Le plus souvent il s'agit d'un couple formé par un frère et une sœur, l'inceste frère-sœur étant le plus dangereux des incestes, parce que la relation frère-sœur est la relation de parenté principale. L'ignorance des enfants s'explique par leur jeune âge, d'où l'importance de les instruire et des les éduquer aux besoins nécessaires de la reproduction tout en prenant en compte les dangers de la sexualité mal maîtrisée. Le danger se trouve dans le corps même des humains et les esprits surnaturels ne sont pas nécessaires pour rendre le sexe dangereux (même dans le « simple contact incestueux », qui n'implique pas nécessairement une relation sexuelle). Le danger émane du corps des femmes plutôt que de celui des hommes : ce sont les organes génitaux féminins qui provoquent le désir des hommes et mènent à une situation catastrophique, d'où les règles qui régissent la distance entre les gens qui doivent éviter toute relation sexuelle sont liées aux organes féminins. Le comportement général des femmes est ainsi conditionné par la continuelle préoccupation qui consiste à cacher cette partie de leur corps de façon à ne pas exciter les hommes de la famille.

Ainsi, les représentations sexuelles féminines ne tentent pas de rivaliser avec les grandes fresques animalières des grottes : elles sont beaucoup plus discrètes, on trouve plutôt leurs peintures dans les endroits confidentiels.
La grotte Chauvet est un grand sanctuaire Aurignacien situé en face du Pont d'Arc (Ardèche), merveille naturelle, voie de passage primordiale perçue comme un signal ou un symbole par les préhistoriques. Alors qu'on y note encore la présence de l'ours à -35 000 puis lors de deux phases (entre -30 000 et -28 000, puis vers -27 000), que le site avait servi voire servait encore de repaire aux loups, lions, renards, hyènes, deux grandes périodes artistiques y sont représentées : la plus ancienne se situe entre -31 000 et -27 000 (court épisode froid : végétation steppique avec zones protégées plus humides près des falaises), la seconde entre -25 000 et -23 000, éventuellement une troisième période vers -21 000. Le secteur du Panneau des Chevaux est l'une des zones les plus denses de la cavité, avec de nombreux chevaux et bisons regardant dans le même sens, ainsi que deux rhinocéros affrontés. Sur un ensemble de points-mains (grosses ponctuations rouges par l'impression de paumes de mains enduites d'ocre, technique pour la première fois mise en évidence dans une grotte ornée), les mains de chaque panneau n'appartiendraient qu'à un seul individu, tantôt une femme, tantôt un homme, assez grands (1,80m) ; on constate également de nombreuses empreintes de pied d'un individu jeune dans la Galerie des Croisillons. On trouve en outre un tas de pierres aménagé en face du Panneau des Mains positives.
Dans la Salle du Fond, sur la paroi droite, on voit des signes de type Chauvet, faits de deux demi-cercles accolés. A la fin de la galerie, à côté du panneau des lions, il existe un dessin qui épouse le contour d'une stalactite, pendant rocheux de forme phallique : cette composition inclue un bison à main et bras humain, penché vers un être à tête de lionne qui a un triangle pubien et des cuisses de femme. Il s'agit du premier « nu » féminin, réalisé il y a environ 33 000 ans, suggérant un esprit femme-lionne important dans la mythologie de cette époque.

Vivant dans la nature, les humains ont eu besoin d'invoquer des esprits protecteurs, domiciliés au fond des cavernes, royaume des lions des cavernes et des ours en hibernation. De par les formes de la roche sous la lumière vacillante des torches, ils pensaient que les esprits des animaux vivaient dans les grottes. La peinture agissait alors comme médiateur entre le monde réel et celui de l'au-delà (dessins si expressifs qu'on les croirait bouger), l'univers étant divisé en trois parties : étage inférieur des esprits, sol d'habitation intermédiaire, étage supérieur du ciel.
L'ours et le lion (notamment la femme-lionne) sont beaucoup présents à Chauvet.
L'ours est considéré comme l'équivalent de l'humain car il est un rare animal à pouvoir se tenir droit, capable de s'accoupler avec des femmes et de donner naissance à des petits d'humains, même s'il est considéré comme un symbole féminin de part sa fourrure chaude, sa couleur brune comme la terre et l'éducation attentionnée qu'il donne à sa progéniture (à Chauvet, grand ours des cavernes dessiné à l'ocre dans une rotonde, accompagné par un ours plus petit). En cosmologie, on voit dans la constellation du grand chien (qui dessine, appuyée sur deux étoiles écartées, une ligne oblique qui monte de l'horizon vers Orion, et se termine par Sirius, le phare stellaire blanc-bleuté le plus remarquable du ciel entier) un animal dressé sur ses pattes arrières dont Sirius constitue, bien logiquement, la « tête ». Par son éclat exceptionnel et sa position au pied du grand alignement, au bord de la Voie Lactée, Sirius, tête du Chien d'étoiles, s'érige, dans tout l'hémisphère nord, en repère saisonnier sans rival. L'Inde garde les traces d'un ours, Riksha, maître du royaume de la nuit que parcourt la « Vierge lumineuse » conductrice des âmes. Riksha est détenteur du joyau le plus brillant du ciel, la Syamantaka : or Syama est un des noms de Sirius. Cette silhouette d'ours redressé, gardien du flot des âmes, qui correspond assez bien aux lignes de la constellation, peut être une des clefs de l'apparition de l'image de l'ours dans bon nombre de mythes et de cultes eurasiens, en accord avec l'hibernation saisonnière si remarquable de l'ours qui s'endort en Automne pour s'éveiller à la Pleine Lune voisine de l'Équinoxe de Printemps.
L'ours se manifeste comme un signal ambiguë, à la fois porteur de passage par la mort et riche d'espoir en la renaissance de la Vie : à travers la tradition orale, sa silhouette paraît se confondre avec celle de l'ancienne « déesse-mère » qui a présidé aux origines de la tribu ou du clan et aux grands rites saisonniers, telle la rencontre avec les âmes à la Pleine Lune voisine de l'Équinoxe d'Automne (danses de transe d'automne, saison du Passage des Ames). Pour autant, on note l'extrême rareté de témoignages relatifs à des pratiques funéraires pendant l'Aurignacien.


Parallèlement à cela, on voit à Chauvet des clans entiers (dont des couples) de lions des cavernes (félin rarement représenté ailleurs). Il s'agit de peintures pour s'approprier la puissance de l'animal ou sa fertilité en le multipliant sur les parois. Le lion est un symbole masculin : il détient une grande énergie, qu'il maîtrise cependant de manière souveraine, sans avoir besoin de faire montre de sa force ; mais on ne peut pas contrer celle-ci quand elle rentre en action, faisant du lion un adversaire redoutable. On note toutefois la présence d'êtres anthropomorphes à tête de lion, mais en tant que femme-lionne. Comme l'aigle, le lion est un animal symbole de domination, dont la constellation est liée au soleil (force de l'animal, pelage brun-roux et crinière qui semble rayonner), puisqu'il peut le regarder sans ciller, même si plus largement, il peut aussi symboliser le ciel tout entier, qui engloutit chaque soir le soleil.
Au centre de la salle située au fond de la grotte Chauvet, se distingue, peinte sur une stalactite, la moitié inférieure d'un corps de femme qui épouse la concavité de la roche. Le sexe (triangle sombre, coloré de pigment noir, est creusé en sa pointe inférieure d'une fente profonde de 4 cm) est entouré de hanches rondes prolongées par deux cuisses charnues et une ébauche de jambes en fuseau (le corps est représenté dans sa moitié inférieure, en partie effacée par l'image d'un bison qui lui est superposée). Un corps de femme sans visage, réduit au ventre, au sexe, à la fente d'une vulve, à la courbe d'une hanche : cette « Vénus » de la grotte Chauvet est située au centre d'une composition qui associe symboles masculins et féminins : au-dessus d'elle, deux félins, un mammouth et un petit bœuf musqué, tandis qu'un bison lui est apposé sur sa droite (ce dernier, être composite dont la patte antérieure ressemble à une main humaine, a pu être interprété comme un « sorcier »).
Lorsqu'on trouve à Chauvet cette composition avec un bison, un triangle pubien et une tête de lionne : le bison exprime le principe masculin (alors qu'en astrologie il est féminin car lunaire par ses cornes), la lionne le principe féminin (alors qu'en astrologie il est masculin car solaire par son pelage) ; au milieu, le triangle pubien représenterait un esprit maternel de la fécondité entouré de ses deux créations.
C'est la différence sexuée observable et le privilège détourné de l'enfantement des deux sexes par les femmes qui constituent le socle dont tout le reste de la réflexion humaine est issu. La plupart des groupes humains se signalent par une forte domination masculine et perçoivent les femmes comme des êtres potentiellement dangereux et polluants (craintes liées au sang -notamment menstruel, puisqu'une femme saigne régulièrement sans en être affectée, à contrario des animaux blessés - et ses inquiétants pouvoirs, d'où des pratiques rituelles homosexuelles), leur accordant une place limitée dans leur conception de la génération et de la reproduction sociale, se contentant de ritualiser la valorisation des liens utérins et le rôle essentiel que joue la figure maternelle dans les représentations de la procréation. Ainsi la valence différentielle des sexes, moteur interne de l'organisation des systèmes-types de parenté est-elle étroitement liée à un ensemble global de domination du masculin sur le féminin (donc du paternel sur le maternel) dû à la domestication du privilège qu'ont les femmes d'enfanter les deux sexes. En quelque sorte, un système de parenté est un artefact uniquement établi pour rendre compte du fait que les femmes font des enfants ... des deux sexes.
Mais il est cependant permis de se demander en quoi la réflexion primordiale des humains originaires sur la nature même de l'être sexué, dans ses substances et dans sa chair (ce qui est une donnée universelle irréfutablement constante dans le temps et l'espace), entre en ligne de compte dans la mise au point de l'interdit sexuel. Dans la forme universelle de dominance du principe masculin sur le féminin, on retrouve évidemment les notions principielles d'identité et de différence. Mais ce qu'il convient de bien comprendre à ce niveau est que ces ressorts essentiels de toute pensée classificatrice, et donc de toute pensée, sont issus directement de l'observation originelle par les humains de l'inébranlable différence sexuée et peut-être aussi de quelques autres oppositions naturelles, tout aussi peu manipulables par l'humain, comme l'opposition alternée du jour et de la nuit. Nous penserions peut-être différemment et d'une manière que nous ne pouvons même pas soupçonner si l'humain et le monde animal le plus visible n'étaient pas sexués.
Matrice de toute forme de pensée en tant que source du système de catégories binaires opposables qui gouverne nos raisonnements, et argumentations tant profanes que savantes, la différence observable par le seul truchement des sens se fonde sur les appareils anatomiques et les fonctions physiologiques si nettement différenciés selon les sexes. Mais si cela suffit pour comprendre l'origine du système des oppositions et même l'affectation (tacite ou explicite) dans chaque culture à une catégorie sexuée de chacun des pôles des catégories traitant du rapport concret aux choses (ainsi dans notre propre culture actif, chaud, sec, haut, fort, rugueux, etc., sont-ils masculins, tandis que passif, froid, humide, bas, faible, lisse... sont féminins), cela ne suffit pas pour comprendre pourquoi ces catégories sont hiérarchisées, le pôle considéré comme relevant du masculin étant positivement marqué et supérieur à l'autre (on ne trouve pas, ou rarement, d'égalité par le neutre).
Derrière le jeu logique entre réciprocité et symétrie, parallèle et croisé, identique et différent, s'observent des représentations locales du corps, de ses substances et de ses humeurs qui sont adaptées non seulement au fonctionnement matrimonial mais plus profondément à l'édiction des règles de la prohibition de l'inceste tant à l'égard des consanguins que des alliés (inceste de deuxième type) et à la domination masculine quasi-universellement observée.
Dans l'ignorance absolue du rôle des gamètes et de la génétique (ignorance qui va durer jusqu'à la fin du XVIIIè siècle pour les unes et au début du XXè pour l'autre) si ce n'est du rôle déclencheur du rapport sexuel, il fallait expliquer et ce privilège et la raison qui faisait que d'une forme puisse sortir une autre forme, que les femmes puissent enfanter des garçons. En outre, si la fécondité était bien l'apanage des femmes, il s'ensuivait logiquement que la stérilité était imputable également à un mauvais vouloir ou à un mauvais fonctionnement du féminin.
Il en est résulté un état remarquable par le retournement qu'il implique : la prise en charge, par le côté masculin de l'humanité, de l'initiative et de la responsabilité dans la procréation, puisqu'il fallait faire en sorte que les femmes acceptent d'être fécondes et d'enfanter des fils. Les riches systèmes de représentations que l'on trouve dans chaque culture montrent le rôle dominant de l'homme dans l'acte procréatif et la genèse d'un nouvel enfant et pas seulement dans l'implantation de fils dans le corps des femmes, celles-ci pouvant ne fournir parfois qu'un espace de développement ou la matière nécessaire au malaxage et au façonnage d'une forme reconnaissable de l'espèce humaine où vont s'insérer le souffle, la vie, l'identité, venus de l'homme (comme on le voit dans le modèle aristotélicien où la naissance d'une fille est déjà en soi une monstruosité, le signe d'un développement non contrôlé de la matière féminine). Si certains systèmes partagent la responsabilité et les apports entre les deux sexes, il est rare, même en régime matrilinéaire, que tout vienne des femmes.

Il faut alors rappeler la distinction opératoire qu'il est nécessaire d'établir entre deux règles généralement confondues : celle qui organise l'appartenance sociale et institutionnelle d'un individu à un groupe (du type lignage), et celle qui commande les représentations de l'identité, de la proximité, et, par là, des interdits sexuels ou matrimoniaux. Si, « socialement » parlant, les sociétés peuvent souvent être qualifiées de « patrilinéaires », ce sont en revanche les femmes qui apparaissent comme les vecteurs essentiels d'une identité commune. Les représentations du corps et des substances corporelles (sang, lait, sperme) nous parlent donc bien dans ce cas d'identité, de « parenté » (avec son inventaire des interdits et empêchements matri-moniaux), mais non de « filiation » et de droits (patri-moniaux, tels l'héritage). De ce registre de « l'identité » découlent les interdits du « trop proche » et de l'incestueux.
Les notions d'identité « biologique » et de réglementation des interdits sexuels et matrimoniaux font la part belle au lien féminin. Le fœtus est explicitement le résultat de la mixtion, dans la matrice, du sang maternel et du sperme paternel. Une fois que le mélange sperme-sang « a pris » (l'apport de l'un et de l'autre se faisant à part égale), l'issue se ferme et les menstrues restent bloquées afin d'assurer une fonction nutritive. Le sang maternel nourrit alors de façon exclusive le fœtus et forme son sang propre. D'autre part, une partie des aliments consommés par la mère se transformera également en sang et passera dans le corps de l'enfant. Le père n'intervient ainsi que durant la phase de la conception, tandis que l'apport maternel non seulement intervient durant cette phase, mais est ensuite le seul agent de la croissance fœtale.
La transmission du sang s'effectue donc exclusivement par voie utérine, et, par la suite, le lait maternel est censé augmenter encore la quantité de sang dans le corps du nourrisson. Un homme et sa sœur sont de la sorte tous deux formés du même sang maternel, mais celle-ci sera seule apte à le transmettre à ses propres enfants. Il s'ensuit que les enfants de la sœur d'une femme seront considérés en tous points comme sa propre progéniture.

La filiation ne joue pas en fait le rôle structurant. C'est plutôt l'analyse du rapport entre paternels et maternels, entre preneurs et donneurs, qui permet de comprendre la structure sociale d'un groupe à travers la diversité des pratiques matrimoniales et des modes de filiation (la relation entre filiation et normes matrimoniales peut être critiquée, il vaut mieux distinguer le « groupe de parenté » du « groupe de filiation »).
Pour contrebalancer l'hégémonie des substances féminines, l'être humain est perçu comme un composé de multiples substances caractéristiques chacune d'une souche agnatique (descendance par les mâles d'un même père), mais d'importance inégale.
Chacun possède donc huit souches sanguines agnatiques : en premier vient celle du sang du père, du lignage paternel, transmise par le sperme, puis en second, transmise par la moelle osseuse qu'on tient de la mère, vient la souche sanguine agnatique du lignage de celle-ci. Ce sont là les deux souches majeures, dominantes. Viennent ensuite de façon moins marquée, récessive, les souches de la mère du père et de la mère de la mère (souches agnatiques, répétons-le), puis enfin, sur le mode résiduel, celles de la mère du grand-père paternel, de la mère du grand-père maternel, de la mère de la grand-mère paternelle, puis enfin de la mère de la grand-mère maternelle.
À sa naissance, chaque être humain dispose de quatre souches provenant de son père et de quatre souches provenant de sa mère, par une redistribution du feuilletage dans l'ordre ci-dessus, avec pour effet le rejet des souches qui étaient résiduelles pour les parents dans un ensemble faiblement différencié. Il suffit ainsi de trois générations pour que s'évanouissent les traces résiduelles des arrière-grands-mères des parents d'un enfant.
La valorisation de l'un des partenaires s'accompagnant nécessairement de la dévalorisation de l'autre, c'est ce double mouvement qui permet de comprendre la composition des groupes.

Les règles sociales d'alliance, qui impliquent très majoritairement l'échange des femmes par des hommes entre eux complètent le dispositif en établissant de façon sûre non seulement le social, la solidarité et une entente relative entre les groupes humains, mais aussi une sorte de redistribution des capacités reproductrices féminines, de la vie. En regard de leur descendance masculine aussi bien que féminine, les hommes exercent une tutelle qui prolonge leur capacité de former des alliances en échangeant les filles. Du côté des mères, cette maîtrise est impensable : entre une mère et la progéniture issue de son corps, il y a une familiarité aussi irremplaçable qu'anonyme. Ainsi, du côté paternel, il est possible de faire et défaire la filiation, alors que la lignée utérine est au contraire le lieu d'une transmission ne pouvant ni être altérée ni être transgressée. L'analyse des unions consanguines montre que si la règle d'exogamie lignagère est parfois transgressée, celle qui suppose la prohibition du mariage entre individus apparentés en ligne utérine ne l'est jamais. En effet, s'il y avait relation sexuelle avec une consanguine à sa mère, cet inceste serait une manière d'épaissir le sang de la lignée, sorte de revanche de l'ethnie sur la filiation, de la femme sur l'homme. On se trouve donc en face d'un système matrimonial où l'identité née des femmes semble plus forte (puisqu'elle interdit toute conjonction d'individus la partageant) que celle née des hommes, dont la conjonction est, sinon permise, du moins possible puisque parfois réalisée. Il serait excessif cependant d'en conclure que la relation paternelle serait purement « sociale » tandis que la relation maternelle serait « naturelle ».

Ainsi, l'inquiétude que de façon générale les hommes manifestent à l'égard de la filiation n'a peut-être pas d'autre origine que cette prééminence accordée aux « vieux liens du sang » dont la femme n'est, au fond, que le relais, le lieu de passage, et que, dans cette société-là, on aimerait ne pas penser obligé. Le problème est tout aussi classique : ravir en somme à la femme la transmission du sang, et par conséquent, l'hérédité de l'ethnie (le nom n'y suffit pas).
On en déduit que la relation entre le père et le fils est presque toujours interprétée en termes d'ambivalence et de rivalité. En effet, voulant préserver son ethnie par la transmission du nom (par lequel se répète la destinée), le père voudrait que le fils garde sa fille (et donc sœur), voire prenne sa femme (et donc mère). De cet antagonisme « naturel » entre le père et le fils, de cette tension entre le nom qui se transmet en ligne agnatique (par les paternels) et l'ethnie qui se perpétue en ligne utérine, résulte probablement la tentation de l'inceste entre frère et sœur. C'est la tentation de l'inceste « pur et parfait » : le frère, se rendant compte que la virginité de sa sœur doit être détruite afin d'avoir réellement existé, détruit cette virginité par l'intermédiaire de son beau-frère, l'homme qu'il voudrait être s'il pouvait par métamorphose devenir l'amant, le mari ; par qui il voudrait être ravi, qu'il voudrait choisir comme ravisseur, s'il pouvait par métamorphose devenir la sœur, la maîtresse, l'épousée.

L'inceste se place ainsi dans un ensemble complexe liant les représentations du corps et de la personne, les rituels du cycle de vie, le système de parenté et la construction sociale de la différence des sexes.
Dans les sociétés de chasse au Paléolithique, les relations humaines entre les peuples étaient paisibles (aucune trace de guerre n'a encore été fournie). Les blessures observées sur les ossements n'étaient jamais dues à des pointes en silex, mais étaient, au contraire, souvent consolidées : les blessés étaient donc pris en charge par la société, ce qui implique la coopération. En fait, le climat de paix de cette époque peut s'expliquer par la constitution d'alliances entre les tribus paléolithiques, avec échanges de femmes (ou d'hommes), l'exogamie étant le moyen d'éviter les guerres endémiques (l'échange des jeunes géniteurs d'un groupe à l'autre - constaté également chez d'autres primates - créant des alliances) tout en permettant l'évitement de l'inceste.
Les populations du Paléolithique supérieur étaient constituées d'unités sociales isolées au sein desquelles il y avait plusieurs familles apparentées par les liens du sang, et dont le nombre fluctuait périodiquement entre 5-10 et 15-20 familles. Dans plusieurs cas on peut noter l'installation de groupes « co-résidents » qui comprenaient plusieurs unités sociales distinctes avec des habitats semi-permanents dans une région limitée, très riche en ressources naturelles (animaux et/ou matières premières). La stabilité des grands groupes sociaux n'a jamais été absolue : leur style de vie nécessitait des déplacements saisonniers considérables au sein d'une « zone d'exploitation », ce qui impliquait des rencontres institutionnalisées avec d'autres groupes résultant de l'établissement d' « alliances négociées » et de réseaux d'unions (matrimoniales ou autres). Ces derniers comportaient un ensemble de relations sociales marquées par une circulation régulière des personnes et des biens (apparition d'un réseau complexe d'échanges relié au système hydrauliques des grands fleuves), et par des liens d'intensité et de durée limitée.

A partir de cette époque, les hommes se défient pour prendre la tête d'un petit groupe (au sein d'une plus grande communauté) composé de plusieurs femmes. Il y a un peu moins de 40 000 ans, les variations individuelles étaient fortes, ainsi que le dimorphisme sexuel, toutes proportions gardées : durant l'Aurignacien et le Gravettien (-40 000 à -30 000 et -30 000 à -22 000), les hommes se distinguent des femmes par le degré de robustesse et par une morphologie plus archaïque qui évoque certaines formes anciennes d'Homo sapiens.
Des études génétiques montrent ainsi que les femmes auraient connu une expansion démographique importante entre -70 000 et -20 000 alors que l'expansion démographique des hommes serait beaucoup plus tardive.
Cela ne signifie pas qu'il y avait plus de femmes que d'hommes durant cette période, mais qu'un petit nombre d'hommes donnait naissance à beaucoup d'enfants. Cela laisse à penser qu'ils vivaient et se reproduisaient avec plusieurs femmes, alors que les autres hommes n'avaient pas ou peu de descendance.

Des « entités ethniques » se sont donc développées, cela se marquant par des comportements rituels et stylistiques d'une part, par des interactions génétiques et culturelles intenses entre les groupes d'autre part. Les provinces du Sud-Ouest de l'Europe correspondaient au degré le plus élevé du « réseau d'alliance ». Malgré leurs distinctions locales, les groupes culturels composant chaque province présentaient beaucoup de similitudes fondamentales dans le mode de vie et le symbolisme.
Les groupes établirent des relations actives avec des groupes économiquement et socialement semblables, interactions documentées par la dispersion des matières premières sur de longues distances (200 km, mais aussi des trouvailles isolées à 500 voire 800 km), échanges actifs dans une région considérée comme correspondant aux migrations saisonnières des groupes ou aux réseaux d'intermariages (le décor de grottes dans l'Yonne est fortement influencé par celui des grottes de l'Ardèche, style venu avec des personnes depuis le Sud par la vallée du Rhône).

Les interdits matrimoniaux se définissent ici en termes négatifs, règles négatives énoncées et connues par tous. L'inceste est absurde socialement, les individus s'entendant à ne pas mettre au contact l'identique à lui-même (sachant qu'au-delà de la consanguinité biologique, la consanguinité sociale est souvent arbitrairement et variablement définie par la lignée paternelle).
L'idée sous-jacente nous amène à la problématique centrale de l'identique et du différent : trop d'identique nuit et tout « cumul d'identique » est préjudiciable à l'entourage comme à la descendance en raison d'effets supposés d'assèchement, de dessiccation et de dépérissement qui accompagnent la stérilité des unions provoquée par ce cumul ; mais trop de différence est également néfaste (comment rendre compatibles l'un avec l'autre des sangs qui ne se connaissent pas, qui ne se sont pas déjà mêlés ?). L'idéal se trouve donc quand les sangs sont déjà quelque peu familiers l'un avec l'autre, mais à bonne distance tout de même.
À chaque fois qu'une ligne a été sélectionnée pour fournir un « conjoint » (définition neutre et asexuée) à un membre d'une autre ligne, tous les individus de la ligne qui a donné sont exclus du domaine du choix pour la deuxième, au moins pendant plusieurs générations. Cette structuration des interdits matrimoniaux permet aussi bien des mariages dans la consanguinité éloignée (6è degré ou plus) que les redoublements d'alliance au sein d'une même génération, en particulier le mariage de deux frères avec deux sœurs (type d'union érigé au statut de règle positive d'alliance).

Si l'interdit de l'inceste entre consanguins est bien fondé sur la crainte et le rejet du cumul de substances identiques en nature, dans le domaine de l'alliance, l'interdit portant sur ces alliés avec qui un individu est apparenté (essentiellement soit par l'intermédiaire direct de son conjoint, soit par l'intermédiaire d'un de ses géniteurs ou parents sociaux), est dû au même refus de mettre en contact des substances identiques, cette fois-ci non de façon directe mais par le biais d'un partenaire commun ; c'est l'inceste de deuxième type (valable tant pour les alliés que pour des individus tiers en relation avec des personnes consanguines entre elles). Si, par exemple, le fils d'un homme couche avec l'épouse de son père (qui n'est pas nécessairement sa mère), il se met par l'intermédiaire de celle-ci en contact direct avec l'essence de la substance de son père, et plus encore, en raison de l'identité substantielle entre le père et le fils, avec la sienne propre. L'interdit, fonctionnant comme un court-circuit, empêche (ou cherche plutôt à limiter) la mise en contact de deux substances identiques. Ainsi, dans le choix du conjoint, l'essentiel est que des notes dominantes et même récessives (où il faut avoir deux porteurs pour que le caractère s'exprime, comme pour les albinos par exemple), ne peuvent pas être présentes en double chez le même individu. C'est surtout entre porteurs des mêmes marques résiduelles (non pas des « tares » récessives, mais des caractéristiques qui se dilueraient trop dans les échanges) qu'il est bon de se marier. Une telle théorie explicative rend compte absolument de toutes les prohibitions énoncées en termes lignagers et de consanguinité.
Le processus se répétant à chaque mariage, le résultat ne peut en être qu'une « turbulence » permanente au rebours des régularités engendrées par le mariage asymétrique.
Cela résulte de l'impossibilité de boucler totalement de façon logique les systèmes, en faisant se correspondre étroitement les points de vue des descendants de frère et des descendants de sœurs entre eux. Une « pesanteur structurale » due à l'effet de la valence fait de l'ensemble des filles du lignage, quel que soit leur niveau générationnel, des équivalents de sœurs/filles pour tous les hommes de ce lignage, quel que soit leur niveau généalogique.
S'il est bien question ici d'un refus de l'inceste, c'est pourtant moins une forme particulière de mariage qui est visée que la répétition outrancière de telles unions car, si l'on n'y prêtait garde, l'inceste finirait par confondre ce qui ne saurait l'être : les lignées, les peuples et les différentes parties du monde. Un groupe est exogame lorsqu'il interdit tout mariage entre ses propres membres, endogame lorsqu'il interdit tout mariage avec un membre d'un autre groupe, ceci défini par les règles de filiation (ou fondés sur la proximité individuelle). Ainsi, le mariage dans un degré rapproché est une négation de l'échange.

Ces logiques d'identique et du différent peuvent expliquer non seulement la pratique de tel ou tel mariage mais aussi l'enchaînement des mariages, les préférences, les évitements mais aussi les prohibitions.
On peut ainsi pratiquer l'alternance de mariages proches et de mariages lointains, de cycles courts et de cycles longs, qui permet ainsi de dépasser l'antinomie endogamie vs exogamie. Il ne s'agit pas, en effet, d'étudier cette alternance comme la simple succession de choix individuels opposés, mais de prendre en compte la dynamique d'ensemble : la valorisation du mariage patrilatéral s'accompagne nécessairement d'autres « stratégies », tandis que l'allongement des cycles ou le mariage avec des étrangers accroissent l'instabilité du système, et donc appellent des « stratégies » opposées pour revenir à plus de stabilité. Ce « jeu » entraîne ainsi une oscillation permanente : si dans les générations antérieures il y a eu des mariages lointains, plus prestigieux, un type de mariage au plus proche suivra, dès lors justifié par la volonté de resserrer les liens entre enfants issus de différentes mères, comme si un mariage d'autant plus lointain avait pour conséquence immédiate un mariage d'autant plus proche.


Tout se passe comme si chaque société pouvait être positionnée à une place qui lui convient et qu'elle peut partager avec d'autres, sur un vecteur orienté allant du plus grand attrait pour l'identique à la plus grande aversion, doublée d'un attrait, pour le différent. Nonobstant les variantes culturelles que l'on observe, il s'agit toujours d'une mécanique où identiques et contraires peuvent soit s'attirer, soit se repousser et entraînent ce faisant de manière automatique des effets considérés soit comme bénéfiques, soit comme maléfiques. Toute pratique dans l'un ou l'autre sens, cumul ou écartement, a toujours pour fondement la crainte ou le désir d'un effet attendu et contraint.

Pour ceux qui pratiquent l'inceste plutôt que le mélange, la tare plutôt que le bâtard, cela signifie à terme l'arrêt de mort de la « maison » (ensemble des liens au sein d'une famille élargie) qui ne peut plus s'accrocher à un sol, ni s'inscrire dans la durée, ni perpétuer une ethnie en danger de s'éteindre à force de se vouloir pure, en peine de se reproduire à force de chercher à cumuler l'identique, en proie à la répétition du Même par crainte qu'il ne soit souillé par l'Autre. Les « maisons » n'auront donc été que de « petites îles », limitées à leur architecture familiale/clanique, symbole ironique d'une communauté qui se voulut homogène - de même ethnie, de même lignée, de même territoire- dans une aire pourtant composite et mouvante, dont les diversités n'étaient pas seulement de l'ordre du décor.

Le concept d'inceste est donc une règle sociale de gestion et de contrôle des relations, ceci visant fonctionnellement à créer une alliance entre groupes distincts. En effet, si chaque famille conserve ses femmes (c'est-à-dire si les femmes d'une famille n'épousent que des hommes issus de la même famille), il n'y a pas d'alliance possible entre familles, donc pas de société humaine. Il n'y a que des groupes. Ainsi, la fonction essentielle de la femme est de maintenir les liens sociaux en étant donnée, échangée, afin que les familles soient alliées, et qu'une société existe.

Pour autant, les communautés maintenaient de façon stricte l'identité des groupes (maintien des connaissances de leur forte continuité avec les groupes des cultures ancestrales des époques précédentes). En effet, si le mélange c'est s'approprier ce qui nous a séduit chez l'autre (progrès palpables - production, technologie, connaissances -, innovations conceptuelles - spiritualité, organisation, gestion des groupes), le mélange est aussi un feu orange envers l'autre : « j'y vais » ou « je n'y vais pas » ? Les marqueurs identitaires sont alors comme des garde-fous pour éviter la dissolution des identités dans un mélange devenant fusion.

Ainsi, l'iconographie aurignacienne perdurera encore au Gravettien dans certaines régions plus isolées des grands centres, comme la Bourgogne (qui fut pour autant un centre de peuplement particulièrement actif à l'Aurignacien et au Gravettien). La culture matérielle des sites regroupant ces entités montre leur continuité culturelle forte avec les périodes précédentes, ces groupes étant moins activement intégrés dans des échanges matrimoniaux et culturels.
À Arcy-sur-Cure (sud du département de l'Yonne, à une vingtaine de kilomètres des contreforts du Morvan), une vingtaine de cavités naturelles furent occupées par l'humain et les autres animaux. L'occupation humaine du site s'étend sur plus de 300 000 ans, mais les structures d'habitat les plus riches témoignent d'implantations répétées au Paléolithique moyen (Moustérien avec Neandertal, entre -200 000 et -40 000 ans) et pendant toute les cultures du Paléolithique supérieur, du Châtelperronien (de -36 000 à -32 000, œuvre des derniers néandertaliens), au Magdalénien.
Deux grottes ornées enrichissent ce grand complexe paléolithique de la France du Nord (de la Loire), un des sanctuaires les plus anciens connus (la phase principale de décoration date de l'Aurignaco-Gravettien, culture bien représentée dans les cavernes voisines). Avec 68% d'animaux dangereux représentés dans la Grande Grotte (développement de 500 m de long, un des sanctuaires majeurs du Paléolithique supérieur), on voit la persistance au Gravettien des thèmes aurignaciens. Le bestiaire étonne : outre deux chevaux et un bison acéphale, des cervidés, un capridé et un rapace en vol, ce sont ici les animaux dangereux qui dominent avec des espèces dont la représentation est considérée comme rare, voire exceptionnelle. A l'encontre des autres grottes ornées de la même époque, peuplées essentiellement de chevaux, bisons ou aurochs, ces espèces redoutables, mammouths (moitié des représentations, avec un style comparable à certaines gravures de Cussac, Dordogne), rhinocéros, ours et félin qui représentent 68% du bestiaire de la Grande Grotte, sont en position centrale dans les compositions pariétales au lieu d'être, comme on le pensait auparavant, reléguées dans les fonds.
Les triangles pubiens, les bâtonnets (masculins) et ponctuations (féminines) digitées alignées ou groupées, signes barbelés ou en spirales, trapèzes à expansions latérales, les mains (sept mains négatives aux doigts complets - dont une main droite d'enfant sur le Panneau des Mains -, une autre aux doigts incomplets, une main positive), les perles en ivoire de mammouth dont la typologie est classique chez les premières cultures du Paléolithique supérieur, le massif stalagmitique largement ocré dans la Zone du Calvaire, l'iconographie à mammouths dominants et les deux mégacéros préjugent de la datation ancienne de ce sanctuaire : période entre -25 000 et -26 000, puis autour de -22 500.


Au Gravettien (-27 000 à -20 000), on assiste à une augmentation considérable dans la densité des sites ornés vers -27/-24/-22 000 ans. En Europe centrale et méridionale, on assiste à une microlithisation de l'outillage : la production lithique principale est faite de petites pointes, de burins et d'outils sur de petites lames et lamelles. En ce qui concerne le travail sur les os, on trouve des pointes de sagaies et des gravures. Des frises gravées ornent les abris sous roches et les grottes. Les parures sont présentes en Europe occidentale, mais les représentations mobilières sont peu fréquentes. Cette période est connue pour ses statuettes aux formes souvent généreuses, surnommées « Vénus ».
Art de gravures, enrichies de peintures, le témoignage artistique gravettien est en continuité de celui des aurignaciens et annonce la suite. Celle-ci se montre créatrice de formes nouvelles et l'art étend son champ d'application. Il s'exprime dans le quotidien sur les objets surtout en relation avec les techniques de chasse, sur les plaquettes de pierre et d'os qui restent dans l'habitation, dans la parure où les grandes pendeloques reçoivent une valeur spécifique à travers un décor particulier. Les perles et pendeloques (pièce de parure suspendue à un anneau, à une chaînette) tendent à évoquer des symboles sexuels, les pendeloques étant plus fréquentes dans les niveaux d'habitats que dans les sépultures (où l'on retrouve nombre de perles).


Si certaines conceptions sont intemporelles et se retrouvent dans toutes les communautés du monde, la majorité des croyances qui ont trait à la sexualité sont en réalité propres à une culture spécifique.
Dans les sociétés préhistoriques, comme dans les sociétés traditionnelles, le plaisir de l'individu n'existait pas de manière autonome. L'expérience du plaisir semble y avoir toujours été liée aux modes d'être et de faire de la communauté à laquelle l'individu appartient. Immédiatement vécu dans ses rapports à la nature extérieure ou médiatisé par les institutions de la vie collective, l'accès au plaisir de l'individu y était déterminé par les représentations symboliques, les croyances et les mythes. On voit clairement se profiler l'importance du sexe et de la sexualité chez l'humain préhistorique, et l'importance qu'ils tiennent parmi les représentations artistiques de l'époque.

On ne peut éloigner l'art de l'idéologie, de l'économie et de la visions globale de ces sociétés. L'art rupestre préhistorique renferme alors une information ethnographique très importante sur les formations économiques et sociales qui l'ont élaboré, sur leurs modes de vie et leur culture.

L'art est l'expression des lieux d'agrégation des bandes de chasseurs-collecteurs dans le cadre des intenses activités sociales qui se développaient en coïncidence avec les parties de chasses communes lors des fréquentations saisonnières. Outre la question économique, les chasses communes comportaient la concrétisation des relations d'exogamie comme développement de la configuration des bandes. Ainsi, les relations sociales de production s'enlacent à l'organisation sociale des groupes, au processus de travail et à la distribution des produits : les modèles de parenté ont une incidence sur l'accès aux moyens de production, sur l'organisation du travail et sur la distribution des produits.
On peut affirmer que les bandes de chasseurs-collecteurs n'ont pas eu de propriété réelle sur les moyens naturels de la production, mais ils avaient bien la disponibilité et la propriété des instruments de production (outils et méthodes) et de leur force de travail. Le fait qu'ils n'aient pas eu une propriété effective sur les moyens naturels de production implique qu'il n'y avait pas de territoires contrôlés en matière de possession consensuelle ou d'appropriations saisonnières. Il s'agit ainsi de sociétés à forme de propriété collective, où les membres de la structure sociale sont copropriétaires de la force de travail et des instruments de production. Les formes de propriétés s'expriment alors par relations de réciprocité, se situent dans un système égalitaire d'appropriation et dans des modèles d'échange et de distribution. Les relations sociales étaient basées sur la solidarité, l'appui mutuel et la réciprocité, bref une idéologie qui favorise la cohésion.
Les bases économiques et les types de mobilité en relation avec les appropriations des ressources comportaient des structures de mobilité-échange inter-bandes de femmes et d'hommes.
La mobilité et le nomadisme expliquent en maintes occasions les caractéristiques et la composition des bandes. En effet, le semi-nomadisme nécessite une stratégie économique d'établissements saisonniers et l'existence de lieux plus grands de concentration de groupes pour le développement de pratiques sociales importantes pour la continuité de la bande et des groupes eux-mêmes rassemblés. La structure de mobilité/échange inter-bandes de femmes et d'hommes, ainsi que l'unité domestique, sont significatives dans ces sociétés, qui de plus est exogamiques, ce qui permet d'atteindre des unités plus grandes, non parentales comme les bandes.
Ces parties de chasse entraînaient une intense vie sociale, elles rendaient possible l'exogamie comme régulation biologique des groupes, elles généraient des processus d'initiation des adolescents à des pratiques sociales collectives, elles assuraient la transmission des connaissances de la technologie, des modes de travail, elles permettaient la distribution des matières premières, des produits élaborés et des objets. Ces systèmes économiques sont des moyens de communication qui en arrivent à forger un instrument de pouvoir et de légitimation de l'ordre dominant. De fait, l'art est bien une expression des modes de vie et de la conscience sociale, d'où prédominance d'animaux (production) et de femmes (reproduction) de l'économie politique.

Ceci nous mène à la notion du mode de reproduction, lié à la superstructure idéologique de ces sociétés.
Depuis l'Aurignacien, notamment sur des blocs rocheux aux environs des Eyzies puis, de l'Espagne à l'Europe centrale, sur les parois des grottes et sur les objets de pierre ou de matière dure animale, ont été représentés de très nombreux phallus ou, plus souvent encore, des triangles pubiens féminins. Peints ou gravés, ils témoignent, dès l'origine, d'une synecdoque (la partie pour le tout).
Les signes géométriques minces (des bâtonnets avec ou sans expansion latérale) sont des schématisations de phallus, les signes pleins (des ovales, cercles, quadrangles, souvent fendus par un trait vertical) des équivalents de triangle pubien. Toutes ces images sont des mythogrammes faisant partie des manifestations spirituelles.

Il faut plus qu'une femme, un homme et leur rapport sexuel pour fabriquer un enfant : l'imaginaire est on ne peut plus important dans le fonctionnement des sociétés ! Ainsi, en plus des géniteurs physiques, il y a toujours l'intervention soit d'ancêtres, soit d'esprits/dieux.
Pour certains, le corps féminin n'est qu'un réceptacle, et c'est le sperme de l'homme qui fabrique l'embryon (pour d'autres, le sperme ne sert qu'à nourrir l'embryon), en lui donnant son ossature, sa chair, son sang ! Mais le fœtus demeure incomplet, jusqu'à ce que les ancêtres ou les esprits/dieux le finalisent dans le ventre de la femme ! Souvent, lorsque le nouveau-né apparaît, s'il possède bien un souffle, il est dépourvu d'une âme. C'est seulement après une période de « viabilité » (plusieurs mois voire trois ans), qu'une âme lui est transmise quand on lui attribue un nom, celui d'un ancêtre (afin de le rattacher à une histoire familiale et au clan par un illustre aïeul). En effet, pour un individu, le lien familial est essentiel à la constitution d'une identité ! Toutefois, c'est par l'initiation (représentations et croyances imaginaires constituant des vérités existentielles qui s'incarnent dans des pratiques symboliques) que tous les individus se retrouvent dépendants les uns des autres, pris dans des liens politico-spirituels concernant tous les lignages, toutes les communautés. Ainsi, au-delà de la souveraineté du groupe sur son territoire, ses ressources, ses habitants, tous les individus s'unissent pour créer des lieux cérémoniels, en faisant appel aux esprits pour en recevoir de la force (dieux astraux et esprits de la nature).

Si le cadre conceptuel est resté le même pendant toute la fin du Paléolithique supérieur, l'importance attachée à tel ou tel thème a changé. Au Gravettien (-27 000 à -20 000), les grands herbivores (chevaux, bisons, aurochs, cervidés et bouquetins) se substituent aux animaux féroces de l'Aurignacien, attestant d'un changement thématique profond dans l'expression spirituelle. Ces animaux font davantage partie de l'alimentation, même si les rennes, la base alimentaire, sont très peu représentés. Les animaux, sexualisés, montrent la présence d'une notion de sélection dans la production, qui impose un contraste avec les pièces chassées et leur contexte historique.
On le voit très bien avec l'abri du Poisson (vallon de Gorges d'Enfer, sur la rive droite de la Vézère aux Eyzies-de-Tayac) : les animaux sont représentés en fonction du moment de l'année où l'abri était éclairé par la lumière du soleil. Le saumon au plafond de l'entrée (représenté grandeur nature - 1,05 m -, il est gravé et sculpté en bas relief, rehaussé de couleur rouge), orienté en direction du soleil levant de l'hiver, avec la mâchoire inférieure recourbée (bécard : attitude du mâle épuisé par le frai), est caractéristique de sa période de reproduction, uniquement en hiver (c'est d'ailleurs seulement à ce moment-là que le soleil est assez bas pour éclairer la gravure au plafond, dans la direction du saumon).

À Cosquer, dans le Massif des Calanques (près de Marseille), si la grotte profonde n'a jamais servi d'habitat, elle a pourtant été assidûment fréquentée, à en juger par les traces d'activité sur les parois, les superpositions de figures, les restes de feux et de torches. Deux périodes principales sont attestées : la plus ancienne entre -27 000 et -22 000, la seconde entre -17 700 et -16 000, correspondant respectivement au Gravettien et au Salpêtrien local. La question de l'abandon de la grotte se pose, puisqu'elle ne fut condamnée par l'eau que des millénaires plus tard et qu'on ne sait pas si elle fut visitée entre les deux périodes majeures de fréquentations ou après.
Au cours de leurs visites, les Paléolithiques sont allés partout : on trouve leurs traces dans des failles en hauteur comme dans des laminoirs, et leurs tracés digitaux sur des voûtes très basses ou hautes. Les zones périlleuses (Grand et Petit Puits, bords de fissures profondes) ont attiré de nombreuses œuvres. Pour ceux qui fréquentaient ces galeries et ces salles profondes, il s'agissait d'un véritable monde de l'au-delà, qui devait leur paraître étrange avec ses concrétions sur les sols et les voûtes, ses puits insondables et ses parois molles et perméables. Ils essayèrent d'en tirer parti d'un point de vue spirituel et matériel. Leurs actions révèlent la signification vitale qui lui était accordée et le rôle qu'il jouait dans les pratiques magico-spirituelles du temps.

Les chevaux, 63 en tout, représentent 36% du bestiaire. Le thème du cheval, dans un cas sur deux (31), est réduit au protomé (tête avec esquisse du poitrail et de la crinière, parfois avec le départ de la ligne de dos). Les rares animaux entiers (14) ne sont qu'exceptionnellement sexués, mais toujours avec un pénis. Les caprinés (28 bouquetins et 4 chamois possibles) et une antilope saïga constituent le second groupe le plus important (33), bien que près de deux fois moins nombreux que les chevaux. Parmi les 24 bovinés, on trouve 10 bisons et 7 aurochs, les autres étant indéterminés (quasiment tous les bovinés étant frustes et fréquemment ambigus, difficile à identifier avec certitude). Contrairement aux autres espèces, aucun ne porte de projectile barbelé ou empenné, et seulement deux sont affectés de traits rectilignes. Parmi les cervidés (17), on trouve 11 cerfs, 4 biches, et 2 cerfs mégacéros. Les signes les affectant sont peu nombreux. Parmi les 16 animaux marins, 3 pingouins noirs représentent, scène unique dans l'art pariétal, le combat de deux mâles pour une femelle. On trouve également 9 phoques au corps effilé qui, à une exception près, sont atteints par des projectiles. Les autres animaux sont peu nombreux, se réduisant à une tête de félin isolée et à trois animaux composites (à un corps et/ou une tête de cheval sont associées soit des cornes de bison, soit une tête d'élan).
On identifie en tout douze espèces animales (chevaux, aurochs, bisons, cerfs, mégacéros, bouquetins, chamois, félin, saïga, phoques, pingouins, élan), alors que l'on en dénombre que six à Niaux et neuf à Lascaux, où pourtant on compte plus de quatre fois plus de représentations animales qu'à Cosquer. Les compositions sont symboliques et ne constituent pas un reflet fidèle de l'environnement (pas d'astres, pas de végétaux, les scènes sont rares). La faune figurée se distingue de la faune consommée (même si un peu de cheval et de bison mangés, plutôt au Magdalénien). Le choix des espèces apparaît donc sélectif et constitue la charpente d'une mythologie complexe.
Le cheval (plus élevé que les bovins) incarne symboliquement la force et la vitalité (il se met à hennir avec concupiscence dès qu'il aperçoit sa jument) : c'est le masculin, souvent associé au royaume des morts. L'aurochs/ « taureau » est l'autre polarité sexuelle, psychique et spirituelle : il est féminin par sa puissance reproductrice et ses cornes « lunaires », à une époque où les humains n'avaient pas encore découvert le processus de reproduction ; par sa puissance, sa stature massive, il évoquait également l'aspect redoutable de la nature. Chez la plupart des cervidés, seul le mâle porte des bois (chez le renne, le mâle et la femelle portent des bois ; toutefois, les bois du renne mâle sont beaucoup plus grands que ceux du renne femelle). Les bois tombent et repoussent chaque année pour atteindre leur plein développement durant la période de rut. Ils jouent un rôle de caractère sexuel secondaire. La croissance se déroule de façon continue sur un an. Au cours de leur croissance qui débute au printemps, les bois sont d'abord recouverts d'un tissu tégumentaire (le velours) qui assure la protection, la vascularisation et l'innervation de ces organes. Ce tissu se dessèche et tombe lorsque la croissance osseuse est achevée (vers la fin de l'été). Les bois, devenus un tissu mort, resteront à nu pendant toute la période de rut. Après la période de rut, à la fin de l'hiver, le bois se détache du crâne et son emplacement reste marqué par un pédicule jusqu'à la croissance des nouvelles pousses.

On recense donc 177 animaux, un humain, 65 mains négatives, 216 signes dont 8 sexes (un phallus gravé sûr, un masculin et 6 féminins possibles). Sur ce phallus gravé, le gland, nettement marqué par un trait transversal, est surchargé d'un autre trait perpendiculaire pour représenter le méat (orifice externe de l'urètre), et bien que schématiques, les bourses sont figurées par deux cercles.
Des bris de stalagmites (surtout) et de stalactites, avec enlèvement des fragments et des prélèvements de mondmilch (ou « lait de Lune » : dépôt blanchâtre, formé d'eau et de calcite, qui ne durci jamais complètement), souvent associés à d'innombrables tracés digitaux, portant des dessins (animaux ou signes) ou des marquages particuliers, sont attestés dans toute la grotte sur des surfaces considérables. Partout où il fut possible de racler le mondmilch (« lait de Lune ») et de prendre ce « liquide quasi sec » blanc, cela fut fait. Comme à toutes les époques et sur divers continents, ces dépôts calcitiques réduits en poudre (ainsi que les stalagmites et stalactites écrasées), provenant de cavernes, furent largement utilisés en médecine pour le carbonate de calcium. Les effets bénéfiques de cette substance ne pouvaient que renforcer la croyance en l'efficacité des pratiques magiques dont elle devait être entourée. Cette pratique a duré très longtemps, ayant commencé et s'étant développé à la Phase I (vers -25 000 / -26 000), puis s'étant poursuivie au cours de la Phase II (vers -16 000 / -17 000).
Des piliers et massifs stalagmitiques furent fréquemment marqués de traits noirs. Une stalagmite cylindrique évoque un sexe masculin : elle est cerclée, à 10 cm sous le sommet, d'un trait noir horizontal dans un rétrécissement naturel de la concrétion.
Des dizaines de stalagmites délibérément tronquées ont subi des percussions violentes. Presque toujours, les extrémités cassées ne se trouvent pas au pied des concrétions tronquées ni dans leur voisinage, pas plus que dans d'autres parties de la grotte (tout comme à Gargas, Hautes-Pyrénées ; à Hornos de la Pena, Cantabrie ; à Cougnac dans le Lot). Il faut en déduire que les fragments brisés ont été sortis de la caverne. Ce fait est à mettre en parallèle avec l'attitude des paléolithiques vis-à-vis de la paroi.

Les points, peu nombreux (14), sont rouges ou noirs. Les signes composés (grande catégorie, 48 éléments) sont formés de traits le plus souvent rectilignes : 15 signes en bandes développée, tous gravés ; les signes ovales (8) et sinueux (5) sont peu nombreux.

Parmi les motifs humains, les empreintes de mains négatives occupent une place prépondérante (quant aux symboles sexuels féminins, ils comprennent des gravures et des dessins noirs, certains autour de creux naturels). Leur total (65) classe le site parmi ceux qui, en Europe, en recèlent le plus grand nombre, derrière Gargas et à égalité avec El Castillo. Les mains noires sont majoritaires (44 et 21 mains rouges), tandis que les mains gauches dominent sur les droites (43 contre 22). Près de la moitié des mains (29) ont des doigts incomplets, comme à Gargas. Une douzaine de mains a été volontairement « annihilée » par incisions, raclages ou grattages. Les 35 mains noires près du Grand Puits ne portent aucune trace de telles actions. Les mains négatives, généralement robustes, appartiennent toutes à des adultes. Certaines, aux doigts effilés et aux attaches graciles, pourraient être féminines. Aucune n'est attribuable à un enfant. Pour autant, un enfant, au moins, eut accès au plus profond des galeries (on lui fit imprimer la main dans la surface molle de la roche, on rechercha pour se faire un endroit élevé et un adulte assez grand le souleva) ; enfant(s) et adultes n'agirent pas de même pour ce qui est de l'impression des mains sur la paroi.
Les tracés digitaux ont été faits partout où la surface des parois et des voûtes le permettait, souvent en des endroits improbables, comme l'extrême fond d'un boyau rampant, très haut sur la voûte, ou encore au bord du vide. Selon ces localisations et leur répétition, ce qui comptait, c'était le geste lui-même : imprimer sa marque sur le support pariétal signifiait aller au-delà des apparences, entrer en contact avec la puissance surnaturelle cachée au cœur de la roche, la libérer en incisant sa surface ou capter de la main une parcelle de son pouvoir.

Dans le groupe espagnol des cavités à gravure extérieure profonde, on a signalé des représentations animales similaires à l'intérieur de quelques grottes, comme le bison acéphale proche du Panneau des Mains du Castillo, sachant que des bovidés sont souvent associés aux couples de traits rouges de La Pasiega D.
Des parallèles entre ce groupe et les peintures intérieures se trouvent au Castillo, où un cheval jaune fut identifié près de bisons de même couleur sur le Panneau des Mains. Nous n'écartons pas non plus les chevaux rouges de Chufín, qui répondent au même schéma que les précédents bien que sans tête aussi rectangulaire, ou les aurochs jaunes de Candamo, au train antérieur surdimensionné et à la tête presque triangulaire, également accompagnés de nuages de points.
La relation entre les signes intérieurs de Chufín et de Llonín (surtout les barres et les rangées de points rouges) est connue depuis longtemps. À Llonín, les signes mentionnés sont associés à un humain de profil et à un signe serpentiforme, dont les seuls parallèles se limitent à un humain en vue frontale à Chufín, à trois humains de profil et à un serpentiforme gravé dans la Galerie des Anthropomorphes de Tito Bustillo, où des représentations de vulves sont également associées aux rangées de points, de barres, de signes laciformes (en forme de lacet) et de mains négatives. Dans la grande grotte ornée il y a une quinzaine de milliers d'années de Tito Bustillo (dans les Asturies espagnoles), un lieu retiré est consacré à un panneau entier tapissé de triangles pubiens (« le Camarin des vulves », un camarin étant une niche religieuse ou une révérence profonde), ailleurs, la caverne est décorée d'animaux (chevaux, rennes). D'ailleurs, ici comme dans quelques grottes (Gargas, Saint-Marcel, Roucadour), des alcôves peintes en rouge ou des fentes rougies évoquent des vulves féminines, la lumière des feux découpant dans le calcaire de couleur claire une entrée aux formes sinueuses et suggestives, ouverture de grotte qui fait penser à l'organe sexuel de la femme. Les vulves sont aussi présentes à l'extérieur de La Lluera II ou à l'intérieur de Micolón.
Les files de points, couples de traits, barres, laciformes, disques et mains négatives sont une constante, répétée à des degrés variables à Cudón, La Lloseta (avec un bison et deux chevaux sur le panneau du fond), Fuente del Salín, La Garma, Balmori ou Calero II. Toutefois, certaines des grottes du groupe à traits ponctués comprennent d'autres figures rouges, qui, comme pour les gravures, suggèrent une relation avec des phases anciennes. C'est le cas de Tito Bustillo avec deux chevaux ponctués dans la partie basse du Panneau principal, ainsi qu'une figure anthropomorphe comme celles de la Niche des Vulves, ou encore d'Altamira avec des mains positives rouges, des séries de points et des couples de traits associés aux chevaux rouges. La thématique de ces ensembles anciens, à mi-chemin entre Aurignacien et Gravettien, est centrée sur les bovidés (surtout bisons), avec une moindre présence des chevaux et des biches, et quelques conventions formelles qui dureront. De même, la position inférieure dans la stratigraphie pariétale des principaux panneaux de Castillo, Llonín, Tito Bustillo, Candamo, La Garma, suggère que les débuts de l'expression graphique, dans le Paléolithique supérieur cantabrique, se caractérisent par des signes (barres, laciformes, couples de traits, cercles, rangées et nuages de points) et des motifs anthropomorphes (en vue de profil et de face, vulves, mains négatives), alors que bovidés et équidés sont les animaux les plus communs. Les anthropomorphes (profils, vulves et main) de Tito Bustillo, associés à ce type de signes, pourraient dater de -31 000. En position inférieure, sur le Panneau principal, on trouve bisons, chevaux et vulves, ces dernières identiques à certaines de la Niche des Vulves.
Les données disponibles changent considérablement nos idées sur les peintures à traits ponctués. Au Gravettien, il semble que les éléments rouges augmentent, associés aux rangées de points et aux signes rectangulaires, alors que les représentations humaines rouges disparaissent quasiment.
La stratigraphie pariétale montre une phase initiale où la thématique humaine (profils, vulves, mains négatives) reste importante jusqu'au Solutréen. Elle est directement associée aux signes mentionnés à La Viña, El Conde, Tito Bustillo, Castillo, La Lloseta, La Garma, Chufín et Llonín.
Seules les rangées de points se prolongent jusqu'au Magdalénien. L'iconographie animale est moins abondante, avec des représentations isolées ou peu nombreuses (Llonín, Tito Bustillo et peut-être Altxerri), parfois centrée sur le binôme bovidé-équidé avec d'autres espèces moins communes (cerfs) et, parfois, avec des « animaux dangereux » comme on en connaît ailleurs à la même époque, tels que félins et ursidés.

On retrouve dans les grottes ornées de Combe-Nègre (dans le Lot, à la limite du Quercy et du Périgord) une impressionnante accumulation de ponctuations majoritairement noires (près de 480) et quelques-unes rouges (15). La première galerie, guère impressionnante mais pas inintéressante (zone ornée à faible distance de l'entrée, dessin d'une petite main négative dans l'axe du conduit fossile), se compose d'un étroit couloir descendant jusqu'à une minuscule rotonde où l'on ne tient qu'un par un, en position incommode. Qu'il s'agisse de l'une ou l'autre des galeries, leur accès devait être réservé à un (très) petit nombre d'individus. Nous sommes ici en contexte difficile, intime, voire individuel. Si la première galerie se range dans la catégorie des sanctuaires mineurs du Gravettien quercinois (-29 000 à -24 000), la seconde interpelle par son extrême pauvreté thématique. Cette profusion d'un signe aussi élémentaire que des ponctuations, isolées ou groupées, alignées horizontalement ou accumulées sur quelque point topographique remarquable (le cône de la première salle), avec des clins d'œil chromatiques qui interpellent (15 points rouges pour 140 noirs des registres horizontaux des deux principaux panneaux). On a affaire ici, dans ce sanctuaire, à une sorte d'appropriation des lieux pour quelque activité spirituelle que cette monotonie picturale rend encore plus énigmatique et plus que jamais cultuelle.
Les panneaux ouvrant et fermant le dispositif pariétal sont réalisés sur un même schéma : lignes horizontales de ponctuations noires associées à quelques rouges. Un panneau de treize ponctuations digitales noires, un petit bison noir, deux représentations de chevaux superposées peintes au doigt ressemblent aux canons et conventions de certains équidés du Pech-Merle.
Avec ces exemples, on voit clairement que les signes géométriques minces (des bâtonnets avec ou sans expansion latérale) sont des schématisations de phallus, les signes pleins (des ovales, cercles, quadrangles, souvent fendus par un trait vertical) des équivalents de vulves. On a ainsi à faire à un dualisme masculin/féminin : bisons, aurochs, triangles, ovales, rectangles et signes claviformes (en forme de clé) seraient « féminins » ; chevaux, bouquetins, cervidés, mammouths, points, bâtonnets et signes barbelés seraient « masculins ».


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6 janvier 2009 2 06 /01 /janvier /2009 15:44
L'attitude à l'égard du sexe résulte de l'interaction complexe des développements physiques et mentaux.
Chez les mammifères, la différence de taille entre le mâle et la femelle (dimorphisme sexuel) est en général associée à l'organisation en harem (comme chez les lions, les loups, les cerfs, etc.). Les mâles combattent entre eux puis le vainqueur devient dominant et s'approprie toutes les femelles du groupe. Pour autant, les femelles opèrent un tri sélectif sur le ou les partenaires, et le ou les élus doivent déployer bien des atours, la force n'étant pas la meilleure vertu. Ainsi, les babouins, à la réputation de mâles dominateurs, se révèlent d'habiles séducteurs : un jeune adulte use de démonstrations physiques impressionnantes pour s'imposer auprès des autres mâles, mais déploie des stratégies d'approche particulières pour séduire une femelle.

Chez les gorilles ou les singes hamadryas, le dimorphisme sexuel est très prononcé et la structure en harem est la norme. Les gorilles forment des groupes polygynes composés d'un mâle reproducteur et de quelques femelles non apparentées. Ce mâle a souvent le dos argenté, signe de maturité sexuelle (un mâle au dos noir - souvent le fils du dominant - peut aussi être présent dans le groupe, mais il ne dispose pas des mêmes privilèges de reproduction que le dos argenté).
Chez les orangs-outans, les mâles adultes occupent un grand territoire qu'ils patrouillent à la recherche de femelles en période de fertilité, les relations entre les mâles et les femelles étant plutôt limitées à la reproduction. Le mâle possède un sac laryngé qui lui permet de faire entendre un long cri puissant. Les mâles subadultes qui habitent le même territoire ne développent pas de caractères sexuels secondaires (comme le long cri) tant que le mâle à qui appartient le territoire y demeure. On a ainsi vu chez cette espèce de jeunes mâles violer des femelles lorsqu'ils sont sans territoire.

Chez les chimpanzés, le dimorphisme est moins fort, ce qui induit qu'un mâle dominant s'assure un accès privilégié aux femelles du groupe. Lorsque les femelles sont fertiles, une période de quelques mois tous les quatre ou cinq ans, elles exhibent alors des enflures sexuelles qui signifient l'arrivée prochaine de leur ovulation.
Toutefois, le mâle chimpanzé dominant n'a pas toujours l'exclusivité sexuelle et, s'il s'efforce de contrôler l'accès aux femelles, celles-ci s'autorisent des comportements parfois audacieux qui, en d'autres circonstances, seraient réprimés. Ainsi, les femelles sexuellement réceptives s'arrangent d'une manière ou d'une autre pour donner des rendez-vous galants au mâle qu'elles désirent, copulant souvent avec plusieurs mâles successivement. La chimpanzé se cache pour tomber dans les longs bras du premier venu qui peut être un second ou un jeunot, pendant que les mâles (tous apparentés père-fils-cousin-oncle-grand-père-neveu) sont prêts à s'arracher les bourses pour devenir « alpha », le premier, le chef. Les femelles chez cette espèce sont généralement exogames, c'est-à-dire qu'elles quittent leur groupe lors de la maturité sexuelle (essentiellement pour éviter la tentation de l'inceste père-fille).


Chez les Australopithèques (il y a quatre millions d'années), le dimorphisme sexuel est encore fort et net, indiquant une organisation sociale proche de celle des grands singes (harem ou droit de cuissage prioritaire), avec vraisemblablement un mâle dominant et une grande importance donnée à la force physique.
Les bonobos, ces « singes kamasutra » (les plus proches représentants des premiers Australopithèques), font usage du sexe dans toutes les circonstances (beaucoup de comportements sexuels en dehors des périodes de réceptivité) et dans toutes les positions (de face - les seuls avec nous à faire ainsi - ou en acrobatie) pour réguler les tensions sociales. On observe ainsi une activité hétérosexuelle entre adultes, des actes de tribadisme (c'est-à-dire des frottements génitaux entre femelles : comme chez le chimpanzé, les femelles changent de groupe lorsqu'elles atteignent la maturité ; afin d'être acceptées dans un groupe, elles approchent une femelle dominante du groupe avec qui elles auront des comportements sexuels et se toiletteront), les mâles pratiquent des joutes de pénis ou de postérieurs, les adultes et les enfants font l'amour ensemble (en fait, les petits sont souvent initiés par leur mère, sachant que le seul tabou s'observe entre mères et fils de plus de six ans). Le sexe est une composante naturelle de l'enfance chez les bonobos, et il va de pair avec les jeux et les soins qui accompagnent la croissance. Le sexe chez les bonobos paraît être une activité rapide, fonctionnelle et décontractée qui sert de ciment social, sachant qu'on a pu observer une synchronisation des cycles menstruels pour que toutes les femelles soient réceptives en même temps, histoire de bien délimiter le sexe-plaisir et le sexe-reproduction. On a d'ailleurs constaté chez eux l'insertion d'objets variés dans le vagin en vue de provoquer le plaisir sexuel.


Concernant la sexualité du genre humain, la bipédie a joué un rôle prépondérant en permettant le face à face (la vision étant fondamentale et modifiant véritablement les comportements) et une première induction de la sexualité (déduire des lois par généralisation des observations).
Concernant la morphogenèse corporelle et organique, rappelons que les lèvres vulvaires sont une innovation des primates les plus évolués, la vulve des quadrupèdes étant des plus « rudimentaire », faite au maximum de deux bourrelets bordant l'orifice vaginal. La position verticale de la femme bipède appelle ainsi le regard masculin sur le milieu de son corps, de dos comme de profil, la vision étant primordiale dans l'acte sexuel. Ni postérieur, ni totalement antérieur, l'organe sexuel externe féminin est donc à cheval sur le bas-ventre et l'entrecuisse dans une situation originale qui permet à la femme d'en montrer une partie tout en cachant le reste. La pilosité du sexe féminin (qui est propre à l'humain) est l'indice optique le plus flagrant chez la femme, sachant que le plaisir visuel, facilité par la bipédie, tient un rôle majeur dans les comportements sexuels.

Par comparaison avec l'humain moderne, les autres singes ont de minuscules organes génitaux mâles, les femelles n'ont pas de seins et sont velues. Mais ils sont facilement en mesure de distinguer les sexes parce que les mâles peuvent peser jusqu'à trois fois plus que les femelles.
L'humain, en revanche, est beaucoup moins facile à distinguer en fonction de la taille. Ainsi, les organes génitaux masculins et les seins féminins ont évolué pour faciliter la reconnaissance de l'autre sexe sur des créatures de taille et de forme similaires.
Si le pénis humain est plus grand et plus visible que celui des autres singes (sachant que chez eux ce sont les testicules qui sont plus gros), cela est dû à la pression féminine et à la volonté de virilité qui auraient permis l'allongement du pénis, mis en valeur par la bipédie et par la présence de poils principalement au niveau des organes sexuels.


L'évolution morphologique entre Singes et Humains, est également marquée par une nouvelle répartition des poils. Si leur perte est un désavantage, car elle induit une déperdition thermique, elle serait compensée par les vêtements de peaux (les premiers humains ont vécu nus tant que le climat le permettait ; il y a 60 000 ans environ, le refroidissement du climat obligea les humains de nos régions à protéger leur corps du froid et, constatant que les animaux qu'ils chassaient étaient mieux protégés par leur fourrure, ils eurent l'idée d'utiliser cette dernière pour en couvrir leur corps), et serait surtout la conséquence de la sélection sexuelle, qui dépend de l'avantage que certains individus ont sur d'autres de même sexe et de même espèce, sous le rapport exclusif de la reproduction. La sélection sexuelle serait à l'origine de la perte des poils chez la femme, dans un premier temps, car en l'absence de poils l'attirance des hommes pour les femmes est supérieure. Dans un second temps, les hommes auraient perdu leurs poils, à moindre mesure, à l'image des femmes. Une pilosité peu développée permet de prouver plus facilement à un partenaire que l'on n'est pas - ou peu - victimes des parasites (poux, puces, sachant que l'épouillage est une activité sociale marque de respect, d'amitié, de hiérarchie et de services rendus), et que l'on incarne de ce fait un reproducteur en bonne santé (la présence de parasites dénotant une mauvaise hygiène ou un manque de partenaires attentionnés à notre égard). Cette évolution ne fut possible que grâce à l'émergence de l'intelligence : l'humain étant capable de résister au froid en faisant du feu ou en se vêtant des peaux de ses proies, sa fourrure avait perdu de son utilité. Sauf en certains endroits précis : les poils pubiens ont survécu car ils servent à transmettre les odeurs à caractère sexuel émises depuis une zone moite et chaude, très riche en glandes émettrices de sueur.
On évoque également un système de reconnaissance du partenaire spécifique par perte des poils, sauf au niveau des organes sexuels (imberbes chez les autres singes), dans le but de faciliter cette reconnaissance. En ce qui concerne les attributs sexuels toujours, la bipédie, en masquant la turgescence (gonflement d'un organe dû à un afflux de sang) de la région génitale chez la femme, aurait induit le développement d'un signal sexuel compensatoire par la nudité des seins et des fesses. Le développement des fesses permettrait, de surcroît, le stockage d'énergie en grande quantité, sans gêner les mouvements bipèdes, le pouvoir reproductif de la femme étant lié à la quantité de graisse dans le corps. Les seins auraient par la suite « imité » les fesses devenues des objets sexuels.


Chez les babouins de savane, comme chez toutes les espèces, les relations sexuelles se limitent aux périodes d'ovulation des femelles, les exceptions étant très rares, comme chez les chimpanzés et les bonobos (ils règlent leur sexualité par leur mode de vie ; néanmoins, leur sexualité est davantage de l'ordre de la civilité).
Ce qui fait la spécificité de la sexualité humaine par rapport à celle des autres grands singes, c'est la perte de l'œstrus (état hormonal de réceptivité sexuelle commun à tous les mammifères). Cette disponibilité des humains a aussi ses limites car, bien que parmi les primates anthropoïdes l'homme soit doté du pénis le plus volumineux et long (le pénis humain est un peu plus important, relativement à la masse corporelle, que celui des autres mammifères), il est le seul à ne pas disposer d'un os périnéal ou pénien (l'anatomie du pénis humain se distingue de celle du pénis de la plupart des autres mammifères par l'absence de baculum, un os qui sert à ériger le pénis, ainsi l'homme ne peut pas rétracter son pénis dans son corps, comme les équidés), et la femme est la seule anthropoïde à connaître une ménopause. Le sexe, dont l'exercice permanent dans notre espèce fut un jour rendu possible par les caractéristiques de la sexualité féminine, a permis la régulation des comportements, rendant possibles d'autres activités (dont le travail).
Les bonobos sont assez pacifiques, leur sexualité, très développée, leur servant à surmonter les crises dans une communauté commandée par les femelles. Chez les chimpanzés, qui passent leur temps en luttes de pouvoir qui se traduisent par des conflits violents, ce sont les mâles qui commandent.


Les premiers couples de courte durée sont apparus avec la nécessité de s'occuper ensemble de la progéniture pendant au moins quatre ans.
Avec la marche debout (plus de 3 millions d'années), les mères ont dû porter leurs enfants dans les bras plutôt que sur le dos. Leurs bras occupés, former un couple temporaire leur serait devenu indispensable. Puis l'évolution s'en est mêlée : le cerveau grandissant, les bébés sont nés plus tôt pour que l'accouchement soit possible, les petits ont été assistés plus longtemps, et le temps de l'adolescence s'est allongé, de quoi inciter à rechercher des partenaires à plus long terme. Chez les autres mammifères, dans la plupart des cas, la femelle est instinctivement attachée au rejeton, le nourrit et s'en occupe jusqu'à l'autosuffisance. Un pas de plus dans l'évolution : le mâle entre en jeu et assume des responsabilités. Dans des sociétés sans médecine efficace, plus qu'à la dispersion sexuelle, le succès reproducteur était lié à la survie des enfants à laquelle la présence du père contribue ! De plus, l'œstrus (période de fécondité) n'étant pas visible chez la femme, la plupart des rapports sexuels n'étaient pas fécondants ! Ceux qui restaient avec les femmes avaient alors plus de chance de les féconder ! Ce qui était avant tout instinctif pour la mère devient maintenant éthique pour le père et le fruit d'un jugement plus ou moins conscient portant sur l'obligation de responsabilité. Nos fonctions psychiques représentent un saut existentiel et qualitatif. La reconnaissance de la responsabilité du mâle se traduit alors par un engagement contractuel et une forme de famille. Il fallait évidemment pour en arriver là comprendre le rapport entre la copulation et la génération, ce que l'homme a saisi assez tôt et a tendance à oublier. L'être humain est polyvalent et a un goût prononcé pour les extrêmes : pour se dépasser, il est près à conquérir l'espace et percer les secrets les plus profonds de la nature. Une fois qu'on eut compris et donc qu'on eut pu couper tout lien entre sexualité et fécondité, tout était permis. On n'eut plus à tenir compte des sexes. La course aux trésors du plaisir était lancée. L'espèce s'est prêtée à ce petit jeu de la versatilité à partir de son agressivité, de son instinct de possession, de son goût de la domination. La pulsion sexuelle, dont il est ici question, n'y échappe pas. La copulation ne suffisant pas, l'humain inventa la sodomie et la fellation, voire tenta ponctuellement la zoophilie. L'exploration est au cœur de l'espèce, pas toujours à son honneur.
Voyant qu'elle semblait plus prolifique, l'homme institutionnalisa assez tôt la copulation. L'acte sexuel avait un caractère spirituel pour le préhistorique, soumettant ainsi le commerce des sexes à de véritables rites, donnant naissance au contrat marital social avec serment, bénédiction, festivités, formes de famille et de mariage. L'idée même d'une réglementation (spi)rituelle exclut l'idée contraire de la promiscuité, du tout mélangé et indifférencié. Le refoulement de la sexualité, qui nous impose ainsi de renoncer à certaines formes de satisfaction pulsionnelle et d'abandonner nos premiers objets sexuels, constitue la mutilation la plus sanglante imposée au cours du temps à la vie amoureuse de l'être humain.
De nécessité, le couple est devenu chez nous modèle social, mais il n'en est pas pour autant un stéréotype obligatoire !
Pour certains, l'homme serait volage car ses ancêtres préhistoriques devaient courir les jupons pour répandre leurs gènes, tandis que les femmes s'attachaient à un mâle protecteur qui subvienne aux besoins de sa progéniture. En réalité, hommes et femmes sont tout aussi volages, toujours dans cet esprit de survie et d'amélioration génétique de l'espèce, mais les hommes aiment croire qu'ils sont plus infidèles que les femmes, et celles-ci sont bien contentes qu'ils y croient !
D'ailleurs, l'adultère aurait constitué un levier puissant d'évolution de l'espèce humaine. La démonstration est à peu près la suivante : si l'on considère dans une société officiellement monogame par exemple trois groupes de fitness (disons par exemple les beaux et forts, les moyens, et les peu gâtés et faibles), chaque groupe, pour des raisons de choix mutuel pratiquera l'endogamie interne, et ces groupes se perpétueront plus ou moins à travers le temps. Si en revanche une tendance à l'adultère se manifeste vers les groupes jugés à tort ou à raison comme plus enviables, alors leurs gènes se répartiront mieux dans la société en question !

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2 janvier 2009 5 02 /01 /janvier /2009 13:32
  • Animateur : Après quelques années de bons et loyaux services auprès des démunis du sentiment sensuel/sexuel, tu t’es donnée une nouvelle mission, et par là-même tu as lancé un nouveau "défi" à la société !
  • Ulla : « Moui, même si je ne me considère pas comme une missionnaire (déjà parce que je ne suis pas fan de cette position), mais plutôt comme une exploratrice de nouveaux champs d’action de la prostitution. En fait, ayant vu tout le bien physique et moral (qui en découle) que je pouvais apporter aux exclus de la vie sociale, j’ai commencé à m’intéresser à ceux qui sont le plus à la marge de la marge, ceux que la société cache sous le tapis de la "normalité" en les stigmatisant comme handicapés ou invalides ! En fait, ce que je ne supporte pas, c’est la façon dont on ignore, de manière plus ou moins prononcée, ceux qui ne sont pas/plus "dans le coup" : autant la "bonne société" s’efforce (avec plus ou moins de conviction) de remettre sur les rails ses frères et sœurs valides ayant connu des aléas de vie professionnelle, autant elle se contente de créer une société parallèle "light" pour les "pseudos citoyens" ayant un handicap physique/psychique de naissance ou après un accident de vie ! De mon point de vue, notre civilisation dite "moderne" (sachant que les "primitifs" pratiquent plus concrètement la solidarité, quitte à léser le groupe, mais justement pour que la communauté reste unie, chaque membre étant partie prenante du grand tout) fait tout ce qu’elle peut pour maintenir le handicap dans une sphère à part, dans mais parallèle au monde "normal" (entendu comme valide), tout ça pour ne pas être confrontée à la dure réalité (où nul n’est parfait) qui sous-tend qu’en-dehors de la validité point de salut ! Nous savons tous très bien que nous ne sommes pas à l’abri de "péter un câble", qu’un accident est vite arrivé, mais pour nous éviter de penser à cette "déchéance" et continuer à vivre comme des surhumains qui peuvent (et veulent souvent) tout, nous sommes tous prêts à ghettoïser des personnes présentant un handicap, quel qu’il soit, physique ou psychique, inné ou acquis !!! »
  • Je suis assez d’accord avec toi ! On le voit d’ailleurs très bien dans le monde professionnel où une personne en fauteuil roulant peut très bien travailler à un bureau sans adaptation spécifique, alors que souvent les entreprises préfèrent payer une amende (pour les boîtes de plus de vingt salariés il y a obligation légale d’y avoir un certain pourcentage de personnes ayant un handicap). Concrètement, comment exerces-tu ton activité et quelle est ta démarche ?
  • U : « Déjà, j’ai choisi de travailler à proximité des lieux où l’on s’occupe vraiment des personnes à handicap. Toutefois, pour éviter qu’on me prenne pour une pute qui ne cherche qu’à se faire de l’argent sur le dos de personnes qui ne sont pas en pleine possession de leurs moyens, j’ai d’abord commencé par expliquer aux équipes (tant médicales que sociales) en charge de ces personnes quel était le fond de ma démarche volontariste. Ces professionnels étaient plus surpris que choqués (certes les personnes handicapées passent de plus en plus souvent à la télé, mais leur sexualité reste un sujet d’incompréhension, de perplexité, de doutes et d’ignorance), mais ils me confirmèrent que mon initiative avait du sens. En effet, même si les choses ont – un peu – évolué, un infirmier me confirma qu’il n’était toujours pas évident pour des personnes handicapées de pratiquer l’amour-gigogne (sachant qu’avant, les directions des centres ne voyaient pas du tout d’un bon œil ces joyeuses gaudrioles, mais peut-on empêcher les gens de s’aimer ?), alors que les handicapés ont des sentiments, des désirs, des tourments, bref qu’ils sont/restent humains comme tout un chacun ! Intrigué par ma démarche, le personnel de santé m’aida dans mon étude des besoins en me permettant de discuter avec des personnes ayant différents types de handicap. Ne se sentant pas jugées, car moi-même étant en marge comme elles de la société, ces personnes s’empressèrent de me faire part de leur besoin d’intimité, de la nécessité d’avoir une vie sentimentale et sexuelle, de leurs difficultés dans la concrétisation de leur épanouissement sensuel (encore plus que les valides, même si le handicap peut rapprocher les cœurs) ! En effet, pour beaucoup, le plus simple était de s’adonner au sexe mécanique, par le biais d’une pompe à vide (appelée aussi Vacuum, elle simule une aspiration et fait monter le sang à la tête de nœud) pour les hommes, par le biais du vibromasseur pour les femmes. Bref, rien de très sexcitant ! Pour autant, en Hollande, au Danemark ou encore en Australie, les handicapés peuvent se faire payer des actes sexuels par des prostituées sur les fonds publics (par exemple en Hollande la sécurité sociale prend en charge cela jusqu’à deux fois par mois au domicile ; au Danemark, en Belgique, en Allemagne ou en Australie, les visites dans des bordels adaptés sont prises en charge ainsi que le transport). Partant du constat que tous les handicapés n’ont pas la chance de rencontrer l’âme sœur ou d’avoir une vie sexuelle, ces pays ont créé ce qu’on appelle pudiquement des services "d’aide sexuelle directe", proposant aux handicapés des soins pas tout à fait comme les autre : jeux sensuels, caresses, massages, tendresse, masturbation parfois. Plus qu’une forme de prostitution déguisée (les prostituées/thérapeutes sexuelles sont volontaires et s’adressent uniquement aux hommes et femmes en situation de handicap), il s’agit plutôt de la reconnaissance timide du droit universel de chacun à avoir une vie intime par le biais de soins érotiques donnés par des assistantes et des assistants sexuels spécialement formés. En effet, beaucoup de spécialistes estiment que la restauration de la fonction sexuelle joue un rôle majeur dans la réintégration sociale du blessé médullaire (touché à la moelle osseuse). Une telle considération a permis de conduire au concept même de santé sexuelle, celle-ci étant définit par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « l’intégration des aspects somatiques, affectifs, intellectuels et sociaux de l’être sexué de façon à parvenir à un enrichissement et à un épanouissement de la personnalité, de la communication et de l’amour ». Bien qu’elle ne se rapporte pas explicitement aux handicapés physiques, cette définition est particulièrement utile dans une démarche thérapeutique. Elle indique clairement que le problème, loin d’être purement sexuel, implique l’individu tout entier dans sa vie organique, psychoaffective et socioculturelle. Si bien que devant l’enthousiasme des personnes à handicap, les personnels de différents centres spécialisés m’ont laissé librement exercer mon activité si utile à leurs patients (de toute façon, je ne fais rien d’illégal, au pire on aurait pu m’embêter pour trouble à l’ordre pubis). J’ai donc choisi de travailler à proximité des établissements pour handicapés moteurs et psychiques (légers pour ces derniers, l’humain étant naturellement fourbe, je ne cherche pas non plus les ennuis, sauf si un médecin déclare son patient apte à gérer ses pulsions et les émotions sexuelles). Me sachant plus en sécurité avec ceux que la société juge anormaux (alors que la "bonne" société est truffée de sociopathes qui "s’ignorent" – ou plutôt qu’on feint d’ignorer jusqu’à ce que le drame arrive), je pratique des tarifs "sociaux", la peur en moins compensant les difficultés toutes relatives de ma nouvelle tâche, voire même je travaille gratuitement pour certains malades sans ressources, même si j’espère bien qu’un jour il existera une Couverture Sexuelle Universelle. J’estime en effet que je fais beaucoup de bien, autant sensuel (donc moral) que "bassement" physique (d’où aussi un meilleur rapport à ce corps qui pour une part fonctionne toujours comme avant, l’autre restant à rééduquer et à appréhender – certains ont besoin de prothèses insérées en permanence dans chacun des deux corps caverneux, le principe étant de redonner à la verge une rigidité la plus proche des conditions physiologiques), en développant de nouvelles sensitivités érogènes ».
  • Félicitations, car c’est vrai qu’il n’y a aucun mal à faire du bien et ces personnes en ont souvent bien besoin ! D’autant plus que grâce à cela tu as rencontré des personnes extraordinaires, dont une en particulier qui t’as tapée dans l’œil !
  • U : « Tout à fait !!! Touchée par l’humanité et l’optimisme des nouveaux acheteurs de mes charmes, j’ai littéralement craqué pour un client/usager/patient paralysé sous la ceinture (enfin sous le slip pour être précise, donc l’appareil sensuel/sexuel marche à peu près, après dépoussiérage) ».
  • Formidable ça ! Raconte-nous comment tout cela est arrivé s’il te plaît !
  • U : « Avec grand plaisir ! Faisant ma tournée habituelle des centres de réadaptation, une équipe soignante me parla d’un homme arrivé un mois auparavant suite à une chute de cheval, et qui avait le moral dans les baskets (ce qui, pour quelqu’un qui ne sent plus ses orteils, est encore pire que pour une personne bien campée sur ses deux pieds). Encouragé par d’autres handicapés qui me fréquentaient et averti par le personnel de mon profil et de mes possibles prestations, cet homme voulut bien me rencontrer, à la seule condition qu’il ne s’agisse que de discuter ! N’étant pas psychologue (puisque j’avais arrêté mes études du fait de mon passage dans la prostitution professionnelle, autre forme de "thérapie"), j’étais pour lui une simple connaissance avec qui il passait du bon temps, une copine qui le considérait comme l’homme qu’il était et non comme le paralysé que la vie avait fait de lui ! Pour autant, au gré de nos nombreuses conversations, je sentais bien qu’il se confiait de plus en plus à moi et qu’une affinité extraprofessionnelle était en train de se développer ! Tant et si bien qu’un jour, sans aucune arrière-pensée concernant mes prestations (dont il ne voulait d’ailleurs rien savoir, estimant que cela ne le regardait pas), il m’avoua que ce qu’il lui manquait le plus, au-delà du contact charnel, était de se sentir aimé, comme avant quand il était "normal" ! En effet, après son accident, sa concubine passait régulièrement le voir, tentant vaille que vaille de lui remonter le moral, chose plus que difficile quand le patient considère qu’il n’est plus que la moitié de lui-même ! Même si je pense qu’elle l’aimait vraiment, elle n’a pas supporté de le voir ainsi, non seulement en fauteuil roulant, mais qui plus est dans cet état mental (incompréhensible pour le commun des valides) où tout un monde et toute une conception de soi et de son corps basculent dans le rejet et le refoulement de sa vie d’avant, protection mentale pour tenter de supporter le présent et l’avenir en évitant de se lamenter sur le « qu’est-ce que je suis devenu ? » et le « c’était mieux avant, mais tout est foutu à présent ! ». Toujours est-il qu’elle avait fait ce qu’elle pouvait, mais vu que lui n’avait pas eu le déclic de s’en sortir, c’était quasiment peine perdue ! De mon côté, étant donné que je ne l’avais pas connu auparavant, je le voyais et je le prenais tel qu’il était, avec ses qualités et ses défauts, mais ne considérant nullement que son handicap soit une "tare" ! Ainsi, au fur et à mesure de nos fréquentations purement amicales, voyant que le courant passait décidemment plus que bien, je lui proposai que l’on se rencontre dans un autre contexte que le centre de réadaptation. Nous sortions au cinéma, au restaurant, bref tout ce que l’on fait quand on est bien avec l’autre et qu’on veut passer de bons moments avec lui/elle. Étant passée petit à petit de l’entraide humaniste à l’amitié, puis tendant irréversiblement à tomber amoureuse de lui, je voulais plus que tout au monde que cet homme paraplégique abandonné par ses moitiés (comme quoi, que ce soit sa moitié basse/physique ou sa moitié sentimentale, les deux lui faisaient désormais défaut) retrouve le goût et les plaisirs de la vie autant que de la chair ! »
  • Justement, comment sa situation de handicap joue-t-elle sur sa vie sexuelle ?
  • U : « Étant donné qu’il s’agit tout de même de choses délicates à aborder avec quelqu’un, d’autant plus quand on commence à avoir des sentiments pour la personne, dès l’origine de la présentation de mes activités aux équipes soignantes j’ai cherché à en savoir plus, tant du point de vue du vécu pratique des patients que des aspects théoriques élaborés par les soignants. Comme le comportement sexuel relevant des aspects somatiques est sous la double commande des centres encéphaliques du cerveau et des centres spinaux de la moelle dont le fonctionnement est de type réflexe, toute lésion de la moelle épinière chez l’homme conduit inévitablement à un dysfonctionnement génito-urinaire (chez la femme, les problèmes organiques semblent moins importants car l’atteinte neurologique n’influence ni la fécondité, ni le déroulement des rapports sexuels). Dans le cas de la paraplégie, elle est généralement associée à des troubles moteurs, vésico-sphinctériens (les sphincters gérant tant les contractions du rectum que de la verge/vagin) et génito-sexuels, dont la gravité varie selon le niveau de la lésion (sachant que la paraplégie complète engendre une absence totale de sensibilité et de motricité en dessous de la lésion). Ainsi, même si la plupart de ces hommes et femmes blessés médullaires présentent des troubles génito-sexuels, la médecine associée à une rééducation sexologique de qualité peut permettre d’en venir à bout, si bien que l’orgasme est possible ! Déjà, tout blessé médullaire peut opérer un transfert érogène, les paraplégiques ayant la capacité de déclencher les réactions orgasmiques par la stimulation de zones qui ne sont pas directement génitales : mamelons, lèvres, bouche, peau du cou ou toute autre partie sensible du corps (chez la femme, cette diffusion des zones érogènes semble se faire plus facilement). Ce transfert érogène dépend de l’acceptation du nouveau schéma corporel car pour les personnes handicapées, l’épanouissement de la sexualité reste lié à la capacité de faire le deuil des anciennes possibilités et à la valorisation de l’image et de l’estime de soi. Plus que pour d’autres encore, climat de confiance, relation amoureuse et affective de qualité sont prépondérantes, afin de bien faire passer le message que corps infirme ne veut pas dire (et loin de là) corps infâme !!! Pour ceux qui ont des dysfonctions érectiles, l’objectif est d’aboutir à une érection susceptible de répondre aux exigences relationnelles, et en cela la rééducation sexuelle est essentielle ! Avec la répétition des entretiens sexologiques et des explications autour de la nouvelle situation physiologique, la personne saura assez rapidement que la paraplégie ne signifie nullement privation de toute activité sexuelle. En effet, l’érection de type mécanique peut être déclenchée par la stimulation locale ou par certains attouchements en territoire sous lésionnel. Il suffit pour cela d’entretenir les zones réflexogènes habituelles (région périnéale, face interne des cuisses, marge anale), de même que certaines autres que l’on aura préalablement recherchées. Une partenaire (femme habituelle ou professionnelle comme moi) suffisamment disposée comprendra aisément que le succès de ces manœuvres intimes dépend en grande partie de ses propres initiatives et de son habileté. Directement en rapport avec le syndrome lésionnel, l’érection réflexe est une érection proche de la normale, qui s’obtient par une stimulation appropriée de la région génitale. Rare, l’érection psychogène est induite par l’évocation érotique et est ressentie par le sujet comme un vague besoin mictionnel (du latin mingere, « uriner »), s’agissant, dans ce cas, de simple dilatation molle de la verge plutôt que d’érection vraie. Les rapports seront évidemment très difficiles, voire impossibles. Quoi qu’il en soit, les troubles de l’érection, s’ils existent, sont facilement accessibles aux thérapeutiques (Viagra, pompes à vide, injections intra-caverneuses de prostaglandines – elles constituent pour certains d’authentiques prothèses chimiques, le produit étant injecté dans la verge par le patient peu avant chaque rapport). Si besoin est, on peut également recourir à des prothèses péniennes dont le principe est de redonner à la verge une rigidité la plus proche des conditions physiologiques. Il existe ainsi des tuteurs rigides ou semi-rigides insérés en permanence dans chacun des deux corps caverneux. Les prothèses hydrauliques sont mieux adaptées car elles permettent à la verge de conserver un état de repos et d’être commodément sollicitée à volonté, un réservoir hydraulique assurant le remplissage de deux ballonnets intra-caverneux gonflables au moyen d’une poire de commande installée dans les bourses. En revanche, l’éjaculation (qui peut fonctionner de manière réflexe) est très difficile à obtenir chez l’homme paraplégique au cours des rapports sexuels ou de la masturbation (certaines lésions médullaires autorisent une émission séminale, mais elles entravent le déroulement ordinaire de l’expulsion, l’éjaculation se faisant alors sans jets ni contractions musculaires, elle est qualifiée de "baveuse"), alors que chez la femme paraplégique la lubrification est le plus souvent possible, les caresses génitales ou l’excitation psychique suffisant souvent à la provoquer. En-dehors du coït, un vibreur (placé sur le frein du prépuce et qui vibre aux alentours de 100 Hertz avec une amplitude de 2,5 mm) permet, selon le niveau de la lésion et sa gravité, d’obtenir dans trois-quarts des cas une éjaculation. Heureusement que l’orgasme masculin ne se réduit pas à l’éjaculation ! Ainsi, le para-orgasme se définit par l’ensemble des manifestations associées à l’éjaculation : transpiration, augmentation de la tension artérielle, contractures des abdominaux, puis détente. L’intensité du para-orgasme est décrite par les hommes paraplégiques comme étant assez forte et euphorisante, quasiment équivalente à l’orgasme masculin. Malheureusement, les paraplégiques bas présenteraient des orgasmes émoussés, bien que l’introduction dans la relation sexuelle de la dimension affective et de l’imaginaire compense souvent, d’une façon ou d’une autre, certains déficits sensitifs. Heureusement pour lui, Andy (mon chou, mon chéri) a une paraplégie incomplète, c’est-à-dire qu’il a une persistance d’une sensibilité et d’une motricité volontaire en dessous de la lésion, en particulier dans le secteur du périnée (région entre l’anus et les parties sexuelles) ! Il souffre "juste" du syndrome du membre fantôme, mais je vais le lui activer pour le rassurer sur le fait qu’il marche toujours bien ».
  • Serait-ce abuser que de te voir à l’œuvre dans cette relation, comme nous l’avons fait jusqu’ici avec nos vêtements d’invisibilité ?
  • U : « Hum, cet homme-là c’est spécial car je tiens vraiment beaucoup à lui, mais je vais lui demander. Je ne pense pas qu’il refusera, car ça pourra toujours servir à d’autres personnes qui, comme lui (même si cela peut être sympa aussi pour les valides), sont passées par là et ont dû apprendre de nouvelles formes de sexualité ».

 

 

Andy a toujours évité les ennuis ; il se tâte, se méfie ! Ulla nous aide, « Dis-lui oui Andy, sois gentil ! ». Andy se gratte le coin du sourcil. Est-ce qu’il a envie ? Andy jette un œil à notre fille de joie et sourit ! Finalement Andy se hâte, il est un garçon poli et serviable envers autrui ! On rentre chez lui !!! Nous voici donc en mode invisible dans le nid d’amour d’Ulla et d’Andy. Nous allons assister à leur première fois, lui avec son "nouveau corps" et elle avec un éternel prospect "non client".

 

 

  • Ulla : « Je t’en prie Andy, mets-toi à ton aise sur le canapé. Je vais ranger ton fauteuil, tu n’en n’auras pas besoin pour déambuler dans notre septième ciel, très pair à pair ! À ce propos, que penses-tu de prendre du bon temps tout en voyageant dans des états modifiés de conscience ? ».
  • Andy : « Euh … c’est-à-dire ??? »
  • U : « Je suis convaincue que tout va bien se passer, et je vais tout faire pour, mais en attendant que tu te sois pleinement entraîné (notamment à l’orgasme par contraction des muscles du périnée ; pour les identifier il suffit, au moment d’uriner, de bloquer le jet en activant ces muscles périnéaux), ça peut être sympa qu’on consomme – avec modération bien sûr – des drogues qui te feront ressentir des sensations jamais éprouvées, histoire que tu reprennes pleinement conscience de tes possibilités physiques ! »
  • A : « Pourquoi pas, mais tu sais, je n’ai jamais touché à ça ! »
  • U : « Il faut un début à tout, et tu vas voir, tu ne seras pas déçu du voyage, d’autant plus avec une gentille monitrice comme moi !!! Pour te mettre en condition, je te propose en entrée des chapeaux de champignons magiques remplis d’une délicieuse farce à l’ail et aux truffes (malgré son effet délétère pour l’haleine… l’ail à une réputation de stimulant sexuel ; la truffe rend les femmes plus tendres et les hommes plus entreprenants grâce aux substances qu’elle contient, dont certaines sont très proches de la testostérone – hormone en lien avec le désir sexuel chez l’homme comme chez la femme ; les champignons magiques ouvrent en grand les chakras), suivis d’un space-cake (gâteau au haschisch, le cannabis démultipliant les sensations) au chocolat (qui stimule la production de neuromédiateurs au pouvoir euphorisant, notamment une substance nommée anandamide qui mime les effets du cannabis), le tout accompagné d’un whisky-coca (l’alcool pris en petite quantité, par son effet désinhibiteur, donne le sentiment d’une sexualité facile – même si le plaisir et l’excitabilité décroissent quand le taux d’alcoolémie augmente –, et l’effet stimulant de la caféine sur le système nerveux central fait ressentir une augmentation de la disponibilité sexuelle) ».
  • A : « Ma foi, pour une première fois dans ces conditions-là, autant essayer tout ça avec toi ! Je te fais confiance pour me faire planer psychologiquement et encore plus physiquement ! »
  • U : « Tu vas être bien servi Andy mon chéri, tu seras bien en goguette [1] ! En attendant que ça monte, que les effets fassent leur office, je vais déjà te délasser par un bon massage tout en sensualité exacerbée ! Pour préparer la phase de décollage, rien de tels que des préliminaires à base de caresses pleines de tendresse : jeux de mains, jeux de câlins coquins ! En parallèle je vais bien me trémousser pour t’émoustiller [2], tout en te léchouillant les flancs de colline et en malaxant les testicules comme des boules chinoises pour calmer l’impatience !
  • A : Ah oui, je me sens déjà tout chose/chaud !!!
  • U : Je le vois bien que tu es tout content, tu remues la queue à coup de spasmes ! {Je vais descendre jusqu’à l’entrejambe afin de tâter l’effet que je lui fais. Parfait : il a les corps spongieux correctement dilatés, il arbore une belle rampe de lancement pour bien voyager dans ses plaisirs des sens ! Voyons ce que ça donne quand je lui fais des gorgées chaudes !}. Eh beh voilà : quand je te rabote avec ma langue (qui n’est pas de bois), ton rondin ne reste pas de marbre !!!
  • A : Pfiou oui, tu m’affoles de plaisirs et de gémissements torrides ! Je sens vraiment que ça monte, à tous les niveaux !!!
  • U : Et tu n’as pas encore tout vu ! J’imagine que ce sera aussi la première fois pour toi, mais laisse-toi faire et détends-toi bien, aie confiance !!! {Bon, je vais quitter l’épicentre cause du séisme dans son slip et voir comment il réagit en attaquant par derrière ! Je vais tenter l’orgasme par stimulation de la prostate ! Je commence en massant le périnée sous les testicules juste en avant de l’anus et je remonte doucement délicatement ! Il adhère, passons alors à l’étape suivante ! Allez, je toque à la porte des perceptions délicieuses/"délictueuses" avec mon doigt donneur d’orgasme, le sphincter s’ouvre ! J’introduis mon majeur en y allant très doucement, par petits cercles concentriques, et avec des rentrées-sorties pour surexciter tout le rectum ! Maintenant qu’il est bien dilaté, c’est parti pour stimuler la zone analogue à ce qui est nommé point G chez la femme, zone qui entoure l’urètre et le sphincter urétral ! Voilà, j’y suis, à deux/trois centimètres après l’entrée de l’anus vers l’avant, je lui masse longuement la prostate !}
  • A : Waouh, ça c’est des sensations voluptueuses ! Avec ce que tu m’as donné comme drogues avant, je ressens une profonde chaleur agrémentée d’intenses plaisirs : je décolle complet !!!
  • U : Hé hé, c’est fait pour ton bien Andy chéri ! Maintenant que tu es rassuré sur tes sensibilités bien éveillées, tu vas pouvoir pénétrer l’antre du plaisir ! En plus, je vais booster les effets que je te fais avec un préservatif à striures !
  • A : Ah zut, flûte, crotte alors ! Voilà que la machinerie, que tu avais bien huilée, se grippe avec un retour rapide de la flaccidité [3] !
  • U : Ce n’est pas grave, ce phénomène est fréquent et mal compris. Il suffit que j’utilise un élastique glissé à la racine du pénis : ce dispositif va s’opposer à un retour veineux brutal et à la détumescence [4], ainsi tout va bien se passer !!! Viens en moi, je vais te tendre et te détendre en même temps !!!
  • A : Ah oui, comme c’est bon, ça réveille en moi pleins d’émois oubliés ! Il faut que je m’accroche aux draps pour rester sur terre avant de vraiment m’abandonner au septième ciel !
  • U : Au contraire, vas-y lâche-toi ! Laisse-toi totalement submerger par ces sensations et envole-toi de jouissance !
  • A : Merci à toi, c’est juste énorme comme je suis en transe chimique hormonale des neurones !!! Par contre, je sens que je ne vais pas faire long-feu avant que n’éclate le feu d’artifices {s’il n’explose pas forcément, au moins qu’il implose} !
  • U : Attends, je vais calmer le jeu et on va tester l’injaculation, une technique orientale qui permet d’obtenir un orgasme sans éjaculation et sans période réfractaire. Je vais trouver ton point Jen-Mo (ou point Hui Yin), situé entre l’anus et le scrotum, et y appliquer une compression avant l’orgasme ! {Je parcours cette zone jusqu’à rencontrer un petit creux, voilà, et maintenant je fais une stimulation de longue durée}.
  • A : Parfait, en même temps je vais mettre en application mon entraînement qui consistait à reculer le plus longtemps possible la phase éjaculatoire tout en s’approchant le plus possible du pic orgasmique ! J’avais déjà identifié le point de non-retour (point au-delà duquel la phase éjaculatoire ne peut plus être maîtrisée). Cet orgasme est souvent plus fort qu’un orgasme avec éjaculation et peut durer jusqu’à plusieurs minutes !!!
  • U : Hummm, tu m’en diras et montreras tant !!!
  • A : J’en ai des friselis [5] de plaisir sur toutes les parties en vie ! En nous unissant, qui plus est à l’unisson, nous faisons un voyage horizontal à deux ! Ça y est, nous sommes, en même temps, au firmament de la jouissance ! Il y a de quoi rester coi après un tel coït : l’orgasme sous drogues est vraiment l’épanouissement de tous les sens, le nirvana qui pousse jusqu’au jouitième ciel [6].

 


 

 

 



[1] « Joyeux festin où la liberté est de règle » : être en goguette signifie être excité, être de joyeuse humeur, souvent grâce à des libations un peu trop abondantes.

[2] Mettre dans une excitation gaie qui porte à la jouissance, au plaisir : dérivé de amoustillé « qui est sous l’effet du vin nouveau ».

[3] État de repos de la verge.

[4] Retour à l’état de flaccidité de la verge.

[5] Légers mouvements souvent accompagnés d’un murmure, d’un doux bruissement.

[6] Dans l’Antiquité, on pensait que la Terre était le centre du monde. Les astres et les dieux avaient été imaginés dans des sphères de cristal, chaque sphère représentant un ciel. Il y avait alors un ciel pour chaque planète (soleil, lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne), soit sept au total (l’achèvement parfait). On disait à l’époque, lorsque l’on avait du plaisir à quelque chose, que l’on était « ravi au ciel ». Après que les théories de Galilée aient été démontrées, on garda « être au septième ciel », pour conserver une référence aux dieux dans l’organisation des astres.

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30 décembre 2008 2 30 /12 /décembre /2008 07:43

Catégorie : VII] Ni dieu ni maître : la spiritualité n’est pas mauvaise en soi, la religion si !!!

 

 

Fiche de visionnage n°40 :

Épisodes 151/152 (saison 10, épisodes 12/13) – Vas-y Dieu ! Vas-y !

 

 

 

Analyse philosophique des extrêmes : La religion est-elle nuisible au monde ???


 

Les pros : Richard Dawkins, Mme Garrison, les athées du futur,

Les antis : le Sage des loutres de mer.

 

 

Thèse : la religion est stupide et dangereuse ;

Antithèse : la religion est manipulée par les humains pour arriver à leurs fins ;

Synthèse : l’ennemi n’est pas la religion, mais le dogme absolu !

 

 

Il était une fois à South Park Cartman qui attend devant le magasin EV Games l’arrivée de la Wii. Sa mère vient le chercher pour aller à l’école, mais depuis qu’il attend sa sortie depuis des mois, il a l’impression que le temps ralentit chaque jour. Pour lui, c’est comme attendre Noël… un millier de fois. Il n’arrive tout simplement pas à être patient !

 

 

Introduction :

 

 

Les humains sont des animaux spirituels depuis qu’ils enterrent leurs morts, c’est-à-dire depuis 100 000 ans environ, que ce soit du fait de nos cousins néandertaliens ou de nos ancêtres sapiens !

La religion, avec son panthéon de dieux et ses structures institutionnalisées, remonte à environ 5 000 ans, « bizarrement » en même temps que l’apparition de l’état et de l’organisation hiérarchisée du pouvoir ! En parallèle, c’est également à cette époque que sont apparues les premières traces évidentes de guerres organisées, avec des soldats plus ou moins professionnels !

 

Compte tenu de ces facteurs et du fait que la foi ne soit pas logique en tant que telle, beaucoup pensent – dans notre monde actuel basé sur la science – que l’humanité se porterait bien mieux s’il n’y avait plus de religion pour dresses les humains les uns contre les autres ! Toutefois, c’est oublier un peu vite que souvent la religion n’est qu’un prétexte à la guerre, les humains se débrouillant très bien pour s’entretuer avec de tout autres motifs !

En somme, la religion est-elle nuisible au monde ???

 

 

Thèse en faveur de la religion comme nuisance inutile

 

De plus en plus de courants religieux remettent en cause la théorie de l’Évolution, allant même jusqu’à vouloir la censurer !

Depuis son invention au XIXè siècle par Darwin, la théorie de l’Évolution subit de nombreuses attaques. Au cours du XXè siècle elle a été sérieusement chahutée par divers mouvements religieux, jusqu’à ce qu’elle soit définitivement entérinée dans le corpus scientifique et les programmes scolaires. A présent, même si certains n’ont pas dit leur dernier mot et continuent de la décrier, elle fait clairement partie des cours de biologie et doit donc être enseignée, de préférence par des gens compétents qui seront capables de répondre à certaines interrogations concernant des trous dans la démonstration totale de cette théorie.

C’est exactement ce que rappelle la principale Victoria à Mme Garrison : l’Évolution fait partie du cursus de l’école et ils doivent donc l’enseigner ! M. Mackey rajoute en outre que cette théorie a été prouvée, mais de toute façon, précise la principale, les élèves veulent apprendre et ils sont assez mûrs pour manipuler n’importe quel concept ! C’est bien ce que déclare une fille à son père catho : elle veut apprendre des choses, même si son père s’y oppose et lui ordonne de se taire. En fait, le problème n’est pas tant l’enseignement de l’Évolution dans les classes, mais les compétences requises par l’enseignant. Et justement, la principale Victoria estime que Mme Garrison ne s’y connaît pas assez, d’où son remplacement pas Richard Dawkins, un scientifique évolutionnaire renommé dans le monde. Même si Mme Garrison considère que Dawkins est un stupide homosexuel et qu’elle peut enseigner à sa propre classe, cela ne changera rien : Mme Garrison ira s’asseoir dans la classe et aidera M. Dawkins à avoir ce dont il a besoin. Ce nouveau prof, compétent, explique : il y a plusieurs milliard d’années ont évolué de simples organismes unicellulaires dans toute la complexité qu’est la vie autour de nous. Ce fut des changements des traits héréditaires qui ont permis l’apparition du premier mammifère. Pour Mme Garrison, butée comme elle est, il s’agit de poissons-grenouilles retardés, mais Dawkins explique que c’est une simplification un peu brute. Poursuivant son cours, il ajoute que la vie a la merveilleuse faculté de s’adapter, de changer, comme nous transformer au point de se déplacer debout. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il s’agit de très grands nombres : l’Évolution n’est pas juste apparue par chance, en fait, elle était « destinée » (par les probabilités) à apparaître !

 

La religion, en tant que croyance, ne peut se baser sur des explications rationnelles ; elle fait appel à la foi plutôt qu’à la raison !

Une religion se construit sur la base de phénomènes extra-ordinaires afin de rassurer ses croyants sur le fait que tout est possible, ici-bas ou ailleurs dans un monde meilleur. De fait, on ne peut lui appliquer de raisonnement logique puisque par définition la part de rêve qu’elle nous vend repose justement sur la transgression des règles naturelles afin de nous permettre d’envisager un monde surnaturelle où rien n’est impossible, et sûrement pas la vie après la mort !

Au restaurant, Richard Dawkins dîne avec Mme Garrison. Lui qui trouve qu’elle est la femme la plus franche qu’il n’ait jamais rencontré, comme si elle était son âme frère, se désole qu’elle ne soit pas athée alors qu’elle a tellement de peps, de vie en elle. Même si Mme Garrison se dit assez ouverte, Dawkins ne peut comprendre pourquoi quelqu’un d’aussi franche qu’elle se donne à corps perdu dans cette entière philosophie de dieu. En fait, ce n’est pas tant qu’elle soit totalement dans l’esprit de dieu, elle pense juste qu’on ne peut pas réfuter dieu ! Dawkins se saisit de cette réponse : s’il lui disait qu’il existe un monstre spaghetti volant, est-ce qu’elle le croirait simplement parce que ça ne peut pas être réfuté ? Devant cet argument imparable, Mme Garrison change d’avis du tout au tout : c’est si simple, dieu est un monstre spaghetti ! Ses yeux sont enfin ouverts, et elle crie au monde qu’elle est athée à présent ! Dawkins est aux anges ! Mme Garrison a tout compris maintenant : l’Évolution explique tout, il n’y a aucun grand mystère dans la vie, juste l’Évolution … et dieu est un monstre spaghetti !

 

Il suffit de voir que les trois grandes religions ont le même dieu et qu’elles se font la guerre depuis des siècles pour comprendre que la religion est un sacré problème !

Depuis trop longtemps le monde connaît régulièrement des guerres sur fond de querelles religieuses ! Que ce soit entre religions ou entre différentes paroisses prêchant différemment le même dogme, les humains n’ont eu de cesse d’imposer par la force du sabre la doctrine de leur goupillon. Ainsi, s’il n’y avait plus de religion, une douloureuse épine serait enlevée du pied de l’humanité, qui pourrait alors enfin vivre en paix avec tous ses semblables, sans prise en compte de forces invisibles mais pourtant si nuisibles au bonheur de tous !

Alors que Mme Garrison s’est ouvertement moquée de Stan et de ses relents religieux, le soir-même Dawkins lui fait la morale, n’étant pas sûr que ce qu’elle a fait en cours était bien. Mme Garrison ne comprend plus, son homme lui avait pourtant dit que le monde serait meilleur sans religion ! Pour elle, il a juste été trop gentil avec les gens des religions dans le passé. Avec son intelligence à lui et ses couilles à « elle », ils peuvent changer le futur de ce monde ! Dawkins se met alors à imaginer un monde sans religion : aucun musulman tuant de juifs, aucun chrétien détruisant de cliniques d’avortement. Le monde serait un endroit merveilleux… sans dieu ! Mme Garrison est sous le charme de cet homme, le plus intelligent de la Terre : avec elle à ses côtés, rien ne l’arrêtera ! D’ailleurs, quand Cartman arrive dans le futur, on lui explique qu’il a vécu à une époque où un grand événement s’est produit, un événement glorieux qui a finalement réduit à néant toute religion. Maintenant, le monde entier est athée. En effet, il a connu à son époque la personne qui a fondé en premier leur merveilleux groupe : La Ligue des Athées Unifiés.

 

Antithèse en faveur de la religion comme bouc émissaire des malheurs du monde

 

Considérée sous certains aspects, la théorie de l’Évolution peut paraître plus que douteuse, ouvrant ainsi la voie à sa contestation, même par des scientifiques !

Lorsqu’on regarde la théorie de l’Évolution, on ne peut s’empêcher de trouver qu’elle est quelque peu capillo-tractée : même si cela se déroule sur des millions d’années, il semble difficile de croire que l’humain soit issu de bactéries qui ont évolué pour devenir des poissons puis des mammifères !

C’est ainsi que Mme Garrison enseigne aux enfants la théorie de l’Évolution, même si elle pense que l’évolution est un tissu de connerie, mais on lui a dit qu’elle devait quand même l’enseigner. Ça a été imaginé par Charles Darwin et ça donne quelque chose comme ça : au début nous étions tous des poissons pataugeant dans l’eau. Un jour, un couple de poissons a eu un bébé naze, et le bébé naze était différent, donc il devait vivre. Donc Poisson Naze est parti faire plus de bébés nazes, et un jour, un bébé poisson naze s’est faufilé hors de l’Océan avec ses mains de poisson mutantes… et il a enculé un écureuil ou quelque chose et ça a fait ceci, un écureuil grenouille naze. Lui-même a ensuite eu un bébé naze qui était un...poisson-grenouille singe…Et ensuite ce poisson-grenouille singe a enculé ce singe, et…ce singe a eu un bébé naze mutant qui a baisé un autre singe et…ça a donné nous ! Donc voilà : nous sommes la progéniture naze de 5 singes s’étant enculés avec un poisson-écureuil ! Félicitations !

 

Avec la recrudescence de certains mouvements religieux, de plus en plus de parents n’hésitent plus, choqués qu’ils sont par la théorie de l’Évolution, à demander une dispense de cours !

Depuis la chute du Mur et du communisme, bon nombre de personnes s’en retournent vers la religion pour trouver une voie de salut à un monde qu’ils ne comprennent plus. Par voie de conséquence, cela ressurgit sur l’enseignement de la théorie de l’Évolution, que certains refusent désormais ouvertement. En effet, au-delà du fait qu’ils puissent être choqués par cette vision trop scientifique de la chose, ils estiment que leurs enfants n’ont pas à entendre ce genre de sornettes puisque eux voudraient les élever uniquement selon les enseignements du livre (quel qu’il soit) !

C’est exactement le point de vue de Mme Garrison : estimant que la théorie de l’Évolution est le mal, elle qui fait attention à ses élèves ne veut pas remplir leurs têtes de mensonges : elle n’enseignera pas l’évolution dans sa classe ! Pour elle, l’Évolution est une théorie, une théorie écervelée qui dit qu’elle est un singe, alors qu’elle se considère clairement comme une femme ! Elle prévient la principale Victoria : ses élèves ne sont pas prêts à entendre ces sornettes ! D’ailleurs (même si c’est pour une toute autre raison, l’attente insoutenable de la sortie de la console Wii), Cartman à la fin du cours sur l’Évolution sort en hurlant qu’il n’en peut plus ! Mme Garrison avait raison, elle qui savait que ça arriverait ! Par la suite, une famille catholique dévote vient se plaindre à la principale Victoria : elle aimerait bien savoir pourquoi sa fille pense maintenant qu’elle est un poisson-grenouille retardé !!! Eux qui ont travaillé des années pour inculquer à leur fille les enseignements de Jésus Christ, ils estiment qu’en un seul coup de balais l’école essaye de détruire tout ce qu’ils ont fait ! Pour la principale, s’ils ne désirent pas que leur fille apprenne l’évolution de son espèce, ils peuvent la retirer de la classe. C’est bien ce que les parents comptent faire !

 

Quoi que l’on pense des religions, il faut bien admettre qu’elles ne sont qu’un prétexte pour déclarer une guerre qui aurait lieu de toute façon !

Alors que les religions institutionnalisées n’existent concrètement que depuis 5 000 ans, les guerres et la violence au sens large font partie de l’humanité depuis sa naissance, puisque même les autres animaux s’y adonnent, sous d’autres formes certes mais quand même ! Ainsi, la religion n’a jamais servi qu’à justifier des guerres qui étaient prévues par des chefs pour d’autres raisons, notamment économiques, territoriales ou de vengeance tribale ! Pour information, les dernières guerres des siècles passés n’avaient aucun lien avec la religion, même si elle a toujours pu être employé pour galvaniser les troupes contre l’ennemi, cet impie qui croit en autre chose voire en « rien » !

Cartman, dans le futur, se trouve au siège de la Ligue des Athées Unifiés, quand celle-ci se fait attaquer par l’Alliance Athée Unifiée ! Cartman explique qu’il est juste un petit garçon du passé qui veut jouer à la Nintendo Wii, mais il se fait embarquer dans le vaisseau de l’Alliance Athée Unifiée. Leur chef apprend aux loutres de l’Alliance des Athées Alliés qu’ils tiennent l’enfant du passé, et qu’ils sont donc à présent les athées au pouvoir ! Cartman participe ensuite à l’assaut de l’Alliance Athée Unifiée contre les loutres de l’Alliance des Athées Alliés, mais il se fait capturer par les loutres puis devient leur ami. Ayant faussé compagnie aux loutres, il se rend à une réunion de l’Alliance Athée Unifiée. L’Enfant du Temps y est revenu avec une information sur leurs ennemis jurés, l’Alliance des Athées Alliés : ils ont commencé à creuser pour des palourdes dans le secteur J7. S’ils leur lancent une attaque éclaire, ils peuvent détruire leurs réserves alimentaires. A la Ligue des Athées Unifiés, l’information circule que l’Alliance Athée Unie est prête à envoyer ses vaisseaux d’attaque pour anéantir les champs de palourdes de l’Alliance des Athées Alliés, laissant ainsi leur capitale sans protection. Ordre est donné aux troupes de se préparer à raser l’Alliance Athée Unie ! Du côté des loutres de mer, le chef révèle que l’Alliance Athée Unie a pris un morceau de la ville, bientôt ils vont envoyer leurs vaisseaux de guerre pour détruire leurs faux champs de palourdes. Et pendant que leurs navires seront ailleurs, la Ligue des Athées Unifiés tentera de les attaquer. Leur plan a parfaitement fonctionné : quand la Ligue des Athées Unifiés attaquera l’Alliance Athée Unie, ils entreront dans la bataille et les tueront tous ! Leur Science, leur réponse à la Grande Question, règnera ! Les troupes de loutres de mer s’enthousiasment : « Vive la Science ! Vive la Science ! Vive la Science ! ». Au nom de la Science toute-puissante, ils se doivent de tuer les mangeurs sur table !!! Au QG de l’Alliance Athée Unie, le temps est venu : que la Science leur donne le courage de faire ce qu’ils doivent faire, en commençant par lancer tous les vaisseaux de guerre sur le secteur J7 et prendre les champs de palourdes des Loutres ! Ce dont se réjouit la Ligue des Athées Unifiés : l’Alliance des Athée Unis a envoyé tous ses navires, leur capitale n’est plus protégée, l’attaque peut commencer aux cris de « Vive la Science ! ». De retour au QG l’Alliance Athée Unie, Cartman et autres doivent aller dans la salle de guerre, le seul lieu sûr ! En effet, la Ligue des Athées Unifiés attaque la ville alors qu’ils sont sans défense : les Loutres de mer gagnent du terrain, elles ont passé le portail Est ! Le boss de la Ligue des Athées Unifiés hallucine, se demandant bien ce que fout cette bande de loutres, puisqu’il s’agit de leur attaque ! Mais justement, les loutres de l’Alliance Athée Alliée les attaquent tous les deux, même si, comme le fait remarquer l’Alliance Athée Unie, ces abrutis poussent vers leur fin à tous !!! Après avoir tenté de négocier, la Ligue des Athées Unifiés se résout : ainsi soit-il, puisqu’ils ne peuvent se mettre d’accord, que tous se préparent à mourir !!!

 

Synthèse

 

Certains, plutôt que de nier bêtement la théorie de l’Évolution, s’en serve pour la retourner contre elle et la décrédibiliser par certains de ses aspects bizarroïdes !

Depuis que Darwin a défini la théorie de l’Évolution, et notamment le fait que nous descendons de singes, les opposants ont toujours nié avoir un quelconque rapport avec des macaques ! Ils ont alors utilisé cet argument, fallacieux selon eux, pour démonter la théorie en entier en arguant qu’il suffit de comparer les comportements des primates pour voir que nous n’avions aucun lien de parenté (si ce n’est peut-être avec le bonobo, notre cousin fou de sexe, qui lui préfère faire l’amour que la guerre).

Mme Garrison utilise donc l’argument selon lequel nous sommes tous liés aux singes, pour critiquer la théorie de l’Évolution : il suffit de les voir au zoo, chiant dans leurs mains et jetant leur merde sur les gens, pour voir que nous ne sommes pas pareils ! Mais Dawkins a raison de rappeler qu’il ne s’agit pas d’une théorie mais de faits scientifiques ! Mme Garrison est persuadée pour sa part que Dawkins serait embêté si elle croyait à cette merde et que lui irait en enfer ! Mais en fait non, puisqu’il est athée ! Mme Garrison est toute fière de l’avoir découvert, eu tel un serpent caché dans l’herbe, mais lui n’a jamais caché son athéisme ! Pour le pousser dans ses retranchements, Mme Garrison joue la comédie comme un singe, défèque devant tous les enfants dans ses mains et jette sa merde sur Dawkins. Qu’on ne lui demande pas ce qu’elle fait, elle n’est jamais qu’un putain de singe !!! Elle se défend ensuite chez la principale Victoria qu’elle essayait simplement de montrer un point précis à M. Dawkins à propos de l’incongruité de certains rapports scientifiques. La principale décide alors de retirer Mme Garrison de cette salle de classe, mais Dawkins prend sa défense. Il ne pense vraiment pas que ce soit nécessaire : certes, cette femme est vraiment persistante, mais elle fait attention à ses élèves ! La principale cède, mais ne veut plus de lancés de merde !

 

Quoi qu’on pense de la théorie de l’Évolution et même de dieu, l’un n’est pas forcément incompatible avec l’autre !

Aujourd’hui que la théorie de l’Évolution est largement acceptée et prouvée, certains pensent toutefois qu’elle ne remet pas fondamentalement en cause l’existence d’un dieu ! En effet, pour certains courants religieux non-intégristes, la science peut très bien expliquer comment nous avons évolué, sans pour autant rejeter la notion d’un grand architecte de l’Univers. C’est ce qu’on appelle l’intelligent design, à savoir qu’un dieu peut très bien avoir mis sa petite graine de vie sur Terre puis l’avoir laissée se développer selon des règles évolutionnistes scientifiques !

Alors que Mme Garrison affirme haut et fort qu’il n’y a pas de dieu, sachant que Dawkins tempère ses ardeurs en rappelant que la direction de l’école n’aime pas ce genre de discours, Stan intervient et précise qu’il pourrait encore y avoir un dieu ! En effet, pour lui, l’Évolution est la réponse au « comment », non pas au « pourquoi » ! Mme Garrison, sonne le tocsin d’alerte au naze, se moquant de ce stupide gamin qui croit aussi en un monstre spaghetti volant ! Elle prend alors sa chaise, et Stan dessus, et le met bien en face de tout le monde, dans le coin, en le coiffant d’un bonnet « J’ai la foi » !

 

Que la religion, en tant que dogme, ait mené à des excès en tous genres, cela va s’en dire, mais cela pourrait également arriver avec d’autres valeurs, tout autant dogmatiques !

Le fondamentalisme, en cela qu’il se définit par une vision étriquée mais absolue du fonctionnement du monde, n’est malheureusement pas le propre de la religion ! En effet, les capitalistes, les écolos, les végétariens, peuvent tout autant être sectaires s’ils placent leurs idéaux au-dessus de tout ! En fait, l’intégrisme se définit essentiellement par la croyance absolue en un dogme intangible, qui ne peut non seulement être remis en question, ni même relativisé : seul le dogme compte, et il a toujours raison, quitte à en devenir extrême dans son analyse concernant ceux qui ne pensent pas de la même façon !

On le voit très bien avec les différentes structures athées. Lors d’une attaque, une épine envoyée dans le coup fait exploser la tête du destinataire et Cartman s’esclaffe « Oh mon dieu ! », cela fait bien rire un membre de la Ligue des Athées Unifiés que Cartman croit au surnaturel, mais il n’est pas bien quand il reçoit une épine explosive et qu’il s’écrie « Oh ma Science ! ». De même, ils bénissent la Science comme un dieu ! Mais un vieux sage rappelle que ce n’est pas parce que la Science des autres les mène à une réponse différente à la Grande Question qu’ils ont le droit de tous les tuer. Malheureusement, le reste de la Ligue ne pense pas comme lui : leur réponse à la Grande Question est la seule et l’unique, leur Science est grande. L’important, pour eux, est de ne pas oublier la mémoire de leur grand Richard Dawkins qui a finalement libéré le monde de la religion il y a fort longtemps. Dawkins savait que la logique et la raison étaient les outils du futur. Mais il n’apprit que la logique et la raison n’étaient pas suffisantes seulement après avoir rencontré sa magnifique femme. Tous ceux qui ne pensent pas comme eux doivent paraître nuls ! Idem à l’Alliance Athée Unifiée, qui invoque l’aide de la Science, et qui espère qu’elle punira ces infidèles de la Ligue des Athées Unifiés. Pareil pour les loutres : même si elles sont civilisées, ils ne peuvent les tolérer ! Leur Science est défectueuse pour la « bonne » et simple raison que leur réponse à la Grande Question est différente de la leur ! Ce n’est guère mieux du côté des loutres, notamment lorsqu’elles s’équipent pour la guerre. Le Sage explique que ce n’est pas le chemin qu’ils devraient prendre, posant la question de savoir si plus de carnages amèneront à quelque chose de mieux ? Pour le chef des loutres, leur réponse à la Grande Question est la seule et unique basée sur la bonne science. Mais le Sage se demande bien si tout est vraiment dans les mots « science » et « raisons » ! Pour le chef, les autres ne sont pas une race logique : ils se promènent en arrachant des arbres pour en faire des tables, alors qu’ils ont de gros ventres pour manger dessus, se demandant où est la logique là dedans ?! Une loutre confirme que le grand Dawkins a dit qu’on ne pouvait tolérer ceux qui n’utilisent pas leur raison, et la question est bien de savoir s’il est raisonnable de manger sur du bois plutôt que sur le ventre ??? Le Sage a beau signaler que peut-être que le grand Dawkins n’était pas si sage : certes il était intelligent, mais, certaines des loutres les plus intelligentes manquent complètement de bon sens. Pour lui, peut-être, que certaines loutres doivent croire en quelque chose, peut-être que juste croire en dieu fera exister dieu. Sur ces mots blasphématoires envers la Science et Dawkins, les loutres tuent le Sage ! Lors du combat final entre toutes les factions, tendant inexorablement à leur fin à tous, l’Alliance des Athées Alliés des loutres propose que les autres acceptent leur réponse à la Grande Question, et ils se retireront. Mais pour l’Alliance des Athées Unis leur réponse à la Grande Question est illogique ! La Ligue des Athées Unifiés estime que son nom est le plus logique, l’Alliance des Athées Unis pense que le sien a plus de sens, alors que les loutres de l’Alliance des Athées Alliés veulent qu’il y ait 3 A, jugeant que c’est un choix des plus logiques ! Finalement, ayant récupéré un appareil pour téléphoner dans le temps, Cartman arrive à joindre la maison de Garrison. Il demande à parler à M. Garrison, mais Dawkins (en train de baiser) indique qu’il n’y a que Mme Garrison, son ex-mari étant décédé. Cartman fait alors la boulette de révéler que Mme Garrison était avant un homme et Dawkins part en courant. Cela change tout le court de l’histoire puisque Mme Garrison l’envoie chier en lui conseillant de bien s’amuser à se moquer de dieu en Enfer ! Sur le point de retourner chez lui, Cartman demande s’il y a encore des gens en guerre pour défendre l’Athéisme, mais le futur a appris à se débarrasser de tous les termes en « isme » : ils ont réalisé depuis longtemps que les « isme » sont grands pour ceux qui sont raisonnables, mais dans les mains de personnes irrationnelles, les « isme » mènent toujours à la violence. Malheureusement, ce n’est pas pour autant qu’il n’y a plus de guerre dans le futur, notamment quand on voit la stupide guerre France-Chine où chacun pense avoir des droits sur Hawaii. Cartman est alors renvoyé dans le passé avec pour mission de révéler qu’aucune réponse n’est une vraie réponse ! La vérité est toujours ailleurs !!!

 

 

Conclusion :

 

 

Voyez, on se couchera moins bête car on a appris un truc  aujourd’hui : les certitudes engendrent la Vérité, mais même si la Vérité existe bien (sachant qu’elle sera toujours ailleurs), les certitudes elles ne sont qu’une vue de l’esprit !

 

Certains sont choqués par la théorie de l’Évolution, l’estimant douteuse, mais elle fait partie des cours scolaires et elle paraît finalement plus logique que la foi religieuse ! Pour autant, la théorie de l’Évolution ne remet pas fondamentalement dieu en cause, chacun pouvant toujours se faire sa propre opinion de la chose. Toutefois, même si beaucoup estiment que le monde irait mieux sans religion du tout, c’est se voiler la face : ce n’est pas la religion qui provoque les guerres, la plupart du temps ce sont les humains qui l’utilisent comme prétexte pour justifier des morts et des drames injustifiables !

 

En fin de compte, étant donné que la logique et la raison ne peuvent être de nouveaux dogmes, absolus, nous devons nous rendre à l’évidence que ce qui engendre le chaos est avant tout la propension humaine à estimer que l’on a raison et les autres forcément tort : s’il ne sont pas avec nous, ils sont contre nous ! Mais ce raisonnement est à la base de bien des tragédies ! Nous devons donc admettre qu’à des questions simples il peut y avoir beaucoup de réponses complexes, à nous de ne pas juger comme stupides ceux qui pensent différemment !!!

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19 décembre 2008 5 19 /12 /décembre /2008 10:35
• Animateur : Justement, en France, c'est à la suite de la Seconde Guerre Mondiale que les choses allaient concrètement changer.

• Historienne : En effet, même si dès 1935 il y eut un premier projet de loi visant la fermeture des « maisons », présenté par Henri Sellier, ministre de la Santé Publique sous le gouvernement de Front Populaire. Il fut adopté par l'Assemblée nationale, mais le projet fut rejeté par le Sénat (conservateur certes, mais d'habitude pas dans ce genre de sens). Il faut dire que les tenanciers disposaient de moyens de pression sur une partie du personnel politique qui, habitué de leurs établissements, dévoilait du coup ses petites manies sexuelles. Comme la prostitution accompagnait toujours les armées en campagnes (voire y était même organisée, comme à Bangkok lors de la guerre du Vietnam), les nazis firent fonctionner, entre 1940 et 1944, une véritable machinerie du sexe tarifé à l'usage de leurs soldats stationnés en France (les « maisons de tolérance » étant assimilées aux « spectacles de 3è catégorie » et obtenant leur rattachement au « Comité d'organisation professionnelle de l'industrie hôtelière »), Vichy assurant à la fois l'ordre moral, la surveillance policière des établissements (la « collaboration horizontale » n'étant pas seulement affaire de sexe, mais aussi d'argent et de répression), et la surveillance médicale de leurs employées. Dès l'avènement du Maréchal, puis l'entrée des contingents d'occupation sur le territoire national, les pouvoirs publics, français et allemands, firent de la réglementation de la prostitution une priorité : la rue pour les plus jeunes, les maisons « civiles » pour les irritables, les bordels allemands pour les mieux élevées. Prophylaxie des maladies vénériennes intensifiée de concert avec les nazis, mais pas seulement. Le gouvernement de Vichy imposa peu à peu un réglementarisme singulier, conférant à la maison de tolérance, sanitairement plus sûre, une forme d' « exclusivité » du commerce vénal : les tenanciers furent accueillis au sein des structures corporatives hôtelières, puis ils devinrent imposables fiscalement (1941-1942). Plus encore, l'État pourchassa les proxénètes, intermédiaires gênants dans ce nouvel organigramme et désignés comme les « responsables masculins de la défaite » (1940 et 1943). Pour autant, beaucoup de filles ne racolaient pas publiquement mais exerçaient en maison, ceci freinant considérablement l'ouverture d'une instruction du fait que la loi du 20 juillet 1940 restreignait la définition du souteneur à celui qui protège... le racolage public (même si l'on pouvait tout autant comparaître au titre de l'article 334 du Code pénal pour avoir fait office d'intermédiaire). Ainsi, toutes les femmes « en carte » draguant des soldats allemands en-dehors des maisons closes estampillées Wehrmacht ou tenue par elle (les FTP, résistants communistes, prirent volontiers pour cible les bordels, une manière comme une autre de nuire au moral de l'ennemi), étaient considérées comme un risque pour la sécurité, certaines prostituées patriotes venant en aide aux résistants (à qui elles donnaient des informations glanées sur l'oreiller, qu'elles cachaient ou dont elles abritaient certaines réunions). La règle était les « maisons d'abattage », temples du sexe à la chaîne, où des malheureuses promises à une décrépitude physique accélérée et aux maladies vénériennes, devaient contenter jusqu'à soixante hommes par jour en dix heures au moins d'activité. 1 500 femmes étaient encasernées à Paris dans des maisons closes et 6 600 autres exerçaient à même le trottoir (un nombre en baisse puisque six ans plus tôt on en comptait 8 000). Beaucoup étaient mineures, la majorité étant alors de 21 ans, et une grande majorité d'entre elles était atteinte de maladies vénériennes (astreintes réglementairement à une visite médicale hebdomadaire, seules 500 se présentaient, accueillies par seulement trois médecins). On comptait également 1500 lupanars dans toute la France, dont 200 pour la seule ville de Paris. Le secteur du plaisir tarifé constituait donc une entité économique non négligeable, doublée d'un lobby qui savait défendre ses intérêts (avec un « syndicat » occulte des bordeliers, l'Amicale des maîtres d'hôtel de France et des colonies, siégeant dans l'arrière-salle d'un café de la porte de Clichy, et regroupant les gros s-exploitants). Une réalité qui émut Marthe Richard, conseillère municipale de Paris (une des 9 élues femmes sur 88 dans la foulée de la Libération) mais personnage au passé tumultueux. Née en 1889 dans la Meurthe-et-Moselle, elle quitta le domicile familial pour s'en aller vivre la grande vie ... c'est-à-dire tapiner sur le trottoir nancéen avant d'échouer au bordel. Arrêtée, fichée par la police des mœurs, elle se découvrit syphilitique, ce qui ne l'empêcha pas de repiquer au tapin, à Paris dès 1907. Femme d'avant-garde, elle fut la sixième Française à décrocher le brevet de pilotage d'avion. Ecartée pendant la guerre par Vichy, où elle tentait de faire son trou, Marthe se retrouva FFI à l'été 1944 puis conseillère municipale de Paris. La Libération survint à temps pour mettre fin au cauchemar des tripots malfamés, et le rêve des uns fit les mauvaises nuits des autres. Nombre d'établissements s'étant montrés « tolérants » (et bien plus) sous l'Occupation (la France étant considérée comme une zone de repos pour les soldats allemands venant du front de l'Est), à partir de l'été 1945, Marthe Richard lança une véritable croisade contre les maisons closes. L'époque s'y prêtait plutôt bien : quelques mois plus tôt, certains patriotes (souvent tardifs) avaient mis les bouchées morales doubles, tondant en public les « traîtresses » coupables d'avoir pratiqué la « collaboration horizontale » avec les Allemands. Ainsi, soucieux de rattraper son retard à l'allumage côté Résistance, le parti communiste se lança dans un ultranationalisme virulent, lequel allait de pair avec un moralisme non moins agressif (la compagne de Maurice Thorez, secrétaire général du parti, conjuguant bientôt antiaméricanisme et lutte contre la libre sexualité ou le contrôle des naissances, « armes de l'impérialisme » ; l'URSS aurait fait disparaître, entre autres maux hérités du capitalisme, prostitution et homosexualité). Marthe Richard présenta donc son projet au conseil municipal de Paris le 13 décembre 1945, sous l'œil placide du président de séance André Le Trocquer (qui, ironie du sort, tombera en 1959 dans l'affaire de mœurs dite des « ballets roses », une affaire de prostitution de mineures). Le public y était presque entièrement composé de tauliers, de macs et de putains (avertis par leurs indics dans les milieux politiques). Le 17 décembre, le préfet de police de Paris se rangea publiquement aux raisons de Marthe Richard, décidant la suppression des maisons de tolérance dans le département de la Seine. Le président Le Trocquer semblait moins convaincu, il multiplia les artifices de procédures pour retarder le vote, qui fut un triomphe pour Marthe Richard avec 69 voix pour et une seule contre (un politique client d'un boxon sadomasochiste). Quinze jours plus tard, le dossier fermeture fut propulsé au niveau national. Voté le 17 décembre 1945, l'arrêté préfectoral fermant les maisons closes dans le département de la Seine fut publié le 21 janvier 1946, le lendemain de la démission de De Gaulle (en guerre ouverte avec l'Assemblée constituante). Le 9 avril, la proposition de loi arrive enfin en discussion. Le 13 avril, la loi stipulant que toutes les maisons de tolérance seront interdites sur le territoire national fut promulguée, accordant un délai de six mois pour fermer les maisons. Sa campagne anti-maisons closes lui valut des attaques du lobby des tauliers (qui devaient déjà participer à la reconstruction du pays en payant l' « impôt de solidarité national »), associé à la police (qui d'autre serait au courant de son fichage d'antan à la Mondaine ?), son passé tumultueux (héroïnomane, arriviste, mythomane, collabo, résistante) remontant à la surface.

• Animateur : Pourtant, cette solution n'en fut pas réellement une, ni à long terme ni même à court terme ?

• Historienne : Persuadée de tirer un trait sur ce passé sulfureux, la classe politique (qui avait également quelques accointances avec le milieu) décida la fermeture des maisons closes. Mais les politiques ne réalisèrent pas alors qu'ils ouvraient ainsi la boîte de Pandore, la prostitution non contrôlée proliférant, pour le plus grand profit des proxénètes. La fermeture des maisons closes en avril 1946 fut ainsi ressentie comme une grossière erreur par les policiers, les proxénètes « accrédités » étant leurs meilleurs informateurs (pour prix de leurs services, ils obtenaient un « condé », l'oubli d'un délit, la faculté de violer impunément la réglementation) et les tauliers/tenancières étant leurs meilleurs auxiliaires dans ce milieu où le crime est souvent lié à la débauche. Avec la fermeture des « maisons closes », il y eut un renforcement de la lutte contre le proxénétisme, la création du délit de racolage, la création du fichier sanitaire et social de la prostitution et de la surveillance médicale des personnes prostituées, ainsi que des dispositions pour la « rééducation » des femmes prostituées. Mais chassez la prostitution et celle-ci revient au galop : un an à peine après la fermeture, la police recensait déjà 200 lupanars clandestins (sans compter les bordels militaires fonctionnant dans les ports et villes de garnison - à la Légion étrangère, on appelait le lupanar un « pouf »). De fait, dès 1947, il y eut des tentatives de réouverture des « maisons de tolérance », avec toutefois un vernis d'humanisme puisque la France adhéra à la Convention Internationale du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui ... mais ne la signa pas. Ratifiée finalement en 1960, la France avait pour autant crée en 1958 l'Office Central pour la Répression de la Traite des êtres humains (OCRTEH) dans le cadre du ministère de l'Intérieur, et modifia sa législation : intensification de la répression du proxénétisme (la cohabitation avec une femme prostituée devint un délit - d'où l'impossibilité pour elles d'avoir une « vie de couple normale ») ; création de la contravention dite « racolage passif » ; suppression du fichier sanitaire et social de la prostitution et de la surveillance médicale des personnes prostituées ; prévention et réinsertion des personnes prostituées. Les années de libération sexuelle virent le vieux débat revenir sur le devant de la scène, notamment avec en 1970 la proposition de réouverture des maisons closes (dénommées « cliniques sexuelles ») lancée par le docteur Claude Peyret, député UDR de la Vienne, et Jacques Médecin, député PDM, maire de Nice, mais plus étonnant encore avec le retour de Marthe Richard, cette fois pour proposer en 1972 d'ouvrir des « Eros Center » (accompagnée en cela par Kurth Köhls, un promoteur allemand et Jacqueline Trappler, qui se prostituait à Mulhouse). Mais ce fut également l'année du début de la fiscalisation des revenus des personnes prostituées.

• Animateur : Justement, à la libération sexuelle de tout un chacun allait succéder la Révolution des « mœurs légères » !

• Historienne : Qui plus est en 1975, année internationale de la Femme ! C'est d'ailleurs la première fois qu'il y avait participation à visage découvert de femmes prostituées, notamment avec « Ulla » dans l'émission télévisée des Dossiers de l'écran (à grand audimat). Ce que l'on a appelé plus tard la « Révolution de la prostitution » apporte non seulement un éclairage sur les conditions du passage à l'action collective d'une population aussi marginale et stigmatisée que les prostituées, mais aussi sur leurs rapports difficiles avec le travail social de l'époque (bien qu'elles avaient vu des éducateurs en maison maternelle ou en prison, qu'elles avaient connu des assistantes sociales, elles estimaient que cela n'apportait absolument rien, non que le personnel social n'accordait pas l'aide demandée, mais plutôt que les papiers traînaient des mois et des mois), sur la dimension affective qui imprégnait leur rapport à leurs éventuels proxénètes, ainsi que sur l'impitoyable stigmatisation que produisait alors une attitude policière centrée sur le fichage et la répression. En fait, le mouvement de 1975 survint à Lyon (puis fit tâche d'huile), dans un contexte spécifique de déstabilisation du milieu prostitutionnel après la mise à jour de divers scandales politico-financiers entre policiers et proxénètes lyonnais et par la poursuite plus sévère des prostituées par la justice et le fisc. La lutte des prostituées a débuté au printemps 1975. Cette action était destinée à protester contre la répression policière dont les prostituées lyonnaises étaient alors victimes : verbalisées plusieurs fois par jour pour racolage passif et régulièrement raflées, celles-ci étaient depuis peu menacées de peines de prison ferme en cas de récidive dans le délit de racolage, ce qui exposait celles qui étaient mères de famille à perdre la garde de leurs enfants. Trois jeunes filles avaient été frappées par cette loi. Alors les prostituées décidèrent que ces jeunes filles n'iraient pas en prison, et de ce fait, ont caché ces femmes. Et de là s'est déroulé tout un système qui a fait que les péripatéticiennes en avaient ras-le-bol parce qu'elles ne pouvaient plus travailler, ayant constamment sur le dos la police à la recherche des fuyardes. Pour un oui, pour un non, il y avait un « emballage » qui n'avait aucune raison. Leur ras-le-bol de la répression policière était très fort, mais affleurait aussi leur désir de parler d'elles, de leur vie, de leur santé, de leurs problèmes afin de faire tomber les préjugés qui les dégradent (la honte, la culpabilité, la méfiance, le refus d'une médiatisation racoleuse et d'une exploitation mercantile de leur souffrance). Les prostituées voulaient ainsi que l'opinion publique sache exactement ce qu'est une femme prostituée, que l'on supprime ce mythe de la prostituée au coin de la rue, bien maquillée, sans famille, sortant des bas-fonds, sans instruction, la bête, le sexe, et c'est tout : elles voulaient montrer qu'il y avait une tête, qu'il y avait un cœur, un sexe aussi, bref que les gens s'informent, parce que les prostituées étaient trop marginales. Par exemple, il y a une loi que les filles font elles-mêmes : si un gars tombe pour elles, c'est-à-dire si ce gars va en prison parce qu'il leurs a offert une amitié ou de l'amour ou de l'affection, leur point d'honneur est de l'assister en prison. Lorsqu'il ressort, qu'il est délinquant, qu'il ne trouve pas de boulot, elles continuent à l'aider même s'il n'y a plus rien entre eux. Alors là, ça en faisait un proxénète car on n'acceptait pas qu'une prostituée soit avec un homme à qui elle peut trouver autre chose que ce qu'elle trouve sur le trottoir, un peu d'intimité avec quelqu'un. Dans la même veine, à l'époque, lorsqu'une femme voulait se retirer de la prostitution, il fallait qu'elle aille se faire déficher, alors que le fichage (photographies et empreintes) n'était pas censé exister (du moins au motif de prostitution, donc les filles étaient fichées en tant que délinquantes). Beaucoup considéraient d'ailleurs que c'était la police qui les avait forcées à continuer de se prostituer, car parce qu'elles étaient fichées, c'était terminé ! Une centaine de prostituées lyonnaises, emmenées par leurs leaders Ulla et Barbara, décidèrent ainsi d'occuper en juin l'église Saint-Nizier à Lyon, d'abord parce que l'église était le seul endroit où les forces publiques ne pouvaient les sortir. Les prostituées étaient d'ailleurs soutenues par les catholiques du Nid et par des féministes qui faisaient le parallèle entre mariage et prostitution et pour lesquelles la prostitution était le paradigme de l'oppression d'une classe de sexe sur l'autre. Le Mouvement du Nid était certes l'allié privilégié des prostituées, mais il voulait les inscrire dans un mouvement de « conscientisation », pour favoriser la prise de conscience de leur « aliénation ». Leur influence se lut dès le début du mouvement dans la présentation publique des prostituées comme mères avant tout. L'encadrement social de la prostitution s'était mis en place au début des années 1960 lorsque que la France s'est ralliée aux thèses abolitionnistes (faisant ainsi reculer les positions dites règlementaristes) en acceptant de ratifier la convention de l'ONU de 1949 « pour la répression et l'abolition de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui ». Redéfinie juridiquement, la sexualité vénale devint une activité privée et seul le racolage était poursuivi. Les prostituées étaient considérées comme des victimes souffrant de handicaps socioculturels et étaient prises en charge par les travailleurs sociaux. Des associations privées, dont l'Amicale du Nid, fondée dans la mouvance des catholiques sociaux, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s'occupaient du traitement social de la prostitution. L'Amicale du Nid, composée de travailleurs sociaux salariés, était issue d'une scission, intervenue en 1971, avec le Mouvement du Nid, association fondée en 1949 dans la mouvance de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et dont les militants, entendant œuvrer pour un « monde sans prostitution », assuraient sur les trottoirs une présence humaine auprès des prostituées en détresse. Les membres du Mouvement du Nid ont joué un rôle important lors de la révolte des prostituées en mettant leurs compétences et savoir-faire militants au service de prostituées novices en matière d'action collective protestataire. Le considérable, et largement inespéré, retentissement médiatique de cette occupation rallia non seulement aux prostituées lyonnaises le soutien de plusieurs organisations politiques, syndicales et féministes, mais il incita également les prostituées d'autres villes (Paris - suite à la fermeture du service « Saint Lazare » où les femmes prostituées étaient conduites après les rafles par la police -, Grenoble, Marseille, St-Etienne et Montpellier notamment) à occuper à leur tour des édifices religieux, ce qui a contribué à ce que les filles se resserrent vraiment. Alors que le gouvernement n'aurait jamais pensé que les prostituées lyonnaises se révolteraient à ce point, et surtout qu'elles tiennent le coup aussi longtemps (dix jours), refusant de répondre aux demandes de négociation des prostituées (la secrétaire d'Etat à la Condition féminine de l'époque, Françoise Giroud, s'était déclarée « incompétente »), le gouvernement mit fin aux occupations par une évacuation brutale des églises par la police au matin du 10 juin. Critiqué pour cette brutalité et pour son indifférence au sort malheureux des prostituées, le gouvernement tenta alors de restaurer son image en confiant une mission d'information sur la prostitution au Premier magistrat de la Cour d'appel de Versailles, Guy Pinot. Les prostituées, de leur côté, ne s'avouaient pas vaincues et, tout en acceptant de se rendre aux consultations ouvertes par G. Pinot, tentaient de maintenir leur mobilisation en vie par une série de meetings (à la Bourse du travail de Lyon en juin et à la Mutualité de Paris en novembre) ainsi que par des actions protestataires sporadiques, telles le bombage à la peinture de sex-shops accusés d'être, bien plus qu'elles, des « incitateurs à la débauche ». Malheureusement pour elles, les obstacles que rencontre toute action collective d'une population dépourvue de tradition et de savoir-faire en la matière eurent rapidement raison de leur ardeur militante. Incapables de se doter d'une organisation stable apte à relayer leurs revendications dans la durée, affaiblies par des dissensions internes, les prostituées subirent également le contrecoup de la défection d'Ulla et de Barbara qui préférèrent le retrait de la prostitution et l'écriture d'ouvrages autobiographiques à la poursuite de la lutte. Dans le même temps, le « rapport Pinot », remis au gouvernement en décembre 1975 mais dont les recommandations ne furent jamais examinées, fut « enterré ». Peu après, un vaste réseau de proxénétisme fut découvert à Paris et sa responsable, « Madame Claude », devint une célébrité. En parallèle, pour défendre « la liberté et la dignité des femmes prostituées », des hôteliers marseillais qui s'étaient enrichis dans les quartiers de prostitution créèrent une association nommée Association de soutien des commerçants de Marseille. Ulla, leader du mouvement lyonnais de 1975, reconnaît aujourd'hui avoir agi sur ordre des proxénètes du milieu local. Respectivement considérées comme la chef de file et la « numéro 2 » du mouvement, Ulla et Barbara ont en grande partie construit leur légitimité de leaders sur leur capital scolaire de niveau bac, supérieur à celui de la moyenne des autres prostituées, ainsi que sur leur position relativement favorisée au sein de la hiérarchie interne au monde de la prostitution (liens avec le milieu des proxénètes pour la première, spécialisation dans la clientèle masochiste pour la seconde). Dans le cas d'Ulla, il existait des liens étroits, quasi indissolubles, entre elle et celui qui fut à la fois son mari, le père de sa fille et son souteneur. Liens qui passent par l'amour, les coups, les affaires tordues, les humiliations incessantes, mais aussi l'argent, les voitures de course, le luxe, accompagnés de l'insécurité et de l'errance. Ulla montre à l'envie que la prostitution n'est pas un métier comme un autre et surtout l'extrême difficulté, pour celles qui le souhaitent, à sortir du cercle prostitutionnel. Cette difficulté tient autant à une société où il est difficile d'échapper à son passé de prostituée, qu'aux liens personnels et étroits qui unissent les « protégées » et leurs proxénètes. Dans le cas d'Ulla, mais c'est vrai aussi pour d'autres, les proxénètes ont été de véritables soutiens, voire plus, au mouvement qui leur permettait de desserrer l'étau étroit du fisc et de la police d'alors (intensification de la répression du proxénétisme avec les lois des 9 avril - avant le mouvement - et 11 juillet - après). Ce fut le point aveugle du mouvement de 1975. Après le mouvement, il y eut le collectif des femmes prostituées. Il était important car ce n'était plus une ou deux personnes, mais il regroupait toutes les jeunes femmes qui étaient mises en cause, qui se sentaient touchées par le problème. De fait, les femmes ont eu à se connaître, à s'aimer, à se comprendre, choses souvent très dures dans ce milieu de compétition (plus entre proxénètes qu'entre filles, mais quand même). Alors qu'auparavant une femme qui était convoquée à la police y allait et se débrouillait toute seule, après la révolte elle était accompagnée de ses consœurs. Automatiquement les flics leur fichaient davantage la paix, les laissant un peu plus tranquilles. Après le mouvement, en 1978, Joël le Tac, député du 15e arrondissement de Paris, présenta une proposition de réouverture des « maisons ». En 1990, les associations de prévention se réclamant d'une démarche de santé communautaire après l'apparition du virus du Sida, firent ressurgir la question du contrôle sanitaire des prostituées. Michèle Barzac, médecin, ministre PS de la Santé, présenta un projet de réouverture des maisons closes. En 1994, la réforme du Code Pénal supprima la pénalisation pour cohabitation avec une personne prostituée (en parallèle, des faits de proxénétisme pouvaient être qualifiés de crime) ainsi que la pénalisation pour « racolage passif ». En bref, les choses n'avaient pas tant évolué que ça, même si certains fondamentaux furent apaisés !
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16 décembre 2008 2 16 /12 /décembre /2008 11:33
• Animateur : Faisons un petit aparté avant de voir comment la situation a évolué après la seconde guerre mondiale. Qu'en était-il de la prostitution en terres d'Islam, notamment les colonies et protectorats français ?

• Historienne : A l'époque anté-islamique et même par la suite (non du fait du Coran, plutôt à cause du poids des traditions), les femmes étaient dominées par les hommes, un homme pouvant épouser à sa guise et en même temps le nombre de femmes qu'il voulait. Les femmes dépendaient donc souvent du mari pour survivre ; de la même manière, il pouvait aussi en répudier autant qu'il voulait, la répudiation d'une femme par son époux la laissant sans droits et sans recours. Assez vite, ces femmes répudiées qui dépendaient de leur époux pour vivre, se retrouvaient dans la misère. Lorsqu'elles ne tombaient pas en esclavage dans le strict sens du mot, elles se livraient à la prostitution (qui est une forme terrible d'esclavage). La prostitution était donc exercée par des femmes libres, célibataires, veuves ou divorcées que la misère contraignait à faire commerce de leur corps, mais principalement par des esclaves travaillant pour leurs maîtres. En fait, le Coran ne condamne pas expressément la prostitution, mais se borne plutôt à interdire d'y contraindre une femme : il interdit la rétribution de la courtisane et les produits de la prostitution, moyen détourné de prohiber une activité jugée peu honorable, mais finalement considérée comme un mal nécessaire. La précocité des mariages chez les Musulmans, qui pouvaient prendre quatre épouses légitimes et autant de concubines que leur situation le permettait, aurait pu être de nature à limiter l'amour vénal. Cependant, bien des jeunes gens des milieux modestes ne pouvaient s'initier autrement, et le mariage légal impliquait des charges que les hommes du peuple n'étaient pas toujours à même d'assumer. Par ailleurs, l'interdiction prononcée par le Coran fut toujours aisément contournée par des proxénètes que l'appât du gain attirait, tandis que les facilités de répudiation jetaient à la rue des femmes qui n'avaient pas toujours la possibilité de retourner dans leurs familles. De fait, la prostitution n'a jamais cessé d'être florissante dans les pays musulmans (notamment du fait des nombreuses esclaves), même si la police les pourchassait, les promenant en ville après avoir eu la tête rasée (et elles étaient enterrées dans un coin spécial des cimetières). La galanterie fut de tout temps plus ou moins tolérée, mais même souvent reconnue par les autorités et soumise à des taxes qui alimentaient le trésor public. Il y avait ainsi des maisons publiques dans les divers villes islamiques (un lupanar à Suse - Iran - se situait près de la mosquée ; on pouvait mettre aux enchères les faveurs des filles publiques). Mais il existait bien des prostituées indépendantes, qui pour attirer l'attention, avaient souvent la poitrine nue, à l'image des prostituées sacrées, connues en Mésopotamie et en Inde, régions avec lesquelles la péninsule arabique commerçait et avait des échanges culturels et humains intenses. Nous savons, à partir des sources de l'Inquisition de Modène (1580-1620), que les femmes accusées de prostitution l'étaient moins pour leurs activités prostitutionnelles que pour leurs performances rituelles liées à un savoir sur l'amour dont elles étaient les seules détentrices (incantations, conjurations et oraisons). De même, l'islam orthodoxe des oulémas nord-africains s'accommodait mal des pratiques magico-religieuses des « filles soumises » (prostituées réglementées). Dans le Maghreb du milieu du XIXè au milieu du XXè siècle, les prostituées se situaient à la croisée de la tradition et de la modernité, du visible et de l'invisible, du permis et de l'interdit. Les prostituées étaient en effet souvent en rupture avec les obligations coraniques. Globalement indifférentes aux piliers de l'Islam, elles n'accomplissaient pas les cinq prières journalières, ne pratiquaient pas l'impôt rituel (zaka) et ne respectaient pas le ramadan (il y avait ainsi une forte intensité de la vie sexuelle des prostituées du quartier réservé de Casablanca pendant le mois de jeûne, ces dernières continuant de manger et de boire normalement). Par contre, les filles soumises du quartier récitaient la profession de foi musulmane (shahada) et elles pratiquaient l'aide ponctuelle aux indigents (sadaqa). Les rues et les quartiers réservés étaient d'ailleurs fréquentés, dans l'ensemble du Maghreb, par de nombreux miséreux qui vivaient des libéralités des filles soumises. En somme, les prostituées conservaient un rapport quotidien, mais sélectif, à la religion. Un rapport qui s'accommodait surtout de leurs conditions de vie et de travail à l'intérieur des espaces réservés à la prostitution. Dire la shahada, pratiquer la sadaqa et l'entraide, était une manière simple et non contraignante d'être dans l'Islam et de continuer à appartenir à la communauté des croyants (oumma). Donc de repousser la marginalité imposée par le réglementarisme colonial et d'une certaine manière aussi par la religion officielle des juristes musulmans (fuqaha). Dans cette entreprise, les prostituées formaient une alliance informelle avec les zaouïas (angle ou coin d'une maison ; au début, la zaouïa ne semble avoir été que le nom donné à la rabita - ermitage où se retire un saint -, mais par extension, la zaouïa, c'est aussi l'oratoire, les salles de réunion, les cellules des disciples et des étudiants), la protection des bandits, des voleurs et des prostituées étant chose commune et fréquente dans les zaouïas maghrébines « précoloniales ». Alliance logique puisque certaines zaouïas, comme celle de Sidi Rahhal, étaient renommées pour se livrer à la prostitution sacrée, tout comme la zaouïa de Sidi Ben Arous était de même considérée comme un lieu de débauche féminine. En effet, la prostitution n'étant en Islam ni un métier ni une activité commerciale, on ne légiféra pas dessus mais on y apportait des solutions d'accompagnement. À cette protection revendiquée au sein de l'espace sacré du sanctuaire (haram) s'ajoutait aussi une proximité géographique certaine, en totale opposition avec la centralité islamique des ulémas (en général, les quartiers réservés étaient localisés à l'opposé de la grande mosquée, point axial de la cité islamique). À Kairouan, les rues et quartiers réservés étaient souvent situés près des zaouïas et la moitié des maisons de prostitution étaient érigées en biens religieux (habous). En général, les prostituées étaient symboliquement désignées par le nom du saint du quartier où elles officiaient (les filles de Sidi Abdallah Guèche par exemple). De cette proximité géographique naissait une sorte d'intimité de situation et de sensibilité. Souvent marqués d'un sceau d'étrangeté (folie, pauvreté, infirmité...), les saints et les marabouts parlent en effet un langage que les filles publiques comprennent. Au point que certaines prostituées n'hésitaient pas à se faire tatouer sur le corps des motifs rappelant le rapport privilégié qu'elles entretiennent avec un saint. Bien qu'elles s'adonnaient à la zina (à la fornication), au kif, à l'alcool, et aux jeux de hasard, les prostituées se sentaient, à juste titre, « protégées » par le droit d'asile des zaouïas et « rachetées » par le droit d'humanité des saints et des marabouts. Cet étonnant lien entre profane/ halal (l'illégalisme sexuel des filles) et sacré/ haram (le monde des zaouïas), était apparemment quotidien et continu. De même, une prostituée pouvait rendre visite à une nouvelle mariée, l'aider à se parfumer, à se farder, à se mettre du henné (« La jeune personne sera aimée, car la prostituée a entre ses sourcils, sept fleurs magiques qui attirent l'amour »). De même, dans les petites villes tunisiennes, des prostituées, profitant d'un statut souvent considéré comme transitoire (en attendant un mariage éventuel), devenaient les initiatrices sexuelles des fils de la notabilité (telles nos filles de noces d'antan). Dans ce cas de figure, les filles soumises étaient invitées aux fêtes de familles « pour égayer de propos libertins femmes et enfants » et avaient ainsi une vie sociale très développée. Il existait donc bien une réelle dichotomie entre la nécessité apparente d'intégrer ou de réintégrer, à l'intérieur de la communauté, les individus prostitués et un mépris profond pour les activités prostitutionnelles (ce mépris viendrait du fait que les prostituées sont en rupture avec la qayda, la base/ règle religieuse : les prostituées reçoivent de nombreuses sollicitations d'hommes qui les méprisent puisqu'elles ont rompu avec la qayda - qui les veut voilées, claustrées et soumises à l'autorité du père ou du mari - mais qui les incitent avec ténacité à la débauche). En Algérie (débarquée le 14 juin 1830, le 5 juillet les troupes françaises firent leur entrée dans la forteresse d'Alger, le dey capitula le jour même), le monde des courtisanes et des concubines, celui des « femmes libres » auquel était attaché ce groupe (qu'on a cru faire disparaître avec l'arrêté du 12 août 1830 qui classa les filles publiques en « officielles » et en « clandestines »), allait resurgir pour se réorganiser autour de la nouvelle économie touristique. Marginalisées par le système réglementariste et stigmatisées par ses agents, les filles soumises étaient considérées de fait comme des exclues de la société coloniale (d'autant plus que la prostitution était perçue comme une pratique qui perturbait l'ordre social de la société coloniale, que l'on voulait morale selon ses propres référents, les prostituées pouvant, elles aussi à l'occasion, grossir les rangs des mécontents et des contestataires, entretenant ainsi un lien entre pauvreté, désordre sexuel et sédition sociale). Le régime colonial se dota donc d'un certain nombre de moyens pour maîtriser, canaliser et surveiller cette pratique (notamment à cause des maladies vénériennes qui hantaient les esprits). Ainsi, au café maure de Bou-Saâda, des jeunes filles des Ouled Naïl, couvertes de vêtements et d'ornements bizarres, dansaient au son d'une « étrange musique » (pour les Blancs). Alors qu'auparavant c'était au mezouard, un agent désigné au temps de la période ottomane, qu'il revenait d'assurer la surveillance des filles publiques et de lever l'impôt (institution qui fut reconduite pendant quelques temps par l'administration coloniale), en 1850, jugé archaïque, ce système fut remplacé par la police des mœurs. On affecta alors aux filles publiques un lieu spécifique, appelé « l'Asile des Naïlia », qu'on installa sur la place, bordée d'un côté par les boutiques indigènes, de l'autre par le Commissariat de police et la « maison d'école » : le quartier réservé était né. Organisé autour d'une cour centrale entourée de seize à dix-huit cabanons, dont chacun était destiné à loger deux femmes prostituées, il était nommé localement « Beit el kabira » (la grande maison), terme qui désigne en arabe une tribu de « grande tente » ou une grande famille. Le terme tabeg el kelb, la patte levée du chien, rappelle l'image abjecte qu'avait engendrée ce lieu. Un lieu qui resta, pendant longtemps, au centre de la vie économique et sociale de la cité. Au début du XXè siècle, au moment de l'émergence de la bourgeoisie puritaine et du réformisme religieux qui s'affirmèrent avec l'évolution urbaine de la cité, on annexa au bâtiment un dispensaire infirmerie-prison. Les filles publiques furent définitivement enfermées dans ce nouvel espace, dont elles ne sortaient plus que sur autorisation. Au cours des années 1930, la population de Bou-Saada atteignit 50 000 âmes : l'urbanisation et l'euphorie touristique aidant, la topographie de la prostitution allait dès lors se modifier. Autour de « Beit el kabira », déplacée sur les berges de l'oued, allaient s'établir peu à peu des maisons de tolérance. Elles formèrent la rue de la « tolérance », appelée communément la « rue des Ouled Naïl » (la mémoire évoque plutôt, z'gag el qanqi, la rue de la Lanterne, qui fut l'une des premières à être éclairée). La rue des Ouled Naïl était, à Bou-Saada, la plus animée de la ville. En apparence bien sûr, puisque la rue de l'amour et de la joie était aussi un lieu de mort et de bagarres, il ne se passait pas un jour sans que la police ou l'armée n'interviennent. En 1932, une bagarre entre clients qui se disputaient les faveurs d'une prostituée dégénéra en une véritable révolte qui souleva presque toute la ville. L'administration centrale avait même cru à une rébellion populaire suscitée par les nationalistes. Le Gouverneur Général y dépêcha une commission pour enquêter, le lieu de l'amour vénal étant de nouveau au centre de la cité, les voies y conduisant furent murées. Une manière de dénoncer l'infamie et de s'en distancer (comme à Alger, où faute de disposer d'un espace propre à la prostitution, l'inscription « Maison honnête » au frontispice des maisons indiquait la frontière à ne pas franchir ; ou encore à Tunis, où les portes des filles publiques étaient marquées d'une teinte rouge). A Bou-Saada, le recrutement se faisait dès le jeune âge, au sein de la famille, du village ou de la tribu (Yamina, à la redoutable réputation, avait mis à son service toutes ses sœurs et ses nièces). Pour les filles, le choix était limité : naissant et vivant au quartier réservé, l'avenir était assuré, le « métier » de maman étant le seul modèle à suivre. Quant au garçon, il devait apprendre un métier en relation avec le milieu (Shaush était le métier le plus prisé, le garçon administrait alors les biens de sa mère, de sa sœur ou de ses tantes). L'initiation à la danse, point d'entrée dans la prostitution, exigeait un véritable apprentissage. Il s'agissait là de « prostitution traditionnelle », en opposition à la « prostitution sacrée » (longtemps tenue pour être à l'origine de la prostitution en Algérie). L'entreprise « familiale » ainsi bâtie, son chef n'était autre que la dame de maison selon le règlement. Elle agissait en véritable patron face à l'administration qui lui imposait un règlement et exigeait d'elle des taxes. C'est ainsi que l'administration a été confortée dans son rôle, rassurée quant aux aptitudes de ses recrues. La vie quotidienne était organisée selon un calendrier établi par l'administration : les samedis et dimanches étaient réservés exclusivement aux militaires pour éviter tout incident avec la clientèle civile. Le mardi, jour de marché à Bou-Saâda, était réservé aux clients civils, voyageurs et commerçants de passage. Le reste de la semaine les prostituées recevaient surtout les citadins. Le programme d'une journée commençait le soir où, dans une première partie, on assistait à un « spectacle banal ». Et dans une deuxième partie, qui commençait très tard, venait le spectacle « des danseuses nues ». Aucun répit n'était accordé à la fille publique de Bou-Saâda, puisqu'elle était également sollicitée par l'administration pour animer les festivités officielles : on ne manquait pas le 14 Juillet, lorsque les filles publiques, dans leurs palanquins (siège installé sur des bras inamovibles et porté par des hommes dans les pays orientaux), défilaient aux cotés des militaires dans les rues de la cité. Après ce programme chargé, auquel la fille publique était soumise pendant ses années de jeunesse, sa gloire passée, vieillie par le temps ou par l'alcool, le tabac, et toutes sortes de boissons frelatées qui faisaient partie des nouvelles pratiques adoptées au quartier réservé, elle était abandonnée. Avec plus de chance, certaines finissaient tenancières de maison de tolérance. Parfois, les plus jeunes avaient la chance d'être choisies par un homme riche ou par un amant de cœur pour des épousailles que le prophète Mohammed autorise et même recommande aux croyants. C'est un acte de bravoure qu'un musulman se doit de faire pour sortir une femme de la déchéance (même s'il y a davantage de mépris porté à ces « épouses » que de respect pour la bravoure de l'homme). Leur réinsertion au sein de la société locale n'était pas chose évidente, ni acquise d'avance : elles y étaient admises - ou réadmises - à travers des rites de passage. Elles devaient emprunter des savoirs aux épouses-mères (celles dont les épousailles supposent des alliances entre groupes, la cousine étant la plus privilégiée), comme le tissage et la cuisine qui constituent un gage de reconnaissance. Conscientes de la fragilité de leurs atouts, elles cherchaient à se replacer dans la société comme bonnes ménagères. Les autres épouses, quant à elles, n'étaient pas indifférentes à la façon d'être de leurs nouvelles concurrentes, leur empruntant l'art de l'entretien du corps et de la séduction. Ce sont là des échanges qui montrent combien la société locale s'accommodait de ses déviantes : elle n'encourageait pas la prostitution qu'elle stigmatisait par toutes sortes de méthodes, verbales ou non, mais elle ne l'excluait pas complètement ; elle la tenait plutôt en respect. Au sein de la société locale, prostituée ou pas, la femme restait marginalisée, qu'elle soit dans la condition d'épouse-mère pour assurer la descendance ou dans un statut de femme de plaisir pour que puissent être assouvis les besoins sexuels masculins. Ballottée entre deux sociétés, la femme « indigène » restait donc une laissée pour compte. Ces pratiques qui viennent d'être décrites étaient méprisées par la société coloniale qui avait du mal à les comprendre et à les percevoir. Jusqu'au moment où la raison économique allait l'emporter : « L'Ouled Naïl » (un terme générique qui englobait des statuts de courtisane, concubine, danseuse et prostituée) allait répondre à cette demande. Les traditions prostitutionnelles, méprisées parce que représentatives d'une société « arriérée », furent reprises pour le compte et dans le cadre d'un tourisme « folklorisé ». Le syndicat d'initiative de Bou Saada inséra la « rue des Ouled Naïl » dans son programme de visite comme une « attraction touristique », et fit de la maison de tolérance une « maison de danse ». Une mise en scène dans laquelle la fille publique, consciente plus que jamais de son nouveau rôle, mit à contribution tout son savoir-faire. Mais le commerce sexuel n'était pas la seule chose visée, le syndicat d'initiative ayant introduit dans ses programmes des attractions essentielles, telles les soirées m'bita, nuitées de chants et de danses : les filles publiques exécutaient, pour les touristes, des danses locales, telle la danse naïli, accomplie par deux femmes qui vont et viennent en une démarche glissante et légère, ou la « danse de la bouteille » (danse étrangère à la tradition locale, qui fit son apparition pour la première fois au quartier réservé), où la danseuse portait une bouteille d'alcool en équilibre sur sa tête. La danseuse ne pouvait se présenter à son public et à ses clients qu'affublée du costume « traditionnel », costume qui ne diffère guère de celui des autres femmes. Mais il y avait bien sûr des spectacles plus attrayants, comme la « danse nue » : elle était exécutée en seconde partie du programme de la soirée, moyennant un supplément (aujourd'hui, certaines anciennes danseuses comptent parmi les notables les plus fortunées de la cité). Finalement, ce tourisme du « Ouled Naïl » reposait sur un mythe solidement échafaudé qui mit en échec la loi française du 13 avril 1946 (dite loi Marthe Richard) relative à la fermeture des maisons de tolérance.
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14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 09:30
• Animateur : Donc la Révolution n'a pas amélioré les choses, elle les aurait même dégradées. Comment réagirent les nouveaux régimes issus de la « rupture » révolutionnaire ?

• Historienne : Il y eut un véritable retour de bâton du pouvoir masculin. De nouveau, dans le mariage, la soumission de la femme fut juridiquement avancée comme un élément essentiel, obéissance « justifiée » par la tradition, par la nature et par la « raison ». Par sa docilité, la femme manifestait sa reconnaissance du « pouvoir qui la protège » (dans ce contexte, le mari agissait comme un proxénète, échangeant le fruit de son travail contre des prestations sexuelles, éventuellement en vue d'avoir des enfants) : elle se devait de « suivre » son mari, demander son autorisation pour témoigner en justice ou simplement pour travailler, ne pouvait plus gérer seule l'argent qu'elle avait gagné, ni acheter ni vendre des biens, et pour ce qui touche aux droits de succession, elle venait en dernier, derrière l'ensemble des héritiers (de fait, en cas de problème, c'était directement la rue). Dès lors, les mentalités conservatrices les plus traditionalistes retrouvèrent leur assurance et leur arrogance. De la totale soumission conjugale, il était temps de passer à l'assujettissement complet des femmes en leur imposant l'ignorance, seule cette dernière achevant de les enfermer dans une dépendance absolue et irréversible. C'était alors l'orientation générale de l'opinion qui allait marquer profondément le siècle qui s'installait. D'où ce constat brutal : la Révolution française n'a pas libéré la femme ! Et encore moins la prostituée !!! Même si la Révolution, le Directoire, l'Empire et la Restauration ne connurent guère de nouvelles mesures législatives, le Directoire, puis Napoléon (ainsi que l'ensemble des responsables européens), codifièrent l'organisation des maisons de tolérance. Si devoir vendre son corps est bien la pire des sujétions, pour saper le Code Napoléon, le phénomène de la prostitution et de la galanterie eut davantage d'efficacité pour la libération de la femme que l'intégration professionnelle réussie (même si le travail salarié fut un énorme levier d'indépendance pour les femmes, et, à terme, d'intégration dans la cité). Au début du XIXè siècle, pendant la période réglementariste, la prostitution n'était pas interdite, elle n'était que tolérée, d'où le nom d'établissements de tolérance. En effet, à cette époque, la société devint puritaine, la bourgeoisie installant son ordre moral. Le vocabulaire fut aseptisé, les gestes amoureux déplacés en public. On pratiquait l'acte sexuel dans le noir et souvent en restant habillé. Les prostituées étaient donc celles qui pratiquaient les caresses directes et les techniques buccales. La sexualité avait pour but - dans les liens du mariage - de procréer ; hors de ces liens, c'était une tolérance faite aux seuls hommes. Considérées comme vicieuses par nature, les filles publiques étaient étroitement surveillées et depuis 1802 devaient se faire inscrire et respecter un règlement (visites sanitaires d'aptitude, interdits touchant à la coiffure et à l'habillement, lieux et heures de racolage) pour pénétrer le monde officiel de la prostitution. Ce fut l'époque des maisons closes (opposées aux bordels beaucoup plus ouverts), appelées ainsi dans la seconde moitié du XIXè siècle car leurs fenêtres étaient souvent grillagées, fermées ou masquées pour empêcher les femmes de racoler en se penchant au dehors (la loi obligeait la façade de porter en gros caractère le numéro de la rue pour être clairement identifiable). Le XIXè siècle induisait en effet une certaine régularité de l'activité, une tarification des prestations, un anonymat relatif (en tout cas une absence de familiarité avec le client) et une surveillance policière et médicale doublée d'une dépendance économique et psychologique à l'égard de la tenancière de maison et/ou du proxénète. En découlait un statut officiel unique pour toutes les prostituées (celui de fille soumise) que ces dernières décident d'exercer leurs activités isolément (fille en carte) ou en maison (fille à numéro, la tenancière les inscrivant sur un registre) et des lieux de prostitution spécifiques (le bordel, le quartier réservé...), en un mot une économie du sexe financièrement rentable. Balzac disait d'ailleurs (dans la première moitié du XIXè siècle) à propos du Palais-Royal : « La poésie de ce terrible bazar éclatait à la tombée du jour. Dans toutes les rues adjacentes allaient et venaient un grand nombre de filles qui pouvaient s'y promener sans rétribution. De tous les points de Paris, les filles de joie accouraient « faire son Palais », décolletées jusqu'au milieu du dos et très bas aussi par-devant, portant leurs bizarres coiffures inventées pour attirer les regards. Ces femmes attiraient donc le soir aux galeries de bois une foule si considérable qu'on y marchait au pas, comme à la procession ou au bal masqué. Cette lenteur, qui ne gênait personne, servait à l'examen. C'était horrible et gai. La chair éclatante des épaules et des gorges étincelait au milieu des vêtements d'hommes presque toujours sombres et produisait les plus magnifiques oppositions. Les personnes comme il faut, les hommes les plus marquants y étaient coudoyés par des gens à figure patibulaire. Ces monstrueux assemblages avaient je ne sais quoi de piquant ; les hommes les plus insensibles étaient émus. Aussi tout Paris est-il venu là jusqu'au dernier moment ». Même si elles étaient considérées comme clairement dévoyées, les prostituées étaient aussi déclarées d'utilité publique. Ainsi, des filles s'exposaient dans les boutiques de gants, de cravates, de gravures et de photographies. Les « grisettes » (lingères, couturières, blanchisseuses, ...), victimes de l'insuffisance des salaires, étaient des « femmes d'attente » pour étudiants qui concubinaient avant le mariage. Vers 1860, les filles de brasserie s'installaient à la table des clients et les faisaient boire, puis les accompagnaient dans une arrière-salle. Les riches clients se rabattaient sur les « maisons de rendez-vous » où ils retrouvaient des femmes qui se prétendaient des bourgeoises honnêtes (épouses ou concubines insuffisamment entretenues, veuves désargentées, divorcées sans ressources ou jeunes filles sans dot). La fille entretenue (appelée « horizontale »), la femme galante et la prostituée de luxe ne représentaient aucun danger pour les classes dirigeantes auxquelles elles s'intégraient de fait, ainsi la police les laissait tranquille, craignant les réactions de leurs protecteurs. Mais le gros des effectifs de la prostitution était constitué des « insoumises », ces filles qui n'étaient pas inscrites ou avaient disparu des listes par refus de se présenter aux visites médicales, et leur nombre ne cessait de croître au fur et à mesure du développement des agglomérations (leur nombre aurait été multiplié par dix en un siècle). Elles déambulaient près des grands boulevards (« filles à partie »), à proximité des travaux de fortification et des anciens points d'octrois (« filles de barrière »), dans les fêtes foraines et les parcs (« filles à soldat »). Enfin, il existait les mineures, des fillettes entre 12 et 15 ans (les faux poids), recrutées par des camarades du même âge ou envoyées au bordel par leur propre famille (souvent par la mère ou d'autres femmes). A force de ne pas voir, les choses empirèrent. A partir du XIXè siècle, la police (mondaine ou non) prit le relais. La péripatéticienne concentra sur elle tous les contrôles, contrairement à son protecteur (du moment qu'il renseigne) et à ses clients (du moment qu'ils sont « respectables » - pour qui ? - et surtout discrets). Parallèlement à cela, après la guerre de 1870, les courtisanes recevaient à leur domicile et uniquement sur présentation. Les femmes organisaient alors des parties - « fines » - (dîners ou soirées qui pouvaient dégénérer) à la campagne ou dans des endroits retirés, réservées à des hommes fortunés. L'abolitionnisme, « croisade » d'origine protestante, occupa une place capitale dans l'histoire du féminisme. Ainsi, Josephine Butler (dont le célèbre texte, Une voix dans le désert, parut en 1875), déclencha une vaste campagne internationale contre « l'inique police des mœurs ». La « police des mœurs » illustrait ainsi la pérennité de pratiques qui remontaient à l'Ancien Régime (avec une lieutenance de police, créée en 1667 par Colbert, dont les pouvoirs sur les femmes de débauche perpétuaient ceux des prévôts de Paris), essentiellement avec des préoccupations d'ordre sanitaire. Ce XIXè siècle puritain, marqué par le sceau de la reconquête catholique, ne semble alors pas si éloigné des établissements d'Ancien régime : on y retrouve, en effet, le même souci de répression, par l'incarcération et la religion, des sexualités illégitimes et féminines. Considérées comme des « marginales », les prostituées étaient désormais traitées comme des « malades » qu'il fallait soigner. Le déterminisme, liant, dans un même mouvement, gènes et comportements, qui caractérisera la pensée de la fin du XIXè et du début du XXè siècle trouve, dès ce moment, ses racines profondes. La prostitution devait, comme les activités insalubres auxquelles on la comparait souvent, être réglementée, les préoccupations de voirie et d'hygiène s'accompagnant d'un souci moral et politique : le vice et la débauche des classes populaires (considérée, comme l'oisiveté, comme une menace de subversion de l'ordre social) devaient être contrôlés. Mais parce que ni le législateur ni la justice n'avaient jamais voulu se saisir d'une matière aussi délicate, ce fut à la police seule qu'était réservée la tâche ingrate et pénible de ces questions. Mais avec cette emprise, au lieu d'encourager les femmes inscrites à aller dans des maisons de tolérance (perçues comme des maisons d'abattage), la dureté du régime imposé aux filles en carte fit que le nombre des « disparues » (femmes inscrites qui ont manqué plusieurs visites sanitaires consécutives) augmenta largement (même si en parallèle un certain nombre de filles isolées se laissèrent emmener vers les maisons closes pour s'extirper des tracasseries incessantes de la police). Ainsi, la diminution de la prostitution close fut un phénomène irrémédiable depuis la fin du XIXè siècle, l'haussmannisation (ainsi que l'embourgeoisement des classes populaires et le développement des classes moyennes urbaines) ayant vu la prostituée sortir de la « maison » et des quartiers réservés pour s'offrir au centre des villes. Ces mutations du désir et de l'économie prostitutionnelle, la prolifération des insoumises qui y répondaient, accroissaient l'anxiété biologique qui accompagnait la révolution liée aux découvertes de Pasteur. Dans une fin de siècle obsédée par l'hygiène, l'idée de dégénérescence et le spectre de la dénatalité, les impératifs sanitaires nés du péril vénérien vinrent au secours d'une police des mœurs pourtant très critiquée pour ses pratiques et ses abus (la police Mondaine réglementait et surveillait les maisons de tolérance, terrain d'investigation propice à infiltrer le milieu, au risque parfois de succomber au charme ... de la corruption). Ainsi, Victor Hugo ne présente pas Fantine dans les Misérables comme une prostituée dangereuse pour la société, mais comme une victime de la dépravation et de l'hypocrisie bourgeoise ainsi que de la violence policière. Pour les socialistes, la famille bourgeoise, fondée sur l'accumulation et le transfert des biens par la dot et l'héritage, était le symbole même du système prostitutionnel ; la virginité et la fidélité, vertus exigées des filles et épouses de la bourgeoisie, étaient responsables de la frustration sexuelle des bourgeois qui allaient chercher auprès des ouvrières (dont le salariat était déjà une forme de prostitution) la satisfaction de leurs désirs et de leurs vices sexuels. On le voit bien d'ailleurs dans l'évolution des représentations de la poitrine des femmes, passant d'un sein nourricier à un sein érotique, alors que parallèlement à cela les épouses dans leur majorité n'avaient pas de plaisir sexuel, s'ennuyant, faisant tout pour éviter le rapport sexuel (une jeune fille bien ne parlait pas des attributs d'un homme, ce n'était pas possible). Mais l'origine véritable du fléau était une misère sexuelle générale, hommes et femmes confondus, qui touchait tous les milieux : de la jeune bourgeoise, sainte ou pouliche, dont le mari ne pouvait tirer qu'un plaisir honnête, aux célibataires qui, en ces temps de mariage tardif et de service militaire prolongé, ne pouvaient compter que sur l'amour vénal, en passant par les émigrés ruraux (et ceux d'Europe centrale et de Méditerranée) qui constituaient un prolétariat urbain majoritairement masculin et isolé, la prostitution apparaissait comme un mal nécessaire, discours qui fonde d'ailleurs le réglementarisme. Il fallait l'encadrer et la surveiller, mais certainement pas tenter de l'éradiquer, car c'était l'équilibre même de la société qui aurait été ébranlé par la disparition de « l'égout séminal » comme on disait ! Au-delà des conservatismes moraux et sociaux et des problèmes de natalité, ce furent bien les questions de santé publique qui inquiétaient dès les années 1870 : les abolitionnistes réclamèrent la fermeture des maisons, les prohibitionnistes exigèrent la répression de la débauche et des relations sexuelles hors mariage. Mais les députés et sénateurs répugnaient toujours à légiférer sur un sujet qui leur paraissait échapper aux lois de l'Histoire. Il faut d'ailleurs noter que le 16 février 1899 on retrouva à l'Élysée le président de la République Félix Faure mort dans les bras d'une admiratrice (on sut seulement dix ans après qu'il s'agissait d'une demi-mondaine dénommée Marguerite Steinheil, épouse d'un peintre en vogue - elle assassina plus tard son mari mais fut acquittée de ce crime). Avant de recevoir ses amies, Félix Faure avait coutume d'absorber une dragée Yse à base de phosphure de zinc. Ce médicament, le Viagra de l'époque, avait la vertu d'exciter les virilités défaillantes mais il avait aussi pour effet de bloquer la circulation rénale. Survolté par la prise médicamenteuse et l'ardeur de sa compagne, Félix Faure succomba non sans avoir arraché à celle-ci une touffe de cheveux ! L'aventure du président Félix Faure n'a guère scandalisé ses contemporains de la « Belle Époque », même si Georges Clemenceau eut ce bon mot : « Il a voulu vivre César, il est mort Pompée » ! Dans cette période qui précède la Grande Guerre de 14-18, les privilégiés donnaient libre cours à leur appétit de jouissance... peut-être pour mieux dissimuler leurs angoisses existentielles (ce fut l'une des rares époques où le taux de suicide des classes aisées se révéla supérieur à celui des classes inférieures). Le vieux Ferdinand de Lesseps (constructeur du canal de Suez), qui épousa à 64 ans une jeunette de 22 et lui fit 12 enfants, n'en continua pas moins de papillonner dans les maisons closes comme le voulaient les coutumes de l'époque (un policier affecté à sa surveillance rapporta sa visite à 3 jeunes prostituées, à 85 ans sonnés). Plutôt que de donner un cadre soit répressif soit libératoire créant une conscience sexuelle commune aux deux genres et à toutes les classes de la société, les parlementaires estimèrent qu'il fallait tolérer la prostitution tout en l'encadrant dans un but sanitaire, le reste n'étant que maintien de l'ordre et problème de voirie (cynisme sans égal de Gambetta : « La prostitution ? C'est une question de voirie ! ». Ainsi, en 1903, il y eut autorisation officielle du fonctionnement des « maisons de tolérance », sous le contrôle de la police, avec création du registre de police et de la carte délivrée aux personnes prostituées. Parallèlement à cela, pour lutter contre la « traite des blanches », les réglementaristes firent voter une loi condamnant le commerce des mineures et des majeures soumises à violence (la France approuva la Convention Internationale du 4 mai 1910 relative à la « traite des blanches » en 1912 et la Direction de la Police Judiciaire créa en 1913 la brigade des mœurs). C'est d'ailleurs à ce moment-là (en 1906) que l'on vit l'une des premières manifestations de femmes prostituées, qui se rebellaient dans les « maisons de correction » à Cadillac, Rouen et Limoges, après le vote de la loi du 22 avril modifiant l'âge de la majorité pénale, qui passait de 16 à 18 ans. Quoi qu'il en soit, au début du XXè siècle, les établissements de prostitution de luxe étaient très courus du Tout-Paris (des artistes aux hommes politiques en passant par les têtes - plus ou moins - couronnées, mais aussi des malfrats qui, l'Occupation venue, voisineront avec des officiers allemands), s'y montrer même sans « consommer » était du meilleur goût. Entre 14 heures et 5 heures du matin, une soixantaine de filles se succédaient pour contenter près de 300 clients... Cinq à six passes quotidiennes chacune, moins tout de même que les malheureuses qu'on prostituait dans les « maisons d'abattage ».
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